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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. B, 7 septembre 2012, n° 11/02850

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Monsieur (O) E.

Défendeur :

La Société STÜLB FENSTER GmbH & Co. KG

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Adrien LEIBER

Conseillers :

Madame Clarisse SCHIRER, Monsieur Olivier DAESCHLER

Avocats :

Maîtres HEICHELBECH, RICHARD-FRICK & CHEVALLIER-GASCHY, Maître CROVISIER

Saverne, du 11 fev. 2011

11 février 2011

ARRÊT Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Adrien LEIBER, Président et Madame Astrid DOLLE, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Monsieur Adrien LEIBER, Président de Chambre en son rapport,

Monsieur Olivier ENSMINGER exploitant une entreprise en nom propre sous la dénomination «TOUTES FERMETURES DU BÂTIMENT» a, le 26 mai 2011, interjeté appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de SAVERNE du 11 février 2011 qui l'a condamné à payer à la Société de droit allemand STÜLB FENSTER GmbH & Co. KG la somme de 37.342,47 € au titre de seize factures échelonnées entre le 30 novembre 2006 et le 12 février 2007 avec les intérêts de retard au taux allemand applicable entre commerçants, à compter de la date d'exigibilité de chaque facture, à savoir :

- à compter du 1er décembre 2006 pour la facture n° 611372 (7.356,97 €)

- à compter du 3 janvier 2007 pour les factures n° 612167 (1.355,40 €),

 612167 (502,38 €), n° 612168 (871,14 €), n° 612169 (5.297,63 €)

et n° 612174 (768,48 €)

- à compter du 9 janvier 2007 pour les factures n° 612260 (8.857,35 €) et

 612261 (9.408,64 €)

- à compter du 14 février 2007 pour les factures n° 750099 (476,33 €),

 750100 (201,96 €), n° 7501107 (705,19 €) et n° 750145 (160,88 €)

- à compter du 14 mars 2007 pour les factures n° 750328 (103,90 €) et n° 750329 (124,56 €).

Il demande à la Cour dans ses conclusions du 11 janvier 2012 d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

- de débouter la Société STÜLB FENSTER de ses conclusions et de la condamner, outre aux dépens, à lui payer 6.000 € de dommages et intérêts et 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il expose :

- que le Tribunal a à tort considéré qu'était applicable au litige le droit privé allemand

- que faute pour l'intimée d'avoir justifié la teneur du droit allemand, la Cour ne pourra se fonder que sur les seules dispositions de droit français interne et international

- que les factures n° 612167, n° 612168, n° 612169, n° 750107 et n° 75329 ont été payées ainsi qu'il en justifie par son annexe n° 2

- que les autres factures sont imputables à Monsieur OBRY, employé de l'intimée ; que son nom apparaît expressément sur certaines confirmations de commande (pièces n° 1 et 21 de l'intimée) ; que la demande dirigée contre lui n'est pas fondée, n'étant pas le cocontractant de la Société STÜLB FENSTER ; que les signatures et le tampon de son entreprise sur les documents sont sans valeur car incohérentes et en contradiction avec le fait que les commandes émanent de Monsieur OBRY (cf. notamment pièce n° 37) ; que subsidiairement, les commandes, confirmations de commande et factures ne coïncident pas entre

elles ; qu'il ne peut dans ces conditions être tenu d'une obligation à laquelle il n'a pas consenti ; que les originaux des pièces et leur traduction en langue française n'ont pas été produits ; qu'il n'a jamais reçu de livraison des marchandises correspondant aux dites factures

- que l'intimée essaie de récupérer à son encontre des créances qu'elle a envers l'un de ses employés, Monsieur OBRY qui a usurpé son identité.

La Société STÜLB FENSTER GmbH & Co. KG a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Monsieur Olivier ENSMINGER à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose principalement que Monsieur ENSMINGER a, dans un courrier du 19 juin 2007 reconnu que les factures visées dans sa mise en demeure correspondaient à des marchandises commandées par lui ; que le Tribunal a à juste titre condamné Monsieur ENSMINGER au paiement des factures en cause demeurées impayées au visa de la Convention des Nations Unies sur les Contrats de Vente Internationale de Marchandises du 11 avril 1980 ; qu'il n'a fait application de la loi allemande que pour les seuls intérêts de retard, dès lors que la Convention de Vienne ne contient aucune disposition fixant le taux d'intérêts applicable, de sorte que le premier Juge a à bon droit fait application de l'article 888 I du Code civil allemand (B.G.B.) en application de l'article 4 alinéa 1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 réglant les conflits de loi.

SUR CE :

Vu la décision entreprise ;

Vu les conclusions des parties auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens invoqués devant la Cour ;

Vu l'ordonnance de clôture du 9 mai 2012 ;

Attendu que le litige ayant trait à des ventes de marchandises passées entre une société venderesse ayant son siège en ALLEMAGNE et un acheteur établi en FRANCE pour les besoins de son entreprise, c'est à bon droit que le premier Juge a fait application des dispositions de la Convention de Vienne du 11 avril 1980, sur les contrats de vente internationale de marchandises à laquelle l'ALLEMAGNE et la FRANCE ont adhéré ;

qu'aux termes des règles de la Convention de Vienne sur la preuve, le contrat de vente peut être prouvé par tous moyens y compris par témoins ;

Attendu que Monsieur ENSMINGER ne conteste pas avoir passé commande et n'invoque aucun défaut de livraison en ce qui concerne les marchandises ayant donné lieu aux factures

* n° 612167 du 14 décembre 2006 de 502,38 € exigible le 3 janvier 2007 (client KRUPA)

* n° 612168 du 14 décembre 2006 de 871,14 € exigible le 3 janvier 2007 (client CONRAD)

* n° 612169 du 18 décembre 2006 de 5.297,63 € exigible le 3 janvier 2007 concernant le client ALEXANDRE (9.297,63 €)

* n° 750107 du 25 janvier 2007 de 705,19 € exigible le 14 février 2007 (client GEOFFROY

et

* n° 750329 du 12 février 2007 de 124,56 € exigible le 4 mars 2007 (client GROSS ;

qu'il prétend uniquement qu'elles ont été payées et entend en rapporter la preuve par son annexe n° 2 qui est un tableau intitulé «factures d'achat de Monsieur ENSMINGER» qui ne contient aucun justificatif d'un quelconque règlement envers la Société STÜLB FENSTER ;

que la Société STÜLB FENSTER verse en outre à l'appui de ces factures, les documents contractuels ayant conduit à leur établissement, à savoir les confirmations de commande qu'elle a adressées à Monsieur ENSMINGER et que celui-ci lui a retourné signées après y avoir apposé le cachet de son entreprise ;

qu'il s'agit des confirmations de commande :

 621360 (facture n° 612167)

 621362 (facture n° 612169)

 621434 (facture n° 750107)

 621361 (facture n° 612168) ;

que les factures émises sont en tous points conformes à ces confirmations de commande (pièces 10, 18 31, 13 de l'intimée) ;

que pour la facture n° 750329 du 12 février 2007 (124,56 €), l'intimée produit la commande que Monsieur ENSMINGER a passée par fax le 24 janvier 2007 à Monsieur OBRY (pièce 34) ;

Attendu que s'agissant des autres factures qu'il détaille (dans lesquelles il intègre de manière incohérente celle précitée n° 750107 du 25 janvier 2007 de 705,19 €), il conteste avoir passé commande des marchandises en cause et les impute à Monsieur OBRY, salarié de la Société STÜLB FENSTER qui aurait, selon lui, usurpé son identité ;

Mais attendu qu'il ressort des pièces produites que par un courrier du 19 juin 2007, Monsieur Olivier ENSMINGER a répondu à la mise en demeure que lui avait adressée la Société STÜLB FENSTER, détaillant l'ensemble des factures exigées pour un total de 37.342,47 € :

«Nous vous informons que les factures référencées sont des factures destinées à Monsieur OBRY (employé chez STÜLB) commandées par nos soins.

Mais ne percevant pas le paiement de la part de Monsieur OBRY, nous avons vu avec Monsieur STÜLB qui lui a convenu d'un arrangement avec Monsieur OBRY pour solder le compte» ;

que c'est vainement dans ces conditions que Monsieur ENSMINGER tente de faire valoir que Monsieur OBRY aurait usurpé son identité, aucune pièce ne le démontrant ;

que sa défense est à ce titre en totale contradiction avec sa réponse précitée à la mise en demeure qui lui a été adressé ; qu'elle est également contredite par son courrier du 17 décembre 2007 d'opposition à injonction de payer adressé au Tribunal d'instance de SAVERNE dans lequel il ne se plaint pas d'avoir été victime d'une escroquerie mais indique «la somme restant due concerne des factures pour les menuiseries livrées directement sur des chantiers de Monsieur OBRY et commandées par celui-ci à notre nom» laissant sous-entendre qu'il a servi de prête-nom à Monsieur OBRY qui passait des achats au nom de son entreprise ;

que c'est également ce que pourraient laisser croire les pièces n° 1 et 2 produites par l'appelant consistant en deux tableaux qu'il a établis intitulés l'un «factures d'achat de Monsieur OBRY» (pièce n° 1) et l'autre «factures d'achat de Monsieur ENSMINGER» (pièce n° 2) ;

qu'à supposer que d'éventuels arrangements aient existé entre Messieurs OBRY et ENSMINGER, ils ne peuvent aucunement être opposés à la Société STÜLB FENSTER qui n'a pas à supporter le non-paiement de factures correspondant à des marchandises commandées par Monsieur ENSMINGER, avec lequel elle a seul contracté, ainsi que ce dernier l'a expressément reconnu ;

Attendu que les factures réclamées n'ont en outre fait l'objet d'aucune contestation de Monsieur ENSMINGER lors de leur réception ; qu'il n'a jamais prétendu avant l'introduction de la procédure judiciaire qu'il n'aurait pas reçu livraison des marchandises en cause ; que ses constatations tardives élevées à ce titre pour tenter de se soustraire à ses obligations ne sauraient emporter la conviction de la Cour ce d'autant que bon nombre de bons de livraison produits ont été retournés signés à la Société STÜLB FENSTER, les signatures y figurant étant identiques à celles qu'il n'a jamais désavouées figurant sur les confirmations de commande ;

qu'il en est de même de ses contestations selon lesquelles les factures émises ne seraient pas conformes à ses commandes et aux livraisons reçues ;

que son absence de toute contestation des factures en cause à leur réception et la reconnaissance par lui de ce qu'il est l'auteur des commandes passées suffisent à elles seules à écarter ses contestations et à démontrer le bien fondé de la demande en paiement dirigée contre lui ;

que sont en outre produits aux débats à l'appui des factures en cause

- n° 611372 du 30 novembre 2006 (7.356,97 €), concernant le client DIEBLING, la confirmation de commande s'y rapportant du 8 novembre 2006 n° 621246 adressée par la Société STÜLB par fax à son commercial Monsieur OBRY (n° de fax 0033 - 387952297) d'une part et à son client Monsieur ENSMINGER d'autre part (n° de fax 0033 - 388003148) qui l'a vérifiée et retournée par fax à la Société STÜLB FENSTER le 13 novembre 2006 (pièce 1 et 1a de l'intimée)

- n° 612166 du 14 décembre 2006 (1.037,66 €), concernant le client CHRISTIAN, la confirmation de commande n° 621356 s'y rapportant du même montant comportant le cachet de l'entreprise de Monsieur ENSMINGER et sa signature sous la mention «confirmation de commande correct» et le bon de livraison correspondant, également signé par lui du 30 novembre 2006 (pièces 7 et 8 de l'intimée)

- n° 612174 du 14 décembre 2006 (768,48 €) concernant le client WILBERT, la confirmation de commande s'y rapportant du même montant du 28 novembre 2006 n° 621389 adressée par la Société STÜLB FENSTER à Monsieur ENSMINGER qui l'a retournée le même jour avec sa signature et le cachet de son entreprise après l'avoir vérifiée et avoir coché la case «confirmation de commande correct» et le bon de livraison correspondant du 29 novembre 2006 (pièces n° 15 et 16 de l'intimée)

- n° 612260 (8.857,35 €) et n° 612261 (9.408,64 €) du 20 décembre 2006 concernant le client SCI LES TILLEULS, la commande correspondante à laquelle lesdites factures sont conformes passée par fax par Monsieur ENSMINGER à Monsieur OBRY (pièce n° 21 de l'intimée)

- n° 750099 du 25 janvier 2007 (476,33 €) concernant le client WILBERT, la confirmation de commande n° 72009 qui s'y rapporte, du même montant, signée par Monsieur ENSMINGER qui a attesté qu'elle est conforme à sa commande en cochant la case correspondante (pièce n° 25 de l'intimée)

- n° 750100 du 25 janvier 2007 (201,96 €) concernant le client GROSS, la confirmation de commande du 16 janvier 2007 du même montant signée par Monsieur ENSMINGER (pièce n° 28 de l'intimée)

- n° 750330 du 12 février 2007 (114 €) concernant le client SCI LES TILLEULS, la commande passée par Monsieur ENSMINGER par fax le 16 janvier 2007 (pièce n° 43 de l'intimée)

- n° 750328 du 12 février 2007 (103,90 €) concernant le client SCI LES TILLEULS, la confirmation de commande n° 720105 du 19 janvier 2007 du même montant retournée par Monsieur ENSMINGER à la Société STÜLB FENSTER après y avoir apposé sa signature et le tampon de son entreprise (pièce n° 37 de l'intimée)

- n° 612162 (1.355,40 €) concernant le client GROSS du 14 décembre 2006, la confirmation de commande du 13 novembre 2006 n° 621269 (pièce n° 3 de l'intimée) signée par Monsieur ENSMINGER qui y a également apposé le tampon de son entreprise, portant sur 1.891,40 €, la divergence existant par rapport à la facture s'expliquant par le fait que la porte de service figurant en position n° 10 sur la confirmation de commande (536 €) n'a pas été livrée et n'a donc pas été facturée (cf. bon de livraison signé du 1er décembre 2006 - pièce n° 4 de l'intimée)

- n° 750145 du 25 janvier 2007 (160,88 €), une commande passée par Monsieur ENSMINGER par fax (pièce n° 24 de l'intimée), les deux documents étant en tous points conformes ;

Attendu que c'est par conséquent à bon droit que le premier Juge a condamné Monsieur ENSMINGER au paiement de la somme de 37.342,47 € ;

Attendu que c'est également à bon droit qu'il a fait courir les intérêts sur chaque facture à compter de la date d'exigibilité qui est mentionnée sur chacune d'elles au taux légal allemand applicable entre commerçants ;

que la Convention de Vienne ne comportant aucune disposition fixant le taux d'intérêt applicable, le Tribunal de grande instance de SAVERNE a, à juste titre, jugé qu'en application de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, la relation contractuelle entre les parties est régie par la loi allemande dès lors que ladite Convention si elle laisse aux parties la liberté de choix quant à la loi appliquée, dit qu'à défaut de choix exprès entre les parties, dont il n'est en l'espèce pas justifié, c'est la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits qui est applicable ; qu'au sens de ces dispositions, le contrat présentant les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a son siège au moment de la conclusion du contrat et cette prestation, en matière de vente, étant fournie par le vendeur, c'est bien le droit allemand qui trouve à s'appliquer, la Société STÜLB ayant son siège social en ALLEMAGNE ; que l'intimée justifie, s'agissant de l'application des intérêts de retard, de la teneur des dispositions du paragraphe 288 du Code civil allemand (B.G.B.) qu'elle invoque en produisant en annexe n° 51 copie de cet article du Code civil allemand avec sa traduction en français ;

qu'il en résulte que chaque facture est productive d'intérêts pour la période de retard de paiement, le taux annuel des intérêts s'élevant pour les créances entre commerçants, ce qui est le cas en l'espèce, à huit points au-dessus du taux d'intérêt de base ;

Attendu que le jugement entrepris est en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que l'issue du litige conduit la Cour à condamner Monsieur Olivier ENSMINGER aux dépens d'appel et au paiement à la société intimée de 1.500 € au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés pour l'instance d'appel ;

PAR CES MOTIFS

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CONFIRME le jugement entrepris du Tribunal de grande instance de SAVERNE du 11 février 2011.

CONDAMNE Monsieur Olivier ENSMINGER à payer à la Société STÜLB FENSTER GmbH Co. KG la somme de 1.500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le CONDAMNE aux dépens d'appel.