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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 16 mai 2022, n° 19/04805

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Banque Neuflize OBC

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pignon

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Goumilloux

Avocats :

SCP Harfang Avocats, Selarl Lexavoue Bordeaux

T. com. Bordeaux, du 30 août 2019, n° 20…

30 août 2019

Exposé du litige

Par acte du 30 septembre 2014, la société Banque Neuflize OBC a consenti un prêt d'un montant de 1 500 000 euros à la société Saint-Florentin participations pour le financement des actions de la société Groupe Actiplay.

Sur ledit prêt, la banque Neuflize OBC a pris les garanties et engagements suivants :

* un cautionnement de M. Julien P., gérant de la société Saint-Florentin participations à hauteur d'un montant de 1 950 000 euros,

* un nantissement du compte-titres ouvert dans les livres de la banque comprenant 321 430 actions du Groupe Actiplay, à hauteur de la somme de 1 500 000 euros,

* une promesse d'affectation hypothécaire par M. Julien P. en premier rang et sans concours sur les biens et droits immobiliers lui appartenant situés à Ludon Médoc.

Par jugement du 5 juillet 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de sauvegarde de la société Actiplay et par jugement du 9 août 2017, il ouvert la procédure de sauvegarde de la société Saint-Florentin participations.

Par courrier du 24 août 2017, la banque Neuflize OBC a mis en demeure M. Julien P. de lui fournir les éléments nécessaires à la rédaction du cautionnement hypothécaire sur lequel il s'était engagé.

Par acte du 2 octobre 2017, la banque Neuflize OBC a déclaré sa créance à titre privilégié d'un montant de 1.502.750 euros au passif de la société Saint-Florentin participations, outre les intérêts restant à courir.

Sur requête de la banque Neuflize, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux a, par deux ordonnances du 6 octobre 2017, autorisé l'inscription d'hypothèques judiciaires provisoires sur les parts et portions des biens immobiliers appartenant à M. Julien P., situés à Bordeaux et Ludon Médoc.

Par courrier recommandé du 19 octobre 2017, la banque Neuflize OBC a mis en jeu le cautionnement de M. Julien P., et l'a mis en demeure de lui régler la somme de 1.502.750(.000) euros puis par acte d'huissier du 15 novembre 2017, elle l'a assigné en paiement devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement du 25 juillet 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a arrêté le plan de sauvegarde de la société Saint-Florentin participations.

Par jugement contradictoire du 5 juillet 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a:

- condamné M. Julien P. à payer à la banque Neuflize OBC la somme de l.502.750 euros au titre de caution solidaire de la société Saint-Florentin participations,

- débouté M. Julien P. de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- dit que l'exécution forcée du jugement ne peut être mise en oeuvre tant que le plan de sauvegarde n'a pas fait l'objet d'une résolution,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à la charge de la banque Neuflize OBC les dépens.

Par déclaration du 30 août 2019, M. Julien P. a interjeté appel de ce jugement énumérant expressément les chefs critiqués et intimant la banque Neuflize OBC.

Prétentions des parties

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 19 juin 2020, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, M. Julien P. demande à la cour de :

- dire et juger que la banque Neuflize OBC a commis des fautes à l'encontre du débiteur principal et de la caution ayant causé un préjudice à cette dernière,

- en conséquence,

- le décharger en qualité de caution de ses obligations et débouter la banque Neuflize OBC de ses demandes,

- à défaut condamner la banque Neuflize OBC à titre de dommages et intérêt à une somme équivalente à sa créance et ordonner la compensation,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger que le cautionnement qu'il a souscrit était manifestement disproportionné,

- en conséquence,

- débouter la banque Neuflize de toutes ses demandes,

- à titre infiniment subsidiaire et par confirmation,

- dire et juger qu'en tout état de cause la condamnation réclamée par la banque Neuflize OBC ne sera exécutée qu'en cas de résolution du plan de sauvegarde de la société Saint-Florentin participations et que les sommes versées dans le cadre du plan seront déduites des sommes dues par M. Julien P.,

- en tout état de cause,

- débouter la banque Neuflize OBC de sa demande d'indemnité formée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelant fait valoir que la banque a commis une faute puisqu'elle s'est uniquement fondée sur la valorisation des actions pour octroyer le prêt et s'assurer de la viabilité du financement et de son remboursement, alors qu'elle ne pouvait ignorer la volatilité de l'actif.

Subsidiairement, il invoque la disproportion de son cautionnement.

Enfin, il précise que le plan de sauvegarde a pour effet de suspendre l'exécution du titre exécutoire obtenu à l'issue des poursuites contre les cautions.

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 21 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la banque Neuflize OBC demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 05 juillet 2019 par le tribunal de commerce de Bordeaux,

- débouter M. Julien P. de ses demandes, fins et prétentions,

- y ajoutant,

- condamner M. Julien P. à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société intimée fait valoir que M. P., dirigeant de la société cautionnée et dirigeant de la société dont elle a nanti les titres, est une caution particulièrement avertie, qu'il dispose d'un Master en administration des entreprises, de l'Institut d'Administration des Entreprises (IAE), qu'il est Président et Directeur général de la société Groupe Actiplay et avait donc parfaitement connaissance de la valeur et ' comme il l'indique ' de la supposée 'volatilité' des titres du Groupe Actiplay.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2022 et le dossier a été fixée à l'audience du 4 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

Motifs

A l'appui de son recours, M. P. fait valoir qu'en se fondant uniquement à un instant T sur la valorisation des actions de la Société Groupe Actiplay (auparavant dénommée Concoursmania) sans prendre aucun autre élément en considération et en liant même la valorisation de ses actions aux garanties souscrites directement par le nantissement ou indirectement par le biais du cautionnement, la banque a commis une faute justifiant sa condamnation à lui régler des dommages et intérêts d'un montant équivalent à sa créance.

La banque réplique à juste titre que M. P., dirigeant de la société cautionnée et dirigeant de la société dont la Banque Neuflize Obc a nanti les titres, est une caution particulièrement avertie.

Il ressort en effet des pièces produites que l'appelant dirige plusieurs sociétés, dont une société ayant une activité de holding et de détention de titres, qu'il dispose d'un Master en administration des entreprises, de l'Institut d'Administration des Entreprises (IAE), et qu'enfin, il a lui-même évalué dans sa fiche patrimoniale, rédigée dans la perspective du cautionnement litigieux, à 18.000K€ sa participation dans la société Saint Florentin participations.

M. P., Président et Directeur général de la société Groupe Actiplay (auparavant dénommée Concoursmania), qui avait parfaitement connaissance de la valeur des titres du groupe, et de leur prétendue volatilité, ne démontre pas que la banque ait commis une faute, en prenant à son compte l'évaluation que lui-même avait portée dans la fiche patrimoniale qu'il a remplie et signée.

En outre, M. P. ne démontre ni n'allègue la fraude ou l'immixtion de la banque.

L'appelant soutient également la disproportion de son engagement de caution.

Aux termes des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La disproportion de l'engagement de caution s'apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus et la caution qui l'invoque doit en rapporter la preuve.

La caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier.

L'appréciation de la disproportion se fait objectivement, en comparant, au jour de l'engagement, le montant de la dette garantie aux biens et revenus de la caution, à ses facultés contributives.

Enfin, la valeur à prendre en considération pour le patrimoine immobilier de la caution est celle résultant de l'estimation par elle, dans la fiche de renseignement qu'elle signe, de ses immeubles et du capital restant dû pour les prêts afférents à leur acquisition.

En l'espèce, la fiche de renseignements remplie par M. P. le 30 septembre 2014 intitulée 'Etat patrimoinal confidentiel' mentionne des revenus annuels de 150.000 euros, un patrimoine immobilier évalué à 1.100.000 euros, des placements de trésorerie à hauteur de 30.000 euros ( 4 placements selon ce qu'énonce la fiche), et 90 % des parts de la société Saint Florentin Participations évaluées à 18.000 K€. Les crédits sont mentionnés pour 697.000 euros (avec des échéances de 1.650 euros), et 1.306.000 euros souscrits auprès D'AXA Banque, avec une échéance à novembre 2016.

De ces éléments, il ressort que l'engagement de caution de M. P. n'était nullement disproportionné à ses biens et revenus, étant rappelé que l'appelant avait une parfaite connaissance de la valeur des titres qu'il détenait, et que son patrimoine lui permettait très largement de faire face à son engagement de caution.

Aucune faute n'étant imputable à la banque Neuflize OBC, et aucune disproportion ne pouvant être relevée, il n'y a lieu ni de décharger M. P. en qualité de caution de ses obligations, ni de condamner la société Banque Neuflize Obc SA à lui payer à titre de dommages et intérêt à une somme équivalente à sa créance, de sorte que le jugement déféré sera confirmé.

Comme l'a parfaitement jugé le tribunal de commerce, conformément aux dispositions de l'article L.626-11 alinéa 2 du code de commerce, la condamnation ne sera exécutée qu'en cas de résolution du plan de sauvegarde de la société Saint Florentin Participations.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de M. P..

Il est équitable d'allouer à la société intimée la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, que M. P. sera condamné à lui payer.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux Angouleme Perigueux Libourne Bergerac en date du en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. Julien P. à payer à la société Banque Neuflize Obc SA la somme de 4.000 euros en application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Julien P. aux entiers dépens, et autorise leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.