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Décisions

Cass. com., 18 mai 2022, n° 20-21.852

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 27 févr. 2020

27 février 2020

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-21.852 et 20-21.888 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2020), la société Hexagona a bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 12 juillet 2017, les sociétés BCM et associés et MJA étant désignées respectivement administrateur et mandataire judiciaires. Un plan de sauvegarde a été arrêté le 3 juillet 2018, la société BCM et associés étant désignée commissaire à l'exécution du plan.

3. Le 21 décembre 2017, le juge-commissaire a autorisé la transmission universelle à la société Hexagona du patrimoine de la société FFSG, sa filiale à 100 % . La somme correspondant à l'impôt sur les sociétés estimé dû par la société FFSG (2 255 095 euros) a été consignée entre les mains de l'administrateur, devenu commissaire à l'exécution du plan.

4. Le 28 mai 2018 l'administration fiscale, après avoir établi une situation au 31 décembre 2017, a émis un avis de mise en recouvrement et adressé à la société Hexagona une mise en demeure de payer le montant en résultant, que la société Hexagona a contesté.

5. Par requête du 22 novembre 2018, cette dernière a saisi le juge commissaire d'une demande aux fins de voir déclarée la créance fiscale non éligible aux dispositions de l'article L. 622-17, II, du code de commerce et de solliciter l'autorisation pour le commissaire à l'exécution du plan de se libérer à son profit de la consignation. Devant la cour d'appel, le comptable public a demandé l'inscription de la créance sur la liste des créances postérieures privilégiées.

Examen du moyen du pourvoi n° 20-21.852, formé par le comptable public

Enoncé du moyen

6. Le comptable public fait grief à l'arrêt de dire que la créance postérieure du service d'imposition des entreprises n'est pas éligible au traitement préférentiel privilégié et de le débouter de sa demande d'inscription de cette somme sur la liste des créances postérieures privilégiées, alors « que l'impôt sur les sociétés en cause était une créance d'origine légale, et qu'elle était postérieure, car née régulièrement lors de la clôture de l'exercice comptable, après le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Hexagona ; qu'il était dès lors exclu qu'on puisse considérer que cet impôt ne constituait pas, en ce qui concerne cette société, la contrepartie d'une prestation fournie et n'était pas née pour les besoins de la procédure ou encore qu'elle ne serait une créance utile qu'à l'égard de la société absorbée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-17, I, du code de commerce, 38 et 223-A du code général des impôts :

7. Il résulte de la combinaison des deux premiers textes que, lorsque la clôture de l'exercice fiscal, qui, seule permet de déterminer le bénéfice net imposable, est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, le paiement de l'impôt sur les sociétés constitue pour les entreprises qui y sont assujetties une obligation légale inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture donnant naissance à une créance éligible aux dispositions du premier texte. Il résulte du dernier texte que, par l'intégration fiscale dans les conditions qu'il détermine, la société mère se constitue seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe.

8. Pour dire que la créance fiscale ne bénéficie pas du traitement privilégié, l'arrêt, après avoir constaté que la société FFSG était une filiale fiscalement intégrée à la société mère Hexagona, retient que, si en application de l'article 223-A du code général des impôts, c'est sur cette société que l'administration fiscale détient une créance d'impôt, cette dernière, née à la clôture de l'exercice fiscal à raison du résultat bénéficiaire, résulte exclusivement du produit de la cession réalisée par la filiale le 26 janvier 2017. Il en déduit que la créance fiscale n'est pas née en contrepartie d'une prestation fournie par la société débitrice ni pour les besoins du déroulement de sa procédure.

9. En statuant ainsi tout en constatant que la société filiale était, pendant toute l'année 2017, intégrée fiscalement à la société mère Hexagona, cette dernière étant débitrice de l'impôt sur les sociétés, calculé en tenant compte du résultat de la filiale, et que la clôture de l'exercice de la société Hexagona était postérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi n° 20-21.888, formé par la société Hexagona, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.