CA Poitiers, 1re ch. civ., 7 juin 2013, n° 11/02686
POITIERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Duhard
Défendeur :
Bourven
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martin-Pigalle
Conseillers :
Mme Contal, Mme Chassard
Avocats :
SCP Musereau, Me Houlgard, SCP Paille Thibault Clerc, Me De La Rocca
Monsieur BOURVEN exerce la profession d'agriculteur ' éleveur de chevaux.
Monsieur Philippe DUHARD a confié la jument KISS ME GALANTE, dont il est propriétaire, à M BOURVEN dès 2002.
Les relations entre les parties s'étant dégradées, notamment à la suite de l'accident survenu à la jument le 28 juin 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de NIORT a été saisi le 27 décembre 2007 par Monsieur DUHARD afin d'obtenir la restitution de la jument.
Par ordonnance en date du 1er avril 2008, il a refusé la restitution de la jument KISS ME GALANTE à Monsieur DUHARD en raison de l'existence d'une contestation sérieuse, et a ordonné une expertise confiée au Docteur TOUREILLES, vétérinaire, qui a déposé son rapport le 5 novembre 2008.
Monsieur DUHARD, dénonçant l'exécution de mauvaise foi de ses obligations contractuelles par Monsieur BOURVEN, l'a fait assigner, par acte d'huissier en date du 28 août 2009, devant le Tribunal de grande Instance de NIORT aux fins d'obtenir, par une décision assortie de l'exécution provisoire, sur le fondement des dispositions des articles 1134 et 1184 du Code civil :
- la résolution du contrat qui les liait
- sa condamnation à lui payer une somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts
- la restitution de la jument Kiss Me Galante sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir
- la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile et les dépens.
M BOURVEN a sollicité du premier juge la condamnation de Monsieur DUHARD à lui verser une somme de 48.688 euros, correspondant à la somme de 66.763 euros pour frais de pension et de dressage de l'animal, déduction faite des gains de la jument, sous réserve d'actualisation de cette somme au jour du jugement, ainsi qu'une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et les dépens dont distraction au profit de son conseil en application de l'article 699 du même code.
M DUHARD a contesté tout droit à rétention de la jument par Monsieur BOURVEN en l'absence de créance de ce dernier.
Le Tribunal de Grande Instance de NIORT, par décision du 28/02/2011, a statué comme suit :
'DIT n'y avoir lieu à résolution du contrat verbal de valorisation passé entre Monsieur Philippe DUHARD et Monsieur Jacques BOURVEN ;
DEBOUTE Monsieur Philippe DUHARD de l'ensemble de ses prétentions ;
CONDAMNE Monsieur Philippe DUHARD à payer à Monsieur Jacques BOURVEN une somme de 14.508,28 euros à titre de rémunération du dépôt de la jument KISS ME GALANTE, somme à actualiser à hauteur de 150 euros par mois jusqu'au paiement intégral, tout mois commencé étant dû ;
ORDONNE la restitution de la jument KISS ME GALANTE à son propriétaire, Monsieur Philippe DUHARD, dans un délai de huit jours maximum à compter de l'encaissement par Monsieur BOURVEN des sommes objets de la présente condamnation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai ;
CONDAMNE Monsieur Philippe DUHARD à payer à Monsieur Jacques BOURVEN une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE Monsieur Philippe DUHARD aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL BESNARD-DABIN conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;'
LA COUR :
Vu l'appel interjeté le 26/05/2011 par M DUHARD
Vu les dernières conclusions du 26/12/2011 de M DUHARD présentant les prétentions suivantes :
' Vu les articles 1134 et 1184 du Code civil,
Vu le jugement entrepris en date du 28 février 2011,
Dire l'appel de M. DUHARD bien fondé ;
Débouter M. BOURVEN de son appel incident et de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre de M. DUHARD ;
Ce faisant, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. DUHARD de toutes ses prétentions ;
' Sur la résolution judiciaire du contrat de valorisation :
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à résolution du contrat verbal de valorisation ;
-Prononcer la résolution judiciaire du contrat existant entre M. DUHARD à M. BOURVEN pour cause d'exécution de mauvaise foi et d'inexécution, en vertu des dispositions de l'article 1184 du Code civil ;
' Sur la restitution de la jument Kiss me :
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. DUHARD à verser à M. BOURVEN la somme de 14.508,28 € ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Laissé à la charge de M. BOURVEN les frais inhérents aux concours (transports, engagements, boxes);
- Laissé à la charge de M. BOURVEN les frais de ferrures ;
- Fixé la pension de KISS ME à la somme de 150 € par mois.
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Mis à la charge de M. DUHARD les frais de pension ;
- Mis à la charge de M. DUHARD les frais vétérinaires ;
Dire que compte tenu de la résiliation du contrat, aucune charge ne sera retenue à l'encontre de M. DUHARD en ce qui concerne KISS ME ;
Si par impossible, la Cour devait mettre en exergue les frais de pensions, elle dira qu'ils ne sont pas dus dans la mesure où la jument s'est autofinancée ;
Dire qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. DUHARD les frais vétérinaires engagés par M. BOURVEN.
' Sur le préjudice de M DUHARD :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a retenu aucun préjudice au profit de M. DUHARD.
Condamner M. BOURVEN à lui verser la somme de 300.000 € de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1134 et 1184 du Code civil.
' Au surplus :
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. DUHARD au versement de la somme de 2.000 € à M. BOURVEN au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE.
Condamner M. BOURVEN au versement de la somme de 7.000 € à M. DUHARD au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE.
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. DUHARD aux entiers dépens de première instance.
Condamner M. BOURVEN aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Autoriser la SCP F. MUSEREAU B. MAZAUDON S. PROVOST-CU1F, Avoués associés, à poursuivre directement le recouvrement des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision, dans les termes de l'article 699 du Code de Procédure Civile.'
Vu les dernières conclusions du 26/10/2011 de M Jacques BOURVEN présentant les prétentions suivantes :
' Déclarer M. DUHARD mal fondé en son appel dirigé à l'encontre du jugement rendu le 28 février 2011 par le Tribunal de Grande Instance de NIORT,
L'en débouter, ainsi que de toutes ses demandes fins et prétentions,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur DUHARD de toutes ses prétentions,
Faisant droit à l'appel incident du concluant, réformer le jugement quant au montant auquel Monsieur DUHARD a été condamné,
Condamner Monsieur DUHARD à verser à Monsieur BOURVEN la somme de 48 688 euros au titre des frais engagés dans le cadre du contrat de valorisation par Monsieur BOURVEN,
Condamner Monsieur DUHARD à verser à Monsieur BOURVEN la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE,
Condamner Monsieur DUHARD aux entiers dépens de première instance et d'appel dont
distraction pour ceux-là concernant au profit de la SCP PAILLE-THIBAULT-CLERC, avo
associés aux offres de droit.'
Vu l'ordonnance de clôture en date du 20/09/2012
SUR CE
1) Sur la qualification juridique du contrat
Qu'il s'agisse de l'appréciation de la demande en résolution du contrat, de la faculté ou non pour M BOURVEN de retenir KISS ME GALANTE, de l'octroi de dommages et intérêts suite à l'accident subi par la jument ou encore du paiement des sommes réclamées par M BOURVEN notamment au titre de la pension, il convient de qualifier le contrat souscrit étant observé que les parties n'ont pas considéré nécessaire d'établir un acte écrit.
Si le contrat de mise en pension d'un cheval moyennant rétribution est un contrat de dépôt salarié (Cass, civ. 1ère, 30 octobre 2007) et le contrat d'entraînement hippique, un contrat d'entreprise, le contrat comportant à la fois l'hébergement et une obligation d'entraînement hippique aux fins de valorisation est un contrat mixte, s'analysant pour partie en un contrat d'entreprise et pour partie en contrat de dépôt salarié.
M DUHARD soutient que 'Le contrat est le suivant : M. BOURVEN amène la jument dans ses écuries et la monte en compétition de haut niveau durant la saison de concours (mars / septembre). Il la prend à sa charge « tous frais, tous gains ». C'est-à-dire qu'il paie les frais inhérents à la jument mais qu'il endosse les gains obtenus en compétition, ce qui, lorsque le cheval est performant, est rentable. En outre, le contrat verbal prévoit, qu'au jour de la vente, M. DUHARD restituera à M. BOURVEN la moitié du prix de cession. ». Il soutient lui-même que la relation contractuelle qui le liait à M. BOURVEN est un contrat de valorisation « tous frais, tous gains » lequel comprend ce caractère mixte étant observé que la notion de valorisation ne constitue pas une catégorie juridique à part entière au titre du code civil.
M BOURVEN soutient que le contrat liant les parties est 'un contrat de valorisation verbal, en vertu duquel Monsieur DUHARD confie des lots de poulains à Monsieur BOURVEN, avec la mission d'en effectuer le débourrage, le dressage, l'entretien, avec comme contrepartie l'endossement des gains obtenus en compétition, ainsi que la moitié du prix de cession des chevaux en cause'.
Tel a été le cas pour la jument KISS ME GALANTE étant observé qu'il n'est nullement soutenu par M DUHARD que la jument ait été amenée chaque jour par lui en vue de ses entraînements.
Dès lors, il résulte des déclarations mêmes des parties que leur commune intention correspond à un contrat mixte ainsi que ci-dessus précisé puisque lorsque la jument est confiée, ce contrat contient une part d'hébergement et de pension s'inscrivant dans le cadre du contrat de dépôt et une part de contrat d'entreprise s'agissant du débourrage et de l'entraînement ainsi que de l'engagement de la jument dans des compétitions.
Un mode de rémunération unique tant au titre du dépôt que de l'entraînement a été convenu comme suit :
- M DUHARD ne règle pas de frais de pension dans la mesure où ceux-ci sont compensés par le droit pour M BOURVEN de percevoir seul les gains lors de l'engagement de la jument pendant les compétitions et in fine, par l'obligation de M DUHARD de lui régler la moitié du prix de vente de la jument.
A cet égard, M DUHARD ne peut prétendre que le contrat de valorisation doit s'analyser en un contrat d'entreprise' puisqu'il est constant que 'Kiss me Galante' était effectivement en pension chez M BOURVEN, confiée par M DUHARD, en vue de son entraînement et également en vue de ses engagements dans les compétitions. En outre, il est également établi que lors des tentatives de vente, la jument se trouvait avec l'accord de M DUHARD dans les écuries de M BOURVEN. ( cf pièce n°35)
M DUHARD ne conteste d'ailleurs pas que c'est bien M BOURVEN qui a engagé ainsi la jument, que pendant toute la période pendant laquelle elle lui était confiée, ce dernier a seul perçu les gains selon les modalités de rémunération convenues entre eux puisqu'il indique qu'elles pouvaient être rentables pour M BOURVEN 'lorsque le cheval est performant'.
M BOURVEN ne produit en outre aucune facture exigeant en cours de contrat le paiement de frais de pension. Son décompte global présenté à l'appui de sa demande en paiement de frais de pension démontre de surcroît qu'il n'a sollicité depuis 2002 aucun paiement et qu'il n'a perçu que les gains à hauteur d'une somme déclarée de 18 075 euros.
De ce fait, il est également établi que le mode de rémunération de la pension et de l'entraînement comportait un aléa (accepté par les parties) de rentabilité ou de déficit concernant à la fois le dépôt salarié et le contrat d'entreprise selon le rapport entre :
- d'une part les recettes constituées du total des gains d'engagement qui, sans la convention conclue entre les parties auraient été perçus par M DUHARD et de la moitié du prix de vente qui, sans la convention aurait été intégralement perçu par M DUHARD
- et d'autre part tous les frais et dépenses réglées par M BOURVEN à quelque titre que ce soit, de sorte que, par application de l'article 1134 du code civil, chacune des parties a renoncé à pouvoir exiger de l'autre un rééquilibrage financier de la balance (frais et dépenses)/(gains + moitié du prix de vente).
Si M BOURVEN soutient à juste titre que la rémunération ainsi envisagée (prix des compétitions et moitié du prix de vente) avait pour but de couvrir tous les frais afférents au dépôt et à l'entraînement et de lui allouer un surplus au titre de sa rémunération au titre de l'entraînement de la jument, ce but espéré est à l'évidence affecté de l'aléa susvisé dont il a contractuellement assumé le risque puisqu'il dépend essentiellement de son professionnalisme en tant qu'entraîneur.
D'ailleurs, en s'appuyant sur la valeur proposée par l'expert en novembre 2008 (100000 €) dont 50% revenait à M BOURVEN augmentée des gains au regard des dépenses alléguées par M BOURVEN il apparaît que le compte entre les parties n'était pas déficitaire au préjudice de M BOURVEN.
Il sera dès lors relevé que le versement de la moitié du prix de vente de la jument après valorisation constitue une obligation de paiement convenue comme étant payable à terme, le terme résultant de la vente de la jument et ce, en rémunération de la pension et du travail effectué antérieurement à ce terme par M BOURVEN.
Dès lors, contrairement à ce que soutient M DUHARD, la résiliation du contrat n'entraîne pas nécessairement l'extinction de toute obligation à sa charge de sorte qu'il s'agira d'apprécier au regard du déroulement du contrat et de la date éventuelle de résiliation si en l'espèce, M BOURVEN était fondé à invoquer un droit de rétention de la jument.
L'équilibre convenu des obligations réciproques doit être entendu aléa de rentabilité inclus - les parties ayant accepté cet aléa- à condition que chaque partie respecte les obligations lui incombant.
Il est donc établi que les parties ont contractuellement convenu de déroger aux dispositions de l'article 1947 du code civil qui énonce que 'la personne qui a fait le dépôt est tenue de rembourser au dépositaire les dépenses qu'il a faites pour la conservation de la chose déposée, et de l'indemniser de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées' étant observé qu'elles en avaient la faculté, cette disposition n'étant pas d'ordre public. En conséquence, M BOURVEN ne peut invoquer l'application de cette disposition.
Dès lors :
- M BOURVEN a accepté d'assumer les pertes financières éventuelles
- M DUHARD a renoncé aux bénéfices financiers générés par KISS ME GALANTE sauf à percevoir la moitié du prix de vente de la jument et a donc également renoncé à invoquer les incidences des résultats sportifs sur la valeur vénale de la jument dès lors que M BOURVEN a rempli ses obligations dans des conditions normalement attendues d'un dépositaire et d'un entraîneur.
Il en résulte donc que pour pouvoir exiger l'indemnisation d'un préjudice remettant en question l'équilibre de ce contrat et l'acceptation par chaque partie des risques de non-rentabilité et de moindre valeur vénale, M DUHARD doit justifier que le contrat n'a pas été normalement exécuté par M BOURVEN, et ce en considération des règles spécifiques applicables à ce contrat mixte, en fonction des obligations concernées :
- règles du contrat de dépôt salarié si la faute reprochée s'inscrit dans ce cadre
- règles applicables au contrat d'entreprise, si le manquement allégué concerne l'entraînement de la jument.
2) Sur la demande de 'résolution' du contrat verbal conclu entre les parties
Il convient de relever en premier lieu que M DUHARD sollicite la résolution du contrat. Cependant, s'agissant d'un contrat à exécution successive ayant été en partie exécuté sans qu'il soit possible de remettre les parties en l'état dans lequel elles se trouvaient avant sa conclusion, la demande ne peut être analysée que comme une demande de résiliation du contrat nécessitant la fixation du jour auquel cette résiliation est encourue.
Il convient de relever que M DUHARD présente ses demandes sur le fondement des articles 1134 et 1184 du code civil.
M DUHARD soutient par ailleurs que M BOURVEN a indûment fait usage d'un droit de rétention et que dès lors, il a causé un préjudice dans la mesure où si le droit de rétention n'avait pas été allégué par M BOURVEN, il aurait pu valoriser la jument pendant son temps d'arrêt grâce à des transferts d'embryons. Le moyen ainsi soulevé par M DUHARD présuppose que le contrat soit préalablement résilié et qu'il ne soit pas lui-même débiteur de M BOURVEN.
Dès lors, il convient donc d'examiner en premier lieu si M DUHARD justifie d'un comportement suffisamment grave commis par M BOURVEN et à quelle date les manquements éventuels de M BOURVEN rendent la résiliation justifiée. En effet, avant cette date seules les obligations contractuelles sont applicables tandis qu'après cette date, il s'agira d'apprécier le bienfondé du droit de rétention exercé par M BOURVEN.
En application de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques. En l'absence de contrat écrit et dès lors en l'absence de clause résolutoire de plein droit, il convient de rechercher et d'apprécier si les manquements allégués sont suffisamment graves pour justifier la résiliation unilatérale alléguée par M DUHARD.
Nonobstant la chute avérée des résultats de KISS ME GALANTE en 2009 et 2010, le premier juge a considéré que « M BOURVEN a respecté ses engagements contractuels en conduisant la jument à haut niveau de compétition » et qu'en « l'absence de preuve de l'inexécution par M BOURVEN de ses engagements contractuels, il ne saurait y avoir lieu à résolution du contrat verbal ».
M DUHARD sollicite l'infirmation de la décision sur ce point estimant que M BOURVEN a commis plusieurs fautes démontrant la mauvaise foi avec laquelle il a exécuté le contrat :
' faute alléguée n°1 : falsification reconnue par M BOURVEN des papiers de la jument en 2005, permettant de s'approprier la moitié de la propriété de la jument alors qu'il estime que le fait qu'il puisse percevoir la moitié du prix de vente n'en faisait pas un copropriétaire
' faute alléguée n°2 : faute de négligence en 2007 ayant conduit à l'accident de la jument qui s'est échappée sur la route et a percuté une voiture et refus de restitution de la jument ;
' faute alléguée n°3 : dès 2008, il a cessé de monter KISS ME GALANTE en compétition et l'a mise à la disposition de son jeune fils Vincent qui l'a monté seul en compétition à un niveau très inférieur et a accumulé les contre-performances jusqu'en 2011, soit durant 3 ans refusant de lui restituer la jument.
' faute alléguée n°4 : M. BOURVEN lui a interdit d'avoir accès à KISS ME GALANTE
'> La faute alléguée n°1 (faux document de propriété) ne saurait être retenue comme justifiant la résiliation du contrat verbal conclu entre les parties.
En effet, sans même qu'il y ait lieu d'apprécier si, sur le plan pénal, il s'agit d'un faux ou si tel est l'usage en la matière afin de garantir le règlement in fine de la moitié du prix de vente, il sera observé que ce fait est indépendant des obligations contractuelles pesant sur M BOURVEN telles qu'exposées plus haut.
Si M DUHARD a saisi, en 2007, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de NIORT en vue d'obtenir la restitution de la jument accidentée, cette demande était fondée sur la volonté de s'occuper des soins par l'intermédiaire de son fils, Docteur vétérinaire et nullement en raison d'un problème soulevé relatif à la carte de propriétaire, simplement évoqué en raison d'une demande initiale d'expertise graphologique. Il sera constaté que M DUHARD a renoncé à cette mesure d'instruction puisque M BOURVEN ne contestait pas le fait mais indiquait qu'il s'agissait d'un usage destiné à garantir le paiement in fine de la moitié du prix de vente, usage qui aurait reçu l'accord de M DUHARD, ce que ce dernier conteste.
En outre, nonobstant l'ordonnance de référé susvisée, en date du 01/04/2008, M DUHARD signait le 13/05/2008 un mandat de vente de KISS ME GALANTE à la SARL ERIC GIRAUD, en précisant clairement que la jument était visible chez M BOURVEN et que 50% du produit net de la vente sera reversé à M Jacques BOURVEN s'inscrivant ainsi sans équivoque dans le contrat souscrit.
Il est également établi que le contrat a continué à fonctionner pleinement et sans opposition de la part de M DUHARD pendant plus de 15 mois après l'ordonnance de référé du 01/04/2008 refusant la restitution de la jument puisque M DUHARD n'a assigné au fond M BOURVEN que le 28/08/2009 soit également plus de 9 mois après que l'expertise judiciaire ordonnée en référé ait été déposée ( 05/11/2008).
Dès lors, M DUHARD ne saurait arguer d'une perte de confiance dans les relations contractuelles en relation avec la carte d'identification de la jument telle que le contrat ne puisse plus se poursuivre.
En conséquence, même si comme il le soutient, M DUHARD n'a pas donné son accord pour que M BOURVEN inscrive son nom comme co propriétaire, il est manifeste que jusqu'au 28/08/2009, M DUHARD ne l'a pas considéré comme suffisamment grave pour justifier dans les jours ayant suivi l'ordonnance du 01/04/2008 une assignation au fond. Dès lors, ce fait ne saurait justifier la résiliation du contrat.
'> Sur la faute alléguée n°2 concernant la négligence commise dans la surveillance de la jument le 28/06/2007
S'agissant de la négligence alléguée qui serait la cause de l'accident survenu le 28/06/2007, il convient de constater que la charge de la preuve doit être analysée dans le cadre des règles applicables au dépôt salarié puisqu'il est constant que la jument s'est échappée puis a été heurtée par un véhicule sur la voie publique alors qu'elle n'était pas en période d'entraînement mais en période de repos dans son box.
L'article 1927 du Code Civil met à la charge du dépositaire l’obligation d'apporter les mêmes soins que si la chose lui appartenait.
De plus, conformément aux dispositions de l'article 1928 du Code Civil, le contrat de dépôt salarié génère pour le dépositaire, une obligation de moyen renforcée dans la garde de la chose qui lui est confiée.
Dès lors, il incombe à M BOURVEN d'établir la preuve de faits positifs établissant sans ambiguïté l'absence de négligence dans la conservation de la chose.
Sur ce point, M BOURVEN ne rapporte aucun élément déterminant démontrant qu'il ait pris toutes les précautions utiles pour éviter que la jument ne sorte du box et ne s'échappe. Ainsi il ne fournit aucune justification relative aux caractéristiques de fermeture des box existantes au jour de l'accident. Dès lors, la négligence de M BOURVEN peut être prise en considération.
Cependant, compte tenu des dispositions de l'article 1184 du code civil, il convient d'apprécier s'il s'agit d'un manquement grave justifiant la résiliation du contrat.
Si l'appréciation de la gravité exigée pour permettre une résiliation unilatérale ne dépend pas du préjudice subi, encore faut-il que M DUHARD ait considéré lui-même la faute reprochée comme suffisamment grave pour entraîner une perte de confiance dans les qualités professionnelles de M BOURVEN en tant que dépositaire telle que la convention ne peut qu'être résiliée. Or, il résulte de la pièce n°35 susvisée que M DUHARD ne l'a nullement considérée comme telle.
En effet, il est établi par l'expertise que le litige, en 2007, s'est noué en raison du refus de restitution de la jument aux fins de valorisation pendant le temps d'arrêt, mais ce, à un moment où M DUHARD était alors convaincu que la carrière sportive de la jument était compromise eu égard au diagnostic initial alarmant du Docteur DE CRAENE, Docteur vétérinaire sollicité par M BOURVEN et qu'il souhaitait pouvoir cependant valoriser le patrimoine génétique de KISS ME GALANTE. M DUHARD avait alors envisagé de la conduire dans une clinique afin que simultanément aux soins, un transfert d'embryons puisse être effectué. (cf pièce 11 : lettre de M DUHARD en date du 01/08/2007) .
De plus, à supposer même qu'une telle faculté ait été ouverte à M DUHARD au regard de la convention conclue, ce qui n'est pas le cas, il s'évince du rapport d'expertise en page 24, que la convalescence de KISS ME GALANTE n'est pas considérée comme longue et a été d'ailleurs insuffisamment longue pour permettre de valoriser son patrimoine génétique par un transfert d'embryon.
Ultérieurement rassuré sur l'état de sa jument, M DUHARD a surtout entendu poursuivre l'exécution du contrat, entre l'ordonnance de référé du 01/04/2008 et son assignation au fond du 28/08/2009, en laissant M BOURVEN percevoir les gains de l'engagement de KISS ME GALANTE en compétition et en signant le mandat de vente du 13/05/2008 prévoyant le reversement de 50% du prix de vente à M BOURVEN, conformément à ses propres engagements contractuels.
En conséquence, le manque de diligence quoiqu'avéré, ne saurait être considéré comme suffisamment grave en l'espèce pour justifier une résiliation unilatérale du contrat, en application de l'article 1184 du code civil.
Dès lors, au 13/05/2008, le contrat était toujours en cours sans que soit caractérisée une faute antérieure de M BOURVEN justifiant une résiliation.
'> Sur la faute alléguée n°3 relative au manque de diligences de M BOURVEN quant à l'entraînement et aux engagements de KISS ME GALANTE entre le 28/11/2008 et la date de restitution de la jument en mai 2011
M DUHARD reproche à M BOURVEN, d'avoir confié pendant trois ans, l'exploitation de KISS ME GALANTE à compter de novembre 2008 à son fils, Vincent BOURVEN, cavalier peu expérimenté qui a accumulé les contreperformances puisque les gains annuels antérieurs étaient de l'ordre de 4000 à 5000 euros par an alors que pour l'année 2009, elle n'a amassé que 650 € de gains, soit presque 10 fois moins qu'auparavant et a été éliminée 10 fois et que pour l'année 2010, la jument n'a gagné que 364 € et a été éliminée 13 fois sur 36 parcours.
Il considère donc qu'en confiant la jument à son fils, M BOURVEN a volontairement détruit la carrière sportive de KISS ME et soutient que les piètres résultats sportifs de KISS ME GALANTE ont eu pour effet de lui faire perdre sa valeur vénale générant pour lui un préjudice.
M Jacques BOURVEN réplique qu'il n'a jamais été prévu que la jument serait exclusivement montée par lui et que d'ailleurs, la jument avait été confiée à Monsieur Laurent LE VOT de janvier à septembre 2005 sans aucune contestation de la part de Monsieur DUHARD. Il ajoute que les seules obligations qui lui incombaient était d'assurer l'entraînement de la jument et de la faire participer aux compétitions.
M DUHARD réplique qu'il n'a jamais été informé en 2005 que M LE VOT montait la jument en compétition.
M DUHARD peut effectivement alléguer du non-respect des obligations d'entraînement dans le cadre de la partie ' contrat d'entreprise' de ce contrat mixte pour invoquer l'existence d'un préjudice consécutif sur la valeur vénale de la jument puisqu'il résulte de la convention que la moitié du prix de vente de la jument lui revenait en tout état de cause.
Il est constant en outre que les résultats sportifs de KISS ME GALANTE participent à l'estimation de sa valeur vénale. L'expert judiciaire souligne en effet cet aspect de l'appréciation de la valeur d'un cheval engagé dans des compétitions de haut niveau.
S'il n'est pas justifié par M DUHARD que M BOURVEN avait pour obligation de monter personnellement la jument confiée lors des compétitions de sauts d'obstacles ni que le contrat contenait une dimension 'intuitu personae' , il n'en reste pas moins que dans le cadre du contrat d'entreprise ( entraînement et engagements dans des compétitions), M BOURVEN était tenu d'une obligation d'exécuter ou contrôler le travail effectué et de prendre toutes mesures utiles en cas de baisse inopinée des résultats sportifs ou à tout le moins à en rechercher les causes.
Or il convient de relever que :
- l'expertise établit que cette jument avait en 2007, avant son accident, un classement ISO de 146 ce qui la plaçait dans les 2,5% des meilleures juments
- l'accident du 28/06/2007 n'a pas eu de conséquences sportives défavorables étant relevé que même après l'accident, lorsque M Jacques BOURVEN la montait en compétition au cours des 10 premiers mois de 2008, les résultats étaient largement au niveau atteint avant son accident.
- les résultats ne pouvaient qu'apparaître surprenants puisque M Jacques BOURVEN connaissait nécessairement les hautes qualités sportives de KISS ME GALANTE, confirmées par l'expertise judiciaire, pour l'avoir initialement amenée à ce niveau.
S'il ne peut être reproché à M Jacques BOURVEN d'avoir souhaité confier KISS ME GALANTE à son fils faute pour M DUHARD d'établir que contractuellement M Jacques BOURVEN devait nécessairement accomplir personnellement ses obligations, M BOURVEN a commis une faute en laissant les résultats de cette jument se dégrader de manière très conséquente pendant 3 années sans prendre aucune mesure et en tout état de cause sans en justifier.
La faiblesse des résultats atteints est telle qu'il est manifeste que ces résultats ont influé sur la valeur vénale de KISS ME GALANTE et ce, nonobstant l'absence d'expertise judiciaire à cet égard puisque M Jacques BOURVEN a confié la jument à son fils, postérieurement aux deux réunions d'expertise organisées par M TOUREILLES.
Par ailleurs, le lien de causalité entre le fait que Vincent BOURVEN ait monté la jument et la dégradation des résultats est suffisamment établi par la concordance dans le temps des deux faits étant observé au surplus que M Jacques BOURVEN n'allègue nullement d'un autre motif qui pourrait expliquer la chute des résultats pour cette jument de haut niveau se contentant de soutenir que ses obligations à cet égard se limitaient à engager KISS ME GALANTE dans des compétitions.
Enfin, il convient de relever M DEBAS MONTAGNER intervenu à l'occasion d'une tentative de vente de la jument (tentative de vente non datée mais antérieure au 28/11/2008, date à laquelle Vincent BOURVEN a commencé à monter KISS ME GALANTE ) précise : 'L'essai s'est bien déroulé. J'ai dit à M BOURVEN que je réfléchissais pour faire une proposition d'achat. Le prix de vente me semblait élevé. Celui-ci m'a répondu que si elle ne se vendait pas, il la garderait pour que son fils puisse monter en compétition'.
Dès lors, il est également établi que M Jacques BOURVEN ne s'est plus inscrit dans le cadre de la convention verbale convenue avec M DUHARD et a négligé l'obligation qui était la sienne de veiller à la valorisation de KISS ME GALANTE alors que cette valorisation sportive influait sur la moitié du prix de vente qui devait revenir également à M DUHARD
Il convient de fixer la date à laquelle le fait d'avoir confié la jument à son fils a dégénéré en faute contractuelle du fait de l'absence de mesures prises par M Jacques BOURVEN pour pallier la faiblesse des résultats étant observé que M DUHARD n'a pas adressé à M Jacques BOURVEN la mise en demeure prévue par l'article 1146 du code civil - ce moyen n'étant cependant pas soulevé.
Afin de déterminer cette date, il convient de prendre en considération les éléments suivants :
- l'expertise du Docteur TOUREILLES attestant que l'accident du 28/06/2007 n'a pas entraîné de préjudice sportif fonctionnel pour la jument a été déposée le 05/11/2008
- à cette date, M Jacques BOURVEN n'avait pas encore confié à son fils KISS ME GALANTE puisque celui a commencé à monter la jument le 28/11/2008
- M DUHARD n'explique nullement à quelle date il a pris connaissance de la faiblesse des résultats étant rappelé que les gains ne lui étaient pas reversés par exécution de la convention souscrite de sorte qu'il convient de considérer que M DUHARD a eu connaissance du problème allégué à la date à laquelle il a assigné M BOURVEN devant le juge du fond, soit le 28/08/2009, cette date pouvant être également retenue comme valant mise en demeure au sens de l'article 1146 du code civil
- nonobstant cette assignation qui soulevait expressément ce litige concernant les résultats sportifs, M Jacques BOURVEN a continué à laisser Vincent BOURVEN monter la jument pendant le cours de la procédure et n'a pas plus pris quelque mesure que ce soit fin 2009 et courant 2010, les résultats de KISS ME GALANTE, toujours montée par son fils, continuant à se dégrader.
Il résulte donc des éléments qui précèdent que la faute de M BOURVEN se trouve caractérisée postérieurement à l'assignation au fond du 28/08/2009 en tenant compte d'un délai légitime nécessaire à la prise de mesures utiles pour apprécier les causes du problème rencontré et prendre les mesures nécessaires qu'il convient d'estimer à 6 mois, étant noté qu'en l'absence de toute résiliation judiciaire prononcée à cette date , le contrat conclu était toujours applicable y compris en cours de procédure.
En conséquence, M Jacques BOURVEN, qui était alors toujours tenu d'apporter les diligences nécessaires dans l'exécution de ses obligations a commis une faute suffisamment grave pour qu'il soit considéré que la résiliation du contrat unilatérale du contrat était justifiée au 01/03/2010.
Cependant, l'affirmation de M DUHARD selon laquelle M BOURVEN aurait ainsi agi avec la volonté avérée de lui nuire n'est nullement démontrée.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a refusé de prononcer la résiliation du contrat verbal conclu entre les parties. La résiliation du contrat sera dès lors prononcée et fixée à la date du 01/03/2010.
'> Faute alléguée n°4 : refus de restitution et refus de laisser M BOURVEN avoir accès à KISS ME GALANTE alors qu'il en est le propriétaire
'> Il convient de souligner en premier lieu que M DUHARD ne peut invoquer, sur le fondement de l'article 1134 du code civil un refus de remise de KISS ME GALANTE pour la période antérieure au 01/03/2010.
En effet, à ce jour, le contrat est toujours en cours faute d'avoir été résilié d'un commun accord et faute de décision prononçant judiciairement cette résiliation.
En conséquence, et jusqu'au jour de la présente décision, il convient d'apprécier si, au visa de l'article 1134 du code civil si M DUHARD avait contractuellement la possibilité d'exiger une restitution temporaire de la jument aux fins de valorisation de son potentiel génétique.
Or tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque le contrat verbal conclu entre les parties ne prévoyait l’usage de la jument que par M Jacques BOURVEN et ce, en cohérence avec l'équilibre de la convention convenue entre les parties puisque c'est cet usage qui était de nature à générer les recettes permettant de le défrayer des frais de pension et de la rémunération de son travail consacré à l'entraînement de KISS ME GALANTE et aux engagements de celle-ci en compétitions.
Il n'est nullement justifié par M DUHARD de ce qu'il ait été convenu qu'en cas d'indisponibilité temporaire de la jument, il serait en droit de la récupérer pour assurer une descendance eu égard aux qualités génétiques de celle-ci effectivement confirmées par l'expert judiciaire. Il sera observé d'ailleurs que M DUHARD lui-même détaillant la relation contractuelle avec M Jacques BOURVEN n'a pas soutenu l'existence d'un tel accord contractuel.
En outre, le fait pour M DUHARD de n'avoir pu avoir accès à la jument sans déplacement de celle ci dans les locaux de M BOURVEN ne saurait être retenu, faute de demande de préjudice correspondant à ce simple fait, par ailleurs non spécifiquement établi.
En conséquence, M DUHARD ne peut arguer ni d'un droit d'usage partagé avec M BOURVEN pendant le cours du contrat verbal précédemment décrit, pour alléguer d'une faute de M BOURVEN à cet égard et appuyer sa demande de résiliation du contrat verbal conclu entre eux.
Il résulte de ces éléments que :
- le refus des restitutions de KISS ME GALANTE avant le 01/03/2010 ne saurait justifier, au vu des articles 1134 et 1184 du code civil, la résiliation du contrat à une date antérieure au 01/03/2010
- le refus de restitution après le 01/03/2010 ne peut justifier une résiliation du contrat déjà acquise à cette date
3) Sur la demande de M DUHARD tendant à l'indemnisation du préjudice subi à hauteur de la somme de 300 000 €.
M DUHARD pour justifier d'un préjudice indemnisable à hauteur de 300000 euros invoque :
1- le refus de restitution de la jument par M BOURVEN ce qui l'a empêché de la valoriser pendant le temps d'arrêt de 3 mois et demi par des transferts d'embryons alors que sa valeur génétique est établie par l'expertise judiciaire et l'allégation illégitime par ce dernier d'un droit de rétention et le refus consécutif de résolution du contrat mais sollicite une évaluation de ce préjudice sur plusieurs années
2- la perte de valeur vénale de la jument en relation avec l'accident du 28/06/2007
3- le fait que la jument ait été confiée pendant près de 3 années au fils de M BOURVEN, cavalier inexpérimenté qui n'a pas obtenu des résultats sportifs satisfaisants avec KISS ME GALANTE contrairement aux années précédentes.
I) sur le bienfondé des chefs de préjudices invoqués
'> sur le premier chef de préjudice : impossibilité de valoriser le patrimoine génétique de KISS ME GALANTE
'> Il résulte des motifs qui précèdent que M DUHARD ne peut se fonder sur les dispositions de l'article 1134 du code civil pour soutenir qu'il était en droit de se voir restituer KISS ME GALANTE aux fins de production d'une descendance, en cours de contrat.
Dès lors, il ne peut arguer d'un préjudice de ce chef.
'> M DUHARD alléguant également de l'usage illégitime d'un droit de rétention de la jument par M BOURVEN, il convient d'apprécier également cette demande pour la période postérieure au 01/03/2010 et ce jusqu'au mois de mai 2011 (date de la restitution effective).
M DUHARD ne pouvait prétendre bénéficier de la restitution de KISS ME GALANTE pendant ce délai, eu égard au droit de rétention allégué à juste titre par M BOURVEN.
En effet :
Nonobstant le fait qu'en principe, compte tenu de la résiliation unilatérale fixée par les motifs qui précèdent au 01/03/2010, M BOURVEN aurait dû restituer KISS ME GALANTE à cette date, M BOURVEN invoque le droit de rétention prévu par l'article 1948 du code civil qui énonce que ' le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt'.
En application de cette disposition, le droit de rétention peut être exercé dans tous les cas où, la créance ayant pris naissance à l'occasion de la chose retenue, il existe entre cette créance et cette chose un lien de connexité matérielle (Cass Civ 1ère 22/05/1962).
Or, il est constant que la rémunération du travail de M BOURVEN, tant au titre du dépôt que du contrat d'entreprise a été prévu de manière globale par la perception tant des gains que du reversement de la moitié du prix de vente et ce, sans que les parties aient entendu prévoir une clé de répartition entre les deux aspects du contrat mixte ce qui fait peser sur M DUHARD une obligation contractuelle de vendre KISS ME GALANTE et de reverser la moitié de ce prix de vente à M BOURVEN.
De plus, la convention verbale souscrite démontre que le reversement du prix de vente à M BOURVEN était conçu comme un paiement à terme par M DUHARD.
M BOURVEN était fondé, pendant ce délai, à opposer un droit de rétention dans la mesure où :
- M DUHARD a effectivement signé un mandat de vente le 13/05/2008, la SARL GIRAUD étant chargée de rechercher des acquéreurs en indiquant que la jument était visible dans les écuries de M BOURVEN et qu'il ne conteste pas dans ce mandat être tenu au règlement de la moitié du prix de vente
- la jument, bien que présentée à plusieurs reprises ainsi qu'il résulte des attestations produites, ne s'est pas vendue et aucun document ne vient justifier que ce mandat de vente ait été ultérieurement annulé
- le maintien de la jument dans les écuries de M BOURVEN y compris pour la vente est avéré par ce mandat et est également conforme à l'accord contractuel des parties puisque parallèlement M DUHARD pouvait continuer à engager la jument dans des compétitions et percevoir les gains obtenus.
Il sera observé que M BOURVEN a dès lors eu à sa charge KISS ME GALANTE jusqu'au jour de la restitution effective (en mai 2011), soit au titre du contrat (jusqu’au 01/03/2010) soit au titre du droit de rétention prévu par l'article 1948 du code civil et dès lors pendant environ 7 années de sorte que M DUHARD ne peut soutenir, ainsi qu'il le fait, que M BOURVEN ne justifie pas d'un réel déficit au titre du contrat mixte souscrit. Ce moyen n'est en tout état de cause n'est pas pertinent compte tenu :
- du caractère global et forfaitaire de la rémunération convenue
- et du fait que partie de cette somme était prévue payable à terme, au moment de la vente de la jument de sorte que la résiliation du contrat du 01/03/2010 n'entraîne pas l'annulation de reversement de la moitié du prix de vente.
Dès lors, M DUHARD ne peut opposer à M BOURVEN le fait qu'il ait illégitimement refusé de restituer la jument y compris après le 01/03/2010 puisqu'il résulte des éléments susvisés qu'il existe entre cette créance de M BOURVEN à l'encontre de M DUHARD et la chose retenue ( KISS ME GALANTE), tant au titre du contrat de dépôt que du contrat d'entreprise, un lien de connexité matérielle dans la mesure où les sommes dues à M BOURVEN rémunèrent indistinctement - en vertu de l'accord contractuel- l'une et l'autre partie du contrat mixte verbal conclu.
M DUHARD ne peut donc invoquer un préjudice tiré du manque à gagner d'exploitation du potentiel génétique de KISS ME GALANTE étant de plus observé qu'en tout état de cause pour la période antérieure au 01/03/2010, M DUHARD ne peut, sans se contredire invoquer simultanément les obligations de M BOURVEN d'engager KISS ME GALANTE dans des compétitions et d'obtenir d'elle les résultats sportifs et un préjudice résultant de l'absence de valorisation à son profit, sur plusieurs années, du patrimoine génétique de KISS ME GALANTE
M DUHARD sera donc débouté de sa demande de préjudice de ce chef
'> Sur le deuxième chef de préjudice résultant de la survenance de l'accident du 28/06/2007
S'il résulte des motifs qui précèdent que la négligence de M BOURVEN, à l'origine de l'accident, ne peut en l'espèce justifier la résiliation judiciaire du contrat sur le fondement de l'article 1184 du code civil, elle reste un fait juridique pouvant être pris en considération pour apprécier l'indemnisation du préjudice qui en résulte pour M DUHARD.
Or, il résulte sans ambiguïté de l'expertise judiciaire que cet accident, imputable à M BOURVEN ainsi que précédemment exposé, est à l'origine non pas d'un préjudice sportif mais d'un préjudice commercial tiré de l'inquiétude légitime des acquéreurs sur les conséquences de la cicatrice parfaitement visible provoquée par l'accident et sur l'obligation légale du vendeur de déclarer cet accident.
M DUHARD peut donc invoquer le préjudice résultant de la perte de chance de vendre la jument à une valeur supérieure en raison de l'accident survenu le 28/06/2007 dans la mesure où la convention entre les parties devait conduire à ce qu'il perçoive également la moitié du prix de vente.
L'indemnisation de ce préjudice devra donc être examinée dans le cadre des motifs ci-après énoncés.
'> Sur le troisième chef de préjudice résultant du non-respect des obligations d'entraînement et d'engagement de KISS ME GALANTE
M DUHARD soutient qu'il subit un préjudice commercial considérable puisque la jument qui a été estimée par l'expert, le Docteur vétérinaire TOUREILLES au mois de novembre 2008 à la somme de 150.000 €, n'a aujourd'hui plus aucune valeur.
M DUHARD peut invoquer ce préjudice eu égard à la faute de M DUHARD caractérisée par les motifs qui précèdent et compte tenu du fait qu'il devait également en fin de contrat percevoir la moitié du prix de vente.
En outre, il résulte de l'expertise que la valeur vénale de KISS ME GALANTE dépend également des résultats sportifs atteints en compétition.
Compte tenu de la chute importante des résultats sportifs de KISS ME GALANTE pendant plus de trois années et en particulier au cours de l'année 2010 ainsi qu'il résulte des pièces produites, il n'est pas contestable que la faute commise par M BOURVEN a influé sur sa valeur vénale.
Le montant de l'indemnisation de ce préjudice devra donc être examinée dans le cadre des motifs ci-après énoncés.
II) sur l'évaluation de l'indemnisation des préjudices n°2 et 3
Si M DUHARD ne peut arguer d'un préjudice résultant de la non-valorisation du patrimoine génétique de KISS ME GALANTE, il résulte des motifs qui précèdent qu'il peut solliciter l'indemnisation des préjudices suivants :
- préjudice n°1 : préjudice commercial affectant la valeur vénale de la jument , résultant de sa négligence dans le cadre du contrat de dépôt laquelle a eu pour conséquence l'accident du 28/06/2007
- préjudice n°2 : préjudice sportif affectant la valeur vénale, issu du manquement de M BOURVEN à ses obligations d'entraîneur et d'engagement de KISS ME GALANTE en compétition.
Aucune indication n'étant fournie sur le fait que la jument ait été ou non vendue depuis qu'elle a été remise à M DUHARD en mai 2011, les préjudices indemnisables doivent être appréciés comme constitutif de la perte de chance de vendre la jument à une valeur supérieure.
Pour apprécier ce préjudice n°1 qui doit s'analyser en la perte de chance de vendre la jument à une valeur supérieure, il convient de tenir compte des éléments suivants :
Etant observé que la mise en vente de la jument est établie par le mandat du 13/05/2008 signé par M DUHARD, il convient d'apprécier le préjudice n°1 susvisé à cette date en tenant compte notamment des éléments fournis par l'expertise judiciaire par M TOUREILLES et de l'avis de M JAMES annexé à son rapport
a)'> au regard des éléments fournis par l'expertise judiciaire
- l'expert judiciaire a pu examiner la jument en juillet puis en octobre 2008 et formuler son avis sur les préjudices dans son rapport de novembre 2008 soit à une date où les résultats sportifs de KISS ME GALANTE n'avaient pas encore chuté de sorte que les éléments fournis sont pertinents puisqu'il s'agit ici d'apprécier le seul préjudice n°1
- son avis et celui de M JAMES (annexé au rapport) , Directeur des Haras nationaux et expert judiciaire peuvent donc être pris en considération s'agissant du préjudice commercial lié à la présence de la cicatrice et à la survenance de l'accident du 28/06/2007
- l'expert, tout en confirmant la réalité d'une perte de valeur commerciale du fait de la survenance même de l'accident a, dans un premier temps, refusé de chiffrer ce préjudice en exprimant ses doutes quant à la valorisation en compétition de KISS ME GALANTE ' même si les débuts ont été prometteurs' et en indiquant à la fois que :
-' il est possible que la jument ne connaisse pas l'ascension sportive espérée (indépendamment de l'accident)' et que dans ce cas ' il y aura une perte de la valeur vénale de l'animal indépendante de l'accident'
- et que ' il est possible (compte tenu de l'examen orthopédique et du bilan lésionnel corrects) que ses performances progressent et dans ce cas la valorisation de la jument sera à hauteur de l'espérance du gardien du cheval et de son propriétaire'
- ces doutes n'ont pas à être pris en compte dans la mesure où, ainsi que motivé précédemment :
-si le temps passé a démontré que les résultats sportifs de KISS ME GALANTE ont périclité pour des motifs indépendants de l'accident, cette baisse n'est imputable à M Jacques BOURVEN qu'à compter du 01/03/2010
- dès lors que la convention verbale est en vigueur (soit jusqu'au 01/03/2010), la baisse des résultats sportifs de KISS ME GALANTE doit être assumée par les deux parties même si elle influe sur la valeur vénale de la jument en raison de la prise en charge de l'aléa convenue entre les parties, et ce en application de l'article 1134 du code civil
- les résultats de KISS ME GALANTE jusqu'en novembre 2008 démontrent, en tout état de cause que son potentiel sportif n'était pas affecté par rapport aux années précédentes
b)'> au regard des attestations fournies et notamment celle de M GIRAUD, chargé de la vente, étant observé qu'aucune des parties ne prétend ou justifie que le mandat qui lui a été donné le 15/05/2008 ait été annulé par M DUHARD postérieurement:
- la jument a été présentée sans succès à plusieurs acquéreurs par la SARL GIRAUD en 2007,2008 et 2009 (l’essai de 2007 mentionné ne sera pas pris en considération faute d'indication s'il y a eu lieu avant ou après l'accident du 28/06/2007)
- M GIRAUD (mandataire désigné pour la vente de KISS ME GALANTE) souligne que lors de chaque essai par des clients potentiels, la jument était en bonne condition et qu'elle s'est très bien comportée
- les attestations montrent également que le prix proposé de 150000 € est généralement considéré comme trop élevé et qu'il est incontestable, ainsi que le souligne l'expert, que l'existence de la cicatrice et la survenue même de l'accident permet aux acquéreurs de discuter le prix initialement proposé à la baisse
- M JAMES propose dans un premier temps une évaluation du préjudice à hauteur de la somme de 50 000 € estimant que la valeur vénale de la jument serait de l'ordre de 100000 €, valeur finalement validée par le Docteur TOUREILLES dans le cadre de sa réponse au dire reçu
- il convient d'écarter la réserve ultérieurement émise par M JAMES (lettre du 04/08/2008) relative à la perte de substance musculaire puisque l'expert judiciaire considère que ' le lambeau de muscle qui a été excisé suite à une nécrose consécutive à l'accident n'a aucune influence sur la fonction de fléchisseur profond des phalanges. La perte de substance musculaire, vu la cicatrice, est minime (...)' et maintient son avis concernant l'absence d'incidence de cet élément étant observé que ces conclusions expertales sont en elles même de nature à rassurer un acquéreur potentiel
c) '>au regard des conséquences de la procédure judiciaire sur la valeur vénale de la jument (évoquées par l'expert et une attestation)
- la procédure judiciaire engagée en 2009 a généré un contexte défavorable à la vente dans la mesure où était en litige le droit de rétention par M BOURVEN de la jument conditionné par l'appréciation de la rupture unilatérale alléguée par M DUHARD et de la qualification du contrat déterminant les créances et obligations réciproques des parties
- ce contexte judiciaire influant sur la valeur et relevé par l'expert ne peut peser en défaveur de M DUHARD dans la mesure où, par le présent arrêt, la résiliation judiciaire du contrat se trouve consacrée ainsi que les fautes et négligences de M BOURVEN dans l'exécution de ses obligations
Dès lors, l'indemnisation de la perte de chance de vendre la jument à un prix plus élevé doit être estimée à un montant inférieur à l'évaluation proposé par M JAMES (50 000 € correspondant à 50% de la valeur vénale de 100000 €).
Elle sera fixée à la somme de 20.000 € dans la mesure où :
- les déformations aux membres suite à des coups ou à des accidents sont sans grandes conséquences sur la valeur si la blessure est ancienne, si elle n'évolue plus et si elle n'occasionne ni gêne ni sensibilité
- l'expert judiciaire considère et établit que l'accident n'a occasionné aucun préjudice sportif à KISS ME GALANTE et que la jument est consolidée
- dès lors la perte de valeur estimée à 50% de la valeur vénale telle qu'estimée par M JAMES est excessive
S'agissant de l'indemnisation d'une perte de chance, il convient d'affecter cette somme d'un coefficient de 0,9 afin de tenir compte des aléas particuliers de ce marché très restreint de sorte que le montant sera réduit à la somme de 18000 €.
M DUHARD ne peut alléguer d'un tel préjudice qu'à concurrence de 50% de ce montant compte tenu de :
- la convention conclue entre les parties
- du fait que la résiliation du contrat au 01/03/2010 ne remet pas en question le paiement à terme contractuellement convenu de la rémunération de M BOURVEN pour le travail effectué et la charge de la jument jusqu'à la date de résiliation du contrat, compte tenu des motifs qui précèdent
- n'étant légitime à percevoir que de la moitié du prix de vente estimé, il ne peut réclamer que la moitié de ce qu'il aurait personnellement supporté au titre de cette baisse de valeur estimée
En conséquence, il sera alloué à M DUHARD au titre de l'indemnisation du préjudice n°1 la somme de 9000 €.
Enfin, il convient de souligner que cette indemnisation ne remet pas en cause l'équilibre du contrat tel qu'exposé plus haut dans la mesure où ce préjudice se rattache à une négligence de M BOURVEN non couverte par l'aléa des variations de valeur assumé contractuellement par les parties.
Pour apprécier ce préjudice n°2 qui doit s'analyser en la perte de chance de vendre la jument à une valeur supérieure, il convient de tenir compte des éléments suivants :
L'existence de ce préjudice ne peut être opposé à M BOURVEN qu'à compter du 01/03/2010 puisque la faute alléguée ne peut être retenue avant cette date fixant le moment où elle est caractérisée.
M DUHARD ne peut en outre soutenir que le jugement n'a plus de valeur marchande au jour du présent arrêt.
En effet, ce faisant, M DUHARD :
a) d'une part inclut une perte de valeur liée à l'âge de la jument désormais âgée de 15 ans qu'il ne peut opposer à M BOURVEN puisque
- il ne justifie pas que la baisse des résultats en 2009/2010 ait rendu la jument totalement invendable dès avant le 01/03/2010 ni même après cette date jusqu'à sa restitution en mai 2011
- depuis sa restitution à M DUHARD, seul ce dernier disposait des facultés de revaloriser éventuellement la jument
b) d'autre part , M DUHARD ne prend pas en considération la valeur représentée par le potentiel génétique de KISS ME GALANTE alors qu'il est acquis, au vu de l'expertise que cette valeur vénale inclut par principe la valeur correspondant au potentiel génétique, étant observé qu' âgée de 13 ans lors de sa restitution à M DUHARD en mai 2011, elle n'était pas, en l'absence de toute explication contraire , hors d'état d'assurer une descendance par l'un des moyens existants ( poulinage ou encore transfert d'embryon etc...) et qu'il est notoirement connu que les juments ayant eu une carrière sportive sont ensuite valorisées, à compter de leur retraite, par la production d'une descendance.
Or en l'espèce, il est établi que KISS ME GALANTE présente une réelle valeur à cet égard eu égard à ses origines.
Il sera en outre relevé que M BOURVEN indique, sans être contredit sur ce point que 'Monsieur DUHARD ne peut invoquer un quelconque préjudice tiré de l'absence de descendance de la jument, puisque le but du contrat était de vendre la jument, et certainement (pas)de procéder au transfert d'embryons vers des mères porteuses, chose qu'il peut d'ailleurs encore faire'.
M DUHARD ne peut donc :
- ni fonder sur une valeur non validée par l'expert de 150000 € (valeur au mois de novembre 2008) ni sur celle validée par l'expert en novembre 2008 ( 100000 € même sous déduction de la perte de valeur issue de l'accident du 28/06/2007 arrêtée par le présent arrêt à 20000 €)
- ni prétendre qu'à ce jour, KISS ME GALANTE ne vaut plus rien.
Dès lors, il convient d'apprécier le préjudice n°2 exclusivement rattaché à la baisse de ses résultats sportifs de 2009/2010 - exclusion étant faite de la perte de valeur liée à l'âge mais en tenant compte de la valeur résiduelle liée à son potentiel génétique dont M DUHARD était en mesure de profiter à compter de mai 2011) en considération des éléments suivants :
- le fait que jusqu'au mois novembre 2008, les résultats de KISS ME GALANTE étaient équivalents à ceux atteints les années antérieures et qu'elle bénéficiait d'un classement ISO de haut niveau
- la jument ne s'est pas vendue depuis le mandat de vente du 13/05/2008 en partie en raison d'un prix surévalué (150000 € au lieu de 100000 €) alors que ses qualités intrinsèques étaient relevées par les acheteurs intéressés ayant pu la visiter ainsi qu'il résulte des attestations
-entre le 28/11/2008 et le 01/03/2010 KISS ME GALANTE avait entre 10 et 12 ans étant relevé que la tranche d'âge au cours de laquelle les juments atteignent en général, leur meilleur niveau sportif se situe entre 9 et 11 ans
Il résulte des éléments qui précèdent que la perte de valeur vénale liée au préjudice n°2 doit être fixée à la somme de 40000 €.
S'agissant de l'indemnisation d'une perte de chance, il convient d'affecter cette somme d'un coefficient de 0,9 afin de tenir compte des aléas particuliers de ce marché très restreint de sorte qu'il convient de retenir une somme de 36000 €.
M DUHARD n'étant légitime à percevoir que de la moitié du prix de vente estimé, il ne peut être indemnisé qu'à hauteur de la moitié de ce qu'il aurait personnellement supporté au titre de cette baisse de valeur estimée soit la somme de 18.000 €.
Il convient de préciser que l'indemnisation de ce préjudice n°2 ne fait pas double emploi avec l'indemnisation du préjudice n°1 puisque parmi les différents éléments pris en compte, la Cour, n'a pas pris en compte la valeur de 100 000 € validée par l'expert (valeur au mois de novembre 2008) mais la valeur de 100 000 € diminuée du préjudice consécutif à l'existence de la cicatrice et à la survenance de l'accident du 28/06/2007 (diminution de 20000 €).
Dès lors, le montant total du préjudice indemnisable au profit de M DUHARD s'élève à la somme de 27 000 € (9000 € au titre du préjudice n°1+ 18000 € au titre du préjudice n°2).
Sur la demande de M BOURVEN de condamnation de M DUHARD à lui payer la somme de 48688 euros au titre des frais engagés dans le cadre du contrat
Il résulte des motifs développés dans le cadre de l'analyse du contrat conclu quant à la détermination des obligations et charges réciproques des parties que M BOURVEN ne peut exiger de M DUHARD le paiement de quelque somme que ce soit au titre des frais de pension et des dépenses par lui réglées pour la jument 'KISS ME GALANTE' et ce jusqu'à la date de résiliation du contrat ( 01/03/2010) puisqu'il résulte de la convention elle-même qu'il a accepté l'aléa d'un déficit éventuel à cet égard et qu'il est établi qu'il n'a jamais été convenu entre les parties que M DUHARD réglerait mensuellement une somme déterminée au titre de la seule pension.
La convention entre les parties ne peut s'analyser en un contrat classique de pension et de valorisation de cheval de sport pour lequel une partie de la rémunération est fixe (versement des frais de pension par le propriétaire et l'autre aléatoire (gain et versement de la moitié du prix de vente), étant relevé que M BOURVEN ne produit d'ailleurs aucune facture destinée à M DUHARD faisant état de telles sommes.
M BOURVEN sera donc débouté de ses demandes pour la période antérieure au 01/03/2010.
Il reste donc à apprécier le droit pour M BOURVEN de réclamer l'indemnisation des frais de pension depuis le 01/03/2010 jusqu'à la date de restitution du 25/05/2011 étant rappelé que M BOURVEN était légitime à exercer son droit de rétention jusqu'à cette date.
Si M BOURVEN produit une synthèse manuscrite (pièce n°31) pour un total de frais de pension et divers pour un total de 53786 € dont le montant sert de base à ses demandes dans le cadre de ses dernières conclusions, il doit être constaté que ce décompte s'arrête à l'année 2009 et donc pour une période antérieure à la résiliation du contrat.
Il ne produit aucune pièce établissant les débours pour la période postérieure au 01/03/2010.
Il sera dès lors débouté de ses demandes à ce titre.
Si M DUHARD sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 150 € par mois les frais de pensions, il conclut également que 'Si par impossible, la Cour devait mettre en exergue les frais de pensions, elle dira qu'ils ne sont pas dus dans la mesure où la jument s'est autofinancé' de sorte qu'il ne peut être considéré que M DUHARD a reconnu devoir une pension mensuelle de 150 €.
En tout état de cause, ce moyen est sans incidence pour la période antérieure au 01/03/2010 puisque la décision s'appuie sur l'analyse de la balance ' tous frais/tous gains' incluant contractuellement l'aléa d'un déficit éventuel et devant être assumé par M BOURVEN et non sur l'analyse des postes détaillées des charges et recettes de cette balance.
Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a condamné M DUHARD à payer la somme de '14.508,28 euros à titre de rémunération du dépôt de la jument KISS ME GALANTE, somme à actualiser à hauteur de 150 euros par mois jusqu'au paiement intégral, tout mois commencé étant dû' M BOURVEN sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 48688 euros à ce titre.
Dès lors, le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu'il a ordonné la restitution de la jument aux conditions qu'il a prescrites et qui dépendaient du versement des sommes susvisées.
Sur la restitution de la jument ordonnée par le premier juge et le partage du prix de vente de la jument
M DUHARD soutient que ' bien qu'il ait refusé la résolution du contrat de valorisation, le Tribunal a cependant ordonné la restitution par M. BOURVEN de la jument à M. DUHARD et a donc malgré tout résilié le contrat. La Cour ne manquera pas ici de relevé que le jugement abouti à une véritable antinomie juridique.'
M DUHARD n'a énoncé ce point qu'en vue de solliciter l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de 'résolution' du contrat.
Quoique sollicitant la confirmation du jugement en ce qu'il a refusé de prononcer la résolution du contrat, M BOURVEN n'a nullement sollicité le retour de KISS ME GALANTE en ses écuries alors qu'il a exécuté le jugement entrepris assorti de l'exécution provisoire en remettant la jument à M DUHARD le 25/05/2011.
Cependant, la résiliation du contrat étant prononcée, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la restitution de la jument mais dans des conditions différentes de celles initialement prévues.
M BOURVEN n'a pas plus sollicité qu'il soit constaté que M DUHARD reste lui devoir 50% du prix de vente de KISS ME GALANTE, lorsque celle-ci interviendra ni même qu'à défaut de vente par M DUHARD de la jument, sa créance soit évaluée afin de solder les comptes entre les parties.
S'agissant de cette obligation, M DUHARD n'a pas non plus saisi le premier juge ou la cour de la question relative à l'existence de cette créance étant observé qu'il ne conteste pas qu'elle ait été incluse dans le contrat verbal et qu'il a lui-même reconnu l'existence de cette obligation dans son mandat de vente de KISS ME GALANTE donné le 13/05/2008 à la SARL GIRAUD.
Dès lors, il n'appartient pas à la cour d'apprécier ces questions.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Etant constaté que le présent litige résulte à la fois des manquements de M BOURVEN à ses obligations et des exigences infondées ou non fondées car excessives de M DUHARD au regard de la convention conclue entre les parties, il est équitable de laisser à la charge de chacune d'elle les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
Pour les mêmes motifs et compte tenu des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile qui énonce que ' la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie', chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'instance et d'appel à l'exclusion des dépens de la procédure de référé qui seront mis à la charge de M BOURVEN.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Constate que la décision entreprise, assortie de l'exécution provisoire, ordonnant la restitution de la jument KISS ME GALANTE a été exécutée et que M BOURVEN n'a pas sollicité son retour en ses écuries,
Statuant à nouveau :
- Prononce à la date du 01/03/2010 la résiliation judiciaire de la convention verbale concernant la jument KISS ME GALANTE conclue entre les parties,
- Ordonne en conséquence la restitution de KISS ME GALANTE à M DUHARD
- Constate que KISS ME GALANTE a été restituée à M DUHARD le 25/05/2011
- Condamne M Jacques BOURVEN à payer à M Philippe DUHARD la somme de 27000 € au titre de la perte d'une chance de vendre KISS ME GALANTE à une valeur supérieure
- Déboute M BOURVEN du surplus de ses demandes en dommages et intérêts
- Déboute M BOURVEN de sa demande en paiement de la somme de 48688 euros au titre des frais engagés dans le cadre du contrat
- Rejette les demandes présentées par chacune des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance qu'en appel
- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance (procédure au fond) et d'appel mais condamne M BOURVEN aux dépens afférents à la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance du 01/04/2008.