CA Angers, 1re ch. civ., 9 février 2010, n° 09/00205
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Menet
Défendeur :
Raussin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Verdun
Conseillers :
Mme Rauline, Mme Barbaud
Avoués :
SCP Gontier-Langlois, SCP Chatteleyn et George
Avocats :
Me Gallot, Me Dupuy
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er juillet 2005, madame Nérée Thaly-Menet a confié l'entraînement de deux chevaux de concours de saut d'obstacles, Forget Me Not et Honey Moon, à monsieur Pierre Raussin, moyennant le prix de 500 euros HT par mois. Elle a repris les animaux le 30 mars 2007.
Par acte d'huissier en date du 5 juillet 2007, monsieur Raussin a fait assigner madame Thaly-Menet devant le tribunal d'instance du Mans en paiement de la somme de 4 220 euros au titre des factures impayées depuis août 2006.
Par un jugement du 21 novembre 2008, le tribunal a :
- condamné madame Thaly-Menet à payer à monsieur Raussin la somme de 4 220 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2007,
- débouté madame Thaly Menet de sa demande de remboursement de la somme de 1 477 euros correspondant aux entraînements de juin et juillet 2006,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné madame Thaly-Menet aux dépens.
Madame Thaly-Menet a interjeté appel de cette décision le 28 janvier 2009.
Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 novembre 2009.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 3 novembre 2009, madame Thaly-Menet demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- débouter monsieur Raussin de toutes ses demandes,
- le condamner à lui payer la somme de 1 477 euros au titre des entraînements de juin et juillet 2006,
- condamner monsieur Raussin à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
Elle expose que, faisant confiance à monsieur Raussin, elle prenait des nouvelles des chevaux par téléphone jusqu'à ce qu'elle décide de venir les voir en février 2007, qu'elle a alors découvert qu'ils avaient énormément grossi, étant 'comme des charolais', et demandé qu'ils soient mis au régime, que cinq semaines plus tard, ils étaient devenus 'tout maigres', qu'elle les a emmenés chez le vétérinaire fin mars pour un bilan de santé dont les résultats l'ont conduite à ne plus les confier à l'intimé.
Elle considère que la charge de la preuve repose sur monsieur Raussin qui doit prouver qu'il s'est employé à remplir son obligation de moyens d'entraîneur dont il réclame le paiement. Or, en arrêt-maladie de juin à octobre 2006 à la suite d'un grave accident, il n'a pu entraîner les chevaux pendant cette période et il n'avait pas d'employé mais un stagiaire qui n'avait pas la qualification requise pour monter ses chevaux. Ensuite, monsieur Raussin a fait plusieurs stages en Allemagne. Le vétérinaire qui a fait le check-up et l'écurie Anquetin qui a accueilli les chevaux en mars 2007 ont d'ailleurs témoigné de leur mauvais état et les résultats de compétition de 2007 le démontrent.
Elle précise qu'elle met des chevaux en pension depuis quarante ans et n'a jamais fait la moindre difficulté pour payer.
Par conclusions du 1er octobre 2009, monsieur Pierre Raussin demande à la cour de débouter madame Thaly-Menet de son appel, de confirmer le jugement, sauf à ordonner la capitalisation des intérêts, et de la condamner à lui payer 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il expose que madame Thaly-Menet a d'abord allégué de raisons fiscales pour ne plus payer les pensions et les entraînements, qu'elle s'est ensuite livrée à une véritable manoeuvre pour récupérer les chevaux alors qu'elle n'était pas à jour des sommes dues et que ce n'est qu'après une mise en demeure de les payer, en mai 2007, qu'elle a imaginé se plaindre de ce que les chevaux auraient été mal entraînés et mal soignés.
Il rappelle que l'entraîneur n'est lié au propriétaire que par une obligation de moyens, tant en ce qui concerne la santé de l'animal que le dressage, et que c'est à ce dernier d'établir la faute de l'entraîneur. L'appelante n'est donc pas fondée à invoquer l'exception d'inexécution fondée sur une appréciation subjective de la part du créancier concernant la façon dont l'obligation a été exécutée et il est en droit de réclamer le paiement de ses factures conformément à l'article 1134 du code civil.
Il fait valoir que le contrat ne l'obligeait pas à entraîner personnellement les chevaux, qu'il est en droit de travailler avec son équipe dès lors que c'est sous sa responsabilité. Il qualifie de fantaisistes les allégations de l'appelante concernant de prétendues absences pendant de longs mois, précisant avoir seulement été hospitalisé 72 heures en juin 2006 et avoir repris immédiatement le travail après, même s'il était limité physiquement. Il considère que les résultats des chevaux ont été excellents en mai 2007, Honey Moon ayant été classé premier dans deux courses et Forget Me Not cinquième, les résultats se détériorant après la prise en mains par un autre entraîneur. Sur le mauvais état des chevaux, madame Thaly-Menet ne produit aucun certificat médical pour Honey Moon et celui concernant Forget Me Not ne fait état d'aucun signe clinique de maladie. Il indique que le développement musculaire insuffisant est lié à la nature de l'animal et que, s'agissant du taux de bilirubine anormalement élevé, l'appelante n'indique pas quel manquement de sa part pourrait en être à l'origine, un tel taux pouvant être imputable à l'état de stress du cheval lors de la prise de sang.
Il estime que l'appelante ne rapporte pas davantage la preuve de son préjudice, les performances d'un cheval à la compétition étant par nature aléatoires.
MOTIFS
Le contrat par lequel un cheval est confié à un entraîneur constitue un contrat d'entreprise soumis aux dispositions des articles 1787 et suivants du code civil.
C'est à bon droit que le tribunal a rappelé, et cela n'est d'ailleurs pas contesté, qu'un tel contrat ne comportait qu'une obligation de moyens pour l'entraîneur qui s'engage à user au mieux de ses connaissances et de son art pour améliorer les performances sportives du cheval.
Le propriétaire peut refuser de payer le prix convenu en soulevant l'exception d'inexécution mais c'est à lui qu'il incombe de rapporter la preuve d'une faute de l'entraîneur, et non à ce dernier d'établir qu'il a bien exécuté son obligation, comme le prétend l'appelante.
Selon madame Thaly-Menet, monsieur Raussin n'aurait pas exécuté lui-même le contrat pendant plusieurs mois et les chevaux auraient été en mauvais état lorsqu'elle les a repris.
Toutefois, la cour estime, avec le premier juge, qu'elle ne rapporte pas la preuve des prétendues absences de monsieur Raussin pendant plusieurs mois en 2006 tandis que ce dernier démontre qu'il a exécuté l'obligation qui lui incombait. En effet, monsieur Piron, ancien cavalier salarié, atteste : 'J'ai eu l'occasion d'entraîner les chevaux Forget Me Not et Honey Moon, notamment lors de son accident mais toujours sous la surveillance de Pierre qui, après trois jours d'hospitalisation, avait réintégré les écuries'.
C'est à juste titre encore que le tribunal retient que Honey Moon a été premier dans deux concours les 5 et 26 mai 2007, ce qui tend à démontrer que le cheval avait été entraîné au cours des mois précédents. Forget Me Not a été cinquième le 5 mai. Les autres résultats des deux chevaux sont plus mitigés sans pouvoir être qualifiés de désastreux, comme le fait l'appelante. En tout état de cause, d'autres facteurs que l'entraînement peuvent expliquer les résultats des compétitions, notamment les aptitudes du cheval.
Madame Thaly-Menet produit un certificat médical du docteur Plainfosse, vétérinaire, du 30 mars 2007, dans lequel il indique : '[le cheval Forget Me Not] ne présente aucun signe clinique de maladie. Le bilan hématologique et biochimique montre un taux de bilirubine anormalement élevé. Le développement musculaire du cheval ne semble pas en adéquation avec une activité sportive soutenue'. Cependant, il n'explique pas la signification de ce taux. L'intimé produit un commentaire d'un autre vétérinaire indiquant que lorsque l'état clinique du cheval est normal, ce qui était le cas, 'il s'agit probablement d'un simple état de stress au moment de la prise de sang'. Or, Forget Me Not avait fait un voyage entre la Sarthe et le Calvados avant la prise de sang. Quant à l'allusion à l'insuffisance d'activité sportive du cheval, elle est trop vague pour en déduire qu'il n'avait été pas suffisamment entraîné.
Elle produit deux autres attestations. Cependant, celle des propriétaires de l'Ecurie Anquetin est contredite par le certificat médical du vétérinaire qui a réalisé le bilan de santé des chevaux et n'a pas constaté d'état de malnutrition ni précisé que des traitements étaient nécessaires. Quant à celle de madame Bodinier, elle n'apparaît pas crédible dans la mesure où elle a confié l'entraînement de six à huit de ses chevaux à monsieur Raussin pendant sept ans, ce qu'elle n'aurait pas fait si elle avait eu affaire à un entraîneur dénué de toute compétence pour diriger son établissement, malhonnête avec les propriétaires et ne faisant pas son travail, comme elle l'affirme aujourd'hui.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que madame Thaly-Menet ne démontre aucune faute qui aurait été commise par Pierre Raussin dans l'entraînement des chevaux ou leur prise en charge.
Les dispositions du jugement qui ont condamné madame Thaly-Menet à payer la somme de 4 220 euros et qui l'ont déboutée de sa demande de remboursement de 1 477 euros seront donc confirmées.
Il sera fait droit à la demande de l'intimé de capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil.
Il convient d'allouer à l'intimé une indemnité de procédure de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
La disposition du jugement qui a condamné l'appelante aux dépens sera confirmée. Cette dernière, qui succombe en son appel, sera condamnée, aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement hormis sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil ;
CONDAMNE madame Thaly-Menet à payer à monsieur Raussin la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
La CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.