ADLC, 25 juin 2012, n° 12-DCC-90
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de la société Tatex SAS par la société Fedex Corporation
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 18 mai 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Tatex SAS par la société Fedex Corporation formalisée par un contrat de cession d’actions en date du 9 mai 2012 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Fedex Corporation (ci-après « Fedex ») est une société active dans les secteurs des services de transport, de commerce électronique et de services commerciaux. Fedex est cotée à la bourse de New York. Ses principaux actionnaires sont Primecap Management Company, à hauteur de 6,67 % du capital, M. Frederick W. Smith (6,25 %), Dodge & Cox (6,20 %). Aucun des actionnaires ne dispose de la majorité des droits de vote ni d’une minorité de blocage et il n’existe pas de pacte d’actionnaire. Fedex ne fait par conséquent l’objet d’aucun contrôle. Fedex offre des services de livraison internationale et d’envoi différé de fret dans plus de 22 pays. Elle compte approximativement 57 000 lieux de dépôt, 688 avions, 10 hubs aériens et 50 000 véhicules et remorques. Les services de livraison Fedex concernent principalement les expéditions BtoB (de professionnels à professionnels) et dans une moindre mesure les expéditions BtoC (de professionnels à particuliers) En France, Fedex offre des services d’importation et d’exportation pour la messagerie express de colis par le biais de sa filiale Federal Express International. Fedex fournit également des services de commissionnement international de transport ou « freight fowarding » aérien et maritime. Enfin, Fedex fournit un service de fret aérien international.
2. Tatex est une entreprise spécialisée dans la messagerie express de colis BtoB, active essentiellement en France. Son capital est actuellement détenu à hauteur de 84 % par la société Xaap Finances et de 12,5 % par PGLP Invest (le solde du capital étant détenu pas ses dirigeants). Elle dispose d’une filiale à 99 %, la société Tatex Belgium, le solde étant détenu par Xaap Finances. Tatex exploite un réseau national intégré couvrant toute la France, comprenant 35 agences, un réseau de 7 centres de transit régionaux et un hub central situé en région parisienne. Tatex livre approximativement 18 millions de colis par an et possède un parc de 415 véhicules. En outre, Tatex a développé une offre BtoC et développe actuellement une ligne de services CtoC (de particuliers à particuliers).
3. En vertu du contrat de cession d’actions en date du 9 mai 2012, l’opération consiste en l’acquisition par Fedex de 100 % du capital et des droits de vote de Tatex et de 1 % du capital et des droits de vote de Tatex Belgium.
4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Tatex par Fedex, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Fedex : 30,33 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2011 ; Tatex : 150 millions d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Fedex : […] millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2011 ; Tatex : […] millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les activités des parties se chevauchent sur le marché de la messagerie express de colis. Fedex est également présente sur les marchés du fret aérien et du commissionnement de transport. Toutefois, compte tenu du caractère marginal de ses parts de marché (inférieures à [0-5] %), l’opération ne comporte aucun risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux. Par conséquent, ces marchés ne feront pas l’objet d’une analyse concurrentielle spécifique.
1. MARCHES DE SERVICES
7. L’activité de messagerie consiste en l’acheminement de documents ou de colis de moins de 3 tonnes, provenant de différents chargeurs et adressés à différents destinataires1. Elle se distingue du transport traditionnel en raison d’opérations intermédiaires de tri, groupage et dégroupage, consistant à réunir ou à scinder les envois de marchandises, en provenance de plusieurs expéditeurs et à l’adresse de plusieurs destinataires.
8. Au sein de cette activité, les autorités de concurrence2 opèrent une segmentation entre les documents et les colis. Les parties proposent uniquement des services de messagerie de colis, activité pour laquelle différentes segmentations ont été envisagées. En effet, outre, la distinction entre messagerie nationale et internationale3, l’Autorité de la concurrence4 distingue trois types de services : la messagerie traditionnelle (délai de livraison de 24 à 72 heures sur le territoire national), la messagerie rapide (enlèvement avant 18 heures pour une livraison en principe le lendemain avant 18 heures sur le territoire national mais les délais ne sont pas garantis) et la messagerie express (enlèvement avant 18 heures pour une livraison le lendemain avant 12 ou 13 heures sur le territoire national avec différents niveaux de garantie sur les délais et une possibilité de suivi par le client).
9. Par ailleurs, les autorités de concurrence5 distinguent entre les activités de livraison de professionnels à professionnels (« BtoB »), de professionnels à particuliers (« BtoC »), de particuliers à professionnels (« CtoB ») et entre particuliers (« CtoC »). Pour la messagerie express domestique de colis BtoB, plusieurs segmentations peuvent être envisagées, selon le type de colis (monocolis ou multicolis6) ou selon le poids des colis (plus ou moins 30 kg).
10. La question de la segmentation des marchés peut toutefois être laissée ouverte en l’espèce, dans la mesure où, quelle que soit l’hypothèse retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
11. En ce qui concerne la dimension géographique de ces marchés, la pratique décisionnelle française7 et européenne8 a considéré que le marché du transport routier de marchandises et ses segmentations revêtent généralement une dimension nationale et évoluent vers une dimension européenne9.
12. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente décision.
III. Analyse concurrentielle
13. Les parties sont simultanément actives sur le marché de la messagerie internationale express de colis. Elles sont principalement présentes sur le segment BtoB mais exercent de manière plus marginale une activité BtoC.
14. Sur le marché français de la messagerie express de colis, domestique comme internationale, la nouvelle entité détiendra une part de marché estimée à [0-5] %. Elle fera face à plusieurs autres opérateurs majeurs du secteur comme DHL (dont la part de marché est estimée par les parties à [5-10] %), UPS ([5-10] %), TNT ([5-10] %), GLS ([5-10] %), France Express ([5-10] %) ou La Poste (via Geopost ([10-20] %) et Coliposte ([10-20] %).
15. Sur le marché de la messagerie internationale de colis, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [5-10] %, l’opération entraînant un incrément de [0-5] %. Sur un marché segmenté plus finement en fonction du type de clients, les parties estiment que leur position sera de l’ordre de [10-20] % sur le segment de la messagerie internationale express de colis BtoB et de l’ordre de [5-10] % sur le segment de la messagerie internationale express de colis BtoC.
16. En outre, la nouvelle entité continuera de faire face à des opérateurs importants tels que DHL ([20-30] % sur le marché de la messagerie internationale de colis) et UPS ([10-20] % sur le même marché) ainsi que TNT et GLS.
17. Par ailleurs, l’opération n’entraîne aucun chevauchement d’activité sur le marché de la messagerie express domestique puisque seule Tatex a des activités en la matière.
18. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la messagerie, quelle que soit la segmentation envisagée.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 12-071 est autorisée.
NOTES :
1 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C 2007-70 du 4 juillet 2007, relative à une concentration dans le secteur des transports routiers de marchandises.
2 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C 2006-14 du 2 mars 2006, relative à une concentration dans le secteur de la messagerie et les décisions de la Commission européenne COMP/M.3925 UPS / LYNX du 23 septembre 2005 et COMP/M.5152 Posten AB/Post Danmark A/S du 21 avril 2009.
3 Voir notamment la décision de la Commission COMP/M.5152 précitée et les décisions de l’Autorité 09-DCC-40 et 10-DCC-26 précitées.
4 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-40 du 4 septembre 2009 relative à l’acquisition par Geodis d’agences commerciales Cool Jet et 10-DCC-26 du 26 mars 2010 relative à l’acquisition par Geodis de Ciblex et la décision de la Commission européenne COMP/M. 1405, TNT Post Group/ JET Services du 15 février 1999.
5 Voir notamment les décisions de la Commission COMP/M.1371 La Poste /Denkhaus du 26 février 1999 et COMP/M.5152 précitée et la décision de l’Autorité 10-DCC-26 précitée.
6 Voir notamment la décision de la Commission COMP/M.1371 précitée et la lettre du ministre C 2006-14 précitée.
7 Voir notamment les décisions de l’Autorité 09-DCC-40 et 10-DCC-26 précitées.
8 Voir notamment les décisions de la Commission COMP/M.1371 et COMP/M.1405 précitées.
9 Voir notamment les décisions de l’Autorité 09-DCC-74 et 09-DCC-13 précitées et la décision COMP/M. 5877 précitée.