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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ., 4 mai 2022, n° 19/04224

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

My Money Bank (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

M. Roublot, Mme Robert-Nicoud

TGI Strasbourg, du 6 sept. 2019

6 septembre 2019

EXPOSE DU LITIGE :

Vu l'assignation délivrée le 6'avril 2018 par laquelle la SA My Money Bank, anciennement dénommée GE Money Bank, a fait citer la SARL Carrosserie et Mécanique W. devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale, aux fins, notamment, de condamnation au paiement de la somme de 20'336,33 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31'janvier 2018,

Vu le jugement rendu le 6'septembre 2019, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal de grande instance de Strasbourg'a’ :

- condamné la société W. Carrosserie et Mécanique SARL à payer la SA My Money Bank la somme de 9'306,60 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31'janvier 2018, ainsi que la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SA My Money Bank de sa demande en restitution des sommes payées au titre des travaux de réparation et d'entretien du véhicule Porsche,

- dit n'y avoir lieu au paiement de sommes à la société W. au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société W. Carrosserie et Mécanique SARL aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Vu la déclaration d'appel formée par la SARL Carrosserie et Mécanique W. contre ce jugement, par voie électronique le 23'septembre 2019,

Vu la constitution d'intimée de la SA My Money Bank anciennement dénommée GE Money Bank en date du 16'décembre 2019,

Vu les dernières conclusions de la SARL Carrosserie et Mécanique W. en date du 19'décembre 2019, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, et par lesquelles celle-ci demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à restituer à la SA My Money Bank la somme de 9'306,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31'janvier 2018, au titre des frais de gardiennage, et de le confirmer le pour le surplus,

- et statuant à nouveau :

- dire et juger que les frais de gardiennage sont justifiés et en conséquence dire et juger qu'elle pourra conserver les frais de gardiennage versés par la société My Money Bank,

- condamner cette dernière aux dépens, ainsi qu'à lui verser une indemnité de 2'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de la SA My Money Bank en date du 17'février 2020, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, et par lesquelles celle-ci demande à la cour de :

- Sur l'appel principal : le dire mal fondé, le rejeter, débouter l'appelante de ses fins, moyens et prétentions,

- confirmer le jugement entrepris sous réserve de l'appel incident,

- condamner l'appelante aux dépens, ainsi qu'à lui payer une somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Sur appel incident :

- le dire bien fondé et, y faisant droit, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande en restitution des sommes payées au titre de l'entretien et de la réparation du véhicule Porsche,

- et statuant à nouveau, condamner à ce titre la société Carrosserie et Mécanique W. à lui payer la somme de 20'336,33 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31'janvier 2018, ainsi que les dépens de l'appel incident,

- la débouter de toutes conclusions contraires et la condamner aux frais de l'appel incident.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15'septembre 2021,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des conclusions des deux parties que la société GE Money Bank, désormais dénommée My Money Bank, avait financé un véhicule Porsche appartenant à M. C., qui a été mis en liquidation judiciaire.

La créance de la société GE Money Bank a été admise au passif de cette procédure collective et par ordonnance du 14 juin 2017, le juge-commissaire a reconnu son droit de propriété sur ledit véhicule et ordonné sa restitution.

Il résulte également de leurs conclusions que le véhicule était alors stationné au garage de la SARL Carrosserie et Mécanique W..

Celle-ci en refusait la restitution en opposant son droit de rétention, dès lors que des factures étaient impayées. La société My Money Bank a alors payé la somme de 20 336,33 euros pour obtenir la restitution.

Cette somme correspond aux factures suivantes :

- facture n°5735 du 23 mars 2016 au titre de la dépose pose des plaquettes avant et arrière et à un forfait réparation de la boîte de vitesse,

- facture n°6925 du 24 août 2017 au titre de frais de gardiennage du 25 septembre 2016 au 4 septembre 2017 pour 7 430,40 euros

- facture n°7080 du 6 novembre 2017 au titre de frais de gardiennage du 5 septembre 2017 au 21 novembre 2017 pour 1 879,20 euros.

Après l'avoir mise en demeure, la société My Money Bank a par la suite assigné la société SARL Carrosserie et Mécanique W. en remboursement de cette somme.

Le jugement attaqué a fait droit à la demande de remboursement des frais de gardiennage, mais a rejeté la demande de remboursement des frais de réparation.

Sur les frais de gardiennage :

La SARL Carrosserie et Mécanique W. a facturé des frais de gardiennage du véhicule pour la période du 25 septembre 2016 au 21 novembre 2017 pour un montant de 9 306,60 euros.

La société My Money Bank conteste que cette somme soit due, soutenant, d'une part que ce tarif est abusif, les frais de gardiennage étant habituellement de 50 euros par mois, d'autre part, que les garages dont les prix sont invoqués sont des concessionnaires de marques prestigieuses qui doivent financer un gardiennage effectif alors que le garage W. n'est concessionnaire d'aucune marque et n'a aucun stock de véhicules neufs et ne justifie pas engager des frais de gardiennage, et enfin, qu'il lui appartient de démontrer que ces frais de gardiennage étaient convenus.

La SARL Carrosserie et Mécanique W. produit un document intitulé 'attestation frais de gardiennage' dactylographiée et signée manuscritement sous 'Jacques C.s' datant du 25 octobre 2019 indiquant que 'le véhicule (...) étant resté immobilisé au sein du garage, des frais de gardiennage ont donc été facturés à hauteur de 22 €/jour. Je suis en connaissance de cause qu'il y avait des frais de gardiennage'.

Certes, comme le soutient la société My Money Bank, il n'est pas démontré que M. C. avait accepté de payer des frais de gardiennage, ni de payer des frais de gardiennage à hauteur d'un tel coût, cette attestation étant insuffisante à cet effet.

Cependant, en tant qu'il est l'accessoire du contrat d'entreprise, le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste existe, indépendamment de tout accord de gardiennage.

En outre, le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste, accessoire à un contrat d'entreprise, est présumé fait à titre onéreux. Lorsque le garagiste a assumé la garde après sa réparation, il appartient à celui qui invoque son caractère gratuit de le démontrer.

La société My Money Bank échoue à démontrer le caractère gratuit du gardiennage assuré après la réparation du véhicule. La cour observe qu'après la facture de réparation précitée, la SARL Carrosserie et Mécanique W. avait émis une autre facture de réparation, le 15 septembre 2016, pour des travaux de carrosserie, l'expert mandaté par la société My Money Bank précisant qu'un sinistre pour choc arrière a été enregistré par une compagnie d'assurance le 23 juillet 2016.

Le fait que la SARL Carrosserie et Mécanique W. ne soit pas en mesure de justifier avoir à l'époque affiché un barème correspondant ne suffit pas à démontrer que le gardiennage était assuré à titre gratuit.

Elle était dès lors en droit de demander paiement du gardiennage pour la période qu'elle a facturée, étant observé qu'il n'est pas soutenu que le véhicule n'avait pas encore été réparé à cette date, et qu'en l'absence de preuve contraire, il sera considéré que la réparation était achevée lors de l'émission de la facture correspondante.

S'agissant du coût du gardiennage, il appartient au juge de le fixer, dès lors qu'aucun contrat n'existait entre les parties.

La SARL Carrosserie et Mécanique W. produit des tarifs pratiqués par d'autres garages, lesquels vont de 20 euros à 48 euros par jour, et ne conteste pas que, comme le soutient la société My Money Bank, il s'agit de concessionnaires Mercedes, Audi et Maserati qui sont des concessionnaires de marques prestigieuses devant financer un gardiennage effectif. De son côté, elle ne justifie pas du prix qu'elle pratique habituellement, ni des coûts qu'elle a dû supporter au titre de ce gardiennage.

Eu égard à ces éléments, et à la durée du gardiennage du 25 septembre 2016 au 21 novembre 2017, il convient de fixer à 4 200 euros TTC le coût de la prestation de gardiennage du véhicule.

La société My Money Bank ayant payé 9 306,60 euros TTC à ce titre, la SARL Carrosserie et Mécanique W. sera condamnée à lui rembourser la somme de 5 106,60 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 janvier 2018.

Le jugement sera infirmé dans cette limite.

Sur les réparations :

La société My Money Bank demande remboursement des frais de réparation, en soutenant que la charge de la preuve de la réalité des travaux de réparation incombe au garage et que l'expert n'a pas constaté que les réparations ont été effectuées.

La SARL Carrosserie et Mécanique W. ne réplique pas et est, dès lors, réputée s'approprier les motifs du jugement qui a considéré qu'il n'était pas démontré que les travaux n'avaient pas été réalisés.

Il résulte du rapport d'expertise, produit par la société My Money Bank, que le 2 mars 2016, selon l'ordre de réparation, signée par le client, que lui a communiqué la Carrosserie W., concernant ledit véhicule, les travaux consignés sont les suivants : un problème de passage de vitesse sur la boîte de vitesse automatique, un remplacement des plaquettes de frein avants et arrières, un bruit au niveau du pont arrière (travaux non réalisés).

Le document annexé au rapport mentionne un rendez-vous de M. Jacques C. le 2 mars 2016, et la commande de travaux suivante : 'remplacement plaquettes de frein AV + AR ; réparation boîte de vitesse 8 000 euros + huile ; devis pour le bruit pont AR + amortissement AV ; plaquettes AV 492,06 2H T1 ; plaquettes AR 476,88 2H T1.' Ce document est signé le 2 mars 2016 par le client et le réparateur.

L'expert indique que le 6 mars 2016, la Carrosserie W. a confié le véhicule au Garage GC Autos de Matzenheim et que le réparateur lui a déclaré avoir déposé la boîte de vitesse et l'avoir confiée au Garage BC Autos Motos de Gerstheim.

Dans son second rapport, l'expert indique que le garage BC Autos Motos aurait sous-traité la révision de la boîte de vitesses automatiques à des connaissances situées en Pologne. Aucun justificatif ne peut nous être communiqué.

De tels propos, au conditionnel et non vérifiés, ne peuvent être pris en compte à titre d'éléments de preuve.

Est produite aux débats la facture du 6 mars 2016 de la société Garage GC Autos d'un montant de 8 582,60 euros correspondant notamment à la réparation de la boîte de vitesse et faisant état d'un problème de pont AR, défaut amortisseur AV, problème pression huile moteur, dimension pneus non conforme. Elle mentionne un kilométrage de 105 863 kms.

La cour observe que la facture en litige, du 23 mars 2016, facture les plaquettes AV et AR pour 492,06 euros HT et 476,88 euros HT ainsi qu'un 'forfait réparation boîte de vitesse' pour 8 000 euros HT. Elle comprend une mention manuscrite : 'prévoir 4 pneus, bruit pont AR, amortisseur AV, voyant moteur pression huile'.

Il sera observé que l'expert indique que 'la non-conformité de la taille des pneus pourrait être à l'origine des problèmes du pont arrière et de la boîte de vitesse'.

L'expert fait également état d'un sinistre pour choc arrière enregistré le 23 juillet 2016, que le contrôle technique effectué le 31 août 2016 ne fait état d'aucun défaut, le véhicule totalisant 116 938 km, et que la Carrosserie W. a émis le 15 septembre 2016 une facture pour des travaux de carrosserie pour 423 euros TTC.

Il indique que le 6 septembre 2017, le véhicule totalise 128 685 kms.

L'expert conclut que 'les réparations réalisées sur ce véhicule concernent le remplacement des plaquettes de freins avant et arrière ainsi que la révision de la boîte de vitesse automatique suite à un problème de passage des rapports, selon les déclarations des intervenants. Aucun justificatif concernant la méthodologie de réparation nous a été fourni. La refacturation, par les intervenants est justifiée dans le compte-rendu.

Nous relevons, au vu des éléments que le véhicule présente un problème au pont arrière, un défaut sur l'amortisseur avant droit, un problème de pression d'huile du moteur et les pneumatiques qui ne seraient pas conformes à la taille d'origine. Ces travaux ne sont pas réalisés.

Nous relevons que le véhicule a réalisé 22 822 kilomètres entre l'entrée à la Carrosserie W. et notre mission. Les défauts affectant le véhicule étaient présents en mars 2016 (problème au pont arrière, amortisseur, problème pression huile...) Cependant le véhicule a circulé avec ces dysfonctionnements pendant ces 18 mois.'

Il ne résulte pas de ce rapport d'expertise que les travaux facturés le 23 mars 2016, et payés par la société My Money Bank, au titre de la dépose pose des plaquettes avant et arrière et à un forfait réparation de la boîte de vitesse n'aient pas été effectués. Au contraire, l'expert indique que le remplacement des plaquettes de freins avant et arrière ainsi que la révision de la boîte de vitesse automatique sont des 'réparations réalisées' 'selon les déclarations des intervenants'.

S'agissant plus particulièrement de la réparation de la boîte de vitesse, il résulte du rapport de l'expertise et de la facture du 6 mars 2016 de la société GC Autos que la réparation a été sous-traitée par le garage W. à cette société.

Cette facture du 6 mars 2016 produite par l'appelante porte d'ailleurs la mention 'comptabilisée'. La société My Money Bank en déduit qu'elle a été payée en son temps au garagiste et que rien n'établit que les travaux n'aient pas été payés par M. C..

Cependant, c'est à cette société qui invoque le paiement par un tiers de le démontrer, ce qu'elle ne fait pas.

Selon les documents joints au rapport de l'expert, le compte de la société Carrosserie et Mécanique W. a été débité de deux chèques de 4 346,84 euros et 4 553,16 euros le 28 décembre 2016. Eu égard à leur montant, ils ne permettent pas d'établir que ces chèques ont permis le paiement de cette facture du 6 mars 2016 de 8 582,60 euros. Pour autant, ces éléments ne suffisent pas non plus à établir que M. C. ait directement payé la facture de GC Autos établie au nom de la société Carrosserie et Mécanique W.

En outre, il résulte du rapport d'expertise que le véhicule a continué à circuler pour un nombre important de kilomètres et qu'aucun problème n'a été détecté au contrôle technique.

S'il résulte du rapport de l'expert que d'autres travaux n'ont pas été réalisés, à savoir ceux concernant un problème au pont arrière, un défaut sur l'amortisseur avant droit, un problème de pression d'huile du moteur et les pneumatiques qui ne seraient pas conformes à la taille d'origine, la cour constate que ces problèmes ne faisaient pas partie de l'ordre de travaux, ni de la facture litigieuse.

Dès lors, la société My Money Bank ne démontre pas que les travaux facturés par la SARL Garage, et qu'elle a payés, n'ont pas été réalisés, peu important qu'ils aient été sous-traités.

La demande de restitution sera dès lors rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les frais et dépens :

La SARL Carrosserie et Mécanique W. succombant partiellement en son appel, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie succombant partiellement, il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel et chaque partie sera condamnée à en supporter la moitié.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que les demandes de ce chef seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 6'septembre 2019, sauf en ce qu'il a condamné la SARL Carrosserie et Mécanique W. à payer à la société My Money Bank SA la somme de 9 306,60 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 janvier 2018 et l'a condamnée aux dépens,

L'infirme de ces seuls chefs,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la SARL Carrosserie et Mécanique W. à payer à la société My Money Bank SA la somme de 5 106,60 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 janvier 2018,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne chacune des parties à en supporter la moitié,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.