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Décisions

Cass. crim., 5 avril 2022, n° 21-83.397

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Labrousse

Avocat général :

M. Lesclous

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Piwnica et Molinié, SCP de Nervo et Poupet

Colmar, du 26 nov. 2020

26 novembre 2020

M. [D] [Y], Mme [L] [H] et la société [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 26 novembre 2020, qui, pour abus de biens sociaux, a condamné le premier, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, cinq ans d'interdiction professionnelle, a ordonné une mesure de confiscation, la deuxième, à 20 000 euros d'amende, la troisième, pour travail dissimulé, à 30 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demandeurs, et des mémoires en défense ont été produits.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [D] [Y] a été cité à comparaitre devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de biens sociaux.

3. Par jugement en date du 8 novembre 2018, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable des faits précités et l'a condamné notamment à cinq ans d'interdiction « de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société » et « de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise artisanale ».

4. Le prévenu a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le cinquième moyen et le moyen relevé d'office, mis dans le débat, pris de la violation de l'article 111-3 du code pénal

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] à la peine d'interdiction de diriger, gérer administrer ou contrôler une entreprise artisanale pour une durée de cinq ans, alors « que seules sont prévues l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, et l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ; qu'en prononçant cependant à l'encontre de M. [Y] une peine d'interdiction de diriger, de gérer ou contrôler une entreprise artisanale, peine non prévue par la loi, la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3 du code pénal, L. 242-6 et L. 249-1 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Les moyens sont réunis.

Vu l'article 111-3 du code pénal :

8. Selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi.

9. Après avoir déclaré M. [Y] coupable d'abus de biens sociaux et rappelé les termes de l'article L. 249-1 du code de commerce, l'arrêt le condamne notamment à cinq ans d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, d'une part, une entreprise artisanale, d'autre part, une entreprise ou une société.

10. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

11. En effet, l'article L. 249-1 du code du commerce, applicable au délit reproché, limite l'interdiction de diriger aux seules entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, à l'exclusion des entreprises artisanales.

12. La cour d'appel ne pouvait dès lors prononcer une interdiction de gérer une entreprise artisanale.

13. Elle ne pouvait pas davantage viser « toute entreprise ou société » sans limiter l'interdiction aux entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales.

14. La cassation est dès lors encourue de ces chefs.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

16. Les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel.

17. Les déclarations de culpabilité de la société [1], de M. [P] et de Mme [H] étant devenues définitives, par suite du rejet des premier, deuxième, troisième et quatrième moyens de cassation, seuls contestés par les défendeurs au pourvoi, il y a lieu de faire partiellement droit à leur demande.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 26 novembre 2020, mais en ses seules dispositions relatives à l'étendue de la peine complémentaire d'interdiction de gérer prononcée, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT que l'interdiction pour cinq ans prononcée à titre de peine complémentaire contre M. [Y] est limitée à l'administration, à la gestion, ou au contrôle direct ou indirect d'une entreprise commerciale ou industrielle ou d'une société commerciale ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que la société [H] devra payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 2 500 euros la somme que la société [H] devra payer à Mme [I] [V] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.