Livv
Décisions

ADLC, 13 mai 2011, n° 11-DCC-64

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à l’acquisition des sociétés Chamer, Damap’s, Mapic, Matal et Pial par la société Distribution Casino France

ADLC n° 11-DCC-64

12 mai 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 8 avril 2011, relatif à l’acquisition des sociétés Chamer, Damap’s, Mapic, Matal et Pial par la société Distribution Casino France, formalisée par protocole de cession en date du 29 mars 2011 ;

Vu les informations complémentaires transmises par les parties au cours de l’instruction ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L.430-1 à L.430-7 ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Le groupe Casino gère un parc de plus de 9 300 magasins en France (hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité, magasins discompteurs) sous enseignes Casino, Franprix, Spar, Vival, Naturalia et Leader Price. Casino exerce également avec le groupe Galeries Lafayette un contrôle conjoint sur le groupe Monoprix1. Il est de plus présent dans le secteur de la distribution sur internet de produits non alimentaires avec l’enseigne Cdiscount. Le groupe Casino appartient au groupe Euris, lui-même contrôlé par Monsieur Jean-Charles Naouri.

2. La société Distribution Casino France (ci-après « DCF »), filiale du groupe Casino, gère l’ensemble des activités hypermarchés, supermarchés et proximité en France.

3. Damap’s, Mapic et Matal sont des sociétés de droit français qui exploitent trois fonds de commerce de distribution à dominante alimentaire, respectivement sous les enseignes Géant Casino, Hyper Casino et Casino Supermarché situés dans les villes de Saint-Pair-sur-Mer, Villedieu-les-Poêles et Donville-les-Bains (50). Les ensembles immobiliers dans lesquels sont exploités les fonds de commerce des sociétés Damap’s et Mapic sont respectivement détenus par les sociétés Chamer et Pial. L’ensemble de ces sociétés est contrôlé par les membres de la famille Desprez.

4. L’opération consiste en l’acquisition de 100 % du capital des sociétés Chamber, Damap’s, Mapic, Matal et Pial par DCF auprès des membres de la famille Desprez. A l’issue de l’opération, les sociétés cibles seront donc contrôlées exclusivement par le groupe Casino. En ce qu’elle se traduit par une prise de contrôle exclusive des sociétés Chamber, Damap’s, Mapic, Matal et Pial par le groupe Casino, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L.430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (groupe Casino : 29,078 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; sociétés cibles : […] millions d’euros pour la même année). Chacune réalise, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (groupe Casino : 17,956 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; sociétés cibles : […] millions d’euros pour la même année). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce relatifs au commerce de détail sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence, deux catégories de marché peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire2. Il s’agit, d’une part, des marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

 

A. MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHES DE SERVICE

7. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales3, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

8. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de vente égale ou supérieure à 2 500 m². Les supermarchés sont, pour leur part, usuellement considérés comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente inférieure à 2500 m² et supérieure à 400 m². Ces seuils doivent néanmoins être utilisés avec précaution et peuvent être adaptés au cas d’espèce, lorsque des magasins ont une surface située à proximité d’un seuil, soit en dessous, soit au dessus, et peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits.

9. En l’espèce, les magasins de Saint-Pair-sur-Mer et de Villedieu-les-Poêles occupent aujourd’hui une surface de vente respective de 4 340 m² et de 2 700 m² et rentrent donc dans la catégorie des hypermarchés. Le magasin de Donville-les-Bains occupe une surface de vente de 1 420 m², il rentre donc dans la catégorie des supermarchés.

 

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

10. Dans ses décisions récentes relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés4, l’Autorité de la concurrence a rappelé qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s’apprécier sur deux zones différentes :

- un premier marché où se rencontrent d’une part la demande des consommateurs d’une zone et d’autre part l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- un second marché où se rencontrent d’une part la demande de consommateurs et d’autre part l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

11. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner les délimitations usuelles.

12. En l’espèce, les magasins de Saint-Pair-sur-Mer et de Villedieu-les-Poêles entrant dans la catégorie des hypermarchés, l’analyse concurrentielle sera menée sur les deux marchés, celui incluant les hypermarchés situés dans un rayon de 30 minutes autour de leur localisation et celui incluant l’ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés dans une zone de chalandise de 15 minutes autour leur localisation. Le magasin de Donville-les-Bains entrant dans la catégorie des supermarchés, l’analyse concurrentielle sera menée sur le marché incluant l’ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés dans une zone de chalandise de 15 minutes autour Donville-les-Bains.

 

B. MARCHES AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

13. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne5 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales6.

14. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

 

III. Analyse concurrentielle

A. MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION

15. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise de 30 minutes en voiture autour de Saint-Pair-sur-Mer, le Géant Casino exploité par la société Damap’s représente [20-30] % des surfaces de vente. Ce magasin fait face à la concurrence des hypermarchés exploités sous les enseignes Carrefour ([30-40] %) et Leclerc ([40-50] %).

16. De même, sur le marché comprenant l’ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs situés dans un rayon de 15 minutes autour de Saint-Pair-sur-Mer, le Géant Casino exploité par la société Damap’s représente [20-30] % de l’ensemble des surfaces de vente. Le groupe Casino détient par ailleurs deux supermarchés, situés dans des localités dans un rayon de 15 minutes du magasin concerné et couvre, au total [30-40] % des surfaces de vente de cette zone. Ces magasins font face à la concurrence des magasins exploités sous les enseignes Leclerc ([20-30] %), Système U ([10-20] %), Lidl ([5-10] %), Le Mutant ([0-5] %), Intermarché ([0-5] %), Carrefour ([0-5] %) et Aldi ([0-5] %).

17. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise de 30 minutes en voiture autour de Villedieu-les-Poêles, l’Hyper Casino exploité par la société Mapic représente [10-20] % des surfaces de vente. Ce magasin fait face à la concurrence des hypermarchés exploités sous les enseignes Carrefour ([50-60] %) et Leclerc ([20-30] %).

18. De même, sur le marché comprenant l’ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs situés dans un rayon de 15 minutes autour de Villedieu-les-Poêles, l’Hyper Casino exploité par la société Mapic représente [40-50] % de l’ensemble des surfaces de vente. Il fait cependant face à la concurrence de magasins exploités sous les enseignes Système U ([10-20] %), Lidl ([10-20] %), Intermarché ([10-20] %), Carrefour ([10-20] %) et Le Mutant ([5-10] %).

19. Sur le marché comprenant l’ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs situés dans un rayon de 15 minutes en voiture autour de Donville-les-Bains, le Casino Supermarché exploité par la société Matal représente [5-10] % de l’ensemble des surfaces de vente. Le groupe Casino détient par ailleurs deux magasins, dont un hypermarché, situés dans des localités dans un rayon de 15 minutes du magasin concerné et couvre, au total [30-40] % des surfaces de vente de cette zone. Ces magasins font face à la concurrence des magasins exploités sous les enseignes Leclerc ([20-30] %), Système U ([10-20] %), Lidl ([5-10] %), Le Mutant ([0-5] %), Intermarché ([0-5] %), Carrefour ([0-5] %) et Aldi ([0-5] %).

20. Les magasins du groupe Casino restent confrontés, dans les zones de chalandises concernées par l’opération, à la concurrence de plusieurs magasins, adossés aux grands groupes de distribution alimentaire. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés aval.

 

B. MARCHES AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

21. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération qui ne concerne que trois magasins, n’est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat du groupe Casino, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.

22. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur le marché aval que sur le marché amont de l’approvisionnement.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-0066 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 2 octobre 2000 au conseil de la société Casino.

2 Décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la lettre du Ministre C2005-98 du 10 novembre 2005 aux conseils du groupe Carrefour, relative à une concentration dans le secteur de la grande distribution alimentaire.

3 Lettres du Ministre C2005-98 du 10 novembre 2005 aux conseils du groupe Carrefour, relative à une concentration dans le secteur de la grande distribution alimentaire ; C2006-15 du 14 avril 2006, relative à une concentration dans le secteur de la grande distribution alimentaire ; C2007-154 du 3 décembre 2007, au conseil de la société Système U Centrale Régionale Sud, relative à une concentration dans le secteur de la grande distribution alimentaire ; C2007-172 du 13 février 2008 à Monsieur le Président du groupe Carrefour, relative à une concentration dans le secteur de la grande distribution alimentaire ;C2008-32 du 9 juillet 2008 au Président de la société Amidis & Compagnie, relative à une concentration dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire.

4 Voir notamment les décisions n° 09-DCC-04 du 29 avril 2009 relative à la prise de contrôle de la société Noukat par la société d’Exploitation Amidis & Cie SAS, filiale du groupe Carrefour ; n° 09-DCC-06 du 20 mai 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Evolis SAS par la société ITM Entreprises ; n° 09-DCC-10 du 28 mai 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Frandis par la société Financière Perdis ; n° 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Floritine par la société CSF, filiale du groupe Carrefour.

5 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

6 Voir notamment les décisions C2007-172 Carrefour Plane/Plamidis du 13 févier 2008, C2006-15 Amidis/Hamon du 14 avril 2006, 2005-98 Carrefour/Penny market du 19 novembre 2005.