Livv
Décisions

ADLC, 12 décembre 2011, n° 11-DCC-179

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle conjoint par CNP Assurances et Mutavie SE de la société Axe France SAS

ADLC n° 11-DCC-179

11 décembre 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 9 novembre 2011, relatif à la prise de contrôle conjoint par CNP Assurances et Mutavie SE de la société AXE France SAS, formalisée par un projet de contrat de cession d’actions et un projet de pacte d’associés ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. CNP Assurances (ci-après « CNP ») est une société anonyme régie par le code des assurances. La CNP est principalement active dans le secteur de l’assurance à la personne en France, notamment l’épargne, la retraite et le risque prévoyance. La CNP dispose également d’un portefeuille immobilier au titre de ses activités d’investissement.

2. Mutavie SE, société européenne anonyme spécialisée dans l’épargne et l’assurance-vie, est une filiale de la société Macif. Cette dernière est à la tête d’un groupe de sociétés actives principalement dans le secteur de l’assurance de biens.

3. La société par actions simplifiée Axe France est une filiale à 100 % de la société de droit allemand Deka Investment GmbH. Elle détient la pleine propriété de l’immeuble objet de l’opération notifiée (ci-après « la cible ») situé à Paris (75).

4. L’opération notifiée, formalisée par des projets de contrat de cession d’actions et de pacte d’associés, consiste en l’acquisition de la totalité des actions de la société Axe France SAS. Le pacte d’associés conclu entre CNP Assurance et Mutavie SE requérant l’unanimité des actionnaires pour l’adoption des décisions stratégiques, l’opération conférera à CNP Assurance et à Mutavie SE le contrôle conjoint de la société Axe France SAS.

5. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint d’Axe France SAS, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L.430-1 du code de commerce. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Macif : 6,08 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; CNP : 32,3 milliards d’euros pour la même année ; Axe France SAS : 7,07 millions d’euros pour la même année). Deux d’entre elles ont réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Macif : 6,05 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; CNP : 26,1 milliards d’euros pour la même année). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, les seuils prévus par l’article 1, paragraphe 2, a) et b) du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sont atteints. Néanmoins, la CNP et la Macif réalisant plus des deux tiers de leur chiffre d’affaires en France, l’opération n’est pas de dimension communautaire. En revanche, les seuils fixés par l’article L. 430-2 du code de commerce sont atteints et, en conséquence, la présente opération est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES

6. Les autorités de concurrence nationale et communautaire ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers1 selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés2), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activités3), et (iv) la nature des services ou biens offerts4.

7. Concernant la segmentation selon la nature des services ou des biens offerts, la pratique décisionnelle a envisagé la distinction entre :

(i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;

(ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;

(iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers ;

(iv) l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;

(v) l’expertise immobilière ;

(vi) le conseil immobilier ;

(vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières, activité au sein de laquelle il peut être distingué entre la vente et la location d’immeubles5.

8. En l’espèce, les parties sont simultanément présentes sur le marché de la détention et de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre d’immeuble à usage de bureau. CNP et la cible sont également simultanément présentes sur le marché de la détention et de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre d’immeuble à usage commercial.

9. A cet égard, s’agissant de la segmentation du secteur selon la destination des locaux, le ministre de l’économie, tout en laissant la question ouverte, a envisagé une segmentation entre centres commerciaux et locaux commerciaux en pied d’immeuble6, ainsi qu’une segmentation des centres commerciaux selon leur taille, à savoir :

les petits centres commerciaux (PCC), dont la surface commerciale utile est comprise entre 5 000 et 20 000 m² et qui contiennent entre 20 et 40 boutiques (magasins et services) ;

les grands centres commerciaux (GCC), dont la surface commerciale utile est comprise entre 20 000 et 40 000 m² et qui contiennent entre 40 et 80 boutiques ;

les centres commerciaux régionaux (CCR), dont la surface commerciale utile est supérieure à 40 000 m² et dont le nombre de boutiques est supérieur à 80 ; et

les centres à thèmes spécialisés (CCT), par exemple, dans l’équipement de la maison et les boutiques de fabriquant.

10. En l’espèce, la cible, avec une surface de […] m² d’immeuble à usage commercial occupe une position très marginale sur chacune des délimitations possibles. Dés lors, l’analyse concurrentielle portera sur le seul segment de la gestion de bureaux.

 

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

11. La pratique décisionnelle considère que les marchés de services immobiliers à destination des particuliers sont de dimension locale. En revanche, les opérations relatives à des marchés de services immobiliers à destination des entreprises ont été analysés tant au niveau local qu’au niveau national7.

12. Les parties à la présente opération sont simultanément actives dans la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux en Île-de-France, plus précisément à Paris (75).

13. En ce qui concerne la région Île-de-France, le ministre de l’économie a relevé que « la région parisienne possède des propriétés particulières de continuité des zones urbaines. En effet, il existe une vaste zone très urbanisée et homogène recouvrant la majeure partie de l’Île-de-France, desservie par un réseau global de transport ; les habitants sont toujours en mesure d’arbitrer entre différentes parties de la région. Cette substituabilité entraîne une convergence au niveau des prix. Dès lors le niveau régional est le plus approprié pour l’analyse concurrentielle. »8. Pour les autres régions, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional. Au cas d’espèce, l’analyse sera donc conduite, pour l’Île-de-France, à l’échelle régionale et départementale.

14. La question de la délimitation exacte des marchés pertinents peut toutefois être laissée ouverte à l’occasion de la présente décision, car les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelles que soient les solutions retenues.

 

III. Analyse concurrentielle

15. Les parties notifiantes ont estimé le marché national de la gestion locative de bureaux à 105 millions de m². La nouvelle entité disposera donc d’une part de marché de [0-5] %.

16. En région Île-de-France, les parties notifiantes ont estimé la taille du marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux en volume à environ 45 millions de m². La Macif et la CNP gèrent respectivement environ […] million de m² et […] m² de bureaux dans cette région soit moins de [0-5] % et [0-5] % de parts de marché respectives. Avec un peu plus de […] m² de surface de bureaux, la part de marché de la cible est négligeable. Sur le marché de la gestion pour compte propre de bureaux en Île-de-France, les parts de marché combinées des parties notifiantes et de la cible représenteront donc une part de marché en volume faible estimée à [0-5] %.

17. Le marché de la gestion et de la détention pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux en Île-de-France se caractérise en outre par sa forte atomisation. De nombreux opérateurs y sont actifs, tels que les sociétés foncières, et notamment les sociétés d’investissement immobilier cotées Gecina, Silic ainsi que des compagnies d’assurance, des fonds d’investissements ou encore des banques.

18. Pour le seul département de Paris, les parts de marché combinées des parties et de la cible représenteront [0-5] % du marché en volume. Par conséquent, la présente opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de la gestion pour compte propre de bureaux.

19. Par ailleurs, la faiblesse des parts de marché cumulées des parties comme la forte pression concurrentielle sur le marché concerné rendent une coordination entre les parties notifiantes peu vraisemblable. Une telle coordination n’aurait, en tout état de cause, aucun effet sensible sur la concurrence. De la même façon, en dépit de la présence des parties sur de nombreux autres marchés du secteur immobilier, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-199 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-112 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint par Prédica et Altaréa de la société Alta Marigny Carré de Soi ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 du 29 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Icade S.A. de la Compagnie la Lucette S.A ; la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-79 du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier BOCCRF N° 8 bis du 23 octobre 2008.

2 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2002-112 du 8 novembre 2002 aux conseils de la société Gecina relative à une concentration dans le secteur des actifs immobiliers, B.O.C.C.R.F. n° 2003-11.

3 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2003-66 du 17 avril 2003 aux conseils de la société CBRE Holding Inc. relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers, B.O.C.C.R.F. n° 2003-11.

4 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-126 du 25 janvier 2006 aux conseils de la société Perexia relative à une concentration dans le secteur des services immobilier, B.O.C.C.R.F. n° 2006-06 ; décision de la Commission européenne COMP/M.3370 précitée.

5 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-126 précitée.

6 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C2007-52 du 22 mai 2007, aux conseils de la société Unibail, relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers.

7 Voir notamment la décision 09-DCC-16 du 22 juin 2009 de l’Autorité de la concurrence relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Epargne et Banque Populaire et la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C2007-52, précitée.

8 Décision C2006-151du ministre de l’économie SNI / EFIDIS du 10 janvier 2007