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Décisions

CA Angers, 1re ch. A, 20 septembre 2011, n° 10/01198

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Grandchamp des Raux, Domaine Chainier (SCEA), Petillon

Défendeur :

Blanchard, Ecurie Vincent Blanchard (SARL), Aviva Assurances (Sté.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Verdun

Conseillers :

Mme Rauline, Mme Lecaplain-Morel

Avoués :

Me Vicart, SCP Chatteleyn et George

Avocats :

Me Drevet, Me Beucher

TGI Angers, du 15 mars 2010, n° 08/00060

15 mars 2010

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL Ecurie Vincent Blanchard, dont M. Vincent Blanchard, cavalier professionnel et entraîneur qualifié, est le gérant, a pour activité l'entraînement, la valorisation et l'exploitation de chevaux de compétition, plus particulièrement dans la discipline du saut d'obstacles.

En novembre 2005, M. Jacques Grandchamp des Raux, la SCEA Domaine Chainier et M. Joël Pétillon, copropriétaires de la jument 'Miss du Piquet', cheval de selle français, ont confié l'animal à la société Ecurie Vincent Blanchard.

De mars à juillet 2006 la société Ecurie Vincent Blanchard a présenté 'Miss du Piquet', montée par M. Vincent Blanchard, à six épreuves qualificatives en vue de la Grande Semaine de Fontainebleau organisée chaque année par les Haras Nationaux, fin août / début septembre.

Le 12 juillet 2006, la jument était inscrite à l'une de ces épreuves, le Concours inter-régionale du Lion d'Angers.

Selon la déclaration d'accident souscrite par la société Ecurie Vincent Blanchard, alors que M. Vincent Blanchard menait la jument au pas sur le paddock de détente, sous une chaleur accablante, quelques minutes avant d'entrer sur la piste, l'animal s'est acculé très vite sur quelques foulées à reculons, a basculé à 180 degrés autour des postérieurs, sa tête, en particulier la nuque, venant frapper le sol violemment. Après le choc, la jument a convulsé, agitant ses membres pendant quelques secondes puis s'est éteinte très rapidement. L'animal était sans vie lorsque le vétérinaire de service est arrivé.

Aucune autopsie n'a été pratiquée et la jument a été incinérée immédiatement par les Haras Nationaux.

Par courrier du 5 août 2006, M. Jacques Grandchamp des Raux, en son nom et au nom des deux autres copropriétaires, a demandé à M. Vincent Blanchard de leur payer la somme de 50'000 € représentant le montant du préjudice résultant pour eux du décès de la jument.

Missionné par la société AVIVA, le docteur vétérinaire Jean-Marc Dufosset a conclu le 23 octobre 2006 que le décès de la jument était intervenu du fait des aléas liés au comportement d'un animal vivant, à l'exclusion de toute faute commise par le cavalier. Sur la base de ce rapport, la compagnie d'assurance a donc refusé d'indemniser les propriétaires.

C'est dans ces circonstances que, par actes des 17 et 27 décembre 2007, invoquant l'existence d'un contrat d'exploitation conclu avec M. Vincent Blanchard, M. Jacques Grandchamp des Raux, la SCEA Domaine Chainier et M. Joël Pétillon on fait assigner ce dernier, la société Ecurie Vincent Blanchard et la société AVIVA ASSURANCES afin de les entendre condamner à leur payer une indemnité provisionnelle de 50'000 € à valoir sur la réparation de leur préjudice lié à la perte de la jument 'Miss du Piquet' dans l'attente des résultats d'une mesure expertise qu'ils sollicitaient, ainsi que les sommes de 5000 € pour «frustration sportive» et de 3000 € pour préjudice moral.

Par jugement du 15 mars 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal de grande instance d'Angers a :

- prononcé la mise hors de cause de M. Vincent Blanchard ;

- débouté M. Jacques Grandchamp des Raux, la SCEA Domaine Chainier et M. Joël Pétillon de l'ensemble de leurs prétentions formées contre la société Ecurie Vincent Blanchard et la société AVIVA ASSURANCES ;

- condamné ces derniers à payer à chacun de M. Vincent Blanchard, la société Ecurie Vincent Blanchard et la société AVIVA ASSURANCES une indemnité de procédure de 1500 € et à supporter les dépens.

M. Jacques Grandchamp des Raux, la SCEA Domaine Chainier et M. Joël Pétillon ont relevé appel de cette décision par déclaration du 5 mai 2010.

Les parties ont constitué avoué et conclu. La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 mai 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées au greffe par M. Jacques Grandchamp des Raux, la SCEA Domaine Chainier et M. Joël Pétillon le 12 mai 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile, et aux termes desquelles ils demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;

- à titre principal, sur le fondement des dispositions des articles 1927 à 1233 du code civil de :

¤ de déclarer la société Ecurie Vincent Blanchard entièrement responsable du décès de la jument 'Miss du Piquet' survenu le 12 juillet 2006 ;

¤ en conséquence, de déclarer la société Ecurie Vincent Blanchard et la société AVIVA ASSURANCES tenues solidairement à réparer toutes les conséquences dommageables résultant pour eux de ce décès ;

¤ de les condamner solidairement à leur payer la somme de 50'000 € à titre provisionnel dans l'attente des résultats de l'expertise qu'ils demandent à la cour d'ordonner ;

- à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions de l'article 1383 du code civil :

¤ de juger que M. Vincent Blanchard a commis une faute directement à l'origine de publicité de 'Miss du Piquet' ;

¤ en conséquence, de condamner solidairement ce dernier, la société Ecurie Vincent Blanchard et la société AVIVA ASSURANCES à réparer l'intégralité des dommages en résultant pour eux ;

¤ de les condamner solidairement à leur payer la somme de 50'000 € à titre provisionnel dans l'attente des résultats de l'expertise qu'ils demandent à la cour d'ordonner ;

- de condamner solidairement les intimés à leur payer la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice particulier résultant pour eux de 'l'impossibilité de participer aux compétitions sportives avec une jument de qualité' et la somme de 3000 € en réparation de leur préjudice moral ;

- de les condamner solidairement à leur payer la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance d'appel.

A titre principal, les appelants soutiennent que la jument 'Miss du Piquet' a été confiée à la société Ecurie Vincent Blanchard dans le cadre d'un dépôt salarié, seul contrat liant les parties à l'exclusion de tout contrat d'exploitation.

Ils en concluent qu'en sa qualité de dépositaire, l'intimée ne peut s'exonérer de la responsabilité pesant sur elle à raison de la perte de la jument que par la preuve qu'elle n'a commis aucune faute ou qu'elle est étrangère à son décès dû à une force majeure. Ils estiment que cette preuve n'est pas rapportée, que la société Ecurie Vincent Blanchard a commis une faute en ne faisant pas pratiquer d'autopsie et qu'en l'absence d'une telle mesure, elle se prive de la possibilité de rapporter la preuve qui lui incombe de l'absence de faute, la thèse selon laquelle la jument aurait été victime d'une rupture d'anévrisme ou d'une hémorragie brutale n'étant justifiée par aucun élément médical.

Ils soutiennent démontrer, par les témoignages qu'ils versent aux débats, que le décès du cheval trouve son origine dans la faute commise par M. Vincent Blanchard et tenant à un harnachement inadapté ou mal ajusté, lequel aurait provoqué la panique de l'animal et son décès.

Si la cour retenait l'existence d'un contrat mixte, de dépôt salarié et d'entreprise, ils arguent de ce que le dépositaire ne rapporte pas la preuve de son absence de faute et de ce qu'eux-mêmes démontrent que tant la société Ecurie Vincent Blanchard que M. Vincent Blanchard ont, dans le cadre du contrat d'entreprise, commis plusieurs fautes tenant à un mauvais harnachement et à l'absence de mise en oeuvre d'une mesure d'expertise médicale.

Au soutien de leur position selon laquelle se trouve engagée la responsabilité quasi-délictuelle de M. Vincent Blanchard, ils font valoir que :

- alors que le contrat conclu était un simple contrat de mise en pension, c'est à dire un simple contrat de dépôt, l'intimé a choisi, sous son unique responsabilité, de faire participer la jument à une compétition ;

- il doit répondre du mauvais harnachement qu'il a mis en place et de l'abandon de la jument, comportements selon eux fautifs et directement à l'origine du décès de l'animal.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées au greffe par M. Vincent Blanchard, la société Ecurie Vincent Blanchard et la société AVIVA ASSURANCES le 5 avril 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile, et aux termes desquelles ils demandent à la cour :

- à titre principal, de débouter M. Jacques Grandchamp des Raux, la SCEA Domaine Chainier et M. Joël Pétillon de leur appel et de confirmer le jugement entrepris ;

- à titre subsidiaire, de réduire à une juste mesure la provision sollicitée ;

- en toute hypothèse, de déclarer opposables toutes limitations de garantie et toutes franchises prévues dans le contrat d'assurance souscrit auprès de la société AVIVA ASSURANCES, laquelle ne pourrait être obligée au-delà de la somme de 22'000 € ;

- de débouter les appelants de toutes autres prétentions ;

- de les condamner in solidum, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à chacun d'eux la somme de 1500 €, ou bien, à l'ensemble, celle de 4500 € ;

- de les condamner in solidum aux dépens de première instance d'appel.

Les intimés indiquent que, la seule relation contractuelle conclue l'ayant été entre les appelants et la société Ecurie Vincent Blanchard, M. Vincent Blanchard pris à titre personnel ne peut qu'être mis hors de cause, étant observé qu'à supposer établi qu'il ait commis une faute, c'est en toute hypothèse dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de gérant.

Ils soutiennent que, si aucun contrat n'a été formalisé, la convention qui s'est exécutée entre les appelants et la société Ecurie Vincent Blanchard s'analyse, non en un simple contrat de pension, mais en un contrat comprenant l'hébergement et l'exploitation du cheval ; que l'accident s'étant produit à l'occasion d'une activité d'entraînement et d'exploitation et les propriétaires étant défaillants à rapporter la preuve d'une faute de l'intimée, il ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Ils précisent que les Haras Nationaux, organisateurs du concours du Lion d'Angers, ont pris la décision de faire enlever le cadavre pour qu’ils soient incinéré et qu'eux seuls pouvaient prendre la décision de faire procéder à une autopsie.

Ils font valoir que les deux vétérinaires appelés à donner leur avis ont conclu que le décès trouvait sa cause dans un accident interne à l'animal, soudain, imprévisible et irrésistible et ils contestent que l'attitude de M. Vincent Blanchard qui a consisté à sauter pour éviter que l'animal ne l'écrase puisse être qualifiée de fautif.

Ils dénient la thèse selon laquelle la jument se serait coincé la bouche dans l'une des pièces composant son harnachement, et ils contestent les attestations établies par M. Rantet et M. Lepage, soulignant qu'elles ne satisfont pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, aucun élément ne permet de retenir que l'entraîneur aurait commis une faute dans la mise en place de le harnachement.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'aux termes de leur acte introductif d'instance, les propriétaires de la jument 'Miss du Piquet' ont expressément indiqué à titre liminaire avoir confié cette dernière 'au cavalier Vincent BLANCHARD dans le cadre d'un contrat d'exploitation.';

Attendu que dans leur lettre de 5 août 2006, faisant immédiatement suite à l'accident, ils ne se sont nullement étonnés ni insurgés de l'engagement de 'Miss du Piquet' au concours du Lion d'Angers, ce qu'ils n'auraient pas manqué de faire si l'animal avait été, comme ils le soutiennent, confié à la société Ecurie Vincent Blanchard dans le cadre d'un simple contrat de pension, soit un simple contrat de dépôt ;

Qu'au contraire, il résulte clairement de ce courrier qu'ils exploitaient cette jument en compétition au moins depuis 2004, M. Jacques Grandchamp des Raux soulignant qu'à Fontainebleau, elle avait terminé 'Elite' en 2004, qu'en 2005, elle avait terminé 1ère de la première épreuve et 'avec 4 points sur la seconde épreuve' et qu'elle était 'prête à être qualifiée pour Fontainebleau 2006 (1.276,19 € de gains sur 1.300 € de gains exigés, soit une différence de 23,81 € avec 3 épreuves restant à courir)' ;

Attendu que l'exploitation de 'Miss du Piquet' en compétition de saut d'obstacles est confirmée par le rapport établi le 12 octobre 2007 par M. Jean-Pierre Tuloup, expert, à la demande unilatérale des appelants et de façon non contradictoire, et par les tableaux consignant les engagements et résultats de la jument au cours de la période du 28 août 2004 au 12 juillet 2006, annexés audit rapport (classée 32 fois sur 58 épreuves) ; qu'en effet, M. Tuloup indique en page 2 de son rapport : 'Le palmarès de la jument MISS DU PIQUET met en évidence sa qualité certaine pour le saut d'obstacles, démontre que son cavalier Monsieur Vincent BLANCHARD est talentueux, et prouve que le dressage de cette jument est correct.' ;

Qu'au regard de ces éléments, les appelants, qui sont respectivement domiciliés en Gironde, en Indre et Loire et en Seine-Maritime, ne peuvent pas sérieusement soutenir avoir confié leur jument, douée pour le saut d'obstacles et régulièrement engagée en concours depuis 2004, à une société implantée dans les Deux-Sèvres, ayant pour gérant un cavalier reconnu et entraîneur qualifié, à seule fin qu'elle la prenne en pension et que son engagement à l'épreuve du Lion d'Angers aurait eu lieu à leur insu, sous la seule responsabilité de la société Ecurie Vincent Blanchard ou de M. Vincent Blanchard ;

Attendu qu'il apparaît encore que les factures dites de 'pension', dûment acquittées, ont été émises par la SARL Ecurie Vincent Blanchard, laquelle seule exploite une activité d'entraînement de chevaux, à l'exclusion de M. Vincent Blanchard en personne ; attendu que c'est la société Ecurie Vincent Blanchard qui est assurée pour cette activité par la société AVIVA ASSURANCES et que c'est en son nom qu'a été souscrite la déclaration de sinistre consécutive à l'accident litigieux ;

Que, s'il est exact qu'aucun contrat n'a été formalisé, l'ensemble de ces éléments démontre que le contrat conclu au sujet de 'Miss du Piquet' l'a été entre les appelants et la société Ecurie Vincent Blanchard, et non avec M. Vincent Blanchard en personne ; Et attendu, comme l'a exactement retenu le tribunal, qu'il en ressort que l'intimée était investie, non seulement, d'une mission de soins et d'hébergement de l'animal, mais aussi d'une mission d'entraînement et d'exploitation de ce dernier en compétition ; qu'un tel contrat s'analyse pour partie en un contrat de dépôt salarié et pour partie en un contrat d'entreprise ;

Attendu qu'il est de jurisprudence assurée que, dans le cadre d'un tel contrat mixte, la responsabilité de l'entraîneur relève des règles du dépôt si le dommage s'est produit dans le cadre de l'exécution de l'obligation de soins et d'hébergement, et de celles du contrat d'entreprise, s'il s'est produit à l'occasion de l'entraînement ou de l'exploitation du cheval ;

Attendu qu'il résulte des débats et des témoignages produits de part et d'autre, notamment de celui du commissaire au paddock de l'épreuve du Lion d'Angers qui s'est déroulée le 12 juillet 2006, confirmé par le président du jury de l'épreuve, que le décès de 'Miss du Piquet' est bien survenu ce jour-là, en début d'après-midi, sur le paddock de détente, à proximité du couloir conduisant à la piste, juste avant que la jument, montée par M. Vincent Blanchard, n'entre sur la piste de compétition ;

Attendu, comme l'a exactement retenu le premier juge, le décès étant survenu dans l'enceinte du Haras national du Lion d'Angers et à l'occasion de la participation de 'Miss du Piquet' au concours inter-régional jeunes chevaux de 6 ans, que le dommage litigieux s'est bien produit dans le cadre de l'activité d'exploitation de la jument et non dans celui de la mission d'hébergement et de soins, de sorte que la responsabilité de la société Ecurie Vincent Blanchard relève des règles du contrat d'entreprise et qu'il incombe aux appelants de rapporter le preuve d'une faute de la société intimée en lien certain et direct avec le décès du cheval ;

Attendu que les appelants font grief à l'entraîneur de ne pas avoir fait diligenter une autopsie et ils soutiennent que le décès résulte de ce que, s'étant coincée la mâchoire dans sa martingale à anneaux, la jument s'est apeurée, s'est retournée et s'est tuée en se tapant la tête sur une barrière ou sur le sol ; qu'ils font valoir que le cavalier a commis plusieurs fautes tenant à la mise en place de le harnachement à l'origine de la panique du cheval et de l'accident, à un défaut de contrôle de l'animal afin d'éviter qu'il ne se cabre et ne se retourne ; qu'ils font encore grief au cavalier d'avoir abandonné sa monture, de sorte que, livrée à elle-même, elle s'est tuée;

Attendu que la déclaration d'accident souscrite par la société Ecurie Vincent Blanchard et rédigée par le cavalier Vincent Blanchard est ainsi libellée : « Pendant que j'étais au pas sous une chaleur accablante, sur le paddock de détente, quelques minutes avant de rentrer sur la piste, la jument s'est acculée très vite sur quelques foulées à reculons ; elle a basculé à 180 degrés autour des postérieurs. Sa tête, en particulier la nuque, est venue frapper le sol violemment. Une fois le choc occasionné, la jument a convulsé, agitant ses membres pendant quelques secondes, puis s'est éteinte très rapidement. Un membre du comité d'organisation a aussitôt prévenu le vétérinaire de service mais force est de constater, avant même l'arrivée de ce dernier, que la jument n'était plus en vie. » ;

Attendu que les appelants versent aux débats un courrier établi par M. Serge Corbic, commissaire au paddock, dès le 13 juillet 2006, lequel confirme les circonstances relatées par M. Blanchard ; qu'en effet, ce témoin particulièrement proche du lieu de la scène déclare : « Vers 13 h 40, alors que j'assurais la surveillance du terrain de détente, et que le cheval nº 71 effectuait son parcours, un accident est survenu à la jument MISS DE PIQUET, nº 65 de l'épreuve.

Cette jument, montée par son cavalier Vincent BLANCHARD, à qui il restait alors 5 numéros pour terminer sa détente, marchait au pas très lent. En arrivant à hauteur du couloir conduisant à la piste, elle s'est très subitement pointée très haut et a commencé à se 'vriller'. Le cavalier a dû sauter dans le couloir menant à la piste. La jument s'est complètement retournée et a chuté lourdement sur le côté droit. Dans la chute, sa tête

a heurté la base du poteau de lice sur lequel est fixé le tableau d'affichage. Après quelques soubresauts, l'animal a cessé tout mouvement. Aucun mouvement respiratoire n'était plus visible.

Vincent BLANCHARD, aidé d'autres cavaliers, a immédiatement ôté tous les harnachements, mais très vite il n'a pu que constater que la jument avait cessé de vivre.

Le cadavre de l'animal a été enlevé quelques minutes plus tard par le personnel du Haras du Lion d'Angers.» ;

Attendu que le président du jury a apposé sur ce courrier la mention suivante accompagnée de sa signature : 'Tout cela correspond bien à ce que j'ai pu constater moi-même après cet incident et aux déclarations du cavalier.' ;

Attendu que ces circonstances accidentelles sont encore confirmées par

trois témoins qui se trouvaient sur le paddock au moment de l'accident, à savoir, M. Yohann Mignet et Mme Magali Hellado, tous deux cavaliers, et M. Jean-Marie Canteteau, agriculteur- éleveur de chevaux ;

Attendu qu'à l'appui de leur thèse, les appelants versent aux débats les attestations établies respectivement les 18 et 20 novembre 2006, par M. Yoann Lepage et par Mme Alexandra Rantet, domiciliés à la même adresse, dont on ignore les qualités et professions, ces attestations n'étant, pas plus qu'en première instance, conformes aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile ;

Attendu que Melle Rantet indique : 'Etant moi-même sur le paddock de détente à ce moment-là, je peux affirmer que la jument Miss du Piquet s'est coincé la bouche dans son enrênement, ce qui a provoqué un reculé de panique de la jument qui a fini par se renverser contre la cabane du chef de paddock et de la main courante. Il est évident que le choc contre la barrière a été violent, d'où l'issue malheureusement fatale de cet accident.' ;

Attendu que M. Lepage relate quant à lui : 'La jument s'est a priori pris la mâchoire dans son enrênement. Ensuite prise de panique d'avoir la mâchoire coincée elle s'est mise à reculer de manière très vive. Puis elle s'est assise sur ses jarrets avant de se retrouver sur le dos pour finir sa chute la tête contre la barrière du paddock. Tout ceci très violemment. Entre temps, le cavalier s'était éjecté quand il a senti la jument s'asseoir sur ses jarrets.' ;

Attendu qu'il ne fait pas débat que le jour de l'accident, 'Miss du Piquet' portait comme dispositif d'enrênement un mors simple, une muserolle croisée et une martingale à anneaux ; qu'il n'est pas même allégué qu'un tel harnachement, autorisé par le règlement de saut d'obstacles, aurait été, en soi, inadapté ; que M. Tuloup, expert consulté unilatéralement par les appelants, indique d'ailleurs que la martingale à anneaux est un enrênement utilisé 'par beaucoup de cavaliers à tous les niveaux' ;

Attendu que le terme 'a priori' employé par M. Lepage ne permet pas de considérer de façon certaine qu'il ait personnellement constaté que la jument se serait pris la mâchoire dans son enrênement ; qu'en outre, les deux témoins procèdent par affirmation sans donner aucune précision sur l'origine de cet incident et les circonstances objectives qui auraient pu conduire à ce que l'animal se prenne la mâchoire dans son enrênement; que, notamment, ils n'avancent pas l'explication des appelants selon laquelle le harnachement aurait été mal ajusté ou que les rênes étaient trop lâches ; qu'ainsi, ces témoignages ne permettent pas de caractériser une faute de l'entraîneur quant au choix de le harnachement ou à sa mise en oeuvre ;

Attendu qu'au terme de son rapport de consultation, établi de façon unilatérale et non contradictoire, M. Jean-Pierre Tuloup, expert près la cour d'appel de Paris, conclut : « La responsabilité du cavalier est engagée, il accepte de dresser le cheval, il est performant en compétition, il était marié avec la jument pour le meilleur et pour le pire. Il y a toujours une cause et des conséquences. La faute dans le cas présent était l'inattention. » ;

Mais attendu, comme l'a exactement retenu le premier juge, que ce rapport ne permet pas non plus de faire la preuve d'une faute de l'entraîneur en ce que M. Tuloup fonde son avis sur de simples hypothèses et sur le postulat que les rênes étaient mal ajustées ; qu'il énonce ainsi que, dans la mesure où le cheval était au pas lent, le cavalier avait certainement 'la pensée ailleurs', qu'il 'avait certainement oublié d'avoir les rênes ajustées', que 'le cavalier a eu un moment de relâchement lorsque le cheval marchait au pas lent, ou le hasard a fait que la jument s'est prise les dents ou la bouche ou coincé les lèvres dans son enrênement. La responsabilité du cavalier est engagée, on doit toujours être vigilant, il n'y a pas de risque 'zéro'. Cela peut arriver à chacun des cavaliers de compétition, c'est le phénomène du hasard.» ;

Attendu que les appelants s'avèrent donc défaillants à démontrer que l'accident trouverait son origine dans l'enrênement porté par la jument et, a fortiori, dans une faute commise de ce chef par l'entraîneur, étant observé que ni les témoins des intimés, ni le commissaire au paddock, ni le président du jury (ces derniers ayant fait une relation circonstanciée de l'accident dès le lendemain de sa date) n'indiquent que le harnachement du cheval aurait joué un quelconque rôle dans la survenue de l'accident ;

Attendu qu'aucun élément objectif, ni aucun témoignage ne vient non plus étayer leur allégation selon laquelle le cavalier aurait mal maîtrisé ou mal contrôlé l'animal et n'aurait pas mis en oeuvre une attitude ou un procédé qui aurait permis d'éviter qu'il ne se cabre et ne se retourne ; que, d'ailleurs, les appelants ne tentent pas d'expliquer ce qu'il aurait convenu de faire, étant souligné que leur propre expert ne manque pas de rappeler que 'Les réactions des chevaux sont instinctives, rapides, parfois violentes et la panique prend le dessus. Tout s'enchaîne trop rapidement, et il est bien souvent trop tard pour réagir.' ;

Attendu que c'est exactement une telle réaction rapide et violente non maîtrisable qu'a décrite le commissaire au paddock en indiquant que, la jument s'étant 'très subitement pointée très haut' et ayant 'commencé à se vriller', 'le cavalier a dû sauter dans le couloir menant à la piste.' ; qu'il résulte clairement de ce témoignage que le cavalier n'a pas eu d'autre choix que de sauter du cheval et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir ainsi agi pour sauver sa propre vie ;

Attendu que le grief tiré de ce que l'entraîneur aurait abandonné sa monture et l'aurait laissée livrée à elle-même est tout aussi mal fondé ; qu'il résulte en effet du témoignage précis du commissaire au paddock qu'après sa chute, M. Vincent Blanchard et d'autres cavaliers se sont immédiatement rendus auprès de l'animal afin de lui ôter ses harnachements mais que, très vite, il n'a pu que constater le décès, celui-ci apparaissant être survenu après quelques soubresauts ;

Attendu encore, que rien ne permet de retenir que le geste ayant consisté à ôter les harnachements ait été commandé par la volonté d'éliminer toute preuve d'un enrênement mal ajusté ou défectueux ; qu'en effet, il apparaît que ce fut une réaction spontanée commune à M. Blanchard et autres cavaliers se trouvant à proximité ;

Attendu que les intimés versent quant à eux aux débats les avis de deux vétérinaires, à savoir :

- l'avis du Dr Jean Servantie, expert près la cour d'appel de Poitiers, qui indique : «J'ai observé plusieurs fois, dans ma carrière de vétérinaire équin depuis vingt-six ans, des hémorragies internes massives et mortelles, malheureusement. Dans les derniers instants, les chevaux ont toujours eu le même comportement : paniquer, s'acculer et se retourner. La mort survient très rapidement surtout lors de chute brutale s'accompagnant fréquemment d'une fracture du rocher par choc brutal sur le sol, ce que j'ai observé de visu. Dans ces cas, la mort peut être instantanée. De même lors de la rupture d'un anévrisme sur une grosse artère (dissection aortique, artère iliaque...).» ;

- l'avis du Dr Jean-Marc Dufosset, expert près la cour d'appel de Versailles, qui indique : «Il est fréquent de constater, préalablement à un décès soit par arrêt cardiaque, soit par hémorragie interne brutale, du fait notamment d'une rupture d'anévrisme, chez le cheval, et dans les secondes précédant le décès, un comportement «virulent» avec mouvements de défense divers, ce comportement étant probablement dû à la sensation de malaise brutalement ressenti par l'animal et qui l'affole, provoquant des mouvements inconsidérés.

Dès lors, les événements décrits et ayant abouti au décès de la jument Miss du Piquet pourraient correspondre à un tel facteur déclenchant, sans qu'il soit possible néanmoins de l'affirmer formellement en l'absence de réalisation de toute autopsie (en rappelant que la décision d'une telle autopsie est une prérogative du propriétaire de l'animal). En tout cas, une telle hypothèse est cohérente.» ;

Attendu que le comportement de 'Miss du Piquet' correspond à celui décrit par ces experts ; que, comme l'a retenu le premier juge, ces avis médicaux autorisés et circonstanciés corroborent la thèse d'un décès lié à une cause interne et imprévisible ;

Attendu enfin, outre que les appelants sont totalement défaillants à justifier de ce qu'il incombait à l'entraîneur de prendre l'initiative de faire procéder à une autopsie et de ce qu'il aurait commis une faute en s'abstenant de le faire, le Dr Dufosset précise qu'une telle décision relève du seul propriétaire ; que la déclaration souscrite par le commissaire au paddock, selon laquelle le cadavre de la jument a été enlevé quelques minutes plus tard par le personnel du haras du Lion d'Angers, vient également accréditer la thèse des intimés selon laquelle l'entraîneur n'avait pas de pouvoir de décision quant au sort du cadavre du cheval, lequel se trouvait sur un haras public, par un temps caniculaire ;

Attendu, M. Jacques Grandchamp des Raux, la SCEA Domaine Chainier et M. Joël Pétillon étant défaillants à rapporter la preuve d'une faute, même de négligence ou d'imprudence, de la société Ecurie Vincent Blanchard en lien certain et direct avec le décès de la jument 'Miss du Piquet', que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs prétentions dirigées contre la société intimée et sa compagnie d'assurance ;

***

Attendu que les appelants entendent, à titre subsidiaire, invoquer la responsabilité quasi-délictuelle de M. Vincent Blanchard ;

Qu'ils lui font grief d'avoir amené la jument à l'épreuve qualificative du Lion d'Angers sous sa seule responsabilité alors qu'elle aurait été confiée à la société Ecurie Vincent Blanchard à seule fin d'hébergement et de soins, dans le cadre d'un simple contrat de dépôt ;

Mais attendu qu'il a été précédemment établi que 'Miss du Piquet' a bien été confiée à la société Ecurie Vincent Blanchard dans le cadre d'un contrat mixte de dépôt et d'entreprise, afin d'hébergement et d'exploitation pour la compétition ; que les appelants sont donc mal fondés à soutenir que, le 12 juillet 2006, M.Vincent Blanchard aurait, à titre personnel, amené la jument au concours du Lion d'Angers de sa propre initiative et de façon fautive en dehors de tout contrat ;

Et attendu que, pour les motifs ci-dessus développés, la preuve d'une quelconque faute de nature quasi-délictuelle, commise par M. Vincent Blanchard à titre personnel, s'agissant, notamment, de le harnachement de la jument, de l'attitude du cavalier au moment du cabrage de l'animal ou après la chute de celui-ci n'est pas plus rapportée qu'elle ne l'est contre la société Ecurie Vincent Blanchard ;

Que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a débouté les propriétaires de la jument de l'ensemble de leurs prétentions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle de M. Vincent Blanchard ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu, les appelants succombant en leur recours, qu'ils seront condamnés, in solidum, aux dépens d'appel et à payer à chacun des intimés, en cause d'appel, une indemnité de procédure de 1.500 €, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. Jacques Grandchamp des Raux, la SCEA Domaine Chainier et M. Joël Pétillon à payer à chacun de la société Ecurie Vincent Blanchard, M. Vincent Blanchard et la société AVIVA ASSURANCES, en cause d'appel, la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les appelants de leur demande formée de ce chef ;

Les condamne in solidum aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.