CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 22 septembre 2010, n° 09/00415
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bazely
Défendeur :
Roll-Jeepoccas'parts (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lagriffoul
Conseillers :
M. Belieres, M. Roger
Avoués :
SCP Nidecker Prieu-Philippot Jeusset, SCP Dessart-Sorel-Dessart
Avocats :
SCP Messaud-Lasserre-Kopp, SCP Flint, Sanson
FAITS ET PROCÉDURE
En février 2003, M. BAZELY confie son véhicule JEEP CHEROKEE au Garage de la SARL ROLL exerçant à l'enseigne «JEEPOCCAS» pour un problème de surchauffe récurrent du moteur accusant un kilométrage de 351 369 kms. Un devis est établi le 19 février 2003 mentionnant «main d'oeuvre offerte si pas de garantie». «Attention, bien que vous vouliez remettre le véhicule en route à moindre coût, il sera impératif de régler le GPL sous peine de casse moteur très rapidement».
La culasse du moteur est changée et M. BAZELY acquitte la facture en date du 25 février 2003 de 1 200,35 €.
Au mois de mai 2003, Monsieur BAZELY vend son véhicule pour le prix de 6 000 € à M. BODART. M. BODART est rapidement victime d'une importante panne de moteur, après avoir parcouru selon lui 1000 km. Il se retourne contre son vendeur.
Monsieur BAZELY fait rapporter le véhicule au Garage JEEPOCCAS et fait intervenir l'expert de sa compagnie d'assurance, M. SOULA lequel conclut à la responsabilité du Garage dans la survenance de la panne. La SARL ROLL refuse de prendre en charge la réparation qu'elle estime à 6 488,37 €. M. BODART exige la résolution de la vente et restitue le véhicule.
M. BAZELY assigne la SARL ROLL le 12 septembre 2005 devant le Tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d'obtenir paiement de :
- 3 993,99 € au titre du préjudice résultant de l'inexécution des obligations contractuelles du garagiste,
- 7 500 € à titre de dommages et intérêts,
- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le Tribunal ordonne une expertise et M. ESTEVE, expert désigné, conclut que le piston n° 1 a subi une fusion de sa partie supérieure qui «résulte d'une auto inflammation du mélange combustible air/GPL» et que «la réparation faite a été efficace puisque le véhicule a parcouru 18 000 kms sans que l'échauffement initial se manifeste à nouveau».
Par jugement en date du 15 décembre 2008, le Tribunal de grande instance de Toulouse a débouté M. BAZELY de ses demandes et l'a condamné à payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Le Tribunal a également débouté la SARL ROLL de sa demande en paiement de frais de gardiennage.
Gilles BAZELY a interjeté appel le 23 janvier 2009.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 7 octobre 2009, Gilles BAZELY invoque le rapport de l'expert SOULA qui a conclu que la responsabilité du garage JEEPOCCAS était entière dans la survenance de la panne. Il conteste le rapport de l'Expert ESTEVE en ce qu'il a conclu que les contrôles du réglage GPL n'avaient pas été effectués à partir de mai 2000 et produit pour la première fois devant la Cour la facture manuscrite de BESSIERES AUTOMOBILES en date du 3 avril 2004 relative à un réglage GPL.
Gilles BAZELY demande à la Cour de :
Vu les articles 1147 et suivants du Code Civil,
- REFORMER le jugement du 15 décembre 2008 en ce qu'il déboute Monsieur BAZELY de ses demandes et le condamne à payer à la société ROLL la somme de 1.500 €, outre les entiers frais et dépens de l'instance,
et statuant à nouveau,
- CONDAMNER la SARL ROLL exerçant son activité sous le nom commercial JEEPOCCAS'PARTS à payer à Monsieur Gilles BAZELY :
La somme de 3.993,99 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution par le garagiste de ses obligations contractuelles,
La somme de 7.500 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code Civil en réparation du préjudice subi du fait de la résolution de la vente et de la perte d'une chance de pouvoir revendre le véhicule à hauteur de la somme de 6.000 € ainsi que du préjudice moral subi,
- DIRE ET JUGER que les frais liés à l'enlèvement du véhicule du garage JEEPOCCAS'PARTS et son transport au domicile de Gilles BAZELY ou chez un professionnel de l'automobile choisi par ce dernier seront à la charge de la SARL ROLL JEEPOCCAS'PARTS.
- CONDAMNER la SARL ROLL à payer à Monsieur BAZELY la somme de 6.840 € au titre du préjudice de jouissance.
- CONDAMNER la SARL ROLL au paiement des entiers dépens y compris les frais d'expertise dont distraction au profit de la SCP NIDECKER-PRIEU-JEUSSET, ainsi qu'au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile.
***
Par conclusions déposées le 11 juin 2010, la SARL ROLL conteste sa responsabilité et soutient que la panne est due soit à la faute de M. BAZELY soit à celle du Garage BESSIERES AUTOMOBILES.
La SARL ROLL demande à la Cour de :
- Constater que le devis en date du 19 février 2003 signé par Monsieur Gilles Bazely mentionnait expressément : «main d'oeuvre offerte si pas de garantie. Attention, bien que vous vouliez remettre le véhicule en route à moindre coût, il sera impératif de régler le GPL sous peine de casse moteur très rapidement».
- Constater que l'expert judiciaire retient que la cause des désordres du piston n°l qui a subi une fusion résulte d'une auto inflammation du mélange combustible air/GPL.
- Constater que Monsieur Gilles Bazely ne justifie pas avoir réalisé tant les travaux d'entretien sur son véhicule depuis mai 2000 que les divers contrôles et réglages du GPL par un réparateur agréé, ce qui caractérise une faute de sa part qui est directement en relation avec les dégâts occasionnés sur le véhicule.
- Constater que ce n'est pas la société Roll qui a procédé au réglage du GPL et que si par impossible la société Bessières Automobiles avait bien procédé à ce réglage, seule la responsabilité de cette dernière est susceptible d'être engagée dès lors que la cause des désordres résulte de la fusion de la partie supérieure du piston n°l provenant d'une auto inflammation du mélange combustible air/GPL.
- Constater que le véhicule litigieux a parcouru 18.225 kms entre l'intervention effectuée par la SARL Roll dans les conditions ci-dessus rappelées, et la casse survenue sur son moteur, et que l'expert judiciaire retient expressément en conclusion que la réparation faite par celle-ci a été efficace.
- Confirmer en conséquence le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur Gilles Bazely de toutes ses demandes.
Faisant droit à l'appel incident et à la demande reconventionnelle de la SARL Roll,
- Condamner Monsieur Gilles Bazely à payer à cette dernière la somme de 10.967,32 euros TTC au titre des frais de gardiennage du 18 décembre 2003 au 31 mars 2008, sauf à parfaire.
- Condamner Monsieur Gilles Bazely à récupérer son véhicule à compter de la décision à intervenir et ce sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard qui commencera à courir à compter de la signification de l'arrêt.
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Monsieur BAZELY à payer à la SARL ROLL une indemnité sur le fondement de l'article 700 du CPC sauf à porter cette dernière à la somme de 3000 €
- Condamner Monsieur BAZELY aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP DESSART-SOREL-DESSART.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la demande de Monsieur BAZELY
En appel, Monsieur BAZELY a repris les arguments présentés en première instance, sauf à produire pour la première fois devant la Cour la facture manuscrite du Garage BESSIERES en date du 3 avril 2003 mentionnant un réglage GPL à 354 723 km.
C'est à bon droit et par des motifs pertinents et circonstanciés que la Cour approuve que le premier juge a répondu aux arguments présentés en déboutant Monsieur BAZELY de l'ensemble de ses demandes. Il s'est notamment fondé sur les conclusions de l'expert judiciaire selon lesquelles les réparations effectuées par la SARL ROLL ont été efficaces puisque le véhicule a parcouru 18 000 kms sans que l'échauffement initial se manifeste à nouveau. Il s'est fondé également sur les réserves portées sur le devis et l'absence de preuve de lien de causalité entre les réparations de février 2003 et la panne survenue en juillet 2003.
S'agissant de la facture du garage BESSIERES, cet élément nouveau n'est pas de nature à remettre en cause la pertinence de la décision. En effet, cette facture, si elle peut établir que Monsieur BAZELY ayant fait effectuer un réglage GPL peu avant la vente, ne peut se voir imputer la responsabilité des désordres, elle n'établit pas que la conformité du système GPL a été vérifiée ni même que le réglage effectué était conforme. Or, le mauvais réglage du système de carburation est la cause la plus probable du déclenchement de la réaction thermique qui a provoqué l'auto inflammation du mélange, le mauvais état de la segmentation ne pouvant qu'aggraver cette situation. Ces défauts ne sont pas liés au changement de culasse effectué par la SARL ROLL. Sa responsabilité ne peut donc être engagée.
Sur la demande reconventionnelle de la SARL ROLL
La SARL Roll demande de condamner Monsieur Gilles Bazely à lui payer la somme de 10.967,32 euros TTC au titre des frais de gardiennage du 18 décembre 2003 au 31 mars 2008 sur le fondement du devis établi le 5 décembre 2003 qu'elle lui a adressé en lettre recommandée le 11 mars 2004, mentionnant que des frais de gardiennage et de garde lui seraient facturés à compter du 18 décembre 2003, sans réponse de sa part, 5 euros HT par jour.
Le Tribunal a débouté la SARL ROLL de cette demande au motif qu'elle avait la charge de la preuve du contrat de dépôt rémunéré, qu'elle ne produisait pas la copie de cette lettre et qu'en tout état de cause, le silence à réception ne peut valoir acceptation.
Cependant, Monsieur BAZELY n'a pas contesté qu'il avait fait transporter son véhicule au garage JEEPOCCAS aux fins d'établissement d'un devis de réparations. En ce qu'il est l'accessoire du contrat d'entreprise, le contrat de dépôt d 'un véhicule auprès d'un garagiste existe, indépendamment de tout accord de gardiennage. (1re Civ. - 8 octobre 2009).
Dès lors, le premier juge ne pouvait débouter le garagiste de sa demande en paiement de frais de gardiennage au motif qu'aucun contrat de gardiennage n'a été conclu entre le garagiste et le client qui lui a remis son véhicule pour réparations.
La demande en paiement de frais de gardiennage doit donc être accueillie en son principe.
Cependant, en l'absence d'accord sur le prix, il convient d'évaluer l'indemnité due au garage pour la gêne occasionnée par le maintien du véhicule dans ses locaux.
Le stationnement du véhicule accidenté ne s'accompagnait d'aucune prestation d'entretien ou de réparation. Par analogie avec le coût d'une place de stationnement dans un parking public, l'indemnité peut être fixée forfaitairement à 70 euros par mois. Soit, pour 51 mois, la somme de 3570 € à parfaire jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir. Monsieur BAZELY sera condamné à payer cette somme à la SARL ROLL et il lui sera enjoint de récupérer son véhicule.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne cette demande reconventionnelle.
L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à l'intimé contraint d'exposer des frais devant la cour. Monsieur BAZELY sera condamné à payer la somme de 1 500 € à la SARL ROLL.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
statuant publiquement par mise à disposition du présent arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la demande reconventionnelle de la SARL ROLL,
statuant à nouveau sur ce point,
Condamne M. BAZELY à payer à la SARL ROLL la somme de 3750 euros au titre des frais de gardiennage à parfaire jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir.
Condamne Monsieur Gilles Bazely à récupérer son véhicule à compter de la décision à intervenir et ce sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard qui commencera à courir à compter de la signification de l'arrêt.
Déboute Monsieur BAZELY de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne Monsieur Gilles Bazely à payer à la SARL ROLL une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne Monsieur BAZELY aux entiers dépens dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP DESSART-SOREL-DESSART.