CA Versailles, 12e ch., 7 février 2017, n° 15/08980
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Groupe Dofi (SARL)
Défendeur :
Etablissement OPIEVOY Office Public Interdépartemental d'Habitations à Loyer Modéré de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines, Selarl AJ Associés (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
M. Leplat, M. Ardisson
Avocat :
Selarl Lexavoue Paris-Versailles
PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 10 novembre 2015 qui a :
- dit n'y avoir lieu à écarter le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur P.,
- fixé l'indemnité d'éviction due dar l'OPlEVOY à la somme totale de 206 100 euros se décomposant comme suit :
indemnité principale : 97 000 euros
frais de réinstallation et de déménagement : 44 200 euros
frais de remploi: 9 700 euros
double loyer : 4 700 euros
perte sur salaire : 30 500 euros
trouble commercial : 20 000 euros
- fixé l'indemnité d'occupation due par la société D. à la somme annuelle de 26 580 euros à compter du 1er janvier 2010 jusqu'à son départ effectif,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
- ordonné l'exécution provisoire,
- laissé à chacune des parties les dépens par elles exposées.
Vu l'appel interjeté le 28 décembre 2015 par la société D. ;
* *
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 22 novembre 2016 pour la société Groupe DOFI, venant aux droits de la société D. à la suite d'une fusion par transmission universelle de patrimoine, et en vue de voir :
- donner acte au Groupe DOFI qu'elle vient aux droits de la société D. à la suite d'une fusion par transmission universelle de patrimoine,
- infirmer le jugement sur le montant de l'indemnité d'éviction,
- fixer l'indemnité d'éviction due par l'OPIEVOY à la somme totale de 814 400 euros se décomposant comme suit :
indemnité principale : 650 000 euros
frais de déménagement : 44 200 euros
frais de remploi : 65 000 euros
double loyer : 4 700 euros
perte sur salaires : 30 500 euros
trouble commercial : 20 000 euros
- juger qu'il convient d'indemniser la perte du logement et fixer l'indemnité de ce chef à 127 440euros,
- condamner l'OPIEVOY à payer au Groupe DOFI la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter l'OPIEVOY de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'OPIEVOY aux entiers dépens,
- dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la société Lexavoue Paris-Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 23 novembre 2016 pour l'Office public interdépartemental d'aménagement et de construction de l'Essonne, du Val d'Oise en vue de voir, au visa de l'article L. 145-14 du code de commerce :
- donner acte à l'OPIEVOY de ce que la société GROUPE DOFI, venant aux droits du Groupe DOFI, en cause d'appel ne réitère pas sa demande de condamnation de dommages-intérêts sur le fondement d'un prétendu trouble de jouissance, ne réitère pas sa demande de désignation d'un nouvel expert, ne conteste pas le chiffrage de l'indemnité d'occupation,
- constater que le transfert du fonds de commerce de la société D. n'entraînera aucune perte de clientèle,
- confirmer le jugement,
- débouter le Groupe DOFI de ses demandes,
- condamner le Groupe DOFI à payer de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 15 décembre 2016.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré, à l'expertise judiciaire et aux écritures des parti es, ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile
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SUR CE, LA COUR,
1. Sur l'indemnité principale
Aux termes de ses dernières conclusions, le Groupe DOFI, venant aux droits de la société D., conteste le jugement en ce qu'il a, en premier lieu, limité l'indemnité principale à 97 000 euros après avoir exclu la perte du fonds de commerce en retenant que l'activité des lieux serait purement intellectuelle, sans marchandise et sans achalandage, leur conférant une destination de bureau, sans autre préjudice que la perte d'un loyer réduit.
Le Groupe DOFI soutient que doit primer sur la désignation des lieux leur destination telle qu'elle résulte des stipulations du bail qui autorisent, depuis 1920, l'exploitation 'd'une société de marbrerie', et qui prévoient en son article 3, que le preneur doit 'tenir la boutique constamment ouverte et achalandée, garnir et tenir constamment garnis, tant la boutique que les autres lieux, de marchandises et effets immobiliers en quanti té et de valeur suffi sante pour répondre du paiement des loyers et de l'exécution de toute les conditions du bail'. Il rappelle que dans son jugement du 12avril 2012, le tribunal a jugé que le bail n'était pas à usage exclusif de bureaux.
Il se prévaut en outre, des procès-verbaux de constat des lieux des 20 septembre 2010 et 4 janvier2011 rapportant l'existence d'un espace d'accueil de la clientèle et de salle d'att ente et d'un espace de vente de la marbrerie dont les murs sont couverts d'échantillons de granit et de plaques de marbre, et que les locaux sont agencés en six espaces, deux réservés à l'administratif et quatre destinés à la réception de la clientèle et à la vente avec la présence de marchandises dans les lieux. Il invoque encore l'existence d'une vitrine du local donnant sur la rue. A cet égard, il fait grief à l’expert de n'avoir pas recherché si le personnel employé dans la boutique avait la capacité de renseigner les clients, de prendre leurs commandes et de leur délivrer les marchandises transportables.
Il conteste par ailleurs, l'affirmation de l'expert selon laquelle la vente de la marbrerie funéraire se ferait dans la boutique du [...] située en face des locaux évincés, alors qu'il ne l'a pas visitée et qu'en outre, cet établissement secondaire est uniquement consacré à la vente des fleurs ainsi que cela résulte de l'extrait K bis de ce fonds de commerce que la société D. avait acquis en 2002.
Le Groupe DOFI en déduit que le principe du déplafonnement n'a pu être écarté par l'expert, alors que sa mission n'était pas d'évaluer la valeur locative des lieux dans le cadre d'une fixation de loyer, mais celle de la valeur marchande du fonds dans le cadre d'une éviction, et qu'il lui appartenait en conséquence de déterminer l'indemnité d'éviction d'après la valeur représentée par l'enseigne, le droit au bail, la clientèle, l'achalandage, le mobilier et le matériel.
Au demeurant, l'appréciation de l'indemnité d'éviction doit être faite d'après la destination effective des locaux. L'expert a pu constater qu'aucun stock de produits ou de marchandises étiquetées n'était présent dans les locaux, que le local ne présente pas de baie vitrée, que la pièce revendiquée pour l'accueil de la clientèle et comme 'showroom' est limitée à un quart de la superficie du local, que le Groupe DOFI se limite à affirmer que la boutique en face du local accomplit une simple activité de fleuriste, tandis que l'enseigne affiche un local dédié à 'POMPESFUNEBRES ' MARBRERIE', que l'activité de marbrerie du groupe D. se déploie sur sept établissements, et qu'enfin, la 'balance analytique de l'exercice 2011 présentait 1 009 euros d'articles funéraires tandis que le chiffre d'affaires de la société était de 1 134 701 euros.
Les premiers juges ont en conséquence justement déduit que le local était affecté à l'usage de bureaux, et que leur éviction et leur transfert n'avaient pas les conséquences de la perte d'un fonds de commerce et d'une clientèle.
2. Sur l'indemnité d'éviction et la perte du logement
Le Groupe DOFI réclame le paiement d'une indemnité principale de 650 000 euros ainsi que d'une indemnité pour perte du logement de 127 440 euros. Au demeurant, et en suite des motifs adoptés au point 2. ci-dessus, l'indemnité d'éviction ne peut être déterminée d'après la perte de valeur d'un fonds de commerce, mais d'après celle applicable en matière de bureaux et d'après la méthode du différentiel proposée par l'expert et dûment retenue par les premiers juges.
Dans ses conclusions, le Groupe DOFI conteste péremptoirement les éléments proposés par l’expert pour le calcul de la valeur des baux sur les marchés des bureaux et de logements sur la commune de Saint-Germain-en-Laye. En l'absence d'offres d'éléments contraires de comparaison, la cour confirmera le calcul de l'expert en suite duquel les premiers juges ont retenu le prix unitaire de 100 euros par mètre carré, pris la valeur locative de 28 000 pour les locaux commerciaux, et de9 724 euros pour le loyer en renouvellement, puis après avoir appliqué un calcul différentiel de 18276 euros, appliqué un coefficient de capitalisation de 7,611638 ainsi qu'un abattement de 30 %,fixé la valeur du droit au bail de bureau et pour le logement à 97 000 euros.
3. Sur les frais de réemploi
Le Groupe DOFI prétend voir fixer à 44 200 euros les frais de réemploi dont il a déterminé la valeur à 10 % de l'indemnité de 650 000 euros qu'il prétendait voir fixer pour l'indemnité d'éviction.
En suite de la valeur de l'indemnité d'éviction fixée ci-dessus, le jugement a dûment fixé ces frais à9 700 euros et sera aussi confirmé de ce chef.
4. Sur les frais irrépétibles et les dépens
S'il est équitable de laisser à chacune des parties les frais que les premiers juges ont laissé à leur charge ainsi que les dépens, il convient en revanche, en cause d'appel, de condamner le Groupe DOFI, qui succombe, à payer à l'OPIEVOY la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de supporter la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS,
Contradictoirement,
Donne acte à la société Groupe DOFI qu'elle vient aux droits de la société D. à la suite d'une fusion par transmission universelle de patrimoine ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Groupe DOFI à payer à l'Office public interdépartemental d'aménagement et de construction de l'Essonne et du Val d'Oise la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Groupe DOFI aux dépens d'appel ;
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.