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Décisions

CA Aix-en-Provence, Pôle 3 ch. 4, 9 septembre 2021, n° 18/14809

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Rothschild Martin Maurel (SCS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Petel, Mme Alquie Vuilloz

Avocats :

Me Prevost, Me Sider, Me Lombard

TGI Marseille, du 3 sept. 2018, n° 17/06…

3 septembre 2018

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS

Suivant acte sous seing privé signé le 6 août 2014, la Banque Martin Maurel a consenti à la SARL PROVENCE LOCATION, un prêt professionnel de 200.000 euros au taux de 2,70% l'an remboursable en 36 mensualités de 5.876,51euros.

Par acte sous seing privé du 6 août 2014, M. Z Y, gérant de cette société, s'en est porté caution solidaire à hauteur de 120.000 euros pour une durée de 60 mois.

La Banque Martin Maurel a également garanti le remboursement de ce prêt par le cautionnement de la X à hauteur de 50% de l'encours du crédit.

Par jugement du 28 juillet 2016, le Tribunal de Commerce d'Aix en Provence a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la SARL PROVENCE LOCATION.

Le 3 août 2016, la banque a régulièrement déclaré sa créance au titre du prêt de 2014 pour un montant de 97.601,59' à titre chirographaire. La créance a été admise le 22 décembre 2016 pour la somme de 23.506,04' au titre du passif échu et de 74.095,55' au titre du passif à échoir.

Par courrier du 3 août 2016 également la Banque Martin Maurel a mis en demeure M. Z Y de lui régler la somme de 97.601,59'. Une seconde mise en demeure lui a été adressée le 2 juin 2017.

Par jugement du 15 novembre 2016 le Tribunal de Commerce de Marseille a adopté un plan de sauvegarde de la SARL PROVENCE LOCATION prévoyant un remboursement en totalité du passif sur huit ans.

Par acte du 13 juin 2017 la Banque Martin Maurel a assigné en paiement M. Z Y en sa qualité de caution devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille aux fins d'obtenir sa condamnation à paiement de la somme de 97.601,59'.

Ayant été autorisée par ordonnance en date du 7 juillet 2017 par le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Marseille, la Banque Martin Maurel a pris une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur un bien appartenant à M. Z Y à La Penne sur Huveaune le 19 juillet 2017 et a dénoncé cette inscription à la caution par acte du 25 juillet 2017.

M. Z Y ayant contesté ladite mesure provisoire, par jugement en date du 16 janvier 2018 le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Marseille a débouté M. Z Y de sa demande de mainlevée de l'hypothèque provisoire et l'a condamné à payer la somme de 1 200' à la Banque Martin Maurel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cours de procédure devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille au fond, la caution a conclut au rejet des demandes de la banque au motif que par jugement du 5 novembre 2016 un plan de sauvegarde a été adopté, qu'elle pouvait se prévaloir de ce plan, et que son obligation n'était exigible qu'en cas de défaillance de ce plan.

En cours de procédure la société en commandite simple C A B est intervenue volontairement comme venant aux droits de la Banque Martin Maurel.

Par jugement du 3 septembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a':

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société en commandite simple C A B venant aux droits et obligations de la SA BANQUE MARTIN MAUREL,

- débouté M. Z Y de toutes ses demandes

- condamné M. Z Y à verser à la société en commandite simple C A B la somme de 97.601,59' avec intérêts à compter du 3 août 2016,

- condamné M. Z Y à verser à la société en commandite simple C A B la somme de 3 000' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande

- ordonné l’exécution provisoire du jugement,

- condamné M. Z Y aux dépens.

Le tribunal a considéré qu'au regard des articles L.622-28 et L.626-11 du code de commerce et R.511-7 du code des procédures civiles d'exécution, la banque était fondée à obtenir un titre exécutoire à l'encontre de M. Z Y, titre qu'elle ne pourra mettre à exécution qu'en cas de défaillance de la SARL PROVENCE LOCATION dans l'exécution du plan de sauvegarde. Elle a considéré que les pièces versées justifiaient la demande dans son principe et son montant.

M. Z Y a interjeté appel le 13 septembre 2018.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 12 décembre 2018, M. Z Y demande à la Cour, au visa de l'article L.626-1 du code de commerce, de :

- le recevoir en son appel,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE dans toutes ses dispositions,

Et statuant de nouveau,

- dire et juger que Monsieur Z Y en qualité de caution solidaire personne physique peut se prévaloir à l'encontre de la banque MARTIN MAUREL du plan de sauvegarde de la société PROVENCE LOCATION, débitrice principale, adopté par le Tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE le 15 novembre 2016,

Par conséquent,

- rejeter la demande de la banque MARTIN MAUREL de le voir condamner au paiement de la somme de 97 601,59 euros,

- rejeter toutes les demandes formulées par la banque MARTIN MAUREL,

- condamner la banque MARTIN MAUREL à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la banque MARTIN MAUREL aux entiers dépens.

A l'appui de ses demandes M. Z Y fait valoir que le plan de sauvegarde adopté par le Tribunal de Commerce en faveur de la débitrice principale est opposable par la caution au créancier de telle sorte que les poursuites sont suspendues à l'encontre de la caution jusqu'au terme du plan ou sa résolution, et que le dispositif du jugement du Tribunal de Commerce se contente de prononcer une condamnation sans rappeler que cette condamnation ne pourra être mise en oeuvre tant que le plan est respecté, ce qui est le cas, alors que la créancière a tenté à plusieurs reprises d'obtenir paiement de la caution pour la dette figurant au plan. Il soutient également que la créance de la banque n'est pas en péril au vu des résultats de la SARL PROVENCE LOCATION. Enfin il demande d'infirmer la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile au regard de l'équité, et de condamner la banque sur ce même fondement.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 20 décembre 2018, la société en commandite simple C A B venant aux droits de la Banque Martin Maurel demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE le 3 septembre 2018 en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société en commandite simple C A B venant aux droits et obligations de la SA BANQUE MARTIN MAUREL,

- débouté Monsieur Y de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné Monsieur Y Z à verser à la société en commandite simple C A B la somme de 97.601,59 ', avec intérêts à compter du 3 août 2016,

- condamné Monsieur Y Z à verser à la société en commandite simple C

A B la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné Monsieur Y Z aux entiers dépens,

- déclarer infondé et injustifié, l'appel interjeté par Monsieur Y Z,

- débouter en conséquence Monsieur Y Z en ses fins moyens et conclusions les déclarant infondées et injustifiées,

- condamner Monsieur Y Z à verser à la société en commandite simple C A B, la somme de 5.000 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Elle rappelle que M. Z Y ne conteste ni la validité de son engagement, ni le montant de la créance de la banque, laquelle est indiscutable et bien fondée, et soutient qu'il résulte de la combinaison des articles L.622-28 et L.626-11 du code de commerce et R.511-7 du Code des Procédures Civiles d'exécution que le créancier peut prendre des mesures conservatoires contre la caution et obtenir un titre exécutoire malgré le plan adopté en faveur du débiteur principal, titre qui ne pourra être mis à exécution tant que le plan est respecté. Par ailleurs elle soutient que la mesure conservatoire prise était parfaitement justifiée, sa créance étant en péril au regard du montant du passif déclaré de la SARL PROVENCE LOCATION et des multiples hypothèques déjà prises sur le bien immobilier de la caution.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 11 mai 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur l'opposabilité du plan de sauvegarde par la caution

L'article L622-28 du Code de Commerce prévoit notamment que le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires.

L'article L626-11 du Code de Commerce prévoit quant à lui que le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous. A l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s'en prévaloir.

Enfin l'article R511-7 du Code des Procédures Civiles d'Exécution dispose que si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.

Il ressort de ce dernier article que le créancier doit, pour maintenir la validité de la mesure conservatoire, engager devant le tribunal compétent une action au fond aux fins d'obtenir la condamnation du débiteur.

Dès lors que l'article L.622-28 du code de commerce autorise le créancier à prendre des mesures conservatoires contre une caution malgré la suspension des poursuites, la combinaison des textes ci-dessus rappelés impose que la procédure au fond puisse être engagée par le créancier pour maintenir sa mesure.

En revanche l'opposabilité du plan de sauvegarde par la caution implique que le créancier ne pourra mettre à exécution le titre ainsi obtenu qu'en cas de défaillance du débiteur principal dans l'exécution du plan de sauvegarde.

En conséquence la Banque Martin Maurel aux droits de laquelle vient la société en commandite simple C A B est bien fondée à obtenir un titre exécutoire contre M. Z Y, caution de la SARL PROVENCE LOCATION.

Le jugement est confirmé.

* Sur l'absence de péril de la créance

Ce moyen, destiné en réalité à faire juger mal fondée l’hypothèque judiciaire provisoire prise sur le bien de M. Z Y, tiré de l'inobservation des articles L.511-1 et R.511-1 et suivants du code de procédure civile, est inopérant dans l'instance au fond relative au montant de la créance et à la condamnation à paiement.

* Sur la demande en paiement de la banque ‘ :

Le cautionnement étant valide et non contesté, de même que le montant de la créance déclarée au passif, l'appelant est condamné au paiement de la somme de 97.601,59 euros.

Il convient en revanche d'ajouter au dispositif du jugement une mention selon laquelle, en cas de résolution du plan et d'exécution du présent jugement, le montant de la créance devra être réactualisé au vu des montants perçus par le créancier dans le cadre de l'exécution du plan depuis le 15 novembre 2016.

En ce qui concerne le point de départ des intérêts, compte tenu du fait que le plan est toujours en cours d'exécution depuis 2016, de telle sorte que la créance en principal a nécessairement notablement diminué, les intérêts ne seront dus qu'à compter de la date d'exigibilité de la créance, sur le montant restant dû.

Le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts.

* Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'appelant qui succombe, sera condamné aux dépens sans qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, au vu des sommes déjà allouées en première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille du 3 septembre 2018, sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts ;

Y ajoutant

Rappelle que le créancier ne pourra mettre à exécution le titre ainsi obtenu qu'en cas de défaillance du débiteur principal dans l'exécution du plan de sauvegarde ;

Précise qu'en cas de résolution du plan et d'exécution du présent jugement, le montant de la créance devra être réactualisé au vu des montants perçus par le créancier dans le cadre de l'exécution du plan depuis le 15 novembre 2016 ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé

Dit que les intérêts au taux légal seront dus sur le montant de la créance ainsi recalculée, à compter de la date d'exigibilité de celle-ci ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette toute autre demande des parties ;

Condamne M. Z Y aux entiers dépens distraits au profit des avocats de la cause conformément à l'article 699 du code de procédure civile.