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Décisions

ADLC, 12 avril 2011, n° 11-DCC-60

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative au rachat de Société des Polymères Barre-Thomas par la société Cooper-Standard Automotive* France

ADLC n° 11-DCC-60

11 avril 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 21 mars 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif de la Société des Polymères Barre-Thomas SAS par la société Cooper-Standard Automotive France SAS, formalisée par des contrats de cession d’actions, de « share purchase agreement » et de « joint venture agreement » signés le 28 mars 2011 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Cooper-Standard Automotive France (ci-après « CSA France ») est une filiale (détenue directement et indirectement à 100 %) de Cooper-Standard Automotive Inc., société de droit américain et tête du groupe Cooper-Standard Automotive (ci-après « CSA »). Le capital social de CSA est détenu par des investisseurs professionnels et privés, sans qu’aucun d’entre eux n’exerce un contrôle conjoint ou exclusif. Ce groupe est actif dans les domaines de la conception, de la fabrication et de la distribution de pièces destinées à l’industrie automobile, en particulier de produits d’étanchéité de carrosserie, de tuyaux et conduits souples ainsi que de systèmes antivibratoires.

2. Le FMEA est un fonds commun de placement à risque qui a pour mission d'acquérir et de détenir des participations minoritaires dans le secteur de l'équipement automobile en France. Le FMEA détenu par CDC Entreprises (filiale à 100 % de la Caisse des Dépôts et Consignations), le groupe Renault et PSA, qui détiennent chacun un tiers des actions. Cependant, le FMEA n’est contrôlé que par la CDC, le groupe Renault et PSA, n’ayant pas la possibilité d'exercer une influence déterminante sur la gestion du FMEA.

3. La Société des Polymères Barre-Thomas (ci-après « SPBT ») est une société par actions simplifiée active dans les domaines de la conception, la fabrication et la distribution de produits d’étanchéité de carrosserie pour véhicules particuliers et véhicules utilitaires légers, de tuyaux et conduits souples et de systèmes antivibratoires. Son principal client est [Confidentiel] qui représente [80-90] % de ses ventes.

4. L’opération notifiée consiste en la prise de contrôle de SBPT par CSA, par le biais de CSA France. Elle sera réalisée par l'intermédiaire de deux opérations interdépendantes : Le FMEA acquerra initialement la totalité du capital social de SPBT ; CSA France apportera ensuite ses activités en matière de produits d'étanchéité de carrosserie à SPBT en échange de 51 % du capital social de SPBT, le FMEA conservant les 49 % restants. Le conseil d’administration de SPBT sera composé de 5 membres dont 3 seront nommés par CSA France et 2 par le FMEA, lequel ne détiendra toutefois aucun droit de véto sur les décisions stratégiques qui seront adoptées à la majorité simple.

5. Compte tenu de ce qui précède, l’opération notifiée se traduit par la prise de contrôle exclusif de SPBT par CSA France. Elle constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

6. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxe consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (CSA : 1,8 milliard d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; SPBT : 167,14 millions d’euros pour la même période). Chacune de ces deux entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (CSA : […] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; SPBT : […] millions d’euros pour la même année). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS CONCERNÉS

7. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la conception, de la fabrication et de la distribution de pièces en polymère à destination de l’industrie automobile.

8. En matière d’équipement automobile, la pratique décisionnelle tant nationale que communautaire a considéré que chaque type de pièce pouvait constituer un marché pertinent étant donné l’absence de substituabilité entre les différents types de pièces1. Ont notamment été identifiés des marchés spécifiques pour les pare-chocs, les panneaux de portes, les planches de bord, les pare-boues, les protections latérales (ceintures de caisse), les bas de caisse, les becquets ou encore les pièces décorées pour planches de bord et panneaux de portes...

9. En outre, la pratique décisionnelle du ministre2 et de la Commission européenne3 a distingué, dans leurs décisions relatives au secteur de l’équipement automobile, d’une part, des marchés de la première monte (OEM – Original Equipment Manufacturer) et des pièces de rechange distribuées par les réseaux des constructeurs (OES – Original Equipment Services), et d’autre part, des marchés regroupant les pièces de rechange distribuées par des réseaux de grande distribution ou de spécialistes de l’entretien de véhicules (IAM – Independant Aftermarket). Les parties à l’opération ne sont actives que sur le canal OEM/OES.

10. Les autorités communautaires ont également envisagé de segmenter les marchés de produits en fonction du type de véhicule dans lequel la pièce automobile allait être intégrée (véhicules de tourisme et commerciaux légers, et poids lourds)4. Les parties à l’opération sont principalement actives sur le marché des véhicules de tourisme et commerciaux légers.

11. Les parties sont simultanément actives dans la fabrication et la distribution des composants automobiles suivants : les produits d’étanchéité automobile, les tuyaux et conduits souples pour moteurs et les systèmes antivibratoires.

12. La Commission européenne a défini les produits d’étanchéité automobile comme les produits généralement constitués d’une base en polymère ou caoutchouc pour sceller les vitres des voitures, portes, toits ouvrants ou pièces de carrosserie afin de protéger de l’eau, du vent, de la poussière, du bruit5. Tout en laissant la question ouverte, elle a également considéré que les produits d’étanchéité automobile appartiennent à un marché de produits distinct de celui des produits d’étanchéité industrielle. Elle a également laissé ouverte la question de l’existence d’un réseau de seconde monte (IAM). La partie notifiante considère qu’il n’existe pas de marché de seconde monte (IAM) des produits d’étanchéité automobile. En tout état de cause, les parties à l’opération ne commercialisent pas leurs produits auprès des distributeurs indépendants de pièces détachées.

13. Le marché des tuyaux et conduits souples pour véhicules automobiles a été considéré par la Commission comme étant distinct du marchés des tuyaux et conduits souples destinés à d’autres applications que les véhicules automobiles6. Elle a envisagé un sous-segment des tuyaux d’eau de refroidissement, de chauffage et d’air d’alimentation. Enfin, la Commission, tout en laissant la question ouverte, a également envisagé de segmenter les tuyaux et conduits souples pour carburants des tuyaux et conduits souples de produits réfrigérants.

14. Au cas d’espèce, CSA produit des tubes métalliques pour véhicules automobiles, en particulier pour carburant et systèmes de freinage. La partie notifiante considère que ces tubes métalliques ne sont pas substituables aux tuyaux et conduits souples pour véhicules automobiles fabriqués à partir de caoutchouc ou de plastique.

15. Les systèmes antivibratoires sont des « pièces caoutchouc-métal » utilisées pour amortir les vibrations de fréquences relativement élevées, notamment pour stabiliser le moteur ou la suspension du véhicule. La commission a envisagé de segmenter le marché des systèmes antivibratoires pour véhicules automobiles tout en laissant la question ouverte7.

16. En l’espèce, la question de la délimitation de la segmentation des marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où quelle que soit la position retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

 

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

17. En matière de pièces détachées automobiles, la pratique décisionnelle considère de manière constante8 que les marchés sont de dimension au moins communautaire dans la mesure où les fabricants de pièces automobiles exercent leur activité à travers toute l’Europe et où il n’existe pas de standards techniques ou autres barrières règlementaires au commerce au sein de l’Espace économique européen, et pas davantage de barrières douanières entre les Etats membres. Cette situation se retrouve dans le secteur plus spécifique des pièces plastiques et la présente instruction ne conduit pas à remettre en cause cette approche. En conséquence, pour les besoins de la présente analyse, l’impact de l’opération sera examiné sur des marchés de dimension européenne.

 

III. Analyse concurrentielle

18. Sur le marché des produits d’étanchéité automobile, CSA disposera d’une part de marché estimée à [10-20] % ([0-5] % pour SPBT préalablement à l’opération). Elle restera confrontée à la concurrence de groupes tels que Hurchinson ([10-20] %), Saargummi ([5-10] %), Standard Profil ([5-10] %), Hennige ([0-5] %), Kaufil ([0-5] %) et Sealynx ([0-5] %). Par ailleurs, comme le souligne la partie notifiante, le niveau de la production automobile en Europe occidentale a diminué de 16,11 millions de véhicules en 2007 à 11,77 millions de véhicules en 2009. La capacité de production au niveau de l’Espace Économique Européen n’ayant pas significativement baissé, les fabricants du secteur se trouvent actuellement en situation de surcapacité de production. De plus, sur ce marché, il existe une forte concurrence par les prix, en raison, notamment, de l’homogénéité des produits d’étanchéité pour véhicules automobiles, de la maturité de ce marché et de la faible intensité en recherche et développement. Enfin, les clients, constructeurs de véhicules automobiles, bénéficient, comme l’ont relevé les Autorités de la concurrence tant communautaires que nationales9, d’un fort pouvoir de marché.

19. S’agissant des autres marchés concernés par l’opération, les tuyaux et conduits souples et les systèmes antivibratoires, il ressort de l’instruction du dossier que, quelle que soit la segmentation retenue, les parts de marché détenues par la nouvelle entité resteront inférieures à 10 % et, en tout état de cause, les chevauchements d’activités seront limités, voire inexistants. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’éventuels effets horizontaux.

20. [Confidentiel]. Néanmoins, la nouvelle entité ne disposera sur aucun des marchés envisagés d’une position à partir de laquelle elle serait susceptible de faire jouer un effet de levier. La présente opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux sur les marchés des pièces plastique à destination de l’industrie automobile.

21. La présente opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés des pièces à destination de l’industrie automobile.

 

DECIDE

Article unique : l’opération notifiée sous le numéro 10-0233 est autorisée.

 

NOTES :

* Erreur matérielle corrigée.

1 Voir notamment la décision n°09-DCC-08 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Setforge par la société Farinia B.V. ; la lettre C2007-141135 du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 4 avril 2008 au conseil de la société Zen SpA, relative à une concentration dans le secteur des pièces pour automobiles ; la lettre C2007-177141135 du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 11 février 2008 aux conseils de la société CIE Automotive S.A. relative à une concentration dans le secteur des composants pour l’industrie automobile ; la lettre C2007-135 du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 26 novembre 2007 aux conseils du groupe Arche relative à une concentration dans le secteur des pièces pour automobiles ; la lettre C2006-121 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 16 novembre 2006 aux conseils du groupe American Industrial Acquisition Corporation, relative à une concentration dans le secteur des pièces d'équipement automobile ; la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 28 mars 2003, aux conseils de la société Mecaplast, relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de pièces plastiques destinées à l’équipement automobile ; la décision COMP/M.4239 Plastic Omnium/Inopart du 27 octobre 2006 ; la décision COMP/M.2241 Peugeot/Sommer Allibert, en date du 20 décembre 2000 ;

2 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 28 mars 2003 aux conseils de la société Mecaplast relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de pièces plastiques destinées à l’équipement automobile.

3 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M360-Arvin / Sogefi du 23 août 1993, M1245-Valéo / ITT Industries du 30 juillet 1998 et M2939-JCI / Bosch / VB Autobatterien JV du 18 octobre 2002.

4 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.3789 Johnson Controls / Robert Bosch / delphi Sli du 29 juin 2005 et COMP/M.3972 Trw Automotive / Dalphi Metal Españ du 12 octobre 2005.

5 Voir les décisions de la Commission européenne IV/M.253 – BTR / Pirelli du 17 août 1992, COMP/M.1869 – CVC / BTR Siebe Automative Sealing Systems du 6 mars 2000 et COMP/M.5563 – SHV / Eriks du 31 juillet 2009.

6 Voir la décision de la Commission européenne COMP/M.3436 – Continental / Phoenix du 26 octobre 2004.

7 Voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.1907 – Woco / Michelin du 28 avril 2000 et COMP/M.3436 précitée.

8 Voir notamment les décisions n°09-DCC-08 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Setforge par la société Farinia B.V et n°10-DCC-30 du 7 avril 2010 relative au rachat par le groupe Plastivore des actifs de Key Plastics France et Slovaquie dans le cadre d’un plan de cession ainsi que la décision de la Commission européenne COMP/M.3151 Thyssenkrupp/Sofedit du 27 mai 2003.

9 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 28 mars 2003 aux conseils de la société Mecaplast relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de pièces plastiques destinées à l’équipement automobile ; la lettre C2007-149 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 18 avril 2007 aux conseils de la société Faurecia Bloc Avant relative à une concentration dans le secteur des pare-chocs automobiles ; la décision de la Commission européenne COMP/M.4043 Plastal/Dynamit Nobel Kunstoff en date du 22 décembre 2005 .