ADLC, 7 mars 2011, n° 11-DCC-37
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle du groupe C2S et de la SAS Holding du Parc par la société Bridgepoint SAS
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 2 février 2011, relatif à la prise de contrôle de la société Compagnie Stéphanoise de Santé (ci-après « C2S ») et de la SAS Holding du Parc par la société Bridgepoint SA, formalisée par l’acceptation par C2S, le 9 novembre 2010, d’une offre d’achat de Bridgepoint SAS, et par un protocole d’accord du 9 novembre 2010 entre la société C2S et les actionnaires de la SAS Holding du Parc ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-10 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
1. La société Bridgepoint SAS est la société de gestion du fonds commun de placement à risque BBTPS FCPR. Son capital est détenu à 100 % par la société Bridgepoint Advisers Holdings, elle-même contrôlée par la société Bridgepoint Advisers Group Limited, société holding du groupe Bridgepoint. Le capital de la société Bridgepoint Advisers Group Limited est détenu par [Confidentiel], aucun d’entre eux n’exerçant une influence déterminante sur la société. Le groupe Bridgepoint a pour activités principales l’investissement financier, la gestion de participations dans le capital d’entreprises et la gestion de ces sociétés. Il détient actuellement, via divers fonds d’investissement, des participations dans plus de [Confidentiel] sociétés exerçant leur activité dans des secteurs d’activités divers.
2. La SAS Financière de la Bienfaisance a été créée pour les besoins de l’opération. Elle est contrôlée exclusivement par la société Bridgepoint SAS.
3. La société C2S, dont le capital est détenu par 125 investisseurs privés, et sur laquelle aucun de ses actionnaires n’exerce une influence déterminante, est la holding de tête du groupe C2S. Elle contrôle onze filiales qui interviennent dans le secteur des soins en médecine, chirurgie et obstétrique, ainsi que dans les soins de suite et de réadaptation. Le groupe C2S exploite neuf établissements hospitaliers dans différents départements français.
4. Enfin, la SAS Clinique du Parc exploite une clinique médico-chirurgicale à Lyon (69). Elle est contrôlée par la SAS Holding du Parc (ces deux sociétés seront ci-après dénommées « groupe Clinique du Parc »), elle-même contrôlée par la société Klinic Investor, dont le capital et les droits de vote sont détenus par des investisseurs privés.
B. L’OPÉRATION
5. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par le groupe Bridgepoint, via la SAS Financière de la Bienfaisance, du contrôle exclusif du groupe C2S, d’une part, et de la SAS Clinique du Parc, d’autre part.
6. Ces deux acquisitions constituent une seule et même opération. En effet, la Commission européenne précise dans sa communication consolidée1 que « des opérations multiples constituent une seule et même opération de concentration aux fins de l’article 3 [du règlement n° 139/2004] dès lors qu’elles sont par essence unitaires » et que « pour apprécier le caractère unitaire des opérations en question, il convient de déterminer, dans chaque cas, si ces opérations sont interdépendantes au sens où une opération n’aurait pas été effectuée sans l’autre ».
7. En l’espèce, les deux acquisitions notifiées visent un seul et même objectif économique qui est la prise de contrôle par Bridgepoint de C2S dans le but de procéder à des opérations de croissance externe, et en premier lieu à la prise de contrôle du groupe Clinique du Parc. Ainsi, la cession d’actions des actions de la SAS Holding du Parc à C2S est conditionnée par « la confirmation par Bridgepoint de son entrée au capital de C2S ou de toute autre société du groupe à créer ». L’interdépendance entre les deux acquisitions a également été rappelée par les parties concernées tout au long de leurs négociations, les deux cibles faisant l’objet d’une valorisation commune et étant explicitement inclues dans le périmètre cible formé, après la réalisation des deux acquisitions, par Bridgepoint, C2S et le groupe Clinique du Parc.
8. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Bridgepoint : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; groupe C2S : […] millions d’euros pour le même exercice ; groupe Clinique du Parc : […] millions d’euros pour le même exercice). Le groupe Bridgepoint et le groupe C2S réalisent chacun, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Bridgepoint : […] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; groupe C2S : […] millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. MARCHÉS DE SERVICES
9. Les groupes C2S et Clinique du Parc sont présents, à travers les établissements de santé qu’ils détiennent, dans le secteur de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers.
10. S’agissant de la France, la pratique décisionnelle nationale et communautaire2 considère qu’il n’est pas pertinent de distinguer l’offre de diagnostics et de soins selon qu’ils sont dispensés par des établissements privés ou publics. En effet, en France, le patient est libre de choisir son établissement, public ou privé, sans considération économique. Le remboursement des soins ne dépend en effet pas du statut de l’établissement dans lequel les soins ont été dispensés. De plus, la généralisation de la tarification à l’activité et le recours des patients à des assurances complémentaires tendent à accroître la liberté de choix des patients quant à l’établissement dans lequel ils souhaitent être soignés. Par ailleurs, qu’ils soient publics ou privés, les établissements hospitaliers ont vocation à accueillir tous les patients, sans considération économique ou sociale. Enfin, l’ensemble des établissements hospitaliers établis en France sont soumis à un cadre réglementaire et normatif commun qui définit les conditions d’exercice de leur activité, régulée au niveau régional par les Agences Régionales de Santé (« ARS ») avec lesquels ils concluent des contrats d’objectifs et de moyens. Les parties estiment donc qu’elles sont présentes sur le marché de l’offre de soins hospitaliers.
11. La pratique décisionnelle distingue cependant des marchés de l'offre de diagnostics et de soins hospitaliers par type d’activité pour tenir compte de la forte spécialisation des praticiens et des services des établissements hospitaliers, ainsi que de la nécessité pour un établissement hospitalier d’obtenir des ARS des autorisations spécifiques pour l’exercice de certaines spécialités médicales ou chirurgicales. La pratique a ainsi envisagé une segmentation large, par « groupes d’activité spécialisée »3 correspondant aux grandes disciplines définies par le code de la santé publique (médecine, chirurgie, obstétrique, soins de suite et réadaptation).
12. La pratique a également envisagé une segmentation plus étroite des marchés de diagnostics et de soins hospitaliers, par « catégorie majeure de diagnostic » (« CMD ») selon la classification des actes établie par les ARS. Le ministre4 a considéré, tout en laissant la question ouverte, que cette segmentation était susceptible de constituer un niveau de segmentation pertinent puisqu’elle permet de distinguer l’intégralité des actes médicaux accomplis au sein des établissements hospitaliers selon des critères à la fois médicaux et fonctionnels, tenant compte des parties du corps soignés, et économiques, les séjours ou les entrées classées dans un même groupe impliquant l’utilisation de ressources similaires.
13. Conformément à la pratique décisionnelle, la segmentation large par grande discipline (médecine, chirurgie, obstétrique, soins de suite et réadaptation) ainsi que la segmentation plus étroite par « catégorie majeure de diagnostic » seront utilisées pour analyser les effets de la présente opération. En tout état de cause, la question de la définition exacte des marchés concernés peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse demeureront inchangées quelle que soit la délimitation retenue.
B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS
14. La Commission européenne5, tout en laissant la question ouverte, considère que les marchés de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers ont une dimension locale s’étendant à un rayon de 30 minutes de voiture. La pratique française, tenant notamment compte des instruments de régulation utilisés par les ARS, considère que les marchés de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers ont une dimension locale, au plus régionale, dont le périmètre est fonction de la spécialité concernée par le marché de l’offre de soin étudié6.
15. Les parties considèrent que les marchés concernés ont plutôt une dimension régionale compte tenu notamment du fait que la planification de l’offre de soins est pilotée par les ARS au niveau régional et que la répartition des activités de soins et des équipements sanitaires par territoire de santé est par ailleurs définie dans une annexe au schéma régional de l’organisation sanitaire. Toutefois, les données concernant la provenance géographique des patients pour chacun des établissements hospitaliers concernés par l’opération montrent que la taille des zones de provenance des patients varie très sensiblement, non seulement en fonction de l’établissement et des spécialités médico-chirurgicales qui y sont pratiquées, mais également en fonction de la région considérée, de sa densité de population et de son niveau d’équipement en établissements de soins hospitaliers.
16. En l’espèce, la question de la définition de la dimension géographique des marchés concernés peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse demeureront inchangées quelle que soit la délimitation retenue.
III. Analyse concurrentielle
17. L’opération notifiée n’entraînera aucun chevauchement entre les activités au niveau départemental. Au niveau régional leurs activités se chevauchent uniquement en Rhône-Alpes, région sur laquelle portera l’analyse concurrentielle.
18. Dans l’hypothèse d’une segmentation large des marchés concernés correspondant aux grandes disciplines définies par le code de la santé publique (médecine, chirurgie, obstétrique, soins de suite et réadaptation), la nouvelle entité représentera 0,6 % des séjours de la région Rhône-Alpes en médecine, 7,7 % en chirurgie et 0,4 % en obstétrique. Elle ne sera pas présente sur le marché des soins de suite et de réadaptation, en région Rhône-Alpes.
19. Dans l’hypothèse d’une segmentation plus étroite, par « catégories majeures de diagnostics » segmentées en fonction de la présence ou non d’un acte opératoire, l’analyse fait apparaître que la nouvelle entité détiendra une part de marché de 16,4 % sur le segment de marché des actes chirurgicaux concernant des affectations de l’oeil en région Rhône-Alpes correspondant à la CMD2 et de 0,7 % sur les actes non chirurgicaux de cette catégorie majeure de diagnostic.
20. La nouvelle entité détiendra par ailleurs, en région Rhône-Alpes, des parts de marché inférieures à 10 % sur les autres segments de marché.
21. Enfin, les établissements de soin de la nouvelle entité font face à la concurrence de nombreux autres établissements de soins fournissant des diagnostics et des soins en médecine, chirurgie et obstétrique dans l’ensemble des départements de la région Rhône Alpes.
22. Par conséquent, la présente opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.
DECIDE
Article unique : l’opération notifiée sous le numéro 11-0011 est autorisée.
NOTES :
1 Point 38 de la Communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) n°139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises.
2 Décision de la Commission européenne du 21 mai 2010, COMP./M.5805, 3i/Vedici groupe ; décision de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-68 du 25 novembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Cliniques privées associées par Crédit agricole private equity ; lettre du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 26 octobre 2006 aux conseils de la société Capio santé SA, relative à une concentration dans le secteur de la production de diagnostics et de soins en établissements de santé, C2006-105 ; et la lettre du Ministre de l’Economie, des finances et de l’industrie en date du 6 janvier 2006 aux conseils de la société Générale de santé relative à une concentration dans le secteur des établissements de santé.
3 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie et des finances du 6 janvier 2006 aux conseils de la société Générale de santé précitée dans laquelle le Ministre de l’économie et des finances a envisagé une segmentation par « groupe d’activité spécialisée » au sein de chacune des grandes disciplines définies par le code de la santé publique : (i) médecine, (ii) chirurgie, (iii) obstétrique, (iv) néo-natalité, (v) psychiatrie, (vi) soins de suite ou de réadaptation fonctionnelle, (vii) soins de longue durée et réanimation, (viii) cancérologie-radiothérapie et (ix) activités de diagnostic.
4 Lettre du Ministre de l’Economie et des finances et de l’industrie du 26 octobre 2006 précitée.
5 Voir notamment la décision de la Commission européenne du 21 mai 2010 précitée n° COMP/M.5805, 3i/Vedici.
6 Voir notamment la lettre du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 14 novembre 2002, au conseil de la société Médi-Partenaires relative à une concentration dans le secteur des établissements de soins en France ; et la lettre du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 4 décembre 2003, aux conseils de la société Capio santé.