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Décisions

ADLC, 6 mars 2012, n° 12-DCC-32

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Euromark, Farcor, Signature Traffic Systems, Sodilor et Signature Deutschland par la société Eurovia

ADLC n° 12-DCC-32

5 mars 2012

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations et déclaré complet le 31 janvier 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif des sociétés Euromark, Farcor, Signature Traffic Systems, Sodilor et Signature Deutschland par la société Eurovia, formalisée par une lettre d’intention signée le 27 juillet 2011 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Eurovia est une société anonyme, filiale du groupe Vinci. Les activités du groupe Vinci sont organisées autour de trois grands pôles que sont : les concessions d'infrastructures de transport, l'énergie et la construction. Eurovia est active dans le secteur de la conception et de la réalisation d’infrastructures de transport, la production de matériaux routiers, l’aménagement du cadre de vie et de l’environnement ainsi que l’offre de services liées aux infrastructures.

2. La société Euromark et ses filiales, Farcor, Signature Traffic, Sodilor et Signature Deutshland Gmbh constituent le « Pôle Signature ». Ainsi, la société Euromark1 et ses filiales sont détenues à […] % par Signature Group SAS, elle-même contrôlée par Eurovia, et à […] % par Compagnie Signature et Signature SA, elles-mêmes contrôlées par Plastic Omnium. Les sociétés Farcor, Signature Traffic, Sodilor sont détenues par la société Signature Vertical, elle-même détenue à […] % par Compagnie Signature et Signature SA et à […] % par Signature Group SA. Un pacte d’actionnaire conclu entre Eurovia et Compagnie Signature prévoit que les actionnaires doivent s’entendre sur les principales décisions stratégiques des deux sociétés. Euromark, Farcor, Signature Traffic et Sodilor sont donc contrôlées conjointement par Eurovia et Compagnie Signature2. Enfin, la société Signature Deutshland Gmbh est actuellement contrôlée exclusivement par Compagnie Plastic Omnium SA (ci-après « Plastic Omnium »).

3. En vertu de la lettre d’intention signée le 27 juillet 2011, l’opération consiste en l’acquisition de la totalité du capital et des droits de vote des sociétés du Pôle Signature par Eurovia. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des sociétés du Pôle Signature par la société Eurovia, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros au dernier exercice clos (Vinci : […] milliards d’euros pour l’exercice 2010 ; sociétés du Pôle Signature : […] millions d’euros pour l’exercice 2010). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Vinci : […] milliards d’euros pour l’exercice 2010 ; sociétés du Pôle Signature : […] millions d’euros pour l’exercice 2010). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les sociétés qui composent le Pôle Signature sont actives dans le secteur de la signalisation routière horizontale, verticale et de sécurité. Eurovia ne détient aucune autre activité en France dans ce secteur. L’opération s’analyse donc comme le passage d’un contrôle conjoint à exclusif d’Eurovia sur les sociétés du Pôle Signature.

 

A. LES MARCHÉS DE LA SIGNALISATION ROUTIÈRE

6. Dans le secteur de la signalisation routière, les autorités nationales et communautaires de concurrence distinguent généralement la signalisation routière horizontale, la signalisation routière verticale et la signalisation de sécurité3.

7. Selon la pratique décisionnelle, le secteur de la signalisation routière horizontale, qui consiste dans la fabrication et la commercialisation des produits permettant de réaliser les opérations de marquage routier, peut être segmenté entre (i) le marché de la fabrication et de la commercialisation des matériels de signalisation routière horizontale (machines d’application qui permettent de réaliser des travaux de marquage routier), (ii) le marché de la fabrication et de la commercialisation des produits de signalisation routière horizontale (peintures, enduits, bandes collées) et (iii) le marché de l’application des produits de signalisation routière horizontale (marquage des routes)4.

8. La question a été laissée ouverte jusqu’à présent de savoir si des segmentations supplémentaires devaient être retenues. Ainsi, le marché de la fabrication et de la commercialisation des produits de signalisation routière horizontale pourrait être segmenté selon la catégorie de machine suivant la technique de marquage, c’est-à-dire les machines d’application à froid de peinture et les machines d’application à chaud des peintures thermo. Le marché de la fabrication et de la commercialisation des produits de signalisation routière horizontale pourrait être segmenté selon le type de produit : microbilles, peintures et enduits5. Enfin, le marché de l’application des produits de signalisation routière horizontale consiste principalement dans le marquage des routes. Si ces prestations sont effectuées par un grand nombre d’entreprises actives dans le secteur des travaux routiers, elles peuvent être également internalisées.

9. Le marché de la fabrication et de la commercialisation des produits de signalisation routière verticale recouvre la fabrication et la commercialisation de panneaux verticaux (panneaux routiers, panneaux à messages variables, etc.). La pratique décisionnelle considère que ce marché est distinct de celui de la fabrication et de la commercialisation de signalisation de sécurité, qui correspond à la fabrication et à la commercialisation des produits de signe de sécurité en plastique (délinéateurs de voies, balises temporaires, etc.)6.

10. En l’espèce, l’entreprise commune est active sur chacun des marchés de la signalisation routière horizontale, verticale et de sécurité. La question de la délimitation exacte de ces marchés peut cependant être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle n’étant pas affectées quelles que soient les délimitations retenues.

 

B. LA DIMENSION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

11. La pratique décisionnelle a retenu des délimitations géographiques différentes pour chacun des marchés du secteur de la signalisation routière7.

12. Le marché de la fabrication et de la commercialisation des matériels de signalisation routière horizontale a été examiné au niveau national sans exclure qu’il puisse être de dimension au moins communautaire, compte tenu de l’existence d’une harmonisation des réglementations européennes, de la faiblesse des coûts de transport et de la présence des principaux acteurs dans différents États membres.

13. Le marché de la fabrication et de la commercialisation des produits de signalisation routière horizontale a été examiné au niveau national.

14. Le marché de l’application des produits de signalisation routière horizontale a été examiné par le ministre de l’économie au niveau national8, mais la pratique décisionnelle européenne envisage également l’existence de marchés plus étroits, au niveau régional. En l’espèce, les sociétés du Pôle Signature interviennent entre autres* au niveau régional en Île-de-France.

15. Le marché de la fabrication et de la commercialisation des produits de signalisation routière verticale a été considéré comme étant de dimension nationale compte tenu de la normalisation des panneaux au niveau national et de leur coût de transport important.

16. Enfin, le marché de la signalisation de sécurité a été considéré par les autorités de concurrence comme étant au plus de dimension nationale9 compte tenu des caractéristiques de cette activité et du maillage territorial des groupes essentiellement nationaux qui l’exercent.

17. Par conséquent, les effets de l’opération seront examinés sur les marchés précités et la question de leur délimitation exacte sera laissée ouverte car les conclusions de l’analyse concurrentielle seront inchangées quelles que soient les délimitations retenues.

 

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

18. Les sociétés du Pôle Signature ont représenté, en 2010, [40-50] % du marché de la fabrication et de la commercialisation de matériels de signalisation routière et [30-40] % du marché des produits de signalisation routière horizontale au niveau national. La partie notifiante a indiqué qu’au niveau européen, les sociétés du Pôle Signature dispose de parts de marché inférieures à 15 %.

19. Sur le marché national de l’application des produits de signalisation routière horizontale, les sociétés du Pôle Signature disposaient en 2010 d’une part de marché de [10-20] %. Ses principaux concurrents sont Colas/Aximum ([10-20] % de part de marché), Helios/Maestria ([10-20] %), Girod ([5-10] %) et Midi Traçage ([0-5] %). La partie notifiante a indiqué qu’elle resterait également confrontée à la concurrence des services d’application internes des collectivités locales. En région Île-de-France, les sociétés cibles disposent d’une part de marché estimé entre [10-20] et [10-20] %.

20. Sur le marché national de la signalisation routière verticale, les sociétés du Pôle Signature disposaient en 2010 d’une part de marché de [20-30] %. Ses principaux concurrents sont Lacroix (part de marché estimée à [20-30] %), Girod ([20-30] %) et SES ([10-20] %).

21. Enfin, sur le marché de la signalisation routière de sécurité, les sociétés du Pôle Signature disposent d’une part de marché de [30-40] %. Ses principaux concurrents sont Colas/Aximum (part de marché estimée à [10-20] %), Girod ([5-10] %) et Lacroix ([5-10] %).

22. Dans plusieurs affaires précédentes, les autorités de concurrence tant nationale que communautaire ont souligné que le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif n’est généralement pas en lui-même susceptible de modifier significativement les conditions de l’exercice de la concurrence, à l’exception des affaires plus complexes concernant notamment des parties en situation de concurrence avant la concentration10. En l’espèce, l’opération notifiée s’analyse comme le passage d’un contrôle conjoint entre Eurovia et Plastic Omnium à un contrôle exclusif d’Eurovia, qui ne dispose d’aucune autre activité dans les secteurs concernés par l’opération. Les conditions de concurrence auxquelles étaient confrontée l’entreprise commune, et auxquelles restera confrontée Eurovia dans le domaine de la signalisation routière ne seront donc pas sensiblement affectées par la concentration. De plus, la demande sur ces marchés émane de collectivités locales et la partie notifiante indique que les contrats sont alloués par le biais d’appels d’offres auxquels seront en mesure de répondre les concurrents des parties sans subir de modification sensible des conditions de concurrence du fait de l’opération.

23. Compte tenu de ce qui précède, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés de la signalisation routière.

 

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

24. En premier lieu, l’opération entraîne la prise de contrôle exclusif d’un ensemble de sociétés actives en amont dans la fabrication de matériels et de produits de signalisation routière horizontale et en aval dans l’application des produits de signalisation routière horizontale. Cependant, dans la mesure où cet ensemble de sociétés était déjà contrôlé conjointement par Eurovia, cette intégration verticale préexistait à l’opération. De plus, les sociétés concernées représentent respectivement [40-50] % et [30-40] % des marchés de la fabrication et de la commercialisation de matériels et de produits de signalisation routière horizontale mais la part de la nouvelle entité en aval est limitée à [10-20] % du marché national de l’application des produits de signalisation routière horizontale. Il est donc peu probable que l’opération modifie l’incitation de la nouvelle entité à commercialiser ces produits à des tiers. De plus, plusieurs concurrents eux-mêmes verticalement intégrés fournissent également ces produits et services11. En outre, comme l’avait également relevé la Commission européenne, les collectivités locales internalisent une part importante des travaux d’application12.

25. En deuxième lieu, le groupe Vinci est susceptible d’utiliser des produits et services de signalisation routière dans le cadre de ses activités en matière de construction et d’entretien d’infrastructures routières. La partie notifiante indique cependant à cet égard que la fourniture et la pose de signalisation routière fait l’objet d’appels d’offres distincts des marchés de travaux routiers, ces appels d’offres représentant plus de 95 % des débouchés du marché global de la signalisation en France. Ainsi, lors de travaux de construction, de rénovation ou d’entretien de routes, la mise en concurrence de lots séparés, voire des appels d’offres distincts, sont organisés pour les prestations de voiries, pour la pose de signalisation routière horizontale et pour la pose de signalisation routière verticale. Il en est de même pour les travaux mis en oeuvre par les concessionnaires d’autoroutes, qui sont soumis à des procédures d’appels d’offres.

26. En troisième lieu, le groupe Vinci contrôle des sociétés concessionnaires d’autoroutes qui ont régulièrement recours à des prestations de travaux de signalisation routière. Mais conformément à leur cahier des charges, ces sociétés sont tenues d’organiser des appels d’offres selon des règles transparentes et non discriminatoires. En tout état de cause, la fourniture de signalisation horizontale, verticale et de sécurité aux sociétés d’autoroutes ne représente qu’entre 5 et 10 % des besoins de signalisation routière au niveau national.

27. Compte tenu de ce qui précède, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux sur les marchés de la signalisation routière.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-246 est autorisée.

 

NOTES :

1 La société Euromark a fait l’acquisition en mars 2011 des sociétés du groupe Laporte, Laporte Industrie et Laporte Signalisation Routière actives dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des panneaux de signalisation verticale.

2 Décision de la Commission européenne du 21 novembre 2007, n° COMP/M.4872, Eurovia/Compagnie Signature/JV

3 Voir la décision du ministre C2005-15 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 29 mars 2005 au conseil de la société Somaro relative à une concentration dans le secteur de la signalisation routière et des équipements de sécurité et la décision de la Commission européenne COMP/M.4872 précitée.

4 Voir la décision de la Commission européenne n° COMP/M.4872 précitée.

5 Voir la décision C2005-15/lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 29 mars 2005 précitée.

6 Décision de la Commission européenne n° COMP/M.4872 précitée.

7 Id.

8 Voir la décision C2005-15/lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 29 mars 2005 précitée.

9 Voir la décision C2005-15/lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 29 mars 2005 précitée.

* Erreur matérielle corrigée.

10 Voir, par exemple, la décision de l’Autorité de la concurrence, n° 11-DCC-34 du 25 février 2011, GDF Suez/Ne Varietur.

11 Voir la décision de la Commission européenne n° COMP/M.4872 précitée.

12 Voir §37 de la décision n° COMP/M.4872 précitée.