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Décisions

Cass. com., 8 avril 2021, n° 19-25.332

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Yves et Blaise Capron, SCP Gadiou et Chevallier

Grenoble, du 5 sept. 2019

5 septembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 septembre 2019), la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur (la banque) a consenti à la société Thibéric un prêt de 538 000 euros, dont son gérant M. A... s'est rendu caution.

2. La société Thibéric a été mise en sauvegarde le 13 octobre 2015.

3. Le 12 mai 2017, la banque, après avoir déclaré sa créance, a obtenu d'un juge de l'exécution l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur des immeubles appartenant à M. A....

4. Le plan de sauvegarde de la société Thibéric ayant été arrêté le 25 avril 2017, la banque a assigné, le 31 mai 2017, M. A... devant un tribunal de commerce pour obtenir sa condamnation au paiement d'une certaine somme et voir juger que l'exécution forcée de cette décision serait suspendue jusqu'à l'adoption du plan de redressement ou un jugement de liquidation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de la débouter de son action formée contre M. A..., en sa qualité de caution de la société Thibéric, en vue d'obtenir un titre exécutoire lui permettant de valider, par une publicité définitive, sa sûreté judiciaire conservatoire et de décider qu'elle ne pourrait pas procéder, contre la caution, à l'exécution forcée des créances qu'elle a fait admettre au passif de la société Thibéric, tant que le plan de sauvegarde de cette société serait exécuté, alors « que le créancier est fondé, en application des articles L. 622-28 et R. 622-26 du code de commerce, à inscrire sur les biens de la caution du débiteur principal soumis à une procédure de sauvegarde, une hypothèque judiciaire provisoire et, pour valider cette mesure conservatoire, à assigner la caution en vue d'obtenir contre elle un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues, étant précisé que l'exécution forcée de celui-ci ne peut pas être mise en oeuvre tant que le plan de sauvegarde est respecté ; qu'en décidant le contraire, et en interdisant ainsi à la banque, autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les immeubles de M. A..., lui-même caution de la société Thibéric, bénéficiaire d'une procédure de sauvegarde, d'obtenir la délivrance d'un titre exécutoire contre M. A... et donc de faire valider la sûreté judiciaire conservatoire dont il est bénéficiaire, la cour d'appel a violé les articles L. 622-28, L. 626-11 et R. 622-26 du code de commerce, ensemble les articles L. 531-1, R. 532-7, R. 533-1, L. 533-2, R. 533-4 et R. 533-6 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-28, L. 626-11 et R. 622-26 du code de commerce, et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution :

6. Le créancier, qui est fondé, en application du premier et du troisième de ces textes, à inscrire sur les biens de la personne physique, caution du débiteur principal soumis à une procédure de sauvegarde, une hypothèque judiciaire provisoire, est tenu, pour éviter la caducité de cette sûreté, d'assigner, en application du dernier des textes susvisés, la caution en vue d'obtenir contre elle un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues. L'obtention de ce titre n'est pas subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution, dès lors qu'il ne pourra être exécuté tant que le plan de sauvegarde sera respecté.

7. Pour rejeter la demande de condamnation formée par la banque, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article L. 626-11 du code de commerce que l'arrêté du plan de sauvegarde de la société Thibéric prolonge la suspension des poursuites contre les cautions de cette société de sorte que la banque ne peut, à compter de ce plan, poursuivre M. A... en qualité de caution.

8. En statuant ainsi, alors que la banque était fondée, afin d'éviter la caducité de sa mesure conservatoire, à obtenir un jugement de condamnation de la caution avant l'exigibilité de sa créance à son égard, sans préjuger du montant qu'elle pourrait lui réclamer en cas de défaillance, non encore constatée, de la société débitrice dans le paiement des dividendes du plan, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.