ADLC, 20 juin 2012, n° 12-DCC-88
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de la société Stokomani Holding SAS par la société Sagard SAS
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 14 mai 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Stokomani Holding SAS par la société Sagard SAS, par l’intermédiaire des fonds communs de placement à risques (« FCPR ») Sagard II A et Sagard II B, formalisée par un protocole d’accord du 2 mai 2012 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Sagard SAS est la société de gestion des FCPR Sagard II A et Sagard II B, régis par les dispositions des articles L. 214-36 et suivants du code monétaire et financier. Sagard SAS a pour activité la gestion des FCPR Sagard II A et Sagard II B, ainsi que des FCPR Sagard et Sagard Connecteurs, qu’elle contrôle. Par le biais de ces FCPR, Sagard détient le contrôle des groupes et sociétés suivantes : le groupe HMY1, et les sociétés Corialis2, RLD3, Fläkt Woods4 et EuroDough5. Sagard SAS contrôle également à titre exclusif la société Stockholding SAS, qui n’exerce pas d’activité économique mais constitue le véhicule d’investissement utilisé pour la réalisation de l’opération. Sagard SAS est soumise au contrôle exclusif de la société canadienne Power Corporation of Canada (ci-après « PCC »), contrôlée par Monsieur X. PCC contrôle des sociétés financières et des fonds d’investissement détenant des participations financières dans le capital de sociétés. En France, outre les sociétés contrôlées directement ou indirectement par Sagard SAS, PCC contrôle la société Imerys, active dans le secteur des minéraux industriels.
2. Stokomani Holding SAS, contrôlée par la société Advent International Corporation, est la holding de tête du groupe Stokomani, composée des sociétés Stokomani Finance SAS et sa filiale, Stokomani SAS. Le groupe Stokomani est actif dans le secteur du déstockage et de la distribution au détail d’articles à bas prix. Le groupe Stokomani exploite un parc de 37 magasins établis en France.
3. L’opération notifiée par les parties consiste en l’acquisition par Sagard SAS, via Stockholding SAS, de l’intégralité du capital et des droits de vote de la société Stokomani Holding SAS, puis à la prise de participations minoritaires de dirigeants du groupe Stokomani au capital de la société Stockholding SAS. En ce qu’elle se traduit par l’acquisition par Sagard SAS du contrôle exclusif de la société Stokomani Holding SAS, l’opération notifiée est bien une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe PCC : 24 milliards d’euros pour l’exercice 2010 ; groupe Stokomani : 186 millions d’euros pour le même exercice). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe PCC : […] millions d’euros pour l’exercice clos en 2010 ; groupe Stokomani : […] millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. Le groupe Stokomani est présent dans le secteur de la distribution au détail des articles à bas prix, dans lequel aucune des sociétés du groupe PCC n’a d’activité en France. En revanche, Sagard contrôle le groupe HMY, présent dans le secteur de l’aménagement et de l’ameublement de surfaces commerciales, situé en amont de la distribution au détail des articles à bas prix.
A. MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL DES ARTICLES À BAS PRIX
6. La pratique décisionnelle6 a considéré qu’il existe un marché de la distribution au détail des articles à bas prix dans lequel des magasins spécialisés dans le déstockage de produits de marques ou la vente de produits discomptes vendent à des consommateurs des articles à bas prix.
7. Les parties ont envisagé l’existence d’une segmentation de ce marché par catégories de produits suivantes : (i) prêt à porter, (ii) maison, (iii) beauté et soins, (iv) alimentaire, (v) jouets et loisirs, en raison des différences entre ces différents types de produits. Les parties contestent toutefois la nécessité de procéder à une telle segmentation pour analyser la présente opération dans la mesure où, si une distinction des différents types de produits est un critère pertinent pour délimiter les marchés de la distribution au détail, elle ne s’impose pas pour examiner les effets verticaux de l’opération qui découlent des activités des parties en matière d’ameublement et d’agencement des surfaces commerciales, ces activités n’étant pas spécialisées par type de produits.
8. La pratique décisionnelle a considéré que le marché de la distribution au détail des articles à bas prix devait être considéré comme de dimension au plus nationale. La pratique a également envisagé, sans trancher définitivement la question, de délimiter le marché géographique au niveau local par analogie avec la dimension locale d’autres marchés de distribution au détail de biens similaires7.
9. En tout état de cause, pour les besoins de la présente opération, la définition exacte du marché pertinent peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle resteront inchangées quelle que soit la définition et la délimitation retenue.
B. MARCHÉ DE L’AMEUBLEMENT ET DE L’AGENCEMENT DES COMMERCES DE DÉTAIL
10. La pratique décisionnelle8 a considéré qu’il existait des marchés de l’ameublement et de l’agencement des magasins dans lesquels des fournisseurs vendent leurs produits à des sociétés exploitant des magasins de commerce de détail. Elle a considéré que ces marchés étaient susceptibles d’être segmentés en fonction des types de magasin de détail, mais a également envisagé que l’évolution des matériels utilisés a pu conduire à une unification du marché de l’agencement du commerce de détail.
11. Selon la pratique décisionnelle9, les marchés de l’agencement des magasins de détail sont de dimension nationale. Les parties considèrent cependant que ces marchés devraient être plus étendus. En effet, selon les parties, les différents groupes de distribution recherchent des solutions d’ameublement et d’agencement homogènes pour l’ensemble des magasins portant la même enseigne et les principaux fournisseurs sont des groupes italiens, espagnols et allemands présents non seulement en France mais également dans plusieurs autres pays du monde.
12. En tout état de cause, la définition précise des marchés pertinents peut demeurer ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition et la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle resteront inchangées.
III. Analyse concurrentielle
13. L’opération n’entraîne aucun chevauchement d’activité puisque les parties ne sont pas présentes sur les mêmes marchés. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux.
14. S’agissant des effets verticaux, il convient de rappeler que l’Autorité de la concurrence considère qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci10.
15. En l’espèce, Stokomani détient une part de marché inférieure à [0-5] % sur le marché français de la distribution au détail d’articles à bas prix. Le groupe HMY représente, pour sa part, [20-30] % du marché français de l’ameublement et de l’aménagement des commerces de détail. Il réalise l’essentiel de son chiffre d’affaires sur ce marché avec les commerces de détail à dominante alimentaire. Par ailleurs, il ne représente que [10-20] % du marché français de l’ameublement et de l’agencement des commerces de détail d’articles à bas prix, réalisant la totalité de son chiffre d’affaires sur ce marché avec [Confidentiel]. Sur ces marchés, HMY est par ailleurs confrontée à la concurrence de nombreux concurrents tels Fortezza Alser, Kider et Cefla, spécialisés dans l’aménagement des grandes surfaces à dominante alimentaire, et de fournisseurs d’ameublement et d’agencement de boutiques et de magasins tels que Club Afiroc, Apia, Linder ou encore Media 6.
16. Enfin, il convient de relever que les coûts d’ameublement et d’agencement ne représentent qu’entre [0-5] % et [5-10] % des coûts d’un magasin de commerce de détail.
17. Au vu des éléments précités, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 12-082 est autorisée.
NOTES :
1 HMY est active dans le secteur de la fourniture de meubles secs (à l’exclusion des mobiliers réfrigérés) et accessoires destinés à l’équipement et à l’aménagement des surfaces commerciales.
2 Corialis est présente dans le secteur de la fabrication de systèmes de fermetures et de profilés en aluminium pour fenêtres, portes, vérandas et murs rideaux.
3 RLD est présente dans le secteur de la location et de l’entretien de vêtements, de linge, d’articles d’hygiène et d’équipement sanitaire.
4 Fläkt Woods est présente dans le secteur de la fabrication de systèmes de ventilation et de traitement de l’air.
5 EuroDough est présente dans le secteur de la fabrication de pâtes à tartes et à pizza.
6 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 24 mai 2007 au conseil du fonds d’investissement Advent International Corporation, relative à une concentration dans le secteur des articles discomptes (C2007-56).
7 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie C2007-56 précitée.
8 Voir notamment la décision du Conseil de la concurrence n°06-D-16 du 20 juin 2006 relative à des pratiques mises en oeuvre par les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) sur le marché de la distribution de la presse pour la vente au numéro et des marchés d’activités connexes.
9 Voir la décision n°06-D-16 précitée ainsi que la décision n°87-D-08 du 28 avril 1987 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne et sa filiale la Société d’Agences et de Diffusion.
10 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §400.