CA Caen, 2e ch. civ. et com., 18 février 2021, n° 19/01088
CAEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Compagnie générale de location d'équipements
Défendeur :
Société d'exploitation du garage de l'ouest (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Delahaye
Conseillers :
Mme Gouarin, Mme Viaud
Le 12 août 2006, la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest (la SARL GDO) a procédé au remorquage d'un véhicule Volkswagen Touareg immatriculé 4590 YQ 14 appartenant à la Compagnie Générale de Location (la société CGL) et loué à la société Salomé Protection Sécurité.
Le 18 janvier 2007 et le 29 mai 2008, la société Salomé Protection Sécurité a été mise en demeure de reprendre le véhicule et régler les frais de parking.
Le 19 novembre 2008, la société Salomé Protection Sécurité a été placée en liquidation judiciaire.
Maître D., liquidateur, a refusé à la société CGL la restitution du véhicule au motif que selon le gérant de la société Salomé Protection Sécurité, ce véhicule était accidenté depuis le 12 août 2006 ;
La société a été radiée pour insuffisance d'actif le 2 octobre 2012.
Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 19 janvier 2017, la SARL GDO a mis en demeure la société CGL de régler les frais de gardiennage arrêtés au 31 décembre 2016 pour un montant de 37 332.96 €N ;
Poursuivant le paiement de cette somme, elle a, par acte d'huissier du 9 novembre 2017, fait assigner la société CGL devant le tribunal de commerce de Caen, lequel par jugement du 12 décembre 2018, a :
- débouté la SARL GDO de ses demandes en paiement de 37 332.96 € au titre des frais de stationnement sur la période du 12/08/2006 au 31/12/2016, et de 1771.20 € au titre des frais de stationnement sur la période du 1/01/2017 au 30/06/2017 ;
- condamné la société CGL à payer à la SARL GDO la somme de 14 973.20 € au titre des frais de stationnement sur la période du 9 novembre 2012 au 9 novembre 2017 ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
- condamné la société CGL à payer à la SARL GDO la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société CGL aux dépens y compris les frais de greffe de 69.27 € ;
Par déclaration au greffe du 1er avril 2019, la société CGL a formé appel de cette décision, critiquant les dispositions lui étant défavorables ;
Par conclusions n°2 enregistrées au greffe le 20 décembre 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société CGL demande à la cour de :
- ordonner le rejet de l'intégralité des pièces de la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest, conformément aux dispositions des articles 15 et 906 du code de procédure civile,
- débouter la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest de l'ensemble de ses demandes, comme étant infondées,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société CGLE au paiement, d'une part, de la somme de 14 973.20 € au titre des frais de stationnement sur la période du 09/11/2012 au 09/11/2017, d'autre part, de celle de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et, enfin, des dépens,
- Statuant à nouveau sur ces points,
- débouter la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société CGLE,
- subsidiairement, si la cour confirmait le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société CGLE au paiement des frais de stationnement du 09/11/2012 au 09/11/2017,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest n'était pas recevable à réclamer le paiement des factures de gardiennage antérieures au 09/11/2012, conformément aux dispositions de l'article 2224 du Code Civil,
- débouter la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest du surplus de ses demandes, comme étant infondées,
En tout état de cause,
- condamner la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest à payer à la société CGLE la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions n°2 enregistrées au greffe le 3 mars 2020 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la SARL GDO demande à la cour de :
- débouter la Compagnie Générale de Location d'Equipements SA de sa demande de voir écarter les pièces régulièrement communiquées par la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest.
- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de CAEN en ce qu'il a condamné la Compagnie Générale de Location d'Equipements SA au paiement à la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest des sommes suivantes : - 14.973,20 € au titre des frais de stationnement d'un véhicule lui appartenant pour la période du 9 novembre 2012 au 9 novembre 2017 ;
- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- 69,27 € au titre des dépens ;
Y ajoutant :
- condamner la Compagnie Générale de Location d'Equipements SA au paiement à la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest des sommes suivantes :
- 31.058,32 € au titre des frais de stationnement pour la période du 10 novembre 2017 au 9 août 2019 ;
- 9,84 € TTC par jour à compter du 10 août 2019 et ce jusqu'au jour de la reprise par la la Compagnie Générale de Location d'Equipements SA du véhicule de marque Volkswagen de type Touareg immatriculé 4590 YQ 14 ;
- condamner la Compagnie Générale de Location d'Equipements SA au paiement d'une indemnité de 3.000,00 €
sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
- la condamner aux entiers dépens ;
MOTIFS
- Sur la communication de pièces
La société CGL demande, au visa de l'article 15 et 906 du code de procédure civile, le rejet des pièces qui ne lui ont pas été communiquées en temps utile ;
La société GDO fait valoir qu'elle a satisfait à son obligation ainsi qu'il résulte des bordereaux de communication de pièces dont l'appelante a confirmé la réception ;
En l'occurrence, la société GDO a conclu pour la première fois le 26 septembre 2019 et a transmis son bordereau de communications de pièces le même jour ;
Il ne sera en conséquence pas fait droit à la demande de rejet des pièces ;
- Sur les frais de gardiennage
La société CGL conteste être tenue à ces frais puisque le véhicule a été confié au garage à la seule demande de la société Salomé Protection Sécurité, elle n'était donc pas partie au contrat de gardiennage, cette dernière ayant seule qualité pour récupérer le véhicule, étant rappelé que le liquidateur s'était alors opposé à la restitution. Elle indique en outre que le garage ne peut exercer son droit de rétention puisque le véhicule n'a pas été retenu pour une facture impayée ;
La société GDO rappelle que les frais de gardiennage sont accessoires au contrat d'entreprise, que le véhicule a été remorqué et non récupéré, que faute de paiement des frais de gardiennage, elle a valablement opposé son droit de rétention au propriétaire du véhicule ;
Le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste existe, en ce qu'il est l'accessoire du contrat d'entreprise, indépendamment de tout accord de gardiennage ;
En l'espèce, la société Salomé Protection Sécurité a confié à la société GDO le 18 aout 2006 le remorquage de son véhicule 'totalement immergé'. Le véhicule a été remorqué et déposé dans le parc de stationnement du garage.
Il y a bien eu un contrat d'entreprise conclu qui fait donc présumer l'existence d'un contrat de dépôt à titre onéreux ;
En application de l'article 1948 du code civil, le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt ;
Or, le droit de rétention d'une chose, conséquence de sa détention, est un droit réel opposable à tous, et même aux tiers non tenus de la dette ;
Il s'en déduit que la créance de frais de gardiennage ayant pris naissance à l'occasion de la détention du véhicule par le garage, ce dernier est en droit en exerçant son droit de rétention, d'en exiger le paiement.
Que la société CGL propriétaire du véhicule est donc tenue des frais de gardiennage ;
- Sur le montant des frais restant dus
L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer ;
Le délai court en l'occurrence à compter de l'exigibilité de la facture ;
Les parties ne discutent pas l'application de la prescription pour les factures exigibles antérieurement au 9 novembre 2012, l'appelante demandant confirmation du jugement sur ce point et l'intimée ne demandant plus en cause d'appel le paiement de ces sommes.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a déclaré prescrites les sommes dues antérieurement au 9 novembre 2012.
La société GDO produit aux débats une facture du 4 janvier 2017 mentionnant une somme de 37 332.96 € TTC pour la période du 12 aout 2006 au 31 décembre 2016 sur la base d'un taux journalier de 8.20 €. Compte tenu de la prescription, le tribunal a retenu une somme de 14 973.20 € pour la période du 9 novembre 2012 au 9 novembre 2017. La société CGL ne peut utilement s'y opposer en faisant état d'un accord amiable auquel la société GDO a finalement renoncé.
Le jugement sera confirmé sur ce point ;
Il sera en revanche infirmé en ce qu'il a débouté la société GDO de sa demande en paiement au titre des frais de gardiennages pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017 alors que cette somme est nécessairement incluse dans la condamnation prononcée pour les frais de gardiennage à hauteur de 14 973.20 € ;
En ce qui concerne les factures ultérieures, la société GDO réclame une somme de 31 058.32 € au titre des frais de stationnement pour la période du 10 novembre 2017 au 9 août 2019, calculée sur la base de 8.20 € par jour. La société CGL qui ne justifie pas avoir repris le véhicule, indique cependant à juste titre que la somme n'est pas justifiée par rapport à celle réclamée pour une période largement plus longue. En effet, la période concernée se compose de 636 jours soit une somme de 5215.20 €.
Ainsi, la société CGL sera condamnée à régler la somme de 5215.20€ correspondant aux frais de gardiennage du 9 novembre 2017 au 9 août 2019 ;
Elle devra, jusqu'à reprise du véhicule, régler des frais de gardiennage sur la base de 8.20 € par jour ;
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées ;
En cause d'appel, la société CGL qui perd le procès sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Elle réglera sur ce fondement une somme de 1500 € à la société GDO ;
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire.
Déboute la société Compagnie Générale de Location et d'Equipement de sa demande de rejet des pièces de l'intimée.
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Caen le 12 décembre 2018 sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement pour une somme de 1771.20 € au titre des frais de gardiennage pour la période du 1er janvier au 30 juin 2017.
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Constate que la somme de 1771.20 € est nécessairement incluse dans la condamnation à paiement pour un montant de 14 973.20 €.
Condamne la société Compagnie Générale de Location à payer à la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest la somme de 5215.20 € au titre des frais de gardiennage pour la période du 10 novembre 2017 au 9 août 2019.
Condamne la société Compagnie Générale de Location à payer à la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest les frais de gardiennage à compter du 10 août 2019, sur la base de 8.20 € par jour, jusqu'à la reprise du véhicule Volkswagen de type Touareg 4590 YQ 14.
Condamne la société Compagnie Générale de Location à payer à la SARL d'Exploitation du Garage de l'Ouest la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La déboute de sa demande formée sur le même fondement.
Condamne la société Compagnie Générale de Location aux dépens d'appel.