ADLC, 14 juin 2011, n° 11-DCC-89
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle conjoint de la société Alexandre par les sociétés CSF et Gescod Provence
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 19 mai 2011, relatif à la prise de contrôle conjoint de la société Alexandre par les sociétés CSF et Gescod Provence ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Le groupe Carrefour est actif dans la distribution à dominante alimentaire. En France, il exploite des hypermarchés sous enseignes Carrefour et Champion et des supermarchés sous enseignes Champion et Carrefour Market. Il exploite également des magasins de proximité sous enseignes Carrefour City, Shopi, 8 à huit, Marché Plus, Sherpa, Proxi et des magasins discompteurs sous enseignes Ed et Dia. La société CSF, société par actions simplifiée, dont le siège est à Mondeville (14), est une filiale à 100 % du Groupe Carrefour.
2. La société Gescod Provence est une société par actions simplifiées détenue par les consorts Caranta (ci-après « groupe Caranta »). Outre la société Gescod Provence, le groupe Caranta contrôle des sociétés actives dans l’exploitation de supermarchés et d’hypermarchés sous les enseignes du groupe Carrefour.
3. La société Alexandre est une société de droit français qui exploite un fonds de commerce de distribution à dominante alimentaire, sous l’enseigne Carrefour Market, d’une surface de 1 197 m2 et situé dans la ville d’Antibes (06).
4. L’opération notifiée consiste en la prise de contrôle conjoint de la société Alexandre par la société Gescod Provence et le groupe Carrefour, par l’intermédiaire de sa filiale CSF, qui en détient actuellement le contrôle exclusif. L’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées exploitent des magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (groupe Carrefour : 85,9 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; groupe Caranta : 83,5 millions d’euros pour la même année). Chacune réalise, en France dans le secteur du commerce de détail, un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (groupe Carrefour : 34,2 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; groupe Caranta : 83,5 millions d’euros pour la même année). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence1, deux catégories de marché peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire2. Il s’agit, d’une part, des marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHES DE SERVICE
7. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales3, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
8. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de vente égale ou supérieure à 2 500 m². Les supermarchés sont, pour leur part, usuellement considérés comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m². Ces seuils doivent néanmoins être utilisés avec précaution et peuvent être adaptés au cas d’espèce, lorsque des magasins ont une surface située à proximité d’un seuil, soit en dessous, soit au dessus, et peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits4.
9. En l’espèce, le magasin concerné par l’opération occupe une surface de vente de 1 197 m², il rentre donc dans la catégorie des supermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
10. Dans ses décisions récentes relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés5, l’Autorité de la concurrence a rappelé qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s’apprécier sur deux zones différentes :
- un premier marché où se rencontrent d’une part la demande des consommateurs d’une zone et d’autre part l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- un second marché où se rencontrent d’une part la demande de consommateurs et d’autre part l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.
11. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner les délimitations usuelles.
B. MARCHES AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
12. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne6 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales7.
13. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION
14. Sur le marché comprenant l’ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs situés dans un rayon de 15 minutes en voiture autour d’Antibes, le Carrefour Market exploité par la cible représente 2,5 % de l’ensemble des surfaces de vente. Le groupe Carrefour détient par ailleurs six magasins dans les localités situées dans un rayon de 15 minutes du magasin concerné, dont un hypermarché, soit un total de 37,8 % des surfaces de vente de cette zone. Ces magasins font face à la concurrence des magasins exploités sous les enseignes Casino (41,7 %), Intermarché (14,4 %), Leclerc (3,5 %) et Lidl (1,4 %).
15. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés en cause.
B. MARCHES AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
16. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération qui ne concerne qu’un magasin, n’est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat des groupes Carrefour et Caranta, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.
17. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur le marché aval que sur le marché amont de l’approvisionnement.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-0092 est autorisée.
NOTES :
1 Voir notamment les décisions de la Commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, n° 98-A-06 du 5 mai 1998 et n° 00-A-06 du 3 mai 2000.
2 Décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la lettre du Ministre C2005-98 du 10 novembre 2005.
3 Lettres du Ministre C2005-98 du 10 novembre 2005, C2006-15 du 14 avril 2006, C2007-154 du 3 décembre 2007, C2007-172 du 13 février 2008 et C2008-32 du 9 juillet 2008.
4 Voir notamment les décisions n° 09-DCC-04 du 29 avril 2009, n° 09-DCC-27 du 24 juillet 2009 et l’avis du Conseil de la concurrence n° 00-A-06 du 3 mai 2005.
5 Voir notamment les décisions n° 09-DCC-04 du 29 avril 2009, n° 09-DCC-06 du 20 mai 2009, n° 09-DCC-10 du 28 mai 2009, n° 09-DCC-24 du 23 juillet 2009.
6 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
7 Voir notamment les décisions C2007-172 Carrefour Plane/Plamidis du 13 févier 2008, C2006-15 Amidis/Hamon du 14 avril 2006, 2005-98 Carrefour/Penny market du 19 novembre 2005.