Cass. com., 12 janvier 2022, n° 19-25.230
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Brahic-Lambrey
Avocat :
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 2 octobre 2019) et les productions, la société Cabinet d'assistance administrative, ayant eu pour gérant M. [M] [G] du 4 novembre 2010 au 8 octobre 2011 puis à compter du mois de décembre 2012, a été mise en redressement judiciaire le 20 janvier 2014, M. [B] étant désigné mandataire judiciaire. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 24 mars 2014, M. [B] étant désigné liquidateur. Le procureur de la République a demandé qu'une sanction personnelle soit prononcée contre ce gérant.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. [G] fait grief à l'arrêt de prononcer sa faillite personnelle pour une durée de quinze ans, alors « que le ministère public est tenu d'assister à l'audience dans les cas où il est partie principale ; qu'en confirmant la sanction de faillite personnelle prononcée à l'encontre de M. [G], à la suite de la requête formée par le ministère public, tout en constatant qu'à hauteur d'appel, le procureur général près la cour d'appel, assigné par voie d'huissier à personne habilitée, n'était pas représenté à l'audience, la cour d'appel a violé l'article 431 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 431 du code de procédure civile :
3. Selon ce texte, le ministère public est tenu d'assister à l'audience lorsqu'il est partie principale.
4. Ni l'arrêt ni le registre d'audience ne mentionnent l'assistance à l'audience des débats du 17 juin 2019 d'un représentant du ministère public.
5. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte précité.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. M. [G] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le dirigeant qui a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements ne peut être condamné qu'à une mesure d'interdiction de gérer ; qu'en condamnant M. [G] à la faillite personnelle pour une durée de quinze ans aux motifs que l'infraction de déclaration tardive de cessation des paiements est caractérisée à son égard et que "au regard de l'importance du passif et de la nature des comportements incriminés, il est justifié de sanctionner [M] [G] en prononçant à son égard une mesure de faillite personnelle pour une durée de quinze ans", la cour d'appel a violé l'article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 653-3 à L. 653-6 et L. 653-8 du code de commerce :
7. Pour prononcer la faillite personnelle de M. [G] pour une durée de quinze ans, l'arrêt retient, entre autres faits, le défaut de déclaration par ce dirigeant de la cessation des paiements de la société Cabinet d'assistance administrative dans le délai de quarante-cinq jours.
8. En statuant ainsi, alors que le dirigeant qui a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements ne peut être condamné qu'à une mesure d' interdiction de gérer, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
9. M. [G] fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges du fond sont tenus, pour prononcer une faillite personnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 653-5, 6° du code de commerce, de caractériser de manière concrète le défaut de tenue d'une comptabilité complète et régulière ; qu'en énonçant que l'infraction visée à l'article L. 635-5-6° du code de commerce est caractérisée à l'égard de M. [G] aux motifs qu' " il est constant que la requête de ministère public ne précise pas la nature exacte du manquement reproché aux défendeurs. Il convient en conséquence de se fonder sur le rapport de l'administrateur, dont il résulte qu'il est fait grief aux deux gérants d'avoir tenu une comptabilité manifestement irrégulière au titre des exercices 2010 et 2011. Cette irrégularité est très largement établie par la proposition de rectification du 16 décembre 2013 qui est aujourd'hui définitive dans la mesure où le conseil de [M] [G] indique n'avoir pas soutenu de recours contre ce redressement", la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une absence de tenue de comptabilité ou l'existence d'une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 653-5, 6° du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 653-5, 6° du code de commerce :
10. Pour prononcer la faillite personnelle de M. [G] d'une durée de quinze ans, l'arrêt retient par motifs adoptés, après avoir énoncé que le ministère public ne précisait pas la nature exacte du manquement reproché aux défendeurs, que l'irrégularité relative au défaut de tenue d'une comptabilité régulière au titre des exercices 2010 et 2011 est largement établie par la proposition de rectification du 16 décembre 2013 qui est devenue définitive dans la mesure où le conseil du dirigeant n'a pas soutenu le recours contre ce redressement devant le tribunal administratif, et que cette infraction étant purement matérielle, elle ne nécessite pas d'élément intentionnel de sorte que l'état de santé psychiatrique du dirigeant est sans emport.
11. En se déterminant par ces seuls motifs, impropres à caractériser le défaut de tenue d'une comptabilité régulière et complète, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar.