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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 14 novembre 2019, n° 18/06210

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Forta Freight Traffic Activity AG (Sté.)

Défendeur :

Compagnie d'assurances et de réassurance Warta (SA), Phu Lupinscy Spolka Jawna (Sté.), Royal & Sun Alliance Insurance (Sté.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Andrieu

Conseillers :

Mme Soulmagnon, M. Dusausoy

Avocats :

Selarl Lexavoue Paris-Versailles, Selarl Copernic Avocats, Selarl LM Avocats, SCP Ince & Co France

T. com. Nanterre, 3e ch., du 22 juill. 2…

22 juillet 2016

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon trois lettres de voitures CMR n°0417072, n°0417074 et n°0417075, datées du 21 septembre 2011, la société CILAG GmbH International (ci-après « CILAG »), filiale suisse de la société JOHNSON & JOHNSON, désignée sur les trois lettres comme l'expéditeur, a confié aux sociétés du groupe GEODIS, (GEODIS LOGISTICS, GEODIS LOGISTICS ILE DE FRANCE et MG TRANSPORTS) toutes les trois désignées ci-après GEODIS, l'organisation du transport, sous température dirigée, de 58 palettes d'une marchandise (produits pharmaceutiques selon la réglementation russe) à prendre en charge dans les locaux de la société Géodis Logistiques à Saint-Ouen-l'Aumône, en France, pour les livrer à Moscou, en Russie.

La société Royal & Sun Alliance Insurance PLC (ci-après dénommée RSA) est l'assureur de la société CILAG

GEODIS a confié l'organisation du transport à la société suisse FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG (ci-après « FORTA »), laquelle l'a, à son tour, confié à la société polonaise USLUGI TRANSPORTTOWE-HANDEL (ci-après « USLUGI »). Cette dernière l'a ensuite confié à la société polonaise P.H.U. LUPINSCY SJ (ci-après « PHU ») laquelle est désignée comme transporteur sur les trois lettres de voiture précitées et dont l'assureur est la société polonaise TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI WARTA SPOLKA.

Cette société a pris en charge la marchandise dans les locaux de GEODIS pour les acheminer à Moscou.

Le 22 septembre 2011, au cours du transport en Allemagne, un feu s'est déclenché à partir du moteur du tracteur du véhicule de transport, conduisant à la décision de destruction totale des marchandises transportées.

La société CILAG a émis des avoirs au profit de ses acheteurs russes d'un montant égal aux factures de vente des marchandises pour un montant de 471 71,41 €. La société CILAG a été indemnisé par son assureur RSA, à hauteur de la somme de 119.040,60 € représentant le coût de fabrication de la marchandise. L'assureur se considère subrogé dans les droits de la société CILAG.

Par acte du 21 septembre 2012, la société RSA a fait assigner les trois sociétés GEODIS (GEODIS Logistics, GEODIS Logistics Île-de-France et MG transports), ainsi que la société FORTA et la société PHU, devant le tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir, notamment, le remboursement de la somme versée à son assurée.

Les trois sociétés GEODIS ont assigné en garantie les sociétés FORTA (acte du 25 septembre 2012) et PHU (acte du 2 octobre 2012).

Par acte du 21 décembre 2012, la société FORTA a appelé en garantie solidairement la société PHU et son assureur la société WARTA.

Par jugement du 22 juillet 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit la société ROYAL & SUN ALLIANCE recevable et bien fondée en son action à l'encontre des sociétés FORTA FREIGHT et P.H.U. LUPINSCY ;

- Dit que les appels en garantie des sociétés GEODIS LOGISTICS, GEODIS LOGISTICS ILE DE FRANCE et MG TRANSPORTS à l'encontre de FORTA FREIGHT, P.H.U. LUPINSCY et WARTA sont sans objet ;

- Dit la société ROYAL & SUN ALLIANCE subrogée dans les droits de la société CILAG du groupe JOHNSON & JOHNSON ;

- Débouté la société P.H.U. LUPINSCY de son exception d'irrecevabilité et de sa fin de non-recevoir ;

- Dit la société P.H.U. LUPINSCY responsable pour faute de l'incendie du véhicule à l'origine du sinistre ;

-Condamné in solidum la société FORTA FREIGHT, en qualité de commissionnaire de transport, et la société P.H.U. LUPINSCY, en qualité de voiturier, à payer à la société ROYAL & SUN ALLIANCE, subrogée légalement dans les droits de CILAG, à la somme, en principal, de 119.040,60 €, outre les intérêts légaux au taux de 5% conformément à l'article 27 de la Convention CMR, avec capitalisation, à compter du 26 septembre 2011

- Dit irrecevable l'appel en garantie de la société FORTA FREIGHT envers la société P.H.U. LUPINSCY et la compagnie WARTA ;

- Condamné in solidum les sociétés FORTA FREIGHT et P.H.U. LUPINSCY à payer à la société ROYAL & SUN ALLIANCE la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 29 juillet 2016 par la société FORTA du jugement contre les seules sociétés RSA , PHU et WARTA, à l'exception des sociétés GEODIS LOGISTICS, GEODIS LOGISTICS ILE DE FRANCE et MG TRANSPORTS,

Vu l'ordonnance de radiation du 15 mai 2017,

Vu les dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2019 par lesquelles la société FORTA demande à la cour de :

Vu la Convention de Genève en date du 19 mai 1956, dite Convention CMR,

Vu les articles L114-1, L121-12 et L124-3 du Code des assurances,

Vu les articles 1250 (devenu 1346-1) et 1315 (devenu 1353) du Code civil,

Vu l'article 331 du Code de procédure civile,

Vu les pièces,

- Dire et juger l'appel recevable et bien fondé ;

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions ; et, statuant à nouveau,

A titre principal,

- Dire et juger que ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC n'a pas d'intérêt à agir ;

- Dire et juger en conséquence irrecevable la demande de ROYAL & SUN ALLIANCE

INSURANCE PLC ;

- Débouter en conséquence ROYAL & SUN ALLIANCE de ses demandes à l'encontre de FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG ;

- Dire et juger que l'incendie constitue un cas exonératoire de la responsabilité du transporteur ;

- Dire et juger que le rapport DEKRA doit être écarté des débats, faute pour les demandeurs de communiquer la version allemande du rapport ;

- Dire et juger en tout état de cause que dans son rapport DEKRA attribue les dommages à une fissure dans le turbo qui a causé l'incendie et indique que le chauffeur n'avait aucun moyen d'empêcher ou d'éteindre l'incendie ;

- Dire et juger que cet événement soudain constitue un cas excepté pour le transporteur sur le fondement de l'article 17.2 CMR ;

- Dire et juger que ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC ne rapporte pas la preuve du montant de sa demande ;

- Dire et juger que la preuve n'est pas rapportée que FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG serait intervenue en qualité de commissionnaire de transport ;

- Dire et juger que l'expéditeur est en Suisse, que FORTA FREIGHT est en Suisse et sa facture relative à ce transport étant payable sur son compte en Suisse, le contrat présente les liens les plus étroits avec la Suisse ;

- Dire et juger que c'est donc à tort que les demanderesses font référence au droit français pour qualifier FORTA FREIGHT de commissionnaire de transport ;

- Dire et juger que FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG est intervenue en qualité de second transporteur CMR ;

- Dire et juger que la responsabilité de FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG ne peut être engagée ni sur le fondement de l'article 36, ni sur celui de l'article 3 de la Convention CMR ;

- Dire et juger que ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC n'a aucune action contre FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG, intervenue en qualité de second transporteur CMR ;

- Dire et juger que FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG n'a commis aucune faute ;

- Dire et juger en conséquence mal fondée l'action de ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC et la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire, si par impossible la Cour devait condamner FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG pour tout ou partie de la demande,

- Dire et juger que FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG est recevable à agir contre P.H.U.LUPINSCY SPOLKA JAWNA, dernier transporteur, et TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI WARTA SPOLKA, assureur du transporteur responsable ;

- Dire et juger que FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG n'a réglé aucune indemnité, de sorte que le délai de l'action récursoire n'a pas commencé à courir en application de l'article 39 de la Convention CMR ;

- Dire et juger en tout état de cause que la prescription a été interrompue à l'encontre de P.H.U. LUPINSCY SPOLKA JAWNA par la délivrance de l'assignation principale en date du 21 septembre 2012 et de l'assignation en garantie en date du 25 septembre 2012 ;

- Dire et juger que l'action de FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG à l'encontre de TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI WARTA SPOLKA a été engagée dans les deux ans à compter de la date du sinistre ;

- Dire et juger en conséquence que l'action en garantie de FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG contre P.H.U. LUPINSCY SPOLKA JAWNA et TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI WARTA SPOLKA n'est pas prescrite ;

- Dire et juger que le transporteur P.H.U. LUPINSCY SPOLKA JAWNA est responsable ;

- Dire et juger que TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI WARTA SPOLKA est également responsable en qualité d'assureur du transporteur ;

- Dire et juger que les produits de parapharmacie, d'hygiène et de cosmétique, transportés en l'espèce ne peuvent pas être qualifiés de « marchandise dangereuse » ;

- Dire et juger que TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI WARTA SPOLKA ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un défaut d'entretien du véhicule ;

- Dire et juger, en conséquence, que TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI WARTA SPOLKA n'est pas en droit de se prévaloir des dispositions de la police d'assurance qui excluent sa couverture ;

- Dire et juger en conséquence bien fondé l'appel en garantie de FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG à l'encontre de P.H.U. LUPINSCY SPOLKA JAWNA et de TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI WARTA SPOLKA ;

-Condamner en conséquence conjointement et solidairement P.H.U. LUPINSCY SPOLKA JAWNA et TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI WARTA SPOLKA, ou l'une à défaut de l'autre, à relever et garantir FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre en principal, intérêts et frais ;

En tout état de cause,

- Condamner tout succombant à payer à FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG la somme de 25.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens de l'instance, qui comprendront les frais de traduction, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Oriane D., AARPI ' JRF AVOCATS, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 février 2019 par lesquelles la société RSA demande à la cour de :

:

Vu notamment l'article 17 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR) et les

articles L.132-3 et suivants du Code de commerce,

-Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nanterre le 22 juillet 2016

en toutes ses dispositions,

En conséquence, débouter FORTA FREIGHT de l'intégralité de ses demandes,

-Condamner solidairement les sociétés FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG, P.H.U. LUPINSCY SPOLKA JAWNA et TOWARZYSTWO UBEZPIECZEN I REASEKURACJI « WARTA » SPOLA AKCYJNA à payer à la société ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure de civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2019 par lesquelles la société WARTA sollicite de la cour de :

Vu l'article 32 de la Convention CMR du 19 mai 1956,

Vu l'article 122 du CPC,

Vu les articles 367 et 368 du CPC,

Vu les Conditions Générales de la police d'assurance n°908200001457,

Vu l'article L. 124-3 du Code des assurances,

Statuant sur l'appel de la société FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG :

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nanterre le 22 juillet

2016 sauf en ce qu'il a débouté la COMPAGNIE D'ASSURANCES ET DE

REASSURANCE WARTA SA de sa demande au titre de frais irrépétibles ;

- Par conséquent :

-Dire et juger l'action en garantie de FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG contre la société PHU LUPINSCY SPOLKA JAWNA prescrite ;

Dès lors, dire et juger que la société FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY ne dispose pas d'un intérêt à agir contre la Compagnie d'assurances et de réassurance WARTA SA ès qualités d'assureur de la société PHU LUPINSCY SPOLKA JAWNA ;

-Déclarer la société FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG irrecevable et en toute hypothèse, mal fondée, en ses demandes, fins et prétentions contre la COMPAGNIE D'ASSURANCES ET DE REASSURANCE WARTA SA ;

-Condamner la société FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG à verser à la COMPAGNIE D'ASSURANCES ET DE REASSURANCE WARTA SA la somme de 10.000 € au titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- Condamner la société FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG aux entiers dépens (y compris les frais de traduction), dont distraction pour ceux qui la concernent au profit de Maître Martine D., conformément à l'art.699 du code de procédure civile ;

Statuant sur la demande de la société ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC au titre

de frais irrépétibles d'appel :

- Dire et juger la société ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC irrecevable et en toute hypothèse mal fondée en sa demande contre la COMPAGNIE D'ASSURANCES ET DE REASSURANCE WARTA SA.

Bien que régulièrement assignée, la société PHU n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 juin 2019.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

I - Sur les fins de non-recevoir

- sur l'intérêt à agir de la société RSA

La société FORTA critique le jugement en ce qu'il a admis que la société CILAG avait un intérêt à agir et donc son assureur alors que la preuve n'est pas rapportée de ce qu'elle aurait subi un préjudice. Au visa des Incoterms CIP, elle fait valoir que le transfert des risques intervient lors de la remise des marchandises entre les mains du transporteur désigné de sorte que seuls les acheteurs ont un intérêt à agir. Elle ajoute que l'ordre de destruction de celles-ci est venu, de la société Johnson & Johnson et non de la société CILAG qui n'en était donc pas propriétaire. La société FORTA soutient que la société RSA ne peut disposer de plus de droits que son assurée la société CILAG.

La société RSA fait valoir que les Incoterms CIP s'appliquent au seul contrat de vente lequel est indépendant du contrat de transport, seul objet du litige. Elle expose que la société CILAG a émis des avoirs au profit des acheteurs justifiant ainsi d'un préjudice personnel. Elle soutient que la société CILAG était propriétaire des marchandises et que l'argument du donneur d'ordre de destruction est inopérant. En sa qualité d'assureur subrogée de la société CILAG, elle fait valoir un intérêt à agir.

****

Les Incoterms sont des clauses-types auxquelles peuvent se référer les parties à un contrat de vente présentant un caractère international et qui précise les obligations réciproques de l'acheteur et du vendeur relatives à la délivrance et au transfert des risques de la marchandise. La clause CIP, mentionnée aux lettres de voiture, issue de ces Incoterms prévoit que les risques sont transférés à l'acheteur, dès la remise de la marchandise au transporteur au lieu convenu.

Toutefois, il est de principe que le contrat de vente et le contrat de transport sont indépendants et que le transporteur ou son assureur ne peuvent se prévaloir des effets de la vente quant aux droits et obligations du vendeur.

En l'espèce, la société FORTA ne peut se prévaloir de la clause CIP applicable au contrat de vente auquel elle n'est pas partie.

Les factures et les avoirs émis par la société CILAG au profit des acheteurs correspondent à la valeur des marchandises sinistrées, et établissent l'intérêt à agir de la société CILAG à en obtenir le remboursement au moins partiel par son assureur, l'ordre de destruction de celles-ci émis par la société Johnson & Johnson société-mère de la société CILAG, ne suffit pas à faire disparaître l'intérêt à agir de sa filiale. Cet ordre ne remettant pas en cause le préjudice subi par sa filiale.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a reconnu que la société CILAG justifiait d'un préjudice personnel et donc d'un intérêt à agir et partant son assureur.

- sur la qualité à agir de la société RSA

La société FORTA fait valoir, au visa des articles L. 121-12 codes des assurances et 1250 alinéa premier, ancien du Code civil, que la société RSA ne rapporte pas la preuve de sa subrogation tant légale que conventionnelle, car elle n'établit pas que la société CILAG serait son assurée, ni qu'elle a procédé au règlement indemnitaire au profit de celle-ci en application d'une police d'assurance.

La société RSA réplique que les conditions de la subrogation légale sur laquelle elle se fonde exclusivement, au visa de l'article L. 121-12 du code des assurances, sont remplies en ce qu'elle a effectivement versé une indemnité d'assurance à son assurée, la société CILAG, en application de la police d'assurance. Elle soutient ainsi être subrogée dans les droits de la société CILAG.

****

L'alinéa premier de l'article L.121-12 du code des assurances prévoit que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu arrêt à la responsabilité de l'assureur.

La société RSA verse au débat une police d'assurance portant la référence C070443F, rédigée en anglais avec une traduction libre en français, non contestée, au terme de laquelle l'assuré est la société Johnson & Johnson ainsi que ses sociétés filiales. La société CILAG est une société filiale de la société Johnson & Johnson ainsi que la société RSA l'établit (facture et avoirs destinés aux acheteurs) de sorte qu'il y a lieu de considérer la société CILAG comme l'assurée.

La société RSA produit aux débats une quittance subrogative du 7 septembre 2012 signée par la société CILAG aux termes de laquelle cette dernière reconnaît avoir reçu une indemnité de 119 040, 60 euros, ce par virement bancaire du 17 janvier 2012, ce qui est confirmé par la banque émettrice du virement (HSBC).Cette quittance se réfère au numéro de la police d'assurance précitée, au mode de transport (route) et à l'itinéraire (France/Russie) des marchandises litigieuses.

La société justifie ainsi, au regard des conditions de la subrogation légale, être subrogée dans les droits de la société CILAG de sorte que l'examen des conditions de la subrogation conventionnelle est sans objet.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société RSA, en qualité d'assureur subrogé, à l'encontre de la société FORTA.

II - Sur l'action de la société RSA à l'encontre de la société PHU, de la société WARTA et de la société FORTA

- sur l'action à l'encontre de la société PHU

La société RSA sollicite la confirmation du jugement au visa de l'article 17 de la convention CMR. Elle soutient que la société PHU , en sa qualité de transporteur, est responsable du dommage consécutif au sinistre. Elle fait valoir que la vétusté du camion constatée par les experts ne permet pas au transporteur de se prévaloir de l'existence d'un cas de force majeure exonératoire de responsabilité.

****

Le paragraphe premier de l'article 17 de la convention CMR dispose que : "le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle, ou de l'avarie, qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise est celui de la livraison, ainsi que du retard à la livraison.

Le second paragraphe de cet article prévoit que « le transporteur est déchargé de cette responsabilité si la perte, l'avarie ou le retard a eu pour cause une faute de l'ayant droit, un ordre de celui-ci ne résultant pas d'une faute du transporteur, un vice propre de la marchandise, ou des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier ».

Le troisième paragraphe du même article prévoit que :" le transporteur ne peut exciper, pour se décharger de sa responsabilité, ni des défectuosités du véhicule dont il se sert pour effectuer le transport, ni de fautes de la personne dont il aurait loué le véhicule du préposé celle-ci. ».

Il résulte du certificat d'examen technique du 11 octobre 2010 (seul certificat accompagné de sa traduction) produit par la société FORTA qu'un contrôle technique a été effectué le 11 octobre 2010 sur le véhicule sinistré, ce contrôle technique établit que le véhicule satisfait aux conditions et aux exigences techniques de l'article 66 de la loi sans que celles-ci soient identifiées. Ce seul certificat ne peut établir que lors de la survenance plus de onze mois après, de l'incendie, le 22 septembre 2011, le véhicule était bien entretenu.

Les parties versent aux débats des rapports techniques établis à l'occasion du sinistre (rapports d'expertise Gassner des 27 et 30 septembre 2011 versés par la société FORTA; rapport d'expertise Batterman & Tillery ; rapport d'expertise Dekra du 10 octobre 2011, versés par la société RSA, rapport d'expertise Toghra du 21 novembre 2012, versé par la société WARTA).

La société FORTA sollicite de la cour que le rapport DEKRA soit écarté au motif que la version originale en langue allemande n'est pas versée aux débats. La société RSA a versé en cause d'appel ce document qui a pu faire l'objet d'un débat contradictoire. La cour ne fera donc pas droit à la demande de la société FORTA d'écarter ce rapport.

Les conclusions du rapport Dekra sont les suivantes : "un incendie à flamme nue s'est déclenché, qui a trouvé son origine dans le compartiment du moteur à droite. Un défaut technique causé par l'usure ou la surcharge a provoqué un dommage sur la roue de turbine du turbocompresseur. Cela a causé une rupture sur le tuyau d'échappement positionné derrière. Les flammes qui se trouvaient dans le conduit d'échappement ont pu quitter leur emplacement conforme, sont parvenues à l'extérieur et ont mis le feu aux pièces du moteur adjacentes. L’incendie a ensuite suivi le déroulement décrit".

Le rapport fait, en outre, état de nombreux dommages préexistant à l'incendie (page 4 du rapport) : longeron réparé grossièrement, déformation dans la suspension de la cabine, présence de rouille sur les longerons, etc. avec illustrations photographiques.

Les rapports Gassner ne se prononcent pas sur l'origine de l'incendie mais sur l'absence de qualité marchande des produits transportés de même que le rapport Batterman & Tillery et le rapport Toghra.

De ce qui précède, la cour constate que l'incendie trouve son origine dans l'usure du moteur d'un véhicule mal entretenu, de sorte qu'il n'existe pas de cause exonératoire de responsabilité de la société PHU, le rapport précité démontrant que cette dernière aurait pu éviter l'incendie et ses conséquences si le véhicule avait été correctement entretenu. En l'absence de toute cause exonératoire, la société PHU doit être reconnue responsable en qualité de transporteur.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- sur l'action de la société RSA à l'encontre de la société WARTA , assureur de la société PHU

La société RSA sollicite dans ses écritures (page 14) la condamnation de la société WARTA «....en garantie de la responsabilité civile de son assurée PHU.... ». Toutefois, cette demande ne figure pas au dispositif de ses conclusions alors qu'elle y sollicite la confirmation du jugement qui n'a prononcé aucune condamnation contre la société WARTA.

La cour ne statuant, en application des dispositions de l'art 954 du code de procédure civile, que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examinant les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, ne peut statuer sur cette demande.

- sur l'action à l'encontre de la société FORTA

La société FORTA fait valoir au visa de l'article 36 de la convention CMR que l'expéditeur n'a aucune action contre le sous-traitant du premier transporteur CMR. Elle soutient que la société RSA dispose seulement d'une action contre le premier transporteur, la société MG transport, et le dernier transporteur, la société PHU. Elle expose que c'est à tort que l'action principale est fondée sur sa prétendue qualité de commissionnaire de transport alors que le contrat de transport présente les liens les plus étroits avec la Suisse qui ne connaît pas la notion de commissionnaire de transport.

La société RSA soutient que la société FORTA est intervenue en qualité de commissionnaire de transport puisqu'elle s'est vue confier l'organisation du transport litigieux par la société MG transport et a, par la suite, chargé la société polonaise USLUGI d'effectuer le transport. Elle rappelle que la loi applicable à un contrat de commissionnaire de transport est la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits en l'espèce la France. La responsabilité de la société FORTA est donc engagée en sa qualité de commissionnaire en application des articles L.132-4 et suivants du code des assurances. Elle ajoute que les dispositions 34 et suivants de la convention CMR sont inapplicables parce ce que la totalité du transport a été matériellement exécutée par un seul transporteur en l'espèce la société PHU.

****

- la qualité de la société FORTA à l'égard de la société RSA

La société FORTA revendique le bénéfice de certaines dispositions de la convention CMR qui n'est pas applicable à la commission de transport dans les rapports entre commettant et commissionnaire de transport. Il convient, en premier lieu, de vérifier si le statut de commissionnaire de transport lui est, ou non, applicable ce qui suppose préalablement de déterminer la loi susceptible de déterminer l'existence de ce statut.

Il est de principe qu'en l'absence de disposition conventionnelle expresse sur le droit applicable, la loi applicable à un contrat de commission de transport est celle du pays avec lequel il présente des liens les plus étroits.

Il résulte des éléments versés au débat que la facture de l'organisation du transport émise par la société FORTA le 23 décembre 2011 mentionne comme client destinataire de cette facture la société MG Transport (GEODIS), située à Saint-Ouen-l'Aumône ; que le paiement est prévu en euros ; que la lettre de réclamation de la société Johnson & Johnson du 26 septembre 2011 à la suite de la destruction des marchandises litigieuses est adressée à la société Geodis Logistics située également à Saint-Ouen-l'Aumône ; que la lettre du 23 octobre 2012 de la société FORTA réclamant une indemnisation à la société polonaise USLUGI fait état d'une "commande" de transport pour "l'itinéraire entre la France 95310 Saint-Ouen-l'Aumône.... vers la Russie Moscou..."; que l'ordre de transport du 16 septembre 2011 donné par la société polonaise USLUGI à la société PHU mentionne une prise en charge de la marchandise à Saint-Ouen-l'Aumône pour un déchargement à Moscou; qu'ainsi le droit français présente des liens plus étroits avec le litige que le droit suisse, la nationalité suisse de la société FORTA et de l'expéditeur n'étant pas suffisante à faire prévaloir ce dernier.

L'article L.1411-1 1°) du code des transports stipule que sont considérés comme commissionnaire de transport : "les personnes qui organisent et font exécuter, sous leur responsabilité et en leur propre nom, un transport de marchandises selon les modes de leur choix pour le compte d'un commettant....".

Le commissionnaire de transport est celui qui s'engage envers le commettant, à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d'un lieu à un autre. La commission de transport se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout.

Il résulte des trois lettres de voiture que la société CILAG est l'expéditeur ; que le lieu de prise en charge est fixé à Saint-Ouen-l'Aumône ; que seule la société polonaise PHU est mentionnée comme transporteur ; que le lieu de livraison est situé à Moscou ; que la rubrique 17 " transporteur successifs" de ces lettres n'est pas renseignée. Les autres éléments versés aux débats permettent de constater que la société FORTA s'est vue confier l'organisation du transport des marchandises litigieuses par la société MG Transport (GEODIS) ainsi que la facture précitée du 23 décembre 2011 permet de l'établir ; que la société FORTA a confié, sous sa responsabilité, agissant en son nom propre ainsi que sa lettre de réclamation auprès de la société USLUGI l'établit, la totalité du transport, de bout en bout, à cette société laquelle l'a entièrement sous-traité à la société PHU, de sorte que seule cette dernière a procédé à l'enlèvement des marchandises jusqu'à la survenance du sinistre.

Il s'en déduit que la société FORTA qui n'a à aucun moment transporté la marchandise, a agi comme intermédiaire entre la société MG transport et la société USLUGI, choisie par ses soins, et sous sa responsabilité, sans en référer à son donneur d'ordre la société MG Transport (GEODIS), organisant ainsi librement le transport des marchandises litigieuses. Elle s'est ainsi comportée comme commissionnaire de transport et non comme second transporteur comme elle le prétend.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la société FORTA est intervenue en qualité de commissionnaire de transport.

- la responsabilité de la société FORTA

A titre subsidiaire, la société FORTA critique le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée, solidairement avec la société PHU, à la somme, en principal, de 119 040,60 euros au profit de la société RSA, subrogée dans les droits de la société CILAG. Elle fait valoir que la responsabilité du transporteur ne pouvait être engagée, l'incendie résultant d'une cause exonératoire ; que le montant des dommages et intérêts n'est pas justifié ; que la preuve de sa faute n'est pas rapportée alors qu'elle n'est pas intervenue en qualité de commissionnaire de transport mais en qualité de second transporteur ; qu'en cette qualité sa responsabilité ne peut être engagée ainsi que le prévoit l'article 36 de la convention CMR alors qu'en outre elle n'a pas désigné le transporteur responsable, la société PHU, condition exigée par l'article 3 de la convention CMR pour sa mise en cause. La société FORTA soutient que le véhicule était bien entretenu et que son incendie relève d'un dommage soudain ainsi que l'établirait un rapport technique ce qui l'exonère de toute responsabilité au sens de l'article 17-2 de la convention CMR.

La société RSA sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que l'incendie du véhicule ne constituait pas un cas de force majeure exonératoire de responsabilité mais résultait d'un défaut d'entretien du véhicule. Elle fait valoir la vétusté du véhicule ainsi que cela ressort des rapports d'expertise.

Au cours de développements précédents, la cour a considéré que la société FORTA avait agi en qualité de commissionnaire de transport dans le cadre du litige et non en qualité de second transporteur de sorte que la responsabilité de la société FORTA doit être examinée à l'aune de ce statut.

L'article L 132-4 du code de commerce dispose que le commissionnaire de transport est garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture hors les cas de force majeure légalement constatée.

L'article L 132-5 du code de commerce édicte qu'il est garant des avaries ou pertes des marchandises et effets s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture ou force majeure.

En l'espèce, en l'absence de convention contraire dans les lettres de transport et sans démonstration de l'existence d'une force majeure à l'origine du sinistre, la société FORTA qui a commis une faute en ne s'assurant pas que la société USLUGI, à qui elle avait initialement confié le transport, avait retenu un transporteur utilisant des moyens de transport en bon état, doit donc répondre de la perte des marchandises.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

III - Sur le préjudice

La société FORTA fait grief au jugement de l'avoir condamnée solidairement à la somme de 119 040,60 euros. Elle fait valoir au visa de l'article 1315 du code civil que la société RSA ne rapporte pas la preuve de son préjudice ni de la nécessité de détruire la totalité de la marchandise.

La société RSA sollicite la confirmation du jugement sur ce point. Elle fait valoir que la destruction des marchandises était nécessaire, car n'étant plus commercialisables s'agissant de produits pharmaceutiques à la suite du sinistre. Elle soutient rapporter la preuve du quantum de son préjudice.

Sur ce,

Il résulte des rapports d'expertises (Toghra, page 21, Batterman & Tillery, page 10, Gassner, page 4), que l'ensemble des marchandises a perdu ses caractéristiques initiales du fait de la fumée, de l'emploi de mousse pour lutter contre l'incendie et de l'exposition de celles-ci à des températures supérieures à 25°dépassant celle prescrite pour leur conservation (+15°).

La preuve est ainsi rapportée de la perte totale des marchandises, cataloguées comme produits pharmaceutiques, et de la nécessité de procéder à leur destruction puisque dépourvues de toute valeur marchande.

La cour a constaté précédemment que la société RSA a versé à son assurée la somme de 119 040,60 euros. Cette somme, prise en charge par la société RSA en application de la police d'assurance (clause 10.1), correspond aux coûts de fabrication de la marchandise dont le détail figure au rapport Toghra (page 23) sans être contesté par la société FORTA.

La société PHU et la société FORTA ayant, par leur faute, chacune concouru au dommage seront condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par la société RSA.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

IV - Sur l'appel en garantie de la société FORTA à l'encontre de la société PHU et de la société Warta, assureur de la société PHU

- Sur l'appel en garantie à l'encontre de la société PHU

La société FORTA sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré l'action en garantie prescrite et donc irrecevable. Elle soutient au visa de l'article 39-4 de la Convention CMR que le délai de l'action récursoire n'a pas commencé à courir. Elle fait également valoir que la prescription a été interrompue par la délivrance de l'assignation principale en date du 21 septembre 2012.

La société WARTA soutient que cette action est prescrite au visa de l'article 32 de la convention CMR et rend, ainsi, l'action dirigée contre elle-même, sans objet en sa qualité d'assureur de la société PHU.

L'article 32 de la Convention CMR dispose que : «1. Les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la présente convention sont prescrites dans le délai d'un an. Toutefois, dans le cas de dol ou de faute considérée, d'après la loi de la juridiction saisie, comme équivalente au dol, la prescription est de trois ans . La prescription court :

« ...b) dans le cas de perte totale, à partir du 30e jour après l'expiration du délai convenu ou, s'il n'a pas été convenu de délai, à partir du 60e jour après la prise en charge de la marchandise par le transporteur... »

L'article 39-4 de la Convention CMR stipule que: « Les dispositions de l'article 32 sont applicables aux recours entre transporteurs. La prescription court, toutefois soit à partir du jour d'une décision de justice définitive fixant l'indemnité à payer en vertu des dispositions de la présente convention, soit, au cas il n'y aurait pas eu de telles décisions, à partir du jour du paiement effectif. ».

La société FORTA n'ayant pas agi, en l'espèce, en qualité de transporteur mais en qualité de commissionnaire de transport, ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 39-4 précité qui s'applique aux recours entre transporteurs.

La société FORTA ne soutient pas que le transporteur a eu un comportement dolosif ou a commis une faute équivalente au dol, de sorte que les dispositions de l'article 32 de la Convention CMR sont applicables.

En l'espèce les marchandises ont fait l'objet d'une destruction totale consécutive au sinistre de sorte que le délai de prescription d'un an a commencé à courir à partir du 30e jour après l'expiration du délai convenu de livraison lequel était fixé au 27 septembre 2011(CMR section 4).

La prescription annale a, en l'espèce, commencé à courir à compter du 28 octobre 2011 et a été acquise au 28 octobre 2012.

La société FORTA a assigné en garantie la société PHU le 21 décembre 2012 de sorte que son action est prescrite.

Elle ne peut se prévaloir de l'assignation principale délivrée par la société RSA le 21 septembre 2012 contre la société FORTA et la société PHU. L'interruption ne profite qu'à celui qui a agi. Ainsi, l'action en responsabilité de la société RSA contre la société PHU, transporteur, ne peut avoir pour effet de suspendre la prescription applicable à l'action de la société FORTA en garantie contre ce même transporteur, la deuxième action ne pouvant être considérée comme comprise dans la première.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur l'appel en garantie à l'encontre de la société WARTA

La société FORTA fait grief au jugement entrepris d'avoir déclaré également cette action en garantie prescrite et donc irrecevable alors qu'elle bénéficie d'une action directe contre la société WARTA, au visa de l'article L.124-3 du code des assurances, qui n'est prescrite, selon l'article L. 114-1 du code des assurances, qu'à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la date du sinistre.

La société WARTA fait valoir que l'action directe bénéficie seulement aux victimes du dommage ou à leur subrogé.

L'article L.124-3 du code des assurances prévoit que : « Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne morale. '. ».

Il est de principe que le tiers lésé s'entend de la victime du dommage. Le fait d'être exposée à être condamnée à des dommages et intérêts du fait de son statut de commissionnaire de transport ne confère pas à la société FORTA la qualité de victime comme elle le prétend.

La cour confirmera le jugement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Les sociétés FORTA et PHU qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer à la société RSA une indemnité de procédure de 5 000 euros sans faire droit à sa demande de condamnation solidaire de la société WARTA à ce titre.

La société FORTA et la société WARTA seront, en revanche, déboutées de leur demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par défaut,

Confirme, le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 22 juillet 2016en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Condamne in solidum la société FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG et la société P.H.U. LUPINSCY SJ aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la société FORTA FREIGHT TRAFFIC ACTIVITY AG et la société P.H.U. LUPINSCY SJ à payer à la société Royal & Sun Alliance Insurance PLC la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.