ADLC, 20 décembre 2011, n° 11-DCC-198
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Mallet par la société Pro-à-Pro Distribution SA
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 10 juin 2011 et déclaré complet le 30 novembre 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Mallet par la société Pro-à-Pro Distribution SA, formalisée par un contrat pour l’achat et la vente du groupe Mallet en date du 18 juin 2004 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Ets Fr. Colruyt SA est une société de droit belge, tête du groupe Colruyt qui intervient dans l’exploitation de commerces de détail à dominante alimentaire et le commerce de gros. Le groupe est présent en France par le biais de sa filiale à 100 % Pro-A-Pro Distribution SA. Cette société exploite, par l’intermédiaire du groupe Ripotot qu’elle contrôle, des supermarchés dans le quart Nord-est de la France et assure la vente en gros de produits alimentaires auprès de magasins alimentaires indépendants affiliés. Enfin, le groupe est actif en tant que grossiste auprès de la restauration hors foyer (ci-après « RHF ») et exploite des magasins « cash and carry » dans le grand quart Nord-est de la France.
2. Le groupe Mallet se compose de deux sociétés holding (Mallet SA et MPC SA) et de plusieurs sociétés opérationnelles (principalement Disval SA et Silor SA) exerçant une activité de commerce de gros de produits alimentaires frais, secs et surgelés, principalement à destination de magasins de proximité à dominante alimentaire situés dans les régions Centre, Pays de Loire, Ile-de-France et Haute-Normandie. Le groupe Mallet exerce également une activité de commerce de détail par le biais de ses deux filiales Quapri SARL et RDM SARL.
3. Conformément à un contrat pour l’achat et la vente du groupe Mallet signé le 18 juin 2004, Pro-à-Pro Distribution a acquis 100 % des actions et des droits de vote des différentes sociétés constituant le groupe Mallet.
4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif par Pro-à-Pro Distribution du groupe Mallet, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code du commerce. A la date de réalisation de l’opération, les entreprises concernées réalisaient ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Colruyt : 3,8 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 mars 2004 ; groupe Mallet : […] millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2003). Chacune réalisait en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Colruyt : 312 millions d’euros pour l’exercice clos au 31 mars 2004 ; groupe Mallet : […] millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2004). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêtait pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce en vigueur à la date de l’opération étaient franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET SERVICES
5. L’opération engendre des chevauchements d’activité dans le secteur de la distribution en gros de produits alimentaires à destination des commerces de proximité ainsi que des petites surfaces à dominante alimentaire. Les parties sont également simultanément présentes en tant qu’acheteurs sur les marchés amont de l’approvisionnement en produits alimentaires.
6. Enfin, les parties exploitent des petits commerces de détail mais en l’absence de chevauchement géographique, il n’est pas nécessaire de définir plus précisément les marchés en cause.
1. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS ALIMENTAIRES
7. En qui concerne les marchés « amont » de l’approvisionnement, la pratique décisionnelle des autorités de la concurrence ne distingue pas la vente de biens de consommation courante par les producteurs aux grossistes de celles réalisées auprès d’autres clients tels que les détaillants ou la RHF. En revanche, elle délimite autant de marchés pertinents que de groupe de produits1. En l’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives sur ce marché en tant qu’acheteurs de produits surgelés et de glaces, de produits d’épicerie et de confiserie ainsi que de produits frais.
8. S’agissant plus particulièrement des produits alimentaires frais, sont ainsi distingués2 : les produits laitiers, la charcuterie et les produits de traiteur, les produits de la mer, les fruits et légumes et les produits carnés. En l’espèce, les parties achètent toutes deux des produits laitiers, des fruits et légumes ainsi que des produits carnés.
2. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION EN GROS DE PRODUITS ALIMENTAIRES
9. En aval, s’agissant de la distribution en gros de produits alimentaires, la pratique décisionnelle nationale et communautaire3 a retenu à plusieurs reprises l’existence de marchés distincts par canal de distribution : en premier lieu, la grande distribution et les commerces à dominante alimentaire, en second lieu la RHF et enfin l’industrie agro-alimentaire. En l’espèce, les parties concernées sont simultanément actives dans le secteur de la distribution de produits alimentaires auprès des commerces à dominante alimentaire. Plus précisément, les parties approvisionnent des magasins de proximité et des petites surfaces alimentaires indépendantes.
10. En ce qui concerne la segmentation par types de produits, quatre grandes familles peuvent être distinguées au sein du commerce de gros de produits alimentaires : (i) les produits frais, (ii) les boissons, (iii) les produits surgelés et glaces, (iv) les produits d’épicerie et la confiserie (ci-après « produits secs »). La demande des commerces à dominante alimentaire porte généralement sur l’ensemble de ces produits et les grossistes peuvent proposer un large assortiment de produits. Néanmoins, beaucoup d’entre eux concentrent leur activité sur une de ces familles. Concernant les produits frais, une distinction a été envisagée entre les fruits et légumes, les produits laitiers et les produits carnés4.
11. En l’espèce, l’opération engendre un chevauchement d’activité sur la distribution en gros de produits surgelés et glaces, de produits d’épicerie, de fruits et légumes, de produits laitiers et de produits carnés frais auprès des commerces de proximité à dominante alimentaire.
12. Enfin, l’Autorité a considéré qu’il convenait de distinguer les entrepôts de libre-service de gros (ci-après « cash and carry ») du commerce de gros traditionnel compte tenu des différences constatées tant du côté de la demande que du côté de l’offre. L’analyse concurrentielle sera donc menée sur le seul segment du commerce de gros traditionnel sur lequel l’opération engendre un chevauchement d’activité.
13. En l’espèce toutefois, la question de la délimitation précise de ces marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse restant inchangées.
B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS
1. LE MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS ALIMENTAIRES FRAIS
14. La dimension géographique du marché de l’approvisionnement en produits alimentaires est nationale5. En effet, en raison des préférences, goûts et habitudes alimentaires des consommateurs, des différences de prix, des variations des parts de marché détenues par les principaux opérateurs selon les différents Etats membres et la présence de marques de fabricants ou de distributeurs commercialisées uniquement au plan national, un élargissement de la dimension géographique au niveau européen n’est pas pertinent.
2. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION EN GROS DE PRODUITS ALIMENTAIRES
15. La pratique décisionnelle nationale6 a considéré que les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires aux GMS était de dimension nationale. Toutefois, l’opération concernant la vente en gros de produits alimentaires à des magasins de proximité, la partie notifiante a souligné qu’il convenait de considérer une zone de chalandise locale pour ces marchés, conformément à la pratique dans le cas de la vente en gros aux cafés-hôtels-restaurants (« CHR »)7.
16. En l’espèce toutefois, la question de la délimitation précise de ces marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse restant inchangées. En effet, l’opération n’engendre aucun chevauchement d’activité au niveau local.
III. L’analyse concurrentielle de l’opération
A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS ALIMENTAIRES
17. Les parties concernées sont simultanément présentes en tant qu’acheteurs sur les marchés de l’approvisionnement en : (i) produits surgelés et glaces ; (ii) en produits d’épiceries et de confiserie ; (iii) en fruits et légumes ; (iv) en produits laitiers ; (v) en produits carnés.
18. En tout état de cause, la part de marché de la nouvelle entité sur chacun des marchés concernés par l’opération ne dépassait pas [0-5] % en 2004. La partie notifiante a en outre estimé que la position du groupe n’avait pas sensiblement évolué depuis cette date.
19. Ainsi, l’opération notifiée n’est pas de nature à renforcer la puissance d’achat des entreprises concernées vis-à-vis de leurs fournisseurs.
B.LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION EN GROS DE PRODUITS ALIMENTAIRES À DESTINATION DES COMMERCES DE PROXIMITÉ
20. Les activités des parties se chevauchent sur les marchés de la distribution en gros a destination des commerces de proximité de : (i) produits surgelés et glaces ; (ii) en produits d’épiceries et de confiserie ; (iii) en fruits et légumes ; (iv) en produits laitiers ; (v) en produits carnés.
21. Au niveau national, la partie notifiante a estimé que la nouvelle entité disposait à l’issue de l’opération d’une part de marché inférieure à [0-5] % sur chacun des marchés concernés et restait confrontée à la concurrence de sociétés telles que Pomona, Transgourmet, Brake. La partie notifiante a en outre indiqué que la situation concurrentielle n’avait pas sensiblement évolué depuis 2004.
22. Enfin, au niveau local, l’opération n’engendre aucun chevauchement d’activité.
23. Ainsi, l’opération notifiée n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les différents marchés concernés de la distribution en gros à destination des commerces de proximité.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sur le numéro 11-0112 est autorisée.
NOTES :
1 Décision de la Commission M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
2 Décision de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-158 du 22 novembre 2010.
3 Cf. les décisions de la Commission européenne du 08 mars 2000 dans l’affaire COMP/M.1802 – Unilever/Amora Maille et du 28 septembre 2000 dans l’affaire COMP/M.1990 Unilever/Bestfoods. Avis 98-A-09 Coca-Cola/Orangina du Conseil de la concurrence du 29 juillet 1998 publié au BOCCRF du 07 octobre 1998 ; décision du ministre C2008-67/ Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 4 septembre 2008, au conseil de la société Baninvest, relative à une concentration dans le secteur de l’alimentation. Décisions de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-50 du 1er octobre 2009 et n°10-DCC-158 du 22 novembre 2010.
4 Id.
5 Voir la lettre n° C2008-119 précitée.
6 Décision de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-25 du 19 mars2010 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Louis Delhaize par la société H Distribution.
7 Décision de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-158 du 22 novembre 2010.