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Décisions

ADLC, 4 avril 2011, n° 11-DCC-57

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle du groupe Médipôle Sud Santé par le groupe Bridgepoint

ADLC n° 11-DCC-57

3 avril 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 4 mars 2011, relatif à la prise de contrôle du groupe Médipôle Sud Santé (ci-après, « MSS ») par le groupe Bridgepoint, formalisée par un contrat de cession d’actions signé le 3 mars 2011 entre les sociétés Financière des Jasses, Financière Sud Santé, Médipôle Sud Santé, Aquasourca, Moab, Palamaj, GMD-Invest, Cameleon, BNP Paribas Développement, le FCPR Middle Market Fund III, d’une part, et la société B-Cube, d’autre part ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-10 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. B-Cube est une société holding créée pour les besoins de l’opération, qui n’exerce pas d’activité économique et est contrôlée par la société Bridgepoint SAS. Cette dernière est la société de gestion du fonds Bridgepoint Europe IV FCPR. Son capital est détenu à 100 % par la société Bridgepoint Advisers Holdings, elle-même contrôlée par la société Bridgepoint Advisers Group Limited, holding de tête du groupe Bridgepoint. Le capital de la société Bridgepoint Advisers Group Limited est [Confidentiel], aucun d’entre eux n’exerçant une influence déterminante sur la société. Le groupe Bridgepoint a pour activités principales l’investissement financier, la gestion de participations dans le capital d’entreprises et la gestion de ces sociétés. Il détient actuellement, via divers fonds d’investissement, des participations dans plus de […] groupes actifs dans des secteurs d’activités divers.

2. La société Financière MP Santé est la holding du groupe MSS. Elle est contrôlée par la société Médipôle Santé Finance, elle-même contrôlée par la société Financière Sud Santé. La société Financière MP Santé n’exerce aucune activité économique et contrôle la SA Médipôle Sud Santé, société contrôlant elle-même les filiales du groupe actives dans le secteur des soins en médecine, chirurgie et obstétrique, ainsi que dans les soins de suite et de réadaptation. Le groupe MSS exploite ainsi neuf établissements hospitaliers : (i) la Polyclinique Le Languedoc (11), (ii) la Clinique les Genets (11), (iii) la Polyclinique Saint Roch (66), (iv) la Clinique Saint Pierre (66), (v) la Clinique Notre Dame d’espérance (66), (vi) la Clinique Saint Michel (66), (vii) la Clinique du Vallespir (66), (viii) la Clinique Rhône-Durance (84), et (ix) la Polyclinique Kenval (30). La SARL MédiHAD, filiale de la SA Médipôle Sud Santé, exploite en outre une structure d’hospitalisation à domicile dans le département des Pyrénées orientales (66).

3. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par le groupe Bridgepoint, via la société B-Cube, du contrôle exclusif du groupe MSS.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Bridgepoint : […] milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; groupe MSS : […] millions d’euros pour le même exercice). Le groupe Bridgepoint et le groupe MSS réalisent chacun, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Bridgepoint : […] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; groupe MSS : […] millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relative à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE SERVICES

5. Le groupe MSS est principalement présent, à travers les établissements de santé qu’il détient, dans le secteur de l’offre de diagnostics et de soins en établissement de santé. Le groupe Bridgepoint est également présent dans ces secteurs via le groupe Diaverum, qui fournit des services de dialyse.

6. S’agissant des marchés de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers en France, la pratique décisionnelle nationale et communautaire1 considère qu’il n’est pas pertinent de distinguer l’offre de diagnostics et de soins selon qu’ils sont dispensés par des établissements privés ou publics. En effet, en France, le patient est libre de choisir son établissement, public ou privé, sans considération économique puisque le remboursement des soins ne dépend pas du statut de l’établissement dans lequel les soins ont été dispensés. De plus, la généralisation de la tarification à l’activité et le recours des patients à des assurances complémentaires tendent à accroître la liberté de choix des patients quant à l’établissement dans lequel ils souhaitent être soignés. Par ailleurs, qu’ils soient publics ou privés, les établissements hospitaliers ont vocation à accueillir tous les patients, sans considération économique ou sociale. Enfin, l’ensemble des établissements hospitaliers établis en France sont soumis à un cadre réglementaire et normatif commun qui définit les conditions d’exercice de leur activité, régulée au niveau régional par les Agences Régionales de Santé (« ARS ») avec lesquelles ils concluent des contrats d’objectifs et de moyens. Les parties estiment donc qu’elles sont présentes sur le marché de l’offre de soins hospitaliers.

7. La pratique décisionnelle distingue cependant des marchés de l'offre de diagnostics et de soins hospitaliers par type d’activité pour tenir compte de la forte spécialisation des praticiens et des services des établissements hospitaliers, ainsi que de la nécessité pour un établissement hospitalier d’obtenir des ARS des autorisations spécifiques pour l’exercice de certaines spécialités médicales ou chirurgicales. La pratique a ainsi envisagé une segmentation large, par « groupes d’activité spécialisée »2 correspondant aux grandes disciplines définies par le code de la santé publique (médecine, chirurgie, obstétrique, soins de suite et réadaptation).

8. La pratique a également envisagé une segmentation plus étroite des marchés de diagnostics et de soins hospitaliers, par « catégorie majeure de diagnostic » (« CMD ») selon la classification des actes établie par les ARS. Le ministre3 a considéré, tout en laissant la question ouverte, que cette segmentation était susceptible de constituer un niveau de segmentation pertinent puisqu’elle permet de distinguer l’intégralité des actes médicaux accomplis au sein des établissements hospitaliers selon des critères à la fois médicaux et fonctionnels, tenant compte des parties du corps soignées, et économiques, les séjours ou les entrées classées dans un même groupe impliquant l’utilisation de ressources similaires.

9. Conformément à la pratique décisionnelle, la segmentation large par grande discipline (médecine, chirurgie, obstétrique, soins de suite et réadaptation) ainsi que la segmentation plus étroite par « catégorie majeure de diagnostic » seront utilisées pour analyser les effets de la présente opération. En tout état de cause, la question de la définition exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse demeureront inchangées quelle que soit la délimitation retenue.

10. S’agissant de l’offre d’hospitalisation à domicile, les parties soutiennent qu’il n’y a pas lieu de distinguer cette activité de celle consistant à dispenser des soins dans le cadre d’établissements hospitaliers. Les parties relèvent, à cet égard, que les pouvoirs publics ont souligné que l’hospitalisation à domicile faisait « partie intégrante des modalités de prise en charge hospitalière »4. Cette question peut cependant être laissée ouverte en l’espèce, les conclusions de l’analyse demeureront inchangées quelle que soit la délimitation retenue.

11. Enfin, s’agissant de la fourniture de soins de dialyse, il découle de la pratique décisionnelle européenne que cette activité n’est pas susceptible d’être distinguée d’autres offres de soins hospitaliers assimilables5. La question de la définition exacte du marché peut cependant être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse demeureront inchangées quelle que soit la délimitation retenue.

 

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

12. La Commission européenne6, sans trancher définitivement la question, suggère que les marchés de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers ont une dimension locale s’étendant à un rayon de 30 minutes de voiture. La pratique française, tenant notamment compte des instruments de régulation utilisés par les ARS, considère que les marchés de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers ont une dimension locale, au plus régionale, dont le périmètre est fonction de la spécialité concernée par le marché de l’offre de soins étudié7.

13. Les parties considèrent que les marchés concernés ont plutôt une dimension régionale compte tenu notamment du fait que la planification de l’offre de soins est pilotée par les ARS au niveau régional et que la répartition des activités de soins et des équipements sanitaires par territoire de santé est par ailleurs définie dans une annexe au schéma régional de l’organisation sanitaire. Toutefois, les données concernant la provenance géographique des patients pour chacun des établissements hospitaliers concernés par l’opération montrent que la taille des zones de provenance des patients varie très sensiblement, non seulement en fonction de l’établissement et des spécialités médico-chirurgicales qui y sont pratiquées, mais également en fonction de la région considérée, de sa densité de population et de son niveau d’équipement en établissements de soins hospitaliers.

14. En l’espèce, la question de la définition de la dimension géographique des marchés concernés peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse demeureront inchangées quelle que soit la délimitation retenue.

 

III. Analyse concurrentielle

15. L’opération notifiée n’entraînera aucun chevauchement d’activités au niveau départemental. Au niveau régional les activités des entreprises concernées ne se chevauchent que dans la région Provence Alpes Côte d’Azur.

16. Sur la base d’une segmentation large des marchés concernés correspondant aux grandes disciplines définies par le code de la santé publique (médecine, chirurgie, obstétrique, soins de suite et réadaptation), la nouvelle entité représentera [5-10] % des séjours de la région Provence Alpes Côte d’Azur en médecine et [0-5] % en chirurgie. Elle ne sera présente ni sur le marché de l’obstétrique ni sur celui des soins de suite et de réadaptation dans la région.

17. Dans l’hypothèse d’une segmentation plus étroite, par « catégories majeures de diagnostics » segmentées en fonction de la présence ou non d’un acte opératoire, les activités des entreprises concernées ne se chevauchent que sur le marché correspondant à la CMD 11 – « Affections du rein et des voies urinaires », via la société Diaverum, filiale du groupe Bridgepoint, d’une part, et la clinique Rhône Durance (84), détenue par le groupe MSS, d’autre part. Sur ce marché, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [10-20] % dans la région Provence Alpes Cote d’Azur. Il convient à cet égard de préciser que les activités des parties concernent des segments de marché différents, puisque les établissements de soins de la société Diaverum fournissent exclusivement des soins de dialyse, tandis que la clinique Rhône Durance n’en fournit pas.

18. Par conséquent, la présente opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.

 

DECIDE

Article unique : l’opération notifiée sous le numéro 11-0012 est autorisée.

 

NOTES :

1 Décision de la Commission européenne du 21 mai 2010, COMP./M.5805, 3i/Vedici groupe ; décision de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-68 du 25 novembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Cliniques privées associées par Crédit agricole private equity ; lettre du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 26 octobre 2006 aux conseils de la société Capio santé SA, relative à une concentration dans le secteur de la production de diagnostics et de soins en établissements de santé, C2006-105 ; et la lettre du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 6 janvier 2006 aux conseils de la société Générale de santé relative à une concentration dans le secteur des établissements de santé.

2 Voir notamment la lettre du Ministre de l’économie et des finances du 6 janvier 2006 aux conseils de la société Générale de santé précitée dans laquelle le Ministre de l’économie et des finances a envisagé une segmentation par « groupe d’activité spécialisée » au sein de chacune des grandes disciplines définies par le code de la santé publique : (i) médecine, (ii) chirurgie, (iii) obstétrique, (iv) néo-natalité, (v) psychiatrie, (vi) soins de suite ou de réadaptation fonctionnelle, (vii) soins de longue durée et réanimation, (viii) cancérologie-radiothérapie et (ix) activités de diagnostic.

3 Lettre du Ministre de l’économie et des finances et de l’industrie du 26 octobre 2006 précitée.

4 Exposé des motifs du projet de loi n° 1210 portant réforme de l’hôpital relatif aux patients, à la santé et aux territoire, et article 4 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

5 Décision de la Commission européenne du 8 décembre 2005 n° COMP/M.4010, Fresenius / Helios.

6 Voir notamment la décision de la Commission européenne du 21 mai 2010 précitée n° COMP/M.5805, 3i/Vedici.

7 Voir notamment la lettre du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 14 novembre 2002, au conseil de la société Médi-Partenaires relative à une concentration dans le secteur des établissements de soins en France ; et la lettre du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 4 décembre 2003, aux conseils de la société Capio santé.