ADLC, 15 novembre 2012, n° 12-DCC-157
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle conjoint d’une société civile immobilière pour la détention d‘un immeuble de bureaux situé à Lyon par les sociétés Prédica et la Caisse des Dépôts et Consignations
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 11 octobre 2012, relatif à la prise de contrôle conjoint par Prédica et la Caisse des Dépôts et Consignations d’une société civile immobilière pour la détention d‘un immeuble de bureaux situé 10-12 boulevard Vivier Merle 69003 Lyon, formalisée par une promesse synallagmatique de vente signée le 6 août 2012 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Prédica est une filiale de Crédit Agricole SA, société mère du groupe Crédit Agricole (ci-après « GCA »). Les activités de GCA se répartissent en plusieurs pôles qui sont (i) la banque de proximité en France, (ii) les services financiers spécialisés, (iii) la banque de financement et d’investissement, (iv) la gestion d’actifs, (v) les métiers de l’assurance, (vi) la banque privée, (vii) la banque de détail à l’international et (viii) les services immobiliers. GCA est notamment actif dans la fourniture de services immobiliers par l’intermédiaire des sociétés Prédica et Pacifica, qui détiennent et gèrent des actifs immobiliers pour compte propre, ainsi que par l’intermédiaire de Crédit Agricole Immobilier et de ses filiales, spécialisées dans les services immobiliers.
2. La Caisse des Dépôts et Consignations (ci-après « la CDC ») est un établissement public à statut légal spécial, régi par les articles L. 518-2 et suivants du code monétaire et financier, qui remplit des missions d’intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l’Etat et les collectivités locales, et qui exerce des activités ouvertes à la concurrence. Celles-ci sont regroupées autour de quatre pôles : (i) l’immobilier par l’intermédiaire de la Société Nationale Immobilière et de la société Icade, (ii) l’environnement, (iii) les services et (iv) l’investissement et le capital investissement.
3. L’immeuble, situé 10-12 boulevard Vivier Merle à Lyon, dépend d’un ensemble immobilier complexe dénommé « Oxygène ». Il dispose d’une surface de 29 421 m², principalement à usage de bureaux, et est actuellement détenu par la société Rodamco France (ci-après, la « cible »). Les surfaces de bureaux sont louées à la SNCF, Ernst & Young, AXXES, Lyon Commerce International et AFD Technologies sur la base de baux d’une durée de plusieurs années fermes.
4. L’opération notifiée, formalisée par une promesse de vente synallagmatique signée le 6 août 2012 par Prédica et la CDC, consiste en l’acquisition de la cible par la SCI Tour Merle, créée pour les besoins de l’opération par Prédica et la CDC. Ces dernières exerceront un contrôle conjoint sur la cible dans la mesure où elles détiennent chacune 50 % du capital de la société et où, conformément aux dispositions du projet de pacte d’associés, les décisions stratégiques relatives à son activité doivent être adoptées à l’unanimité des associés.
5. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de la cible par Prédica et la CDC, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (GCA : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2011 ; CDC : […] d’euros pour le même exercice ; cible : […] d’euros pour le même exercice). Deux d’entre elles ont réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (GCA : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2011 ; CDC : […] d’euros pour le même exercice). Les seuils de notification de l’article 1 paragraphe 1 du règlement (CE) 139/2004 sont franchis mais chacune des entreprises concernées réalisant plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans l’Union en France, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES
7. L’opération entraîne un chevauchement d’activités de la CNP, Prédica et de l’actif cible sur certains marchés du secteur de l’immobilier.
8. Les autorités de concurrence nationales et européenne ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers1 selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés2), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activités3), et (iv) la nature des services ou biens offerts4.
9. Concernant la segmentation selon la nature des services ou des biens offerts, la pratique décisionnelle a envisagé la distinction entre :
(i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;
(ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;
(iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers ;
(iv) l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;
(v) l’expertise immobilière ;
(vi) le conseil immobilier ;
(vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières, activité au sein de laquelle il peut être distingué entre la vente et la location d’immeubles5.
10. En l’espèce, les parties sont simultanément présentes sur le marché de la détention et de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre d’immeubles à usage de bureaux.
11. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces segmentations à l’occasion de la présente opération.
B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS
12. La pratique décisionnelle6 considère que les marchés de services immobiliers à destination des particuliers sont de dimension locale. En revanche, les opérations relatives à des marchés de services immobiliers à destination des entreprises ont été analysées tant au niveau local qu’au niveau national7.
13. S’agissant en particulier du marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux, pour les régions autres que la région Île-de-France, où le niveau le plus approprié pour l’analyse concurrentielle est le niveau régional8, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional. Au cas d’espèce, l’analyse sera donc conduite à l’échelle de la région Rhône-Alpes et à l’échelle du département du Rhône.
14. La question de la délimitation exacte des marchés pertinents peut toutefois être laissée ouverte à l’occasion de la présente décision, car les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelles que soient les délimitations retenues.
III. Analyse concurrentielle
15. En région Rhône-Alpes, les parties notifiantes ont estimé la taille du marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux en volume à environ 21,8 millions de m². GCA et la CDC gèrent respectivement […] m² et […] m² de bureaux dans cette région soit environ respectivement [0-5] % et [0-5] % des surfaces. La part de marché de la cible s’élève à [0-5] % avec une surface de […] m². La part de marché cumulée des parties restera donc négligeable à l’issue de l’opération.
16. Tant à l’échelle départementale qu’au niveau de la seule ville de Lyon, les parts de marché cumulées des parties et de la cible sur le marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux représenteront moins de [0-5] % du marché en volume à l’issue de l’opération.
17. Par conséquent, la présente opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de la gestion pour compte propre de bureaux.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 12-163 est autorisée.
NOTES :
1 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-178 du 13 décembre 2011 relative à la prise de contrôle de la conjoint par la Caisse des Dépôts et Consignations et CNP Assurances de la société Malthazar SA ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-112 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint par Prédica et Altaréa de la société Alta Marigny Carré de Soi ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 du 29 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Icade S.A. de la Compagnie la Lucette S.A ; la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-79 du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier BOCCRF N° 8 bis du 23 octobre 2008 ; la décision de la Commission européenne du 9 mars 2004, n° COMP/M.3370, BNP Paribas / ARI.
2 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2002-112 du 8 novembre 2002 aux conseils de la société Gecina relative à une concentration dans le secteur des actifs immobiliers, B.O.C.C.R.F. n° 2003-11.
3 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2003-66 du 17 avril 2003 aux conseils de la société CBRE Holding Inc. relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers, B.O.C.C.R.F. n° 2003-11.
4 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-126 du 25 janvier 2006 aux conseils de la société Perexia relative à une concentration dans le secteur des services immobilier, B.O.C.C.R.F. n° 2006-06 ; décision de la Commission européenne COMP/M.3370 précitée.
5 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-126 précitée.
6 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°12-DCC-18 du 13 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société immobilière de location pour l’industrie et le commerce par la société Icade.
7 Voir notamment la décision 09-DCC-16 du 22 juin 2009 de l’Autorité de la concurrence relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Epargne et Banque Populaire et la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C2007-52, précitée.
8 Décision C2006-151du ministre de l’économie SNI / EFIDIS du 10 janvier 2007.