CA Bordeaux, 1re ch. civ., 12 mai 2022, n° 19/02120
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Auto Port Libourne (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Potée
Conseillers :
M. Braud, Mme Vallée
Avocat :
AARPI Montesquieu Avocats
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Benoît M. est locataire avec option d'achat d'un véhicule Fiat immatriculé CT 802 HP appartenant à la société C. G. L.
Le 21 juin 2014, il est victime d'un accident de la circulation au volant de ce véhicule. Le véhicule a fait l'objet d'une procédure pour véhicule endommagé à l'initiative de la société Audit Auto Expertise, expert automobile, intervenant à la demande de l'assureur.
Réparateur agréé par la compagnie d'assurances, la société à responsabilité limitée Rousseau effectuait les réparations avant qu'un expert de la société Audit Auto Expertise ne revît la voiture en vue de lever la procédure pour véhicule endommagé.
Le 1er octobre 2014, la société Audit Auto Expertise a rendu un rapport attestant que le véhicule avait fait l'objet de réparations touchant à la sécurité prévues par le premier rapport d'expertise et qu'il était en état de circuler dans des conditions normales de sécurité.
Le 4 octobre 2014, Benoît M. reprenait possession de son véhicule.
Le 30 novembre 2014, Benoît M. confiait à nouveau son véhicule à la société Rousseau en indiquant entendre des bruits de cognement au niveau du train avant.
La société Rousseau lui prêtait alors un véhicule de courtoisie du 8 décembre 2014 au 5 juin 2015.
Ne parvenant pas à trouver l'origine du bruit de claquement, la société Rousseau confiait les réparations du véhicule à la société Auto Port Libourne, distributeur Fiat à Libourne.
De janvier à mars 2015, la société Auto Port Libourne effectuait alors des réparations sur le véhicule de Benoît M..
Benoît M. se plaignait de la persistance du bruit de claquement. Il recourait donc aux services de Jean-Marie L., expert automobile, qui concluait le 23 septembre 2015 à la nécessité d'investigations complémentaires.
Benoît M. a assigné la société Rousseau et la société Auto Port Libourne en référé expertise devant le tribunal de grande instance de Libourne.
Par ordonnance de référé en date du 5 janvier 2017, le président du tribunal de grande instance de Libourne a ordonné une mesure d'expertise confiée à Marc G..
Lors de la réunion d'expertise du 27 avril 2017, il était constaté que le véhicule appartenant à Benoît M. était réparé.
Le 28 avril 2017, Benoît M. a repris possession de son véhicule.
Par exploit en date du 20 décembre 2017, Benoît M. a assigné la société à responsabilité limitée Rousseau et la société à responsabilité limitée Auto Port Libourne devant le tribunal d'instance de Libourne afin notamment d'obtenir, sur le fondement des dispositions de l'article 1231-1 du code civil, leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 7 812,52 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de jouissance de son véhicule.
Par jugement contradictoire en date du 6 mars 2019, le tribunal a :
' Rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Benoît M. ;
' Rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
' Condamné Benoît M. à payer à la société Rousseau la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné Benoît M. à payer à la société Auto Port Libourne la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné Benoît M. aux dépens, en ce compris les frais relatifs à la procédure de référé et les frais d'expertise.
Par déclaration du 15 avril 2019, Benoît M. a interjeté appel du jugement contre la société Auto Port Libourne.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 15 juillet 2019, Benoît M. demande à la cour de :
' Réformer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
' Condamner la société Auto Port Libourne à payer à Benoît M. 7 812,52 euros d'indemnités en réparation de la privation de jouissance ;
' La condamner à lui payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' La condamner aux entiers dépens en ce compris ceux afférents à la procédure de référé et d'expertise.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 1er octobre 2019, la société à responsabilité limitée Auto Port Libourne demande à la cour de :
' Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires de Benoît M. dirigées à l'encontre de la société Auto Port Libourne ;
' Débouter Benoît M. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause,
' Condamner Benoît M. à payer à la société Auto Port Libourne la somme de 4 000 euros au titre de I'articIe 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2022 et l'audience fixée au 17 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la responsabilité de la société Auto Port Libourne :
Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Benoît M. fait grief à la société Auto Port Libourne de :
a) avoir manqué à son obligation de résultat dans les réparations qu'elle a effectuées au mois de mars 2015 et qui n'ont apporté aucune amélioration ;
b) n'avoir restitué le véhicule réparé qu'au cours des opérations d'expertise judiciaire.
a) L'obligation de résultat qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage (Civ. 1re, 8 déc. 1998, no 94-11.848).
La responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat, et il appartient à celui qui recherche cette responsabilité, lors de la survenance d'une nouvelle panne, de rapporter la preuve que les dysfonctionnements allégués sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou sont reliés à celle-ci (Civ. 1re, 22 mai 2008, no 07-13.658).
La société Auto Port Libourne reconnaît être intervenue au mois de mars 2015 afin de procéder au diagnostic de recherche de bruit et d'y remédier. Elle a ainsi remplacé les vis du berceau le 3 mars 2015 (pièce no 7 de l'appelant), puis un demi-arbre de transmission le 27 mars 2015 (pièce no 8 de l'appelant). Elle indique sans être contredite sur ce point avoir restitué la voiture à la société Rousseau à la suite des réparations préconisées, soit le 27 mars 2015.
Benoît M. prétend que ces réparations n'auraient pas mis fin au bruit de cognement. L'intimée le conteste en indiquant que Benoît M. ne s'est plaint à nouveau de la persistance du bruit de claquement que le 5 juin 2015, soit plus de deux mois après son intervention.
En l'état de ces seules affirmations des parties, il n'est pas établi que les réparations réalisées par la société Auto Port Libourne n'aient pas mis fin au bruit dont se plaignait Benoît M..
Par ailleurs, si un bruit anormal s'est fait à nouveau entendre deux mois plus tard, il appartient à Benoît M. de rapporter la preuve que le bruit allégué est dû à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou est relié à celle-ci.
Or, les débats d'appel et les pièces soumises à la cour n'apportent aucun élément nouveau de nature à remettre en cause les conclusions que le tribunal a pu tirer du rapport d'expertise judiciaire clos le 11 septembre 2017. Il en ressort notamment que :
« 4. Les désordres n'ont pas pu être constatés par l'expert car le véhicule a été réparé en 2016 par la société Auto Port Libourne [...] ; Le désordre, un bruit de claquement qui se produisait en braquage et au démarrage en sortie de stationnement, a été contradictoirement relaté et admis par toutes les parties qui ont confirmé sa présence. [...]
« 6. L'expert ne peut que constater après le remplacement de très nombreux composants, pour certains d'entre eux à plusieurs reprises, la disparition du bruit du claquement sans pouvoir analyser et identifier l'origine. [...]
« 7. Le véhicule est conforme à sa destination. En fin de réunion du 27 avril 2017, monsieur M. a émis le souhait de reprendre possession de son véhicule. [...]
« 9. [...] Après avoir repris possession de son véhicule le 4 octobre 2014, monsieur M. a parcouru environ 5 000 km avant la survenance du bruit du claquement pris en charge le 30 novembre 2014. Ce kilométrage parcouru en deux mois est considérable (extrapolé à une année il correspond à un kilométrage moyen de 32 000 km/an). [...] l'analyse par l'expert de l'origine du désordre non constaté est impossible [...] Compte tenu de l'utilisation importante du véhicule par monsieur M. après sa livraison en octobre 2014 par la société Rousseau, l'absence de traçabilité des opérations de réparation diligentées par les 3 garages et l'absence des pièces détachées pour analyse et expertise, il est impossible d'établir l'origine du claquement et d'imputer cette défaillance à l'accident ou aux réparations entreprises à son issue. Ainsi, il ne peut pas être démontré que l'origine du claquement relaté ne soit pas antérieure à l'accident ou consécutive à l'utilisation par monsieur M. en octobre-novembre 2014 alors qu'il parcourait 5 000 km. »
L'origine du claquement demeurant inconnue, Benoît M. échoue à rapporter la preuve qui lui incombe que le bruit entendu après les réparations réalisées en mars 2015 par la société Auto Port Libourne soit relié au remplacement des vis du berceau ou du demi-arbre de transmission.
b) L'existence d'un contrat d'entreprise n'exclut pas que l'entrepreneur soit aussi tenu des obligations du dépositaire (1re Civ., 11 juil. 1984, no 83-13.754). Le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste existe, en ce qu'il est l'accessoire du contrat d'entreprise, indépendamment de tout accord de gardiennage (1re Civ., 8 oct. 2009, no 08-20.048).
En application de l'article 1944 du code civil, le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu'il le réclame, lors même que le contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution.
Les parties s'accordent sur le fait qu'à la suite de la persistance du bruit de claquement rapportée par Benoît M. après les réparations de mars 2015, sa voiture fut de nouveau confiée à la société Auto Port Libourne depuis les opérations de l'expertise amiable closes le 23 septembre 2015, jusqu'au lendemain de la réunion d'expertise judiciaire du 27 avril 2017 où les parties constatèrent qu'elle était réparée.
Benoît M. se plaint d'avoir été laissé sans nouvelle par la société Auto Port Libourne pendant tout ce laps de temps. L'intimée prétend au contraire qu'à l'issue de l'expertise amiable concluant à la nécessité d'investigations complémentaires, elle a remplacé la fusée avant droite, mettant un terme définitif au claquement apparaissant aléatoirement ; qu'elle a informé Benoît M. en mai 2016 que le véhicule était réparé et laissé à sa disposition ; que celui-ci n'a pas repris la voiture, préférant engager un référé expertise au mois de novembre suivant.
En l'état de ces seules affirmations des parties, il n'est pas établi que la société Auto Port Libourne ait avisé Benoît M. de la réparation en mai 2016. Mais il n'est pas davantage prouvé, ni même soutenu que Benoît M. ait réclamé le dépôt avant le 27 avril 2017. Sa décision de faire réaliser une expertise judiciaire permet au contraire de penser qu'il a entendu laisser à cette fin son véhicule dans le garage où celui-ci se trouvait. En l'absence de réclamation du déposant, il ne peut être imputé à faute à la société Auto Port Libourne d'avoir conservé la voiture.
Le jugement critiqué sera donc confirmé en ce qu'il considère que la preuve d'une faute contractuelle imputable à la société Auto Port Libourne n'est pas rapportée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Benoît M. en supportera donc la charge.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, Benoît M. sera condamné à payer la somme de 800 euros à la société Auto Port Libourne.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne Benoît M. à payer à la société Auto Port Libourne la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Benoît M. aux dépens d'appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.