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Décisions

ADLC, 19 mars 2012, n° 12-DCC-36

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la concentration des groupes Réunica et Arpège

ADLC n° 12-DCC-36

18 mars 2012

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 13 octobre 2011 et déclaré complet le 20 février 2012, relatif à la concentration des groupes Réunica et Arpège, formalisée par une convention de partenariat, de développement et de rapprochement signée le 8 septembre 2006, un traité de fusion du GIE Réunica et du GIE Arpège signé les 4 et 10 novembre 2009 avec effet au 1er janvier 2010 ainsi que par les statuts de l’association sommitale Réunica mis à jour conformément, notamment, à l’assemblée générale extraordinaire du 18 décembre 2009 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Réunica est un groupe paritaire de protection sociale1 doté d’une association sommitale dénommée Réunica, de deux GIE de moyens, le GIE Systalians et le GIE Réunica, ainsi que de différentes entités exerçant des activités concurrentielles dans le domaine de l’assurance et des activités non concurrentielles de gestion de retraite à travers deux institutions de retraite complémentaire, Reuni retraite salariés (Arrco) et Reuni retraite cadres (Agirc), pour lesquelles Réunica a reçu une délégation de gestion de la part des fédérations Agirc et Arrco.

2. Dans le secteur de l’assurance de personnes (santé, prévoyance, retraite supplémentaire et épargne retraite) à destination des entreprises et des particuliers, les activités concurrentielles sont exercées par la mutuelle Réunica Mutuelle, l’institution de prévoyance Réunica Prévoyance et la société Réunima, contrôlée conjointement avec Groupama. Le groupe Réunica exerce également des activités de réassurance et de courtage en assurance2. Enfin, il détient et exploite des résidences de vacances et des hôtels3.

3. Les moyens humains et informatiques sont regroupés au sein de deux Groupes d’Intérêts Économiques (ci-après « GIE ») : le GIE Réunica regroupe les moyens humains et le GIE Systalians regroupe les moyens informatiques. Enfin, l’association sommitale Réunica4 est l’organe décisionnel du groupe, composé et géré paritairement entre les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés.

4. Préalablement à la fusion, le groupe Arpège était un groupe paritaire de protection sociale composé de l’association sommitale Arpège, d’une association de moyens ainsi que de quatre institutions paritaires ou mutualistes : deux institutions de retraite complémentaire, Arege Retraite Des Salariés (Arrco) et Arege Retraite Cadres (Agirc), une mutuelle, Mutuelle Alsacienne pour la Santé (ci-après « Muta Santé ») et une institution de prévoyance, Cairpsa-Carpreca Prevoyance, dénommée Arpège Prévoyance depuis le 1er janvier 2010. Arpège disposait également d’une fondation, Fondation Arpège, et d’une structure d’audit, de conseils et de courtage (STAM-EC).

 

II. L’opération

5. Les associations sommitales respectives des groupes Réunica et Arpège ont signé le 8 septembre 2006, une convention de partenariat, de développement et de rapprochement avec l’objectif de créer un groupe unique dénommé Groupe Réunica.

6. Un protocole d’accord a ensuite été signé le 8 juillet 2008 pour préciser la mise en oeuvre de ce rapprochement et l’ambition stratégique du futur groupe. Un comité de pilotage composé des bureaux des deux associations sommitales a préparé la mise en place du futur groupe et identifié les collaborations et synergies possibles. Ce comité s’est réuni à plusieurs reprises depuis 2008 pour acquérir une meilleure connaissance réciproque des deux groupes, confronter leurs visions stratégiques sur chacun des métiers, comparer leurs organisations et leurs principes de fonctionnement et proposer un scénario de rapprochement. Le comité a également initié en 2009 des coopérations politiques et opérationnelles entre les deux groupes. Les travaux de ce comité ont finalement abouti en mai 2010 et ont été validés par les conseils des associations sommitales des deux groupes. Arpège Prévoyance et Muta Santé avaient adhéré au GIE Systalians en 2007.

7. Le 23 juin 2009, l’association de moyens Arpège a été transformée en un GIE, le GIE Arpège, mettant en oeuvre les moyens humains et matériels permettant la réalisation des opérations de gestion et d’administration liées à l’activité de ses membres. Le GIE Arpège exerçait alors toutes les activités opérationnelles nécessaires au fonctionnement du groupe Arpège.

8. Aux termes du traité de fusion du GIE Arpège et du GIE Réunica, le GIE Réunica a fusionné, par absorption, avec le GIE Arpège le 1er janvier 2010. Le GIE Réunica met en oeuvre, dans le cadre des orientations définies par l’association sommitale Réunica, les moyens humains et matériels permettant la réalisation des opérations de gestion et d’administration liées à l’activité de ses membres. Ainsi, les activités du GIE Arpège, tant support que métiers, ont été transférées vers le GIE Réunica et le GIE Arpège a cessé d’exister le 31 décembre 2009. Le GIE Réunica met également en oeuvre les décisions de l’association sommitale Réunica.

9. Arpège Prévoyance et Muta Santé ont adhéré à l’association sommitale Réunica par décision de l’assemblée générale extraordinaire en date du 18 décembre 2009 et avec effet au 1er janvier 2010 ainsi qu’au GIE Réunica le 1er janvier 2010. L’association sommitale Arpège n’a plus d’activité et sa dissolution doit être soumise au vote de ses membres.

10. Ainsi, aux termes de la convention de partenariat de développement et de rapprochement, du traité de fusion du GIE Réunica et du GIE Arpège et compte tenu de l’adhésion de Arpège Prévoyance et de Muta Santé à l’association sommitale Réunica5 ainsi que de la dissolution prochaine de l’association sommitale Arpège, le rapprochement entre les groupes Réunica et Arpège s’analyse comme la fusion de deux entités antérieurement indépendantes.

11. Par conséquent, la présente opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce6.

12. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros en 2010 (Groupe Réunica : 372,6 millions d’euros ; Groupe Arpège : 189,7 millions d’euros). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Groupe Réunica : 371 millions d’euros ; Groupe Arpège : 186,6 millions d’euros). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

III. Délimitation des marchés pertinents

13. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur de l’assurance et la réassurance. Elles exercent également des activités d’action sociale à titre gratuit et accessoire qui représentent moins de 5 % du chiffre d’affaires de chacun des groupes Réunica et Arpège. Conformément à la pratique décisionnelle antérieure, cette activité ne constitue pas une activité économique et donc un marché au sens du droit de la concurrence.

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS OU DE SERVICES

14. Les autorités de concurrence nationales et communautaires distinguent de manière constante les activités de réassurance des activités d’assurance7.

 

1. LES MARCHÉS DE LA RÉASSURANCE

15. La réassurance est une forme particulière d’assurance consistant, pour le réassureur, à prendre en charge tout ou partie des risques assurés par l’assureur primaire. Ce mécanisme permet aux assureurs primaires d’augmenter le nombre d’assurés et de répartir les risques dans le temps et sur une zone géographique plus étendue.

16. Les autorités nationale et communautaire de concurrence considèrent que la réassurance constitue un marché distinct en raison de la spécificité de l’objet (la répartition des risques entre assureurs) et des contraintes réglementaires moins fortes pesant sur cette activité. Enfin, la réassurance de dommages a été distinguée de celle de personnes et pour chacune, d’éventuelles segmentations supplémentaires peuvent être envisagées en fonction des différentes catégories de risques couverts8.

17. Néanmoins, pour l’analyse des effets de la présente opération, il n’est pas nécessaire de définir exactement les marchés de la réassurance car, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle ne seront pas affectées.

 

2. LES MARCHÉS DE LASSURANCE

18. Au sein du secteur de l’assurance, les autorités de concurrence nationale et communautaire distinguent, de manière constante, les assurances de personnes et les assurances de dommages (biens et responsabilités), chacune pouvant à leur tour être segmentée en autant de marchés qu’il existe d’assurances couvrant les différents types de risques, dans la mesure où, du point de vue de la demande, les assurances couvrant ces risques différents ne sont pas substituables9. Concernant le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les contrats d’assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d’assurance individuelle où le souscripteur est également le bénéficiaire. De la même manière, concernant le marché des assurances de dommages, une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les assurances à destination des particuliers et les assurances à destination des professionnels.

19. Au cas d’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives en matière d’assurance de personnes, et en particulier, sur les segments suivants :

- marchés de la prévoyance collective et individuelle qui regroupent les produits d’assurance destinés à couvrir les bénéficiaires contre une perte de revenus imprévisible (en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité) au moyen d’un versement sous la forme d’un capital ou d’une rente10 ;

- marchés de l’assurance santé complémentaire collective et individuelle qui ont pour objet de compléter les prestations offertes par les régimes obligatoires d’assurance maladie. Le risque couvert correspond aux frais, non pris en charge par la sécurité sociale, à engager pour se soigner. Les remboursements complémentaires sont fonction des prestations du régime légal de la sécurité sociale11 ;

- marché de la retraite supplémentaire et l’épargne retraite collective qui sont des formes d’assurance en cas de vie. Au terme d’un certain nombre d’années de cotisation, le bénéficiaire (ou ses ayant droit en cas de mort) reçoit un capital ou une rente complémentaire à celle qui est versée au titre de sa retraite obligatoire. Le risque couvert est la perte de revenu liée au passage de la vie active à la retraite12.

 

B. DÉLIMITATION DES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

20. Il ressort de la pratique décisionnelle13 que le marché de la réassurance est de dimension mondiale compte tenu notamment de la nécessité d’équilibrer les risques au niveau international.

21. De plus, les marchés de l’assurance, à l’exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, ont été considérés comme étant de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l’existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation.

22. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations pour analyser les effets de la présente opération et la question de la délimitation des marchés sera laissée ouverte car quelles que soient les délimitations retenues, les conclusions de l’analyse concurrentielle ne seront pas affectées.

IV. Analyse concurrentielle

23. Sur chacun des marchés sur lesquels les groupes Réunica et Arpège étaient actif de manière indépendante préalablement à l’opération, à savoir sur les marchés de l’assurance de personnes (prévoyance collective, prévoyance individuelle, assurance santé complémentaire collective, assurance santé complémentaire individuelle, retraite supplémentaire et épargne retraite collective), la part de marché du groupe Réunica est au mieux de 3,16 % en 2010. De plus, sur chacun des marchés de la réassurance, sa part de marché sera inférieure à 5 %.

24. Par ailleurs, sur les marchés de la réassurance, elle restera confrontée à la concurrence de groupes internationaux tels que Munich Re, Swiss Re, Hannover Re ou Scor. Sur chacun des marchés de l’assurance de personnes, Réunica continuera à faire face à la concurrence de nombreux acteurs dont les parts de marchés sont plus importantes que les siennes. La concurrence sur les marchés des assurances de personnes est de plus caractérisée par une atomisation importante. Ainsi, ses principaux concurrents incluent notamment les groupes paritaires de protection sociale tels que Malakoff Médéric, Humanis et Apicil, les sociétés de groupe d’assurance mutuelle AG2R-La Mondiale, Covéa et Sferen, les groupes bancaires et sociétés d’assurance tels que Crédit Agricole, BNP Paribas, BPCE, Crédit Mutuel, Société Générale, Groupama, CNP Assurances, Axa et Allianz ainsi que de nombreuses mutuelles et unions de groupe mutualiste telles que le groupe MGEN.

25. Compte tenu des éléments qui précèdent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés de l’assurance de personnes.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-176 est autorisée.

 

NOTES :

1 Les groupes paritaires de protection sociale Réunica et Bayard ont fusionné en 2009.

2 Cette activité de courtage en assurance était exercée préalablement à la fusion par le seul groupe Arpège.

3 Cette activité liée aux loisirs était exercée préalablement à la fusion par le seul groupe Réunica.

4 Par décision de l’assemblée générale extraordinaire en date du 4 décembre 2007, les dénominations sociales de l’association sommitale Réunica-Bayard et du GIE Réunica-Bayard sont devenues Réunica depuis le 1er janvier 2008.

5 Les mutuelles des groupes Réunica et Arpège, respectivement Réunica Mutuelle et Muta Santé, sont regroupées au sein de l’Union de Groupe Mutualiste, dénommée Unisson, mise en place par l’assemblée générale constitutive du 6 juillet 2010. Un Groupement Paritaire de Prévoyance, dénommé Alliance Prévoyance, a également été constitué le 6 novembre 2009. Il s’agit toutefois d’opérations intra-groupes.

6 Les institutions de retraites complémentaires du groupe Arpège ont également adhéré au GIE Systalians. Les institutions de retraite complémentaire des groupe Réunica et Arpège, d’une part, Réuni Retraites Cadres et Arège Retraites Cadres et d’autre part, Réuni Retraite des Salariés et Arège Retraite des Salariés, ont également fusionné le 1er janvier 2010 par des traités de fusion en date, respectivement, des 4 et 16 juin 2009 et des 16 et 18 juin 2009. Ces activités dans le domaine de la retraite complémentaire ne sont toutefois pas des activités concurrentielles et ne sont donc pas soumises aux dispositions des articles L. 430-1 et suivants du code de commerce.

7 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne COMP/M.3556, Fortis / BCP du 19 janvier 2005, COMP/M.2676, SAMPO / VARMA SAMPO / IF HOLDING / JV du 18 décembre 2001, IV/M.862, AXA / UAP du 20 décembre 1996 ainsi que les décisions de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire, n°10-DCC-52 du 2 juin 2010 relative à la création d’une SGAM par la MACIF, la MAIF et la MATMUT ainsi que les décisions n°11-DCC-11 et n°11-DCC-215 précitées.

8 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne COMP/M.5010, BERKSHIRE HATHAWAY / MUNICH RE / GAUM du 14 juillet 2008, COMP/M.4059, SWISS RE / GE INSURANCE SOLUTIONS, IV/M.491 General RE / Kölnische RE du 24 octobre 1994 ainsi que Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 3 octobre 2008, aux conseils de la société Scor, relative à une concentration dans le secteur des assurances.

9 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne COMP/M.5083, GROUPAMA / OTP GARANCIA du 15 avril 2008, COMP/M.3556, FORTIS / BCP du 19 janvier 2005, IV/M.862, AXA / UAP du 20 décembre 1996 ainsi que le décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire ainsi que les décisions du ministre, Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 1er octobre 2007, au conseil de la société Suisse de Participations d’Assurance, relative à une concentration dans le secteur de l’assurance-vie et de la capitalisation, Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 10 septembre 2008, au conseil de la société Esca, relative à une concentration dans le secteur des assurances.

10 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 28 octobre 2008 aux conseils de la société Mutuelle Harmonie Mutualité, relative à une concentration dans le secteur des assurances santé complémentaires et de prévoyance.

11 Voir les décisions du ministre Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 28 octobre 2008 précitée, Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 21 août 2007, aux conseils de l’Institut de prévoyance AG2R Prévoyance et la société La Mondiale, relative à une concentration dans le secteur de l’assurance prévoyance santé et retraite.

12 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 21 août 2007 précitée.

13 Voir les décisions précitées.