ADLC, 24 février 2012, n° 12-DCC-26
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif des divisions Trelleborg Fluid Solutions et Carbody par Bavaria France Holding SAS
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 19 janvier 2012 et déclaré complet le 13 février 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif par Bavaria France Holding SAS des divisions Trelleborg Fluid Solutions et Carbody, formalisée par un contrat de cession d’actions signé le 28 mai 2010, un contrat de cession de fonds de commerce signé le 30 juin 2010 ainsi que par un contrat de cession en date du 23 janvier 2012 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L.430-1 à L.430-7 ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Bavaria France Holding SAS, société par actions simplifiée, est indirectement contrôlée par Bavaria Industriekapital AG, société de droit allemand à la tête du groupe Bavaria (ci-après « groupe Bavaria »). Le groupe Bavaria est contrôlé par la société de droit allemand AS Vermögensverwaltungs GmbH, elle-même détenue par M. Reimar Scholz. Le groupe Bavaria est spécialisé dans les opérations de restructuration et de rétablissement de l’équilibre budgétaire des sociétés qu’il acquiert. Il regroupe ses activités autour de trois pôles : i) la production en série ; ii) la construction et la conception d’usines ; et iii) les services aux entreprises.
2. Les divisions1 Trelleborg Fluid Solutions2 (ci-après « TFS ») et Carbody3 (« la Cible » désignera ci-après TFS et Carbody) sont spécialisées dans la fabrication de pièces détachées pour l’industrie automobile. Elles sont détenues par un groupe de sociétés contrôlé par Trelleborg AB (ci-après, « groupe Trelleborg »).
3. TFS dispose de sept sites de production en Europe et notamment à Carquefou, près de Nantes en France. Ces sites sont spécialisés dans la fabrication de pièces en plastique et en caoutchouc (tuyaux/flexibles, connecteurs cartouches de filtrages, etc.) pour les systèmes de ventilation et de refroidissement du groupe motopropulseur (notamment le moteur) des véhicules automobiles. Carbody dispose de quatre sites de production en Europe, à Poix-Terron, Witry-les-Reims et Rethel en France et à Mlada en République Tchèque. Carbody est spécialisée dans la fabrication de pièces pour l’industrie automobile appartenant à quatre catégories d’application : les produits d’isolation en mousse, les pièces d’isolation en caoutchouc et plastique, les pièces de sécurité (butées et pédaliers) et les pièces de gestion des flux d’air (interne et externe). Leurs clients sont des constructeurs automobiles européens tels que Renault-Nissan, Ford, Fiat, Peugeot SA, BMW, Volkswagen et Volvo notamment.
4. En vertu du contrat de cession d’actions signé le 23 janvier 2012 entre le groupe Bavaria et le groupe Trelleborg, l’opération consiste en l’acquisition, au plus tard le 30 juin 2012, de la totalité du capital de Carbody par Tristone Flowtech Holding SAS, filiale à […] % du groupe Bavaria. En ce qu’elle se traduit par une prise de contrôle exclusif de Carbody par le groupe Bavaria, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L.430-1 du code de commerce.
5. En outre, en vertu du contrat de d’actions signé le 28 mai 2010 et de l’accord de cession de fonds de commerce intervenu le 30 juin 2010, le groupe Bavaria avait déjà acquis auprès du groupe Trelleborg, TFS. Cette activité représentant seulement un chiffre d’affaires annuel de […] millions d’euros en 2009, sa cession n’avait pas été soumise, au moment de sa réalisation, à l’obligation de notification préalable auprès des autorités de concurrence compétentes. Toutefois, conformément à l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du Règlement n° 139/2004 auquel renvoie l’article L.430-2 du code de commerce, « […] deux ou plusieurs opérations au sens du premier alinéa qui ont eu lieu au cours d’une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont à considérer comme une seule concentration intervenant à la date de la dernière opération ». Dans ces conditions, compte tenu du délai de moins de deux ans entre ces deux cessions, il y a lieu d’inclure cette première cession dans le périmètre de l’opération à examiner au cas d’espèce.
6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Bavaria : […] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; la Cible : […] millions d’euros pour la même année). Bavaria a réalisé, en France pour l’exercice clos le 31 décembre 2010, un chiffre d’affaires de seulement […] millions d’euros mais a depuis fait l’acquisition de Griset SA et de sa filiale Diehl Metall Malaysia4, opération dont la réalisation interviendra avant la réalisation de l’acquisition de la division Carbody. L’intégration du chiffre d’affaires réalisé en France pour le même exercice par ces sociétés porte le chiffre d’affaires réalisé en France par le groupe acquéreur à […] millions d’euros. La Cible a, pour sa part, réalisé en France pour le même exercice un chiffre d’affaires de […] millions d’euros pour la même année, dont […] millions d’euros pour la division TFS et […] millions d’euros pour la division Carbody. Le groupe acquéreur et la Cible réalisent donc tous deux en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros. Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
7. Les parties à la concentration sont simultanément actives dans le secteur de la fabrication de pièces détachées à destination des constructeurs automobiles.
8. En matière d’équipement automobile, la pratique décisionnelle communautaire et nationale considère que chaque type de pièces peut constituer un marché pertinent en l’absence de substituabilité entre les différents types de pièce5. Ont notamment été identifiés des marchés spécifiques pour les pare-chocs, les panneaux de portes, les planches de bord, les pare-boues, les protections latérales (ceintures de caisse), les bas de caisse, les becquets ou encore les pièces décorées pour planches de bord et panneaux de portes.
9. La pratique décisionnelle communautaire et nationale a par ailleurs distingué, dans les décisions relatives au secteur de l’équipement automobile entre des marchés de la première monte (OEM – Original Equipment Manufacturer) et des pièces de rechanges distribuées par les réseaux de constructeurs (OES – Original Equipment Services) d’une part, et des marchés regroupant les pièces de rechange distribuées par des réseaux de grande distribution ou de spécialistes de l’entretien de véhicules (IAM – Independent Aftermarket) d’autre part6.
10. La pratique communautaire a en outre envisagé de segmenter les marchés de produits du secteur en fonction du type de véhicule auquel la pièce automobile est intégrée, distinguant entre les véhicules de tourisme et les véhicules commerciaux légers d’une part et les poids lourds d’autre part7. En l’espèce, les parties sont présentes sur le segment des véhicules de tourisme et des véhicules commerciaux légers.
11. En l’espèce, les parties à la concentration ne fabriquent pas les mêmes types de pièces. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces définitions dans le cadre de la présente décision. Elles vendent néanmoins leurs pièces aux constructeurs automobiles et ont un certain nombre de clients communs. Les effets de l’opération seront donc examinés au titre d’éventuels effets congloméraux.
12. La pratique décisionnelle considère que les marchés des pièces détachées à destination de l’industrie automobile sont au moins de dimension européenne. Les effets de l’opération seront donc examinés sur des marchés de dimension européenne, la délimitation exacte des marchés pouvant être laissée ouverte, car les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées quelles que soient les délimitations retenues.
III. Analyse concurrentielle
13. Les parties à l’opération ne fabriquent pas les mêmes types de pièce mais elles vendent leur production aux constructeurs automobiles. Il convient d’examiner alors les risques d’atteinte à la concurrence par le biais d’éventuels effets congloméraux.
14. Sur chacun des marchés communautaires des pièces détachées à destination de l’industrie automobile, les parties à l’opération disposent de parts de marché inférieures à 25 %. En effet, sur un éventuel marché des pièces en aluminium moulées sous pression pour l’industrie automobile, Bavaria dispose de part de marché inférieure à 5 %. Si ce marché devait être segmenté, Bavaria disposerait d’une part de marché de [0-5] % sur le sous-segment des composants moteurs et sur le sous-segment des composants de transmission et du châssis, et de [5-10] % sur le sous-segment des composants structurels de l’ossature de la voiture. Enfin, Bavaria dispose d’une part de marché inférieure à 10 % sur le segment des rotors pour moteur électrique et inférieure à 20 % sur le segment des poulies, disques et pistons du groupe motopropulseur incluant la boîte de vitesse. De plus, TFS dispose d’une part de marché inférieure à 20 % sur l’éventuel marché des pièces pour le circuit de chauffage et refroidissement du moteur, de [0-5] % sur l’éventuel marché des pièces de circuit du refroidisseur d’air de suralimentation et de [5-10] % sur l’éventuel marché des pièces pour le circuit d’admission d’air/transport d’air. Enfin, Carbody dispose d’une part de marché de [5-10] % sur l’éventuel marché des produits d’isolation en mousse, de [10-20] % sur l’éventuel marché des pièces d’isolation en caoutchouc et plastique, de [10-20] % sur l’éventuel marché des butées et de [5-10] % sur l’éventuel marché des pédaliers ainsi que sur l’éventuel marché des pièces de gestion des flux d’air (externe et interne).
15. S’agissant des clients, les parties ont indiqué que leurs principaux clients sont des fabricants automobiles, leurs clients communs étant [Confidentiel]. Cependant, les constructeurs automobiles disposent d’un pouvoir de négociation important et gardent la possibilité de faire produire leurs pièces par les concurrents des parties à l’opération.
16. Compte tenu de ce qui précède, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de pièces détachées à destination de l’industrie automobile concerné par l’opération notifiée.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-255 est autorisée.
NOTES :
1 La division Trelleborg Fluid Solutions est constitué des sociétés Trelleborg Fluid & Acoustic Solutions SNC (devenue Tristone Flowtech Solutions SNC), Trelleborg Flruid Solutions Germany gmbh (Tristone Flowtech Germany gmbh),Trelleborg Automotive Slovakia sro (devenue Tristone Flowtech Slovakia spol s.r.o.), Trelleborg Automotive Poland Sp zo.o (devenue Tristone Flowtech Poland sp zo.o), Trelleborg Automotive Czech Republic sro (devenue Tristone Flowtech Czech Republic sro), Trelleborg Automotive Italia SAU (devenue Tristone Flowtech Italia Spa), Trelleborg Automotive Iberica SAU (devenue Tristone Flowtech Spain SAU) ainsi que des actifs et fonds de commerce situés à Nantes-Carquefou et des actifs de l’usine situé à Cerkezköy.
2 L’acquisition de la société Trelleborg Fluid Solutions a été réalisée le 30 juin 2010.
3 La division Carbody est composée de la société Trelleborg Reims SA et des actifs de Trelleborg Automative Czech Republic S.r.o. localisés à Mlada en République Tchèque.
4 Décision n°12-DCC-10 du 26 janvier 2012 relative à l’acquisition de sociétés Griset SA et Diehl Metall Malaysia par Bavaria France Holding SAS.
5 Voir notamment, les décisions de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-08 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Setforge par la société Farinia BV ; n°10-DCC-30 du 7 avril 2010 relative au rachat par le groupe Plastivaloire des actifs de Key Plastics France et Slovaquie dans le cadre d’un plan de cession ; n°10-DCC-154 du 19 novembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Faurecia d’éléments d’actifs appartenant au groupe Visteon ; n°11-DCC-60 du 12 avril 2011 relative au rachat de Société des Polymères Barre-Thomas par la société Cooper-Standard Automotive France.
6 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n°M.360 Arvin / Sogefi du 23 août 1993, M.1245 Valéo / ITT Industries du 30 juillet 1998 et M.2939 JCI / Bosch / VB Autobatterien JV du 18 octobre 2002 ; la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 28 mars 2003 aux conseils de la société Mecaplast relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de pièces plastiques destinées à l’équipement automobile ; la décision n°11-DCC-60.
7 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.3789 Johnson Controls / Robert Bosch / Delphi Sli du 29 juin 2005 et M.3972 Trw Automotive / Dalphi Metal España du 12 octobre 2005 ; la décision n°11-DCC-60.