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Décisions

ADLC, 29 juin 2011, n° 11-DCC-97

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à l’affiliation de l’institution de prévoyance Apgis à la société de groupe d’assurance mutuelle Covéa

ADLC n° 11-DCC-97

28 juin 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 24 mai 2011, relatif à l’affiliation de l’institution de prévoyance Apgis à la société de groupe d’assurance mutuelle Covéa (ci-après « Covéa »), formalisée par un projet de convention d’affiliation devant être conclu entre Apgis et Covéa, approuvé par les conseils d’administration d’Apgis du 31 mars 2011 et de Covéa du 4 avril 2011 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-10 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. Covéa est une société de groupe d’assurance mutuelle (« SGAM ») dont l’activité principale consiste, conformément aux dispositions de l’article L. 322-1-2 du code des assurances, à prendre et à gérer des participations dans des entreprises d’assurance ou de réassurance ou à nouer et à gérer des liens de solidarité importants et durables avec des mutuelles, des institutions de prévoyance, des sociétés d’assurance mutuelle, ou des entreprises d’assurance ou de réassurance à forme mutuelle ou coopérative ou à gestion paritaire.

2. Conformément aux dispositions de l’article L. 322-1-3 du code des assurances, la SGAM Covéa entretient des liens de solidarité financière importants et durables ne résultant pas de participations financières avec les entreprises qui lui sont affiliées et leurs filiales (l’ensemble formé par ces sociétés et la SGAM Covéa étant ci-après dénommé « groupe Covéa »). La SGAM Covéa est ainsi liée par des conventions d’affiliation avec les neuf entreprises suivantes :

- la société d’assurance mutuelle MAAF Assurances*, la mutuelle MAAF Santé, et l’union Force et Santé, qui font partie du groupe MAAF1. La société MAAF assurances contrôle directement ou indirectement, par le biais de filiales, toutes les autres sociétés du groupe MAAF ;

- les sociétés MMA IARD* Assurances Mutuelles, MMA Vie Assurances Mutuelles, DAS Assurances Mutuelles, et le Finistère, qui contrôlent directement ou indirectement toutes les autres sociétés du groupe MMA2 ;

- les sociétés d’Assurances Mutuelles de France (ci-après, « AM ») et la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires et employés de l’Etat et des services publics et assimilés (ci-après, « GMF »), qui font partie du groupe AM-GMF. AM et GMF contrôlent conjointement, directement ou indirectement, toutes les autres sociétés du groupe AM-GMF3.

3. Le groupe Covéa est actif dans les secteurs de l’assurance, de la prévoyance, de l’assurance-vie, de la gestion d’actifs, dans le secteur du courtage bancassurance et dans le secteur des portails internet concernant la santé.

4. Apgis est une institution de prévoyance agréée, régie par les dispositions du code de la sécurité sociale, qui est active dans le secteur de l’assurance, de la prévoyance et de l’assurance-vie.

 

B. L’OPÉRATION

5. La convention d’affiliation qui doit être conclue entre Covéa et Apgis, et qui a été approuvée par leurs conseils d’administration respectifs, prévoit (i) la mise en place de liens de solidarité financière importants et durables entre Covéa et Apgis, ainsi que les modalités de mise en oeuvre de cette solidarité financière ; (ii) les modalités de coordination et d’organisation du groupe d’assurance mutuelle et les dispositions relatives à la combinaison des comptes de celui-ci ; (iii) une délégation de représentation donnée par Apgis* au groupe d’assurance mutuelle ; et (iv) les principes de fonctionnement et le partage des coûts au sein du groupe d’assurance mutuelle.

6. Au vu de ces éléments et conformément à la pratique décisionnelle4, l’affiliation de la société Apgis à la SGAM Covéa constitue une fusion de fait, dans la mesure où cette opération réunit les activités de la société Apgis avec les activités des autres entreprises affiliées à la SGAM Covéa au sein d’un seul et même ensemble économique.

7. En conséquence, la présente opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

8. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Covéa : 12,988 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; société Apgis : 343,7 millions d’euros pour le même exercice). Le groupe Covéa et la société Apgis réalisent chacun, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Covéa : 12,558 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2009 ; société Apgis : 343,7 millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

9. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur de la prévoyance et de l’assurance, en particulier l’assurance santé et l’assurance vie. Le groupe Covéa est également présent dans le secteur de la gestion d’actifs et, de façon accessoire, dans le secteur du courtage bancassurance en ligne, dans le secteur bancaire et dans le secteur des portails internet santé.

 

A. MARCHÉS DE PRODUITS OU DE SERVICES

10. Au sein du secteur de l’assurance, la pratique décisionnelle distingue, de manière constante, les assurances de personnes et les assurances de dommages (biens et responsabilités), chacun pouvant à leur tour être segmentés en autant de marchés qu’il existe d’assurances couvrant les différents types de risques ou de types de contrats, dans la mesure où, du point de vue de la demande, des assurances ou des contrats diffèrent et ne sont pas substituables5. Concernant le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les contrats d’assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d’assurance individuelle pour lesquels le souscripteur est également le bénéficiaire6. De la même manière, concernant le marché des assurances de dommages, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les assurances à destination des particuliers et les assurances à destination des professionnels7.

11. Au cas d’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives en matière d’assurance de personnes. Les parties ont identifié les segments suivants sur lesquels leurs activités se chevauchent :

- le marché de l’assurance santé complémentaire, qui regroupe les produits d’assurance garantissant les bénéficiaires en cas de maladie, d’accident ou de maternité et visant à faire bénéficier les assurés d’une couverture complémentaire des frais de santé. Les parties ont distingué les assurances santé complémentaires individuelles et les assurances santé complémentaires collectives.

- le marché de l’épargne et de l’assurance-vie, qui, conformément à la pratique décisionnelle8, regroupe l’ensemble des produits financiers proposés dans le cadre d’assurances facultatives de capital ou de rente, et les produits d’assurance-vie. Les parties ont distingué l’épargne et l’assurance-vie individuelle, d’une part, et collective, d’autre part. En l’espèce, les activités des parties ne se chevauchent que sur le marché de l’épargne et de l’assurance-vie collective. La pratique décisionnelle a également envisagé une distinction, au sein de l’épargne et de l’assurance-vie collective, entre le segment des contrats collectifs d’épargne salariale et celui des contrats collectifs d’épargne retraite9 ;

- le marché de la prévoyance collective10, qui regroupe les produits d’assurance faisant l’objet d’un contrat conclu entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, destinés à couvrir les bénéficiaires contre une perte de revenus imprévisible (en cas d’accident, de décès, de longue maladie, de perte d’emploi, d’invalidité ou d’incapacité) au moyen du versement d’une indemnité sous la forme d’un capital ou d’une rente. Pour des raisons de rentabilité de l’offre globale, le même contrat d’assurance couvre généralement plusieurs risques11.

12. En l’espèce, les effets de l’opération seront donc analysés sur les marchés de l’assurance santé complémentaire, individuelle et collective, sur le marché de la prévoyance collective, et sur le marché de l’assurance-vie et de l’épargne.

 

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

13. A l’exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, la pratique décisionnelle considère que les marchés de l’assurance sont de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l’existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation12 concernant ce secteur d’activités.

III. Analyse concurrentielle

14. Le groupe Covéa et Apgis sont simultanément présents sur les marchés des assurances de personnes. Au total, le groupe Covéa représente [0-5] % de l’ensemble de ces marchés et Apgis, [0-5] %.

 

A. L’ASSURANCE SANTÉ COMPLEMENTAIRE

15. Sur le marché de l’assurance santé complémentaire individuelle, Covéa détient une part de marché de [0-5] % et Apgis une part de marché de [0-5] %, soit au total [0-5] %. Sur le marché de l’assurance santé complémentaire collective, la part de marché de Covéa s’élève à [0-5] % et celle d’Apgis à [0-5] %, soit une part de marché cumulée limitée à [0-5] % pour l’ensemble.

16. Sur ces marchés, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence de nombreux concurrents importants tels que MGEN, Groupama et Harmonie mutuelle notamment, qui détiennent une part de marché comprise entre [5-10] % sur le marché de l’assurance santé complémentaire individuelle, et tels que Malakoff-Médéric, AXA, AG2R-La Mondiale et Harmonie Mutuelle, qui détiennent une part de marché comprise entre [5-10] % sur le marché de l’assurance santé complémentaire collective.

17. Par conséquent, au vu des éléments précités et quelle que soit la segmentation retenue, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l’assurance santé complémentaire.

 

B. L’EPARGNE ET L’ASSURANCE-VIE

18. Dans l’hypothèse d’une segmentation large regroupant les segments de l’épargne et de l’assurance-vie, le groupe Covéa détient une part de marché de [0-5] % et Apgis une part de marché de [0-5] %, soit [0-5] % pour la SGAM à la suite de la nouvelle affiliation.

19. Dans l’hypothèse d’une segmentation plus étroite, regroupant l’épargne et l’assurance-vie collective, seul segment sur lequel les activités des parties se chevauchent, la part de marché du groupe Covéa est limitée à [0-5] % et celle d’Apgis à [0-5] %.

20. Enfin, sur les deux sous-segments de l’épargne retraite collective, d’une part, et des contrats collectifs d’épargne salariale, d’autre part, la nouvelle entité détiendra une part de marché inférieure à [0-5] %.

21. Par conséquent, au vu des faibles parts de marché détenues par la nouvelle entité, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l’assurance-vie et de l’épargne, quelle que soit la segmentation retenue.

C. LA PRÉVOYANCE

22. Sur le marché de la prévoyance, la SGAM détiendra une part de marché de [0-5] % à la suite de la nouvelle affiliation (soit [0-5] % pour le groupe Covéa et [0-5] % pour Apgis). Sur le seul segment de la prévoyance collective, la part de marché de la SGAM ne dépassera pas [0-5] %.

23. Par conséquent, au vu des éléments précités et quelle que soit la segmentation de marchés retenue, l’opération n’est pas de nature à affecter la concurrence sur les marchés de la prévoyance.

 

DÉCIDE

Article unique : l’opération notifiée sous le numéro 11-0051 est autorisée.

 

NOTES :

1 Le groupe MAAF comprend également les sociétés filiales contrôlées par la société MAAF assurances.

2 Le groupe MMA comprend, outre les sociétés affiliées à Covéa les sociétés qu’elles contrôlent.

3 Le groupe AM-GMF comprend également, outre les sociétés affiliées à Covéa les filiales qu’elles contrôlent.

4 Voir notamment la décision 10-DCC-52 de l’Autorité de la concurrence du 2 juin 2010, relative à la création d’une société de groupe d’assurance mutuelle (« SGAM ») par la MACIF, la MAIF et la MATMUT.

* Erreur matérielle corrigée

5 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.5083, GROUPAMA / OTP GARANCIA du 15 avril 2008, COMP/M.3556, FORTIS / BCP du 19 janvier 2005, IV/M.862, AXA / UAP du 20 décembre 1996 ainsi que la décision 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Epargne et Banque Populaire,

6 Voir notamment la décision de la Commission européenne du 15 avril 2008, COMP / M.5083 précitée ; la décision de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-61 du 4 novembre 2009 relative aux prises de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis et de la mutuelle Releya par la mutuelle Prévadiès, et la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 29 août 2007 aux conseils de la société Pacifica, relative à une concentration dans le secteur des assurances (C2007-107).

7 Voir par exemple la décision de l’Autorité de la concurrence 10-DCC-52 précitée. 4

8 Id.

9 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence 10-DCC-147 du 9 novembre 2010, relative à la création d’une entreprise commune par les sociétés CNP et Malakoff Médéric.

10 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 7 avril 2003 au président-directeur général de la société d’assurance La Mondiale et au délégué général de l’institution de prévoyance AG2R Prévoyance.

11 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 7 avril 2003 au président-directeur général de la société d’assurance La Mondiale et au délégué général de l’institution de prévoyance AG2R Prévoyance ; lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C2007-49 du 21 août 2007 aux conseils de l’institut de prévoyance AG2R Prévoyance et à la société La Mondiale relative à une concentration dans le secteur de l’assurance prévoyance santé et retraite.

12 Décision n°10-DCC-52, précitée.