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Décisions

ADLC, 18 mars 2011, n° 11-DCC-45

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à l’acquisition du contrôle exclusif du fonds de commerce de l’hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais

ADLC n° 11-DCC-45

17 mars 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 3 décembre 2010 et déclaré complet le 3 mars 2011, relatif à l’acquisition de l’hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais, formalisée par une promesse synallagmatique de cession et d’acquisition de fonds de commerce, en date du 19 novembre 2010 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Sodex Desmarais, créée pour les besoins de la présente opération, est contrôlée conjointement par les sociétés Carcom et les Établissement Jacques Nouy.

2. La société Carcom, contrôlée exclusivement par Monsieur Philippe Nouy, est active en Guadeloupe dans le secteur de la distribution alimentaire de gros et du libre service de gros (activités de « Cash & Carry »), à travers ses filiales Établissements Auguste Nouy et Sodial Nouy SARL.

3. La société Établissements Jacques Nouy, détenue par le groupe Établissement Jacques Nouy, est active dans le secteur de la distribution alimentaire de gros et de libre service de gros. Le groupe est également actif dans l’import/export de boissons (boissons alcoolisées, vins et spiritueux ainsi que de sous-vêtements) et intervient comme distributeur exclusif en Guadeloupe de diverses marques d’alcool.

4. L’hypermarché Cora Desmarais, d’une surface de 3 600 m², est situé sur la commune de Basse-Terre en Guadeloupe. Il est actuellement détenu par la société Supermarchés Match Guadeloupe et exploité en location gérance par la société Cora Guadeloupe.

5. Aux termes d’une promesse de vente du 19 novembre 2010, l’hypermarché Cora Desmarais sera acquis par la société Sodex Desmarais et le contrat de location gérance sera résilié. En ce qu’elle entraîne la prise de contrôle par la société Sodex Desmarais de l’hypermarché Cora Desmarais, la présente opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (Carcom : 34,7 millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2009 ; Établissements Jacques Nouy : 28,5 millions d’euros pour le même exercice ; Cora Desmarais : 32,8 millions d’euros pour le même exercice). Chacune réalise en Guadeloupe un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (Carcom : 34,7 millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2009 ; Établissements Jacques Nouy : 25,8 millions d’euros pour le même exercice ; Cora Desmarais : 32,8 millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point III de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence1, deux catégories de marchés peuvent être délimitées2 dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s’agit, d’une part, des marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

 

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DÉTAIL À DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. LES MARCHÉS DE SERVICES

8. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

9. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de vente supérieure à 2 500 m². Ce seuil doit cependant être utilisé avec précaution, et peut être adapté au cas d’espèce, des magasins dont la surface est située près du seuil, soit au-dessus, soit au-dessous, pouvant se trouver, dans les faits, en concurrence directe.

10. Au cas d’espèce, l’opération concerne le rachat d’un fonds de commerce exploité sous l’enseigne Cora Desmarais qui occupe aujourd’hui une surface de vente de 3 080 m2. Il rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.

11. Les parties notifiantes exercent également une activité de « Cash & Carry » à travers plusieurs magasins accessibles non seulement aux professionnels mais aussi aux particuliers. Les ventes à destination des particuliers représentant environ 50% de leur chiffre d’affaires, les parties notifiantes ont estimé leur part de marché en tenant compte des magasins de « Cash & Carry ».

12. Les magasins de « Cash & Carry » se différencient toutefois des autres formes plus traditionnelles de commerce de détail. Généralement, ces magasins sont réservés aux seuls détenteurs de cartes professionnelles. Ils offrent également des produits dans des conditionnements importants et donc volumineux. Le degré de substituabilité des magasins de « Cash & Carry » et des magasins de commerce de détail pourrait être limité. Cette question peut toutefois être laissée ouverte en l’espèce, dans la mesure où elle n’affecte pas les conclusions de l’analyse concurrentielle.

 

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

13. Dans ses décisions récentes relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l’Autorité de la concurrence a rappelé qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s’apprécier sur deux zones différentes :

a. un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

b. un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

14. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

 

B. MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

15. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne3 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales4.

16. Toutefois, en ce qui concerne les DOM, l’avis 09-D-45 précité de l’Autorité a souligné le caractère très spécifique des circuits d’approvisionnements en produits de grande consommation et ses effets sur l’équilibre concurrentiel des marchés concernés. De plus, une partie de l’approvisionnement des enseignes de distribution de détail à dominante alimentaire provient de producteurs locaux, afin notamment de satisfaire aux goûts et habitudes alimentaires locales mais aussi de limiter les coûts d’importation dont celui du fret maritime et de l’octroi de mer. Les marchés géographiques en matière d’approvisionnement pourraient donc être limités à chaque DOM d’une part, et à la zone Antilles-Guyane d’autre part.

17. Au cas d’espèce, les parties notifiantes sont présentes à l’amont sur les marchés de l’approvisionnement en raison de leurs activités de grossistes.

18. Les effets de l’opération seront donc examinés au niveau national et au niveau de la zone Antilles-Guyane.

 

III. Analyse concurrentielle

A. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION À DOMINANTE ALIMENTAIRE

19. Sur le premier marché aval, l’hypermarché Cora Desmarais est le seul hypermarché situé dans une zone de chalandise de 30 minutes autour du centre commercial Desmarais (Basse-Terre). L’opération notifiée n’engendre aucun chevauchement d’activité entre les parties notifiantes et Cora Desmarais sur ce marché. Elle n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d’effets horizontaux.

20. Sur le second marché aval comprenant les hypermarchés, les supermarchés, maxi discompteurs et formes de commerce équivalentes dans une zone de chalandise de 15 minutes autour du centre commercial Desmarais (Basse-Terre), l’hypermarché Cora Desmarais représente environ 44 % des surfaces de vente (3080 m² sur un total de 6930 m²). L’opération n’entraîne pas non plus de chevauchement d’activité dans la mesure où les acquéreurs n’ont pas d’activité de commerce de détail.

21. Dans l’hypothèse où leurs activités de « Cash & Carry » seraient prise en compte, l’addition de part de marché serait marginale. De plus, la zone concernée compte plusieurs supermarchés, magasins discompteurs et supérettes, appartenant notamment aux groupes cora (23,8 %), Le Métayer (17,3 %) et Ho-Hio-Hen (4,3 %).

22. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le second marché aval.

 

B. MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

23. En ce qui concerne le marché de l’approvisionnement au plan national, les approvisionnements des parties concernent, d’une part, des produits de marques, parmi lesquels certains sont distribués dans le cadre de licences exclusives de distribution en Guadeloupe et d’autre part, les achats sur référencement direct des parties notifiantes auprès de divers fournisseurs nationaux. Dans les deux cas, le renforcement de la puissance d’achat des parties liées à l’acquisition d’un seul magasin sera marginal.

24. En ce qui concerne le marché de l’approvisionnement en produits de marque nationale ou locale distribués localement sur la zone Antilles-Guyane, celui-ci peut être évalué à un peu plus de deux milliards d’euros. Les achats locaux des parties notifiantes s’élèvent à 13,8 millions d’euros auxquels doit être agrégé l’approvisionnement local du Cora Desmarais pour 16,6 millions d’euros, soit au total environ 30,4 millions d’euros, ce qui représente 1,52 % du total des approvisionnements locaux sur la zone Antilles-Guyane.

25. Afin d’apprécier l’impact de l’opération par grands groupes de produits, la partie notifiante a fourni des données relatives aux achats des parties notifiantes et de l’hypermarché cible auprès de leurs fournisseurs communs. La pratique décisionnelle a considéré que la puissance de marché d’un distributeur n’était pas susceptible de constituer une entrave à la concurrence lorsque celui-ci représentait un pourcentage des ventes des fournisseurs concernés inférieur à un seuil de l’ordre de 20 à 22 %5. Dans la mesure où la part des achats des parties notifiantes restera inférieure à ce seuil pour l’ensemble de ces fournisseurs, il y a lieu de considérer que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés amont de l’approvisionnement.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 10-0224 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l’arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l’opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l’affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l’affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l’affaire Carrefour/Promodès.

2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.

3 Voir les décisions de la Commission M. 1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

4 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l’entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.

5 Décision de la Commission européenne n° IV/M.1684, Carrefour/Promodes, §52.