ADLC, 17 janvier 2013, n° 13-DCC-09
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de 42 sociétés du groupe ICTS par la société Cyrus Investissements 1 SARL
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 12 décembre 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif de 42 sociétés du groupe ICTS par la société Cyrus Investissements SARL en vertu d’un contrat d’acquisition en date du 28 novembre 2012 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Cyrus Investissements 1 SARL (ci-après « Cyrus ») est une société contrôlée par la société CEGP, société de droit luxembourgeois détenue à 100 % par M. [X]. CEGP, à travers sa filiale Groupe IPE, réalise des opérations de conseil en acquisition d’entreprises, notamment dans les secteurs tels que la logistique, les services aux entreprises, les services immobiliers, le tourisme-loisir et le luxe. A ce titre Groupe IPE développe une politique d’investissement de moyen-long terme. Plus particulièrement, Groupe IPE a repris, en mars 2012 dans le cadre d’un plan de cession, certains actifs et personnels de la société Sécurité Générale Aéroportuaire (« ci-après « SGA »), active dans le secteur des services de sûreté aérienne rendus aux gestionnaires d’aéroport et aux compagnies aériennes.
2. Les 42 sociétés appartenant au groupe ICTS (ci-après « ICTS ») sont détenues par le fonds d’investissements allemand Deustche Beteiligungs AG via les sociétés Tango Management Coöperatief U.A et ICTS Europe et opèrent sur différents marchés du domaine de la sécurité privée (sécurité humaine ou par agents, télésurveillance et intervention sur alarmes, équipement de locaux et sûreté de l’aviation civile ou aérienne). Plus particulièrement, ICTS est active sur le marché des services de sûreté aérienne fournis aux gestionnaires d’aéroports et aux compagnies aériennes.
3. Un contrat d’acquisition en date du 28 novembre 2012, prévoit l’achat par Cyrus de 100 % du capital de 41 des 42 entités opérationnelles d’ICTS et de 99,98 % du capital d’ICTS France SA, les trois actions résiduelles demeurant la propriété de personnes physiques dont les droits n’excèdent pas ceux habituellement conférés aux actionnaires minoritaires. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de 42 sociétés du groupe ICTS par la société Cyrus, l’opération constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (M. [X]1 : […] d’euros pour 2012 ; cible : […] d’euros). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (M. [X] : le chiffre d’affaires ci-dessus est intégralement réalisé en France ; cible : […] d’euros). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. Les entreprises concernées par l’opération sont simultanément actives sur le marché des services de sûreté aérienne.
1. MARCHE DE SERVICES
6. Le règlement du Parlement européen et du Conseil n° 300/2008, entré en vigueur le 29 avril 2008 relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile2 définit en son article 3, 2) la « sûreté de l’aviation » comme étant « la combinaison des mesures et des ressources humaines et matérielles visant à protéger l’aviation civile d’actes d’intervention illicite mettant en péril la sûreté de l’aviation civile ». Les points d’application de la sûreté aérienne sont les suivantes : (a) sûreté aéroportuaire (contrôle des accès aux côtés pistes et aux zones de sûreté à accès réglementé, inspection/filtrage des personnes autres que les passagers et des objets qu’elles transportent, contrôle des véhicules, surveillance, rondes et autres contrôles physiques ; (b) zones délimitées des aéroports où se trouvent stationnés les aéronefs ; (c) passagers et bagages de cabine (inspection/filtrage des passagers et bagages de cabines ; (d) bagages de soute ; (e) fret et courrier ; (f) approvisionnement de bord et fournitures destinées aux aéroports ; (g) recrutement et formation du personnel ; (h) équipement de sûreté ; (i) mesures de sûreté en vol.
7. Ces différents domaines d’application constituent autant de services demandés par les gestionnaires d’aéroports et les compagnies aériennes aux prestataires de services, publics ou privés. La France a choisi, depuis 19963, de procéder à une externalisation des contrôles, désormais confiés à des sociétés privées désignées par voie d’appel d’offres ou de mise en concurrence privée4.
8. La Commission européenne a défini un marché pertinent des prestations de services de sûreté aérienne fournies aux gestionnaires d’aéroport et aux compagnies aériennes5, acceptant ainsi la délimitation proposée par les parties qui mettaient en avant la nature spécifique du service et de la réglementation applicable. La Commission ajoute que les clients sont à la fois les aéroports et les compagnies aériennes et que les services dont il s’agit sont proposés en ensembles groupés de services et produits spécialisés.
9. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.
2. MARCHES GÉOGRAPHIQUES
10. La Commission a tout d’abord retenu une dimension nationale au marché pertinent des prestations de services de sûreté aérienne6 pour ensuite s’interroger, tout en laissant la question ouverte, sur la possibilité de circonscrire cette dimension au niveau régional en ce qui concerne le Royaume Uni7. En France, comme évoqué ci-dessus, ces services sont externalisés et font l’objet d’appel d’offres réguliers. Ce point, ainsi que l’existence de plusieurs prestataires de taille importante susceptibles de répondre à l’ensemble des appels d’offres plaide en faveur d’un marché étendu à l’ensemble du territoire national.
III. Analyse concurrentielle
11. Au niveau national, en 2011, ICTS détenait une part de marché de [20-30] % et groupe IPE, via sa filiale Services SGA, [0-5] %. En novembre 2011, ICTS a été retenue par l’exploitant de l’aéroport de Marseille-Provence et en 2012 par celui de Bordeaux. A l’inverse, le contrat de l’aéroport de Bordeaux de Services SGA n’a pas été renouvelé. Par conséquent, en 2012, la part de marché d’ICTS devrait avoisiner les [30-40] % et celle de groupe IPE, [0-5] %, soit une part de marché cumulée pour la nouvelle entité située entre [30-40] et [30-40] %, avec un incrément limité à [0-5] %.
12. Cette position doit être relativisée dans la mesure où, comme cela a été souligné ci-dessus, le marché des services de sûreté aérienne est un marché d’appel d’offres. Les contrats sont généralement d’une durée de trois ans, plus rarement cinq. Ils prévoient parfois une durée d’une ou deux années, renouvelable une à deux fois avant nouvel appel à la concurrence.
13. Dans ces conditions, le maintien d’une concurrence suffisante dépend essentiellement de l’existence d’acteurs en mesure de déposer des offres crédibles concurrentes de celles de la nouvelle entité. Or, on relève sur ce marché au niveau national la présence de plusieurs opérateurs importants tels que Securitas ([20-30] % de parts de marché), Alyzia Sûreté, filiale d’Aéroport de Paris, ([10-20] %) et Brink’s ([10-20] %). Ces trois opérateurs sont présents, avec ICTS, dans les grandes infrastructures aéroportuaires françaises et se font face dans les appels d’offres majeurs. L’opération ne se traduit pas par la disparition de l’un de ces acteurs et il existe de nombreuses sociétés comparables à services SGA, telles que Samsic, Seris Security, Groupe 3S, Astriam Securité, GIP, Mondial Protection, Germond Services et Proségur France, qui constituent des concurrents susceptibles de concourir à des consultations d’aéroports d’importance moyenne. Enfin, il existe une concurrence potentielle pouvant être exercée par des opérateurs de sécurité actifs dans d’autres Etats membres de l’Union européenne à l’instar de G4S présente à Bruxelles et Amsterdam qui vient d’être choisie par l’aéroport d’Oslo et Proségur, société espagnole présente en Allemagne, au Portugal, en Roumanie et en France.
14. La partie notifiante précise que les trois ou quatre opérateurs principaux sont systématiquement présents sur les consultations des dix aéroports les plus importants ; l’un ou l’autre, voire deux des trois soumissionnent à des appels organisés par les gestionnaires des 15 à 20 aéroports suivants. Plusieurs opérateurs moyens sont également souvent candidats auprès des gestionnaires des 40 aéroports les plus fréquentés. Sur les moins importants, des sociétés locales se présentent pour faire concurrence aux acteurs moyens ou plus petits. Quant aux compagnies aériennes, elles choisissent leurs prestataires soit sur une base européenne, soit par aéroport ou groupe d’aéroports.
15. Il résulte de ce qui précède que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché des services de sûreté aérienne.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 12-202 est autorisée.
NOTES :
1 Chiffre d’affaires corrigé pour tenir compte des acquisitions effectuées en 2012 par M. [X].
2 JOCE n° L 97 du 9 avril 2008, p. 72
3 Loi n° 96-151 du 26 février 1996, article 28
4 Les dispositions législatives qui fondent ces contrôles figurent à l’article L.6342-2 du code des transports
5 Décision n° COMP/M.3396 du 28 mai 2004, Group 4 Falck/Securicor. Cette délimitation a été confirmée dans la décision n° COMP/M.5993 du 9 novembre 2010, Securitas/Reliance Security
6 Décision n° COMP/M.3396 précitée
7 Décision n° COMP/M.5993 précitée