ADLC, 20 décembre 2011, n° 11-DCC-203
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à l’acquisition par le groupe Vermilion de six concessions de mines d’hydrocarbures liquides et gazeux
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 21 octobre 2011, et déclaré complet à la date du 17 novembre 2011, relatif à l’acquisition par le groupe Vermilion auprès de la société Total Exploration et Production France SAS (ci-après, « Total E&P ») de 6 concessions de mines d’hydrocarbures situées à Itteville (91), Vert-le-Grand (91), Vert-le-Petit (91), la Croix Blanche (91), Vic-Bilh (64) et Dommartin-Lettrée (51), ainsi que des actifs liés à l’exploitation de ces concessions, formalisée par une lettre d’offre d’acquisition du 14 avril 2011 et une lettre d’acceptation d’ouverture de négociations exclusives du 31 mai 2011 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-10 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Le groupe canadien Vermilion est actif dans le secteur de l’exploration, du développement et de la production de pétrole et de gaz au Canada, aux Pays-Bas, en France et en Australie. Vermilion exploite en France de nombreuses concessions d’hydrocarbures, dans les bassins aquitain et parisien. Les sociétés Vermilion Pyrénées SAS (ci-après « Vermilion Pyrénées ») et Vermilion Exploration SAS (ci-après « Vermilion Exploration ») sont des filiales françaises contrôlées par la société Vermilion Recherche et Exploration Pétrolière SAS (ci-après « Vermilion REP »), elle-même indirectement contrôlée par la société Vermilion Energy Inc., qui constitue la holding de tête du groupe Vermilion.
2. La société Total Exploration et Production France SAS (ci-après « Total E&P ») est une filiale du groupe Total, active dans le secteur de la recherche, l’exploration et de l’exploitation de pétrole et de gaz. En France, elle exploite notamment les concessions de mines d’hydrocarbures liquides et gazeux à Itteville (91), Vert-le-Grand (91), Vert-le-Petit (91), la Croix Blanche (91), Vic-Bilh (64) et Dommartin-Lettrée (51), objet de la notification.
3. Aux termes de l’offre adressée par Vermilion à Total E&P le 14 avril 2011, et de la lettre d’acceptation d’ouverture de négociations exclusives adressée par Total E&P le 31 mai 2011, l’opération consiste en l’acquisition par le groupe Vermilion des concessions de mines d’hydrocarbures liquides et gazeux de Itteville (91), Vert-le-Grand (91), Vert-le-Petit (91), la Croix Blanche (91), Vic-Bilh (64) et Dommartin-Lettrée (51), ainsi que des actifs1 liés à l’exploitation de ces concessions. Cette opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros lors du dernier exercice clos (le groupe Vermilion : 538 millions d’euros pour l’exercice 2010 ; les concessions concernées par l’opération : 71,6 millions d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros en France (le groupe Vermilion : 186,8 millions d’euros pour l’exercice 2010 ; les concessions concernées par l’opération : 71,6 millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. MARCHÉS DE PRODUITS
5. Au sein du secteur de l’industrie pétrolière et gazière, la pratique décisionnelle2 distingue les activités « amont » des activités « aval ». Les activités « amont » comprennent trois types d’activités : la recherche de nouvelles réserves (prospection), le développement (mise en place des infrastructures nécessaires à la production : plates-formes pétrolières, pipelines, terminaux, etc.) et l'exploitation commerciale de ces réserves (production). Les activités « aval » comprennent le raffinage, ainsi que la commercialisation des produits raffinés et leur distribution aux utilisateurs finals.
6. En l’espèce, l’opération concerne les activités « amont ». En effet, les parties à l’opération sont simultanément présentes dans les secteurs de la prospection, du développement et de la production de pétrole et de gaz.
7. La pratique décisionnelle nationale3 et communautaire4 envisage l’existence d’un marché de la prospection, distinct des marchés de la production et de la vente. En effet, il existe des prestataires de services spécialisés dans la prospection et le transfert des droits de concession, notamment d’entreprises qui se sont chargées des activités de prospection, à d’autres entreprises qui se chargent d’activités de production et de vente, est très courante dans le secteur de l’industrie pétrolière et gazière.
8. Au sein du marché de la prospection, la pratique décisionnelle5 considère qu’il n’est pas nécessaire de distinguer le pétrole brut du gaz dans la mesure où le contenu du sous-sol n’est pas connu avant les opérations de prospection. Au niveau de la production et de la vente, les précédents retiennent en revanche une segmentation entre pétrole brut et gaz naturel.
9. En l’espèce, la définition précise des marchés concernés peut rester ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle resteront inchangées.
B. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
10. La pratique décisionnelle de la Commission européenne6 considère que le marché de la prospection d’hydrocarbures et le marché de la production et de la vente de pétrole brut ont une dimension mondiale.
11. Les parties considèrent que le marché de la production et de la vente de gaz naturel a également une dimension mondiale, tandis que la pratique décisionnelle considère que ce marché a une dimension au moins européenne, et inclurait probablement la Russie et l’Algérie.
12. En l’espèce, il n’y a pas lieu de remettre en cause la délimitation géographique des marchés identifiée pas la Commission.
III. Analyse concurrentielle
13. Sur le marché mondial de la prospection d’hydrocarbures, les parts de marchés cumulées de Vermillon et des six concessions objet de l’opération7, sont bien inférieures à 0,1 %. En effet, les parties exploitent des concessions qui représentent moins de 0,005 % des réserves de pétrole mondiales, et moins de 0,04 % des réserves de gaz mondiales.
14. Sur le marché mondial de la production et de la vente de pétrole brut, Vermilion a produit, en 2010, 4 000 barils par jour et les six concessions cédées, 8 200 barils par jours. La part de marché cumulée des parties sera donc de 0,014 %. En France, l’opération conforte la position de leader de Vermillon qui assure près de 70 % de la production nationale d’hydrocarbures, suivi de Lundin, Total, Géopétrol, SPPE, Toreador et Pétrorep.
15. Sur le marché européen (sans même inclure la Russie ni l’Algérie) de la production et de la vente de gaz, Vermilion détient une part de marché d’environ 1,4 % correspondant à une production de 3,8 millions de mètres cubes en 2010, et la concession de Vic-Bilh8, seule concession parmi les actifs cibles à produire du gaz, représente près de 0,3 % de ce marché. La part de marché cumulée de la nouvelle entité sur le marché de production de gaz s’élèvera donc à près de 1,7 %. Si l’on inclut la Russie et l’Algérie sa part de marché s’élèvera à près de 0,5 %.
16. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la prospection et de la production et de la vente de pétrole brut et de gaz naturel.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-191 est autorisée.
NOTES :
1 Ces actifs cédés par Total E&P à Vermilion incluent tous les biens indispensables à l’exploitation des concessions concernées par l’opération : notamment les droits d’exploitation, immeubles et installations nécessaires à l’exploitation, puits, données sismiques.
2 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2006-37 du 19 avril 2006, Vermilion/ Esso, la décision de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-59 du 26 octobre 2009 relative à l’acquisition de 37 stations-service du réseau Shell par la société Total Raffinage Marketing SA , la décision de l’Autorité de la concurrence 11-DCC-13 du 31 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif par Bolloré Energie d’une branche d’activité de la société les Combustibles de Normandie ; et les décisions de la Commission Européenne, COMP/M.1383- Exxon/Mobil du 29 septembre 1999, ; COMP/M.1464 - Total/PetroFina du 26 mars 1999, COMP/M.1628 TotalFina/Elf du 9 février 2000; COMP/M.2681 – Conoco Inc. / Phillips Petroleum Company du 6 mars 2002et COMP/M.3052 - ENI / Fortum Gas du 23 janvier 2003.
3 Voir la décision du ministre de l’économie C2006-37 précitée.
4 Voir les décisions de la Commission européenne M.1383, M. 2681 et M.3052 précitées
5 Voir la décision de la Commission européenne M.1383 précitée.
6 Voir la décision de la Commission européenne M.1383 précitée.
7 Voir les décisions de la Commission européenne M. 1383 (point n°22, où la part de marché des entreprises concernées sur le marché de la prospection est notamment évaluée au regard du nombre de concessions pétrolières octroyées dans le monde) et M.3052 (point n°19, où la part de marché des entreprises concernées est évaluée en fonction du volume de réserves « avérées » de gaz ou de pétrole qu’elles détiennent, rapporté au total des réserves avérées mondiales).
8 Vermilion et Total E&P exploitent conjointement la concession de Vic-Bilh avant l’opération. Total E&P y produit 910 864 mètres cube de gaz et Vermilion 336 895 mètres cubes de gaz.