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Décisions

Cass. crim., 26 octobre 1995, n° 94-83.780

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Roman

Avocat général :

M. Foyer de Costil

Avocats :

M. Choucroy, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié, SCP Ryziger et Bouzidi

Paris, 9e ch., du 6 juill. 1994

6 juillet 1994

Sur les faits et la procédure :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et du jugement qu'en conséquence de l'offre publique d'achat, par la société française nationalisée N..., des titres de la société américaine Triangle, rendue publique le 21 novembre 1988, le cours de cette valeur sur le marché hors cote de New York est passé d'environ 10 à 56 $ ;

Qu'avertie par les autorités américaines d'opérations suspectes, à l'époque des négociations entre les dirigeants des deux sociétés en vue du rachat des actions de la seconde par la première, la Commission des opérations de bourse (COB) a entrepris une enquête, à l'issue de laquelle elle a transmis au procureur de la République de Paris, qui a requis l'ouverture d'une information contre personne non dénommée, un rapport concluant à l'existence de délits d'initié ;

Qu'une plus-value de 21 millions de francs a notamment été réalisée par une société IDB ayant son siège à Anguilla, à la faveur d'achats effectués pour son compte par une société suisse dirigée par Charbel F..., lequel avait été renseigné à Paris par Samir T..., conseil des dirigeants de la société Triangle ;

Que, grâce à des informations privilégiées communiquées par Alain X..., directeur de cabinet du ministre de l'Économie et des Finances, à Roger-Patrice L..., décédé depuis ces faits, une plus-value globale d'environ 16 millions de francs a été obtenue par celui-ci, par la Compagnie parisienne de placements (CPP), dont l'un des associés est Robert P..., et par ce dernier personnellement ;

Qu'après requalification partielle des faits, l'arrêt attaqué a notamment déclaré Samir T... et Alain X... coupables de délit d'initié, Charbel F... et Robert P... coupables de recel de délit d'initié ;

En cet état :

I. Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 10-1 et 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, modifiée par la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception tirée de l'irrégularité de la procédure engagée en matière de délit d'initié en dépit de l'absence d'un avis de la commission des opérations de bourse ;

" aux motifs que, d'une part, l'enquête de la Commission des opérations de bourse, ainsi que l'avis qu'elle donne et que le parquet n'est d'ailleurs jamais tenu de suivre, ne conditionne pas l'engagement des poursuites et n'est nullement indissociable de la procédure pénale ;

" aux motifs propres et adoptés des premiers juges, que, d'autre part, la Commission des opérations de bourse avait, dès l'origine de la procédure, donné à l'autorité judiciaire par sa dénonciation l'avis prévu à l'article 12-1 de l'ordonnance précitée ; que l'omission supposée de la délibération particulière n'est étayée par aucun élément du dossier et est démentie par les mentions figurant dans le rapport de l'enquête de la Commission des opérations de bourse en date du 30 janvier 1989 et annexé à la lettre de dénonciation datée et signée par le président de cet organisme, ce qui atteste de la réalité de cette délibération ;

" alors que, d'une part, l'avis de la Commission des opérations de bourse est obligatoire en cas de poursuites diligentées du chef de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, constitue un acte non détachable et indissociable de la procédure pénale et représente, pour le prévenu, une garantie essentielle des droits de la défense ;

" alors que, d'autre part, la Commission des opérations de bourse doit obligatoirement donner un avis sur l'infraction lorsque l'action publique a déjà été mise en mouvement du chef du délit d'initié ; que la dénonciation faite aux autorités judiciaires d'un éventuel délit d'initié ne peut caractériser l'avis exigé par l'article 12-1 de l'ordonnance précitée, faute de mise en mouvement des poursuites au moment de cette révélation ; qu'en l'espèce, la formalité de l'avis exigé par l'article 12-1 précité n'a pas été respectée, la décision de la Commission des opérations de bourse de transmettre au ministère public les résultats de son enquête ne pouvant caractériser l'avis susvisé, de sorte qu'en validant, dans de telles conditions, les poursuites dont elle était saisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors qu'enfin, la délibération de la Commission des opérations de bourse ayant pour objet de transmettre le dossier établi par ses services sur l'existence d'un délit d'initié ne figure pas au dossier de la procédure, seule étant jointe la lettre du président de la Commission des opérations de bourse datée du 31 janvier 1989 et annexée au rapport de la Commission ; qu'à supposer que la décision de transmission formulée par la Commission des opérations de bourse puisse caractériser l'avis prévu par l'article 12-1 précité, l'absence de cette pièce au dossier de la procédure rend nulle la procédure engagée du chef de l'article 10-1 susvisé " ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Ryziger et Bouzidi en faveur de Robert P... et pris de la violation de l'article 12-1 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, violation des articles 485, 593 du Code de procédure pénale en tant que de besoin, de l'article 5 bis de l'ordonnance tel qu'introduit par la loi n° 89-531 du 2 août 1989, de l'article 2 du Code civil :

" en ce que la décision attaquée a estimé que les premiers juges avaient rappelé à juste titre que la Commission des opérations de bourse avait, dès l'origine de la procédure, donné à l'autorité judiciaire, et ce par sa dénonciation, l'avis prévu par l'article 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 ; que le reproche de l'omission supposée de la délibération particulière n'est en l'espèce étayé par aucun élément du dossier, qu'il est, au contraire, démenti par les mentions figurant dans le rapport d'enquête de la Commission des opérations de bourse en date du 30 janvier 1989 et annexé à la lettre de dénonciation, datée et signée par le président de cet organisme, ce qui permet de déduire que cette formalité a bien été accomplie et pour des faits relevant de sa compétence ;

" et aux motifs adoptés des premiers juges que les investigations ont été conduites conformément aux règles de l'article 5 de l'ordonnance susvisée ; qu'en toute hypothèse, le tribunal n'a pas compétence pour apprécier la validité d'une enquête antérieure à l'engagement des poursuites, qui ne s'intègre pas et qui ne peut pas s'intégrer dans la procédure pénale ; qu'il en est de même du rapport établi sur le fondement de ses investigations ;

" alors, d'une part, que l'avis exigé par l'article 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 doit obligatoirement être demandé par une autorité saisie de poursuites pour délit d'initié ou divulgation d'informations privilégiées ; que la transmission d'un rapport d'enquête au parquet par la Commission des opérations de bourse, en vue de l'engagement éventuel de poursuites, ne peut constituer l'avis obligatoirement demandé à la Commission des opérations de bourse, en vertu de l'article 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, " par une autorité saisie de poursuites ", le parquet n'étant pas " saisi de poursuites ", mais devant, à la suite de la transmission qui lui est faite, décider s'il exercera l'action publique, déclenchant ainsi des poursuites ;

" alors, d'autre part, que, si la Commission des opérations de bourse est une autorité administrative indépendante, le contrôle de sa décision décidant la transmission du dossier à l'autorité judiciaire, comme aussi des avis qu'elle est amenée à formuler en vertu de l'article 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, relève, au même titre que les décisions prises par elle d'infliger des sanctions, du contrôle de l'autorité judiciaire ; qu'à supposer que la délibération du collège de la Commission des opérations de bourse de transmettre le dossier à l'autorité judiciaire puisse constituer l'avis prévu par l'article 12-1, les juges du fond devaient impérativement rechercher si l'avis avait été rendu régulièrement, et en particulier si la Commission des opérations de bourse avait compétence pour ouvrir l'enquête ; que, sur ce point, il avait été soutenu par les conseils des parties que la Commission des opérations de bourse, qui ne pouvait se saisir d'office, n'avait pas, avant la modification de l'ordonnance du 28 septembre 1967 par la loi du 2 août 1989, compétence pour effectuer une enquête à la demande d'une autorité étrangère exerçant une compétence analogue, et qu'au surplus, il n'entrait pas dans sa compétence de procéder à une enquête sur des opérations qui s'étaient passées aux Etats-Unis ; qu'en refusant de se prononcer sur ces points, sous prétexte d'incompétence de l'autorité judiciaire pour exercer un contrôle sur les avis de la Commission des opérations de bourse, les juges du fond ont méconnu la compétence qui était la leur ;

" alors, de troisième part, et en tout cas, que la Commission ne pouvait se saisir d'office en l'absence de réclamations, pétitions, plaintes d'intéressés et était à l'époque des faits incompétente pour conduire des enquêtes à la demande d'autorités étrangères exerçant des compétences analogues ; qu'elle n'était, d'autre part, pas compétente pour faire porter ses investigations sur des transactions effectuées sur une place étrangère, de telle sorte que la décision de la Commission de transmettre le dossier à l'autorité judiciaire, à supposer qu'elle soit constitutive de l'avis prévu par l'article 12-1, a été rendue par une autorité incompétente saisie et, au surplus, incompétente sur le fond " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour écarter les exceptions de nullité, présentées par les demandeurs avant toute défense au fond et tirées du défaut d'avis de la COB régulièrement sollicité par l'autorité judiciaire saisie des poursuites, de l'incompétence de cette Commission et de l'absence au dossier de la délibération par laquelle elle a décidé de transmettre les résultats de son enquête au procureur de la République, les juges, par motifs propres et adoptés, relèvent " qu'au travers des éléments figurant dans son rapport et de la lettre de son président concluant à l'existence de délits d'initiés, la Commission des opérations de bourse a donné l'avis prévu par l'article 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 ", qui n'est soumis à aucune forme particulière ;

Qu'ils retiennent en outre qu'il se déduit des mentions du rapport et de la lettre de transmission qu'une délibération particulière a été prise à cet effet ;

Qu'ils ajoutent que, " des opérations financières pouvant être initiées à partir de la France sur des marchés du monde entier, la loi n'a pas limité aux seules bourses françaises la mission de protection de l'épargne et des investisseurs dévolue à la COB ", qui " se devait de faire procéder à une enquête sur les faits portés à sa connaissance " par son homologue américain ;

Attendu qu'en cet état, et abstraction faite de motifs surabondants, voire erronés, critiqués par les moyens, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'en effet, selon les dispositions combinées des articles 1er, 5 et 5- A de l'ordonnance du 28 septembre 1967, dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 août 1989, la COB a le pouvoir de décider elle-même de faire procéder, par des agents habilités, à des enquêtes afin d'assurer l'exécution de sa mission de protection de l'épargne et d'information des investisseurs ;

Que, lorsqu'elle transmet au procureur de la République, en vue de poursuites judiciaires du chef de délit d'initié, le dossier établi par ses services, les conclusions de son rapport constituent l'avis exigé par l'article 12-1 de ladite ordonnance ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;

II. Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Choucroy en faveur d'Alain X... et pris de la violation des articles 105, 170, 172, 802 et 593 anciens du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'information invoquée par le demandeur et tirée de son inculpation tardive ;

" aux motifs que le rapport de la COB annexé au réquisitoire introductif et qui mettait, il est vrai, certains des prévenus en cause, indiquait toutefois qu'il n'avait pas été révélé d'éléments décisifs permettant l'identification des personnes ayant donné des informations privilégiées ; que ce document, ainsi que les articles de presse qui y étaient joints, lesquels ont été présentés par Alain X..., dans ses conclusions, comme une campagne de presse injustifiée à son égard, ne pouvaient constituer, lors de l'ouverture de l'information, des indices graves, précis et concordants de culpabilité pouvant, en l'absence d'investigations complémentaires, entraîner des inculpations immédiates ;

" que le juge d'instruction se devait, dès lors, de procéder à toutes investigations qu'il estimait utiles, tant sur le territoire national qu'à l'étranger ;

" que l'erreur des autorités judiciaires helvétiques quant à l'indicationqu'Alain X... faisait, selon elles, l'objet de poursuites, ne liait évidemment pas le juge d'instruction, qui avait seul qualité pour apprécier l'importance des charges réunies à ce stade de la procédure à l'encontre de celui-ci ;

" qu'enfin il ne résulte, en tout état de cause, d'aucune des pièces du dossier que le magistrat instructeur, même si l'inculpation de certains des prévenus a pu leur paraître tardive, ait eu pour autant le dessein, compte tenu de la complexité de l'affaire qu'il avait à charge d'élucider, de faire échec aux droits de la défense ;

" alors que, d'une part, si le contenu du rapport de la COB, ainsi que des articles de presse dénonçant Alain X... comme étant l'un des auteurs des informations boursières litigieuses, ne pouvaient pas justifier une inculpation immédiate du demandeur, dès lors que ces éléments n'avaient encore fait l'objet d'aucune vérification, il n'en reste pas moins que, comme le demandeur le soulignait dans ses conclusions d'appel, et comme la Cour l'a d'ailleurs reconnu, le juge d'instruction genevois, saisi par une commission rogatoire internationale délivrée par le magistrat instructeur, mentionnait, plusieurs années avant son inculpation, que le demandeur faisait l'objet d'une procédure pénale ouverte du chef de délit d'initié, et que cette mention, reprise par la chambre d'accusation de Genève, n'avait pas été corrigée par le juge d'instruction français, ce qui démontrait que dans l'esprit de ce dernier, il existait déjà contre Alain X... des indices suffisamment graves, précis et concordants pour aboutir à son inculpation ; qu'en omettant de s'expliquer sur cette absence de rectification, par le magistrat instructeur, de la prétendue erreur des autorités judiciaires suisses, la Cour a laissé sans réponse un moyen péremptoire de défense ;

" alors, d'autre part, qu'Alain X... ayant souligné, dans ses conclusions d'appel, qu'aucune des nombreuses investigations diligentées à son égard par le magistrat instructeur, telles que les recherches effectuées sur ses comptes bancaires, sur son dossier fiscal et les résultats de la commission rogatoire internationale décernée aux autorités suisses, n'avait apporté des indices nouveaux susceptibles de justifier son inculpation au mois de novembre 1991, après sa dernière audition en qualité de témoin le 3 octobre 1989, soit plus de 2 ans auparavant, en sorte que la tardiveté de son inculpation avait eu pour dessein de faire échec aux droits de la défense, les juges du fond, qui n'ont pas expliqué quels indices, découverts entre le 3 octobre 1989 et le mois de novembre 1991, auraient pu justifier l'inculpation d'Alain X... à cette dernière date seulement, ont, ce faisant, privé leur décision de motifs " ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 dans sa rédaction issue de la loi du 22 janvier 1988, 105 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des principes relatifs à l'application de la loi pénale dans le temps, violation des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Samir T... à une peine d'emprisonnement de 2 ans dont 1 an avec sursis, ainsi qu'à une amende de 20 millions de francs, du chef de délit d'initié, après avoir écarté l'exception de nullité de procédure tirée de la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale ;

" aux motifs que les éléments annexés au réquisitoire introductif ne constituaient pas des indices graves, précis et concordants de culpabilité à l'encontre des prévenus ; que le juge d'instruction devait donc procéder à des investigations complémentaires ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le magistrat instructeur ait eu le dessein de faire échec aux droits de la défense, condition requise par l'article 105 du Code de procédure pénale applicable à l'époque des faits ;

" alors que, d'une part, les dispositions combinées des articles 105 et 171 du Code de procédure pénale, résultant de la loi du 24 août 1993 applicable à compter du 2 septembre 1993, qui exigent de la personne dénonçant une violation de l'article 105 du Code de procédure pénale la seule preuve d'une atteinte à ses intérêts, sont plus favorables que celles de l'article 105 du Code de procédure pénale applicable au moment des auditions litigieuses, qui exigeaient la preuve que les enquêteurs agissant sur commission rogatoire avaient procédé à l'audition dans le dessein de faire échec aux droits de la défense ; que, dès lors, les nouvelles dispositions, touchant fondamentalement aux droits de la défense et à l'étendue de la charge de la preuve, et dès lors assimilables aux lois de fond, devaient s'appliquer rétroactivement aux auditions incriminées ; qu'en refusant d'annuler les procès-verbaux d'audition de Samir T... et la procédure subséquente, au motif que les auditions n'avaient pas été accomplies dans le dessein de faire échec aux droits de la défense, l'arrêt attaqué a violé le principe de la rétroactivité in mitius, le principe de l'égalité devant la loi pénale, les droits de la défense, ainsi que les articles 105 (ancien) du Code de procédure pénale, par fausse application, et 105 et 171 du même Code, issus de la loi du 24 août 1993, par refus d'application ;

" alors que, d'autre part, l'exigence imposée par l'article 105 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure au 4 janvier 1993, de prouver le dessein de faire échec aux droits de la défense, était contraire aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, applicable aux juridictions d'instruction, lesquelles imposent de faire connaître à tout accusé le plus rapidement possible la nature des charges pesant sur lui, et exigent du juge une impartialité appréciée objectivement, ce qui exclut toute obligation par l'accusé ou le mis en examen de prouver le dessein subjectif de celui-ci ; que l'obligation de prouver le dessein spécifique du magistrat instructeur de faire échec aux droits de la défense en cas d'audition comme témoin d'une personne sur qui pèsent des indices de culpabilité, contraire à ces textes supérieurs, devait donc être réputée non écrite ;

" alors que, de surcroît, l'existence d'indices graves, précis et concordants de culpabilité doit s'apprécier non pas au moment du réquisitoire introductif, mais au moment de l'audition comme témoin de la personne concernée ; qu'en s'abstenant de rechercher si, lors des six auditions de Samir T... en qualité de témoin, qui se sont étalées pendant plus d'un an après l'ouverture de l'information, le dossier réuni à chacune de ces dates comportait à son encontre des indices susceptibles d'être considérés comme graves, précis et concordants sur sa culpabilité, la cour d'appel a totalement privé sa décision de base légale ;

" alors qu'enfin ces auditions, longues, précises et répétées, destinées à faire révéler par le témoin l'ensemble des éléments en sa possession, en l'absence de tout conseil, ont nécessairement eu pour but et pour effet de porter atteinte aux droits de la défense et devaient donc être annulées avec la procédure subséquente " ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Choucroy en faveur de Charbel F... et pris de la violation des articles 105 ancien du Code de procédure pénale, 170, 802 et 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité invoquée par le demandeur et tirée de son inculpation tardive ;

" aux motifs que le rapport de la COB annexé au réquisitoire introductif et qui mettait, il est vrai, certains des prévenus en cause, indiquait toutefois qu'il n'avait pas été révélé d'éléments décisifs permettant l'identification des personnes ayant donné des informations privilégiées ; que ce document, ainsi que les articles de presse qui y étaient joints, ne pouvaient constituer, lors de l'ouverture de l'information, des indices graves, précis et concordants de culpabilité à l'encontre des prévenus, pouvant, en l'absence d'investigations complémentaires, entraîner leur inculpation immédiate ;

" que le juge d'instruction se devait, dès lors, de procéder à toutes investigations qu'il estimait utiles, tant sur le territoire national qu'à l'étranger ; qu'il ne saurait donc lui être fait grief d'avoir, compte tenu de l'extrême complexité de l'affaire, attendu, notamment pour Samir T..., le résultat des recherches relatives aux entretiens téléphoniques passés par l'intéressé et le retour des procès-verbaux d'audition des témoins par lui demandés pour éclaircir l'affaire ;

" que Charbel F..., résidant à l'étranger, ne saurait imputer au juge d'instruction son refus délibéré de répondre à ses convocations, au seul motif du caractère exorbitant à ses yeux du montant de la caution qui aurait été envisagé à son égard, et, partant, d'une quelconque violation des droits de la défense dont il se prétend victime, alors qu'en se présentant devant le juge d'instruction, il aurait pu tout à loisir s'expliquer tant sur les faits que sur ses possibilités financières en matière de cautionnement ;

" qu'il ne résulte, en tout état de cause, d'aucune des pièces du dossier que le magistrat instructeur, même si l'inculpation de certains prévenus a pu leur paraître tardive, ait eu pour dessein, compte tenu de la complexité de l'affaire qu'il aurait la charge d'élucider, de faire échec aux droits de la défense ;

" alors que, d'une part, il résulte de l'examen du dossier de la COB annexé au réquisitoire introductif et des différents articles de presse auxquels se référait ce document, que tous les éléments de fait qui ont entraîné la condamnation de Charbel F... pour recel de délit d'initié étaient parfaitement connus dès l'ouverture de l'information, le magistrat instructeur, qui n'a procédé à l'inculpation du demandeur que 3 ans et 9 mois après avoir été saisi, n'ayant pendant cette durée que recherché vainement des preuves décisives de la culpabilité de ce prévenu, et ayant d'ailleurs affirmé dans une commission rogatoire internationale délivrée le 31 mai 1991, soit plus d'1 an et 4 mois avant son inculpation, que, compte tenu de l'évolution du dossier et de l'information, Charbel F... avait recelé des informations privilégiées qui lui avaient été transmises par Samir T..., ce qui constituait exactement les charges qui ont justifié l'inculpation du demandeur ;

" alors que, d'autre part, en fixant à 40 millions de francs, soit à une somme égale au montant total des plus-values réalisées à l'occasion de l'OPA des actions Triangle, le montant de la caution qu'il envisageait de réclamer au demandeur s'il comparaissait pour se voir notifier son inculpation, le magistrat instructeur a manifesté sa volonté délibérée de violer les droits de la défense de ce dernier, en le plaçant dans l'impossibilité matérielle de se présenter devant lui pour lui demander d'effectuer les diligences nécessaires à l'établissement de son innocence " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour rejeter les exceptions de nullité, régulièrement soulevées par les demandeurs et tirées de leur inculpation tardive, l'arrêt attaqué énonce que les documents joints au réquisitoire introductif ne constituaient pas, lors de l'ouverture de l'information, " des indices graves, précis et concordants de culpabilité pouvant, en l'absence d'investigations complémentaires, entraîner l'inculpation immédiate " des prévenus, et " que le juge d'instruction se devait, dès lors, de procéder à toutes investigations utiles, tant sur le territoire national qu'à l'étranger " ;

Qu'il ajoute " qu'il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que le magistrat instructeur, même si l'inculpation de certains des prévenus a pu leur paraître tardive, ait eu le dessein, compte tenu de la complexité de l'affaire qu'il avait à charge d'élucider, de faire échec aux droits de la défense " ;

Qu'il observe encore que Charbel F... n'a déféré ni aux convocations du juge d'instruction, ni au mandat de comparution délivré par ce magistrat, et " qu'en se présentant devant lui, il aurait pu s'expliquer tant sur les faits que sur ses possibilités financières en matière de cautionnement " ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'en vertu de l'article 105 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, non contraire aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient au juge d'instruction, saisi de réquisitions contre personne non dénommée, de n'inculper une personne déterminée qu'après s'être éclairé, notamment par son audition préalable, en qualité de témoin, sur sa participation aux agissements incriminés dans des conditions pouvant engager sa responsabilité pénale, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que les moyens, inopérants en ce qu'ils se fondent soit sur des énonciations erronées émanant de magistrats étrangers chargés d'exécuter une commission rogatoire, soit sur le montant d'un cautionnement qui n'était qu'envisagé, doivent être écartés ;

III. Sur le cinquième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 6, paragraphe 3 d, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense et de la présomption d'innocence, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Samir T... à une peine d'emprisonnement de 2 ans dont 1 an avec sursis, ainsi qu'à une amende de 20 millions de francs, du chef de délit d'initié relativement aux opérations effectuées par Charbel F..., en rejetant une demande de complément d'information, tendant à l'audition de MM. G... et Z... et à leur confrontation avec les prévenus ;

" aux motifs que la cour d'appel ne dispose pas d'un quelconque moyen de coercition pour les faire comparaître au titre de l'entraide répressive internationale ; que les dernières auditions de ces deux témoins ont été versées au dossier de la procédure et soumises au débat contradictoire ;

" alors que, d'une part, tout prévenu a le droit d'obtenir de la juridiction de jugement la comparution personnelle d'un témoin, avec lequel il n'a pas encore été confronté au cours de la procédure, lorsqu'il en fait régulièrement la demande ; que cette demande de confrontation ne peut être écartée que si les juges constatent l'impossibilité d'obtenir la comparution des témoins et justifient de cette impossibilité ; que ne caractérisent une telle impossibilité ni le motif inopérant selon lequel la cour d'appel n'aurait pas le pouvoir de contraindre un témoin libanais à comparaître, dès lors que le refus de celui-ci n'est pas constaté, ni le motif erroné en droit que la cour d'appel pouvait se contenter d'apprécier la portée de la déposition écrite du témoin, un tel motif étant précisément contraire aux dispositions de l'article 6, paragraphe 3 d, de la Convention précitée ;

" alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, la confrontation avec un témoin à décharge ne peut être légalement refusée pour des motifs tenant à la crédibilité de ce témoin, à ses témoignages, ou pour la raison que celui-ci remettrait en cause la thèse de l'accusation, dès lors que la crédibilité du témoin doit être appréciée précisément au travers de sa comparution et de sa confrontation, et que la simple raison que son témoignage ne conforte pas la thèse de l'accusation constitue une violation du texte précité, outre une violation du principe de la présomption d'innocence et des droits de la défense ; que l'arrêt attaqué se trouve privé de tout fondement légal " ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Me Choucroy en faveur de Charbel F... et pris de la violation des articles 6, paragraphe 3 d, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 101, 463 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté la demande de supplément d'information formée par Charbel F... aux fins d'audition de MM. G..., Samia et Z... ;

" aux motifs qu'une telle mesure tend essentiellement à entendre MM. G... et Z..., déjà auditionnés en cours d'instruction puis le 22 avril 1994 sur procédure dite de référé en vigueur au Liban, et qui ont par ailleurs été cités à la requête de F... pour l'audience de la Cour du 26 avril 1994, mais n'ont pas comparu ;

" que, contrairement à ce qu'ont soutenu les conseils des prévenus, la Cour ne dispose pas, en l'occurrence et s'agissant de témoins résidant à l'étranger, d'un quelconque moyen de coercition pour les faire comparaître au titre de l'entraide répressive internationale ;

" qu'en conséquence, et alors que de surcroît M. Z... a fait connaître à la Cour qu'il n'avait, selon lui, pas d'autres renseignements à donner par rapport à son audition du 22 avril 1994, la Cour estime devoir rejeter cette demande de complément d'information, de même que toute autre mesure d'instruction, dès lors que les dernières auditions de ces deux témoins ont été versées au dossier de la procédure et soumises au débat contradictoire ;

" alors qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 3 d, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout accusé a le droit d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge ; qu'en l'espèce où le prévenu avait demandé aux juges du fond d'ordonner un supplément d'information pour que MM. Z..., G... et Samia, dont les déclarations étaient susceptibles d'établir son innocence, soient entendus par la Cour, les juges du fond, qui ont par ailleurs écarté les déclarations de ces témoins faites au Liban parce qu'ils ne les ont pas considérées comme suffisamment crédibles, ont violé le texte précité en prétendant, contre toute évidence, que ces témoins ne pouvaient pas être entendus dès lors qu'ils refusaient de comparaître devant eux " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour refuser de faire droit à la demande de supplément d'information, aux fins d'audition de témoins demeurant à l'étranger, présentée par Samir T... et Charbel F..., les juges, après avoir relevé que ces témoins, cités devant le tribunal, puis à nouveau devant la cour d'appel, n'ont pas comparu, énoncent qu'en l'absence " d'un quelconque moyen de coercition pour les faire comparaître ", il n'y a lieu d'ordonner aucune mesure d'instruction complémentaire, mais qu'il convient d'apprécier leurs déclarations antérieures, versées au dossier ;

Attendu que, par ces motifs exempts d'insuffisance, et ne méconnaissant pas les dispositions de l'article 6, paragraphe 3 d, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié l'inutilité d'un supplément d'information, a justifié l'impossibilité de l'audition de témoins sollicitée ;

Que, dès lors, les moyens, qui manquent en fait en ce qu'ils soutiennent que les juges auraient fondé leur décision sur le manque de crédibilité des témoins, ou sur le sens de leur déposition, ne peuvent qu'être écartés ;

IV. Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 pris en sa rédaction issue de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, des articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 111-3 et 111-4 du Code pénal, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Samir T... à une peine d'emprisonnement de 2 ans dont 1 an avec sursis ainsi qu'à une amende de 20 millions de francs du chef de délit d'initié relativement aux opérations effectuées par Charbel F... ;

" alors que le délit prévu par l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 modifiée est subordonné à l'existence d'une opération affectant un marché français fût-elle réalisée sur une place étrangère, de sorte que l'arrêt attaqué, qui a constaté que seul un marché étranger avait été concerné par les opérations litigieuses, n'a pas caractérisé d'infraction punissable par la loi française et a violé les textes susvisés " ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 113-2 du nouveau Code pénal, 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 pris en sa rédaction issue de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, 693 ancien du Code de procédure pénale, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par le prévenu ;

" alors que, d'une part, à supposer que le délit de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 puisse concerner les opérations réalisées par un étranger sur une place étrangère, la compétence des juridictions répressives françaises suppose que l'un de ses éléments constitutifs a été commis sur le territoire français ; que la transmission des informations réalisée par une personne ayant la qualité d'initié à un tiers ne consomme pas l'infraction et n'était pas pénalement répréhensible jusqu'à la loi n° 89-531 du 2 août 1989, le seul élément constitutif étant la réalisation de l'opération faite par un tiers sur le marché ; que, dès lors, en retenant la communication des informations relatives au titre Triangle comme l'un des faits constitutifs justifiant la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a faussement appliqué l'article 113-2 du nouveau Code pénal ;

" alors que, d'autre part, il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que Samir T... aurait rencontré Charbel F... le 8 septembre 1988, soit le " lendemain d'achat massif de titres " représentant 88 % des opérations litigieuses ; que le délit d'initié suppose nécessairement que la transmission de l'information privilégiée est préalable à la réalisation des opérations ; que, dès lors, une éventuelle transmission d'information à Paris le 8 septembre 1988 ne pouvait être considérée comme un élément constitutif du délit, faute d'être préalable aux opérations, et que la cour d'appel a ainsi violé les textes précités ;

" alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel devait constater de manière concrète et précise que l'objet des conversations téléphoniques échangées entre Samir T... et Charbel F..., ainsi que celui des rencontres effectives à Paris entre les deux hommes, portait sur l'évolution des négociations auxquelles participait le prévenu concernant le titre Triangle, et ne pouvait se borner à présumer qu'il en était ainsi après avoir rappelé que les deux financiers étaient en relations d'affaires constantes depuis de nombreuses années dans le cadre de la société Socofinance, de sorte que l'arrêt n'est pas légalement justifié " ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par Me Choucroy en faveur de Charbel F... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, 460 de l'ancien Code pénal, 113-2 du nouveau Code pénal, 693 ancien et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception d'incompétence des juridictions françaises soulevée par le prévenu ;

" aux motifs qu'outre les nombreux appels téléphoniques échangés entre Charbel F... et Samir T... il a été établi par l'information que Charbel F... a séjourné à Paris du 10 au 11 août 1988, du 23 au 24 août 1988, du 7 au 10 septembre 1988, le 30 septembre 1988, du 2 au 4 octobre 1988, du 24 au 26 septembre 1988 et du 8 au 9 novembre 1988, que, s'il a affirmé qu'il se rendait souvent à Paris pour affaires, force est de constater qu'il était présent sur le territoire national à des phases clefs des négociations, étant relevé que l'instruction aurait révélé qu'il avait rencontré Samir T... notamment les 8 septembre et 3 octobre 1988, date à laquelle il était invité à la remise, à ce dernier, de sa légion d'honneur ;

" qu'il apparaît en l'occurrence que Samir T..., ayant participé aux négociations et étant en possession d'informations certaines, significatives et précises relativement au titre " Triangle ", les a sciemment communiquées, notamment, et comme la Cour l'a relevé, de la France à Charbel F... ;

" que les opérations ainsi effectuées par ce dernier, même si elles ont été parachevées sur une place étrangère, ont fait l'objet d'une mise en oeuvre initiale à partir du territoire national, ce qui détermine la compétence de la juridiction pénale française, tant à l'égard de Charbel F... que de Samir T... ;

" alors que, d'une part, si, aux termes de l'article 693 de l'ancien Code de procédure pénale applicable aux faits de l'espèce, est réputée commise sur le territoire de la République toute infraction dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs matériel a été accompli en France, le demandeur, qui est étranger et auquel il était reproché d'avoir commis un recel de délit d'initié en achetant des actions américaines sur le marché de New-York en passant des ordres depuis la Suisse pour le compte d'une société sise à Anguilla, soutenait, dans ses conclusions d'appel laissées sans réponse, que rien ne démontrait qu'il ait reçu des informations privilégiées concernant ces actions en France, dès lors que le contenu des communications téléphoniques qu'il avait échangées avec Samir T... était inconnu, et que les témoins de ses rencontres en France avec ce coprévenu avaient formellement exclu la transmission d'informations privilégiées au cours de ces entrevues ; que, dès lors, les juges du fond, qui se sont bornés à affirmer, sans le justifier aucunement, que les informations privilégiées détenues par Samir T... avaient été transmises au demandeur à partir du territoire français, ont privé leur décision de motifs au regard des articles 693 ancien et 593 du Code de procédure pénale ;

" alors que, d'autre part, Arie D... ayant été relaxé des poursuites exercées à son encontre du chef de recel de délit d'initié pour des faits absolument identiques à ceux qui étaient reprochés à Charbel F..., s'agissant d'un étranger qui avait fait acquérir à la bourse de New-York des actions de la société Triangle par une société luxembourgeoise alors qu'il se trouvait à Paris où il avait rencontré Samir T..., aux motifs que les communications téléphoniques échangées avec ce dernier et sa rencontre avec lui chez un coiffeur parisien ne permettaient pas d'établir la transmission d'informations privilégiées, les juges du fond se sont mis en contradiction flagrante avec eux-mêmes en retenant la compétence des tribunaux français pour statuer sur les poursuites exercées contre le demandeur en se fondant sur l'existence de conversations téléphoniques d'un contenu inconnu échangées entre lui et Samir T... et sur les rencontres qu'il avait eues à Paris avec ce coprévenu pour en déduire que ce dernier lui avait transmis des informations privilégiées à partir du territoire français " ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Ryziger et Bouzidi en faveur de Robert P... et pris de la violation de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 dans la rédaction que lui a donnée la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983, modifiée par la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, des articles 1er à 5 de la directive 89 / 592 / CEE du 13 novembre 1989, de l'article 189 du Traité instituant la Communauté économique européenne, violation des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'un délit de recel d'initié ;

" aux motifs, en substance, que Nelson M... et Peter J... avaient acquis, par l'intermédiaire d'une société Triangle Industries, devenue Triangle Holding, et d'une société Centrale Jersey Industries, devenue Triangle Industrie, le contrôle de deux sociétés de boîtes métalliques en aluminium devenues, par suite d'une fusion, le principal producteur d'emballages sous le nom d'American National Can ; que les titres du Triangle étaient cotés sur le marché hors cote (OTC) de New-York (jugement p. 13) ; que des négociations entamées en juillet et août 1988, poursuivies, puis rompues en septembre, pour reprendre en octobre, ont abouti à un accord définitif le 20 novembre 1988 ; que l'acquisition du leader mondial de l'emballage American National Can par la société N... a été annoncée publiquement en France et aux Etats-Unis le lundi 21 novembre à 15 heures pour un prix de 7, 5 milliards de francs ; que, sur cette somme, 5 milliards de francs ont été versés à Nelson M... et Peter J... en échange de 66, 3 % des titres de la Holding Triangle Industries qu'ils détenaient ; que 2, 5 milliards de francs ont été consacrés à l'offre publique d'achat obligatoire au regard de la législation américaine du reste du capital au prix de 56 dollars par action ; qu'ainsi, une cotation du titre Triangle est passée en quelques jours de 10 à 56 dollars, soit une augmentation de 160 % ; que des opérations suspectes sur cette valeur dans les jours qui ont précédé l'offre publique d'achat ont conduit la Securities Exchange Commission (SEC), puis la COB, à entreprendre des investigations ayant débouché sur l'ouverture d'une information au cours de laquelle ont été retenues diverses opérations, ayant globalement engendré une plus-value supérieure à 45 millions et demi de francs, dont les 16 et 17 novembre par Roger-Patrice L... de 30 000 titres, du 15 au 17 novembre par la Compagnie parisienne de placement de 32 300 titres, et, le 18 novembre par Robert P... de 2 000 titres, soit des négociations portant en tout sur 64 300 actions qui auraient engendré une plus-value globale de près de 16 millions de francs ; qu'une information a été ouverte, mettant en cause d'une part Alain X..., à l'époque directeur du cabinet du ministre du Budget, de l'Economie et des Finances, renvoyé du chef de délit d'initié, d'autre part, l'action publique étant éteinte à l'égard de Roger-Patrice L... décédé, le 7 mars 1989, Max S... et Robert P... renvoyés du chef de recel de délit d'initié ;

" alors, d'une part, qu'il résulte de l'article 1er de l'ordonnance du 28 septembre 1967 modifiée (qui a pour objet à la fois l'institution d'une COB et l'information des porteurs de valeurs mobilières, en même temps que la publicité de certaines opérations de bourse), que la COB est chargée, notamment, de veiller au bon fonctionnement des marchés de valeurs mobilières, de produits financiers cotés et de contrats à terme négociables ; que le délit de divulgation d'informations d'initiés créé par les lois des 3 janvier 1983 et 22 janvier 1988 introduisant dans l'ordonnance un article 10-1 qui a subi plusieurs modifications successives, suppose que des personnes disposant à l'occasion de leur profession ou de leur fonction d'information privilégiée aient sciemment permis de réaliser sur le marché, soit directement, soit par personnes interposées, une ou plusieurs opérations sur une valeur mobilière ou un contrat à terme négociable ; que le " marché " visé par l'article 10-1 de l'ordonnance ne pouvait, à l'époque des faits, être qu'un des marchés contrôlés par la COB ; qu'il en est d'autant plus ainsi que l'obligation faite aux autorités judiciaires, par l'article 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, de consulter la COB implique que celle-ci soit compétente pour surveiller le marché sur lequel la transaction a eu lieu ;

" alors, d'autre part, que, si la divulgation d'informations concernant des valeurs mobilières ou des produits financiers cotés sur un marché autre qu'un marché surveillé par la COB avait été susceptible de constituer le délit de divulgation d'informations privilégiées, ou le délit d'initié, il ne pourrait en être ainsi, en vertu de la directive 89 / 592 / CEE du 13 novembre 1989 à la lueur de laquelle un texte national même antérieur à savoir, en l'espèce actuelle, l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 doit obligatoirement être interprété, que le délit d'initié ou de divulgation d'informations privilégiées par un initié ne peut être considéré que si les opérations susceptibles d'être réalisées au moyen de ces informations sont susceptibles d'être réalisées sur un marché réglementé et surveillé par des autorités reconnues par les pouvoirs publics, de fonctionnement régulier et accessible directement ou indirectement au public ; que le demandeur avait fait valoir, dans ses conclusions, que le marché hors cote de New-York ne répondait pas à la définition du marché, tel que défini par la directive communautaire, nécessairement applicable pour l'interprétation des textes français ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, la décision attaquée a omis de répondre à un chef péremptoire des conclusions du demandeur ;

" alors, de troisième part, que les juges du fond étaient d'autant plus tenus de s'expliquer sur ce point qu'une juridiction d'un État membre de l'Union européenne ne saurait prononcer une condamnation en vertu d'une législation qui serait contraire à une directive communautaire, de telle sorte qu'à supposer que les juges du fond aient considéré que la notion de marché dans la législation française et la notion de marché dans la directive européenne du 13 novembre 1989 ne coïncidaient pas, ils auraient été tenus de refuser d'appliquer le texte de droit interne, la directive communautaire s'imposant à l'État français et étant applicable même à des faits antérieurs " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour écarter les conclusions des prévenus, selon lesquelles les faits poursuivis, concernant des titres d'une société étrangère négociés sur un marché non surveillé par la COB, n'entrent pas dans les prévisions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 et échappent à la compétence des juridictions pénales françaises, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, après avoir énoncé que " la loi n'a pas limité aux seules bourses françaises la mission de protection de l'épargne et des investisseurs dévolue à la COB, qui n'a de sens que si elle a une portée internationale ", relève que les informations privilégiées ont été communiquées téléphoniquement par Samir T... à Charbel F..., à partir de son domicile situé en France ;

Qu'il retient, par ailleurs, que les mêmes informations ont été divulguées à Paris par Alain X... à Roger-Patrice L..., puis par ce dernier à Max S..., qui, de même que son associé Robert P..., les a exploitées en donnant des ordres d'achat depuis le territoire français ;

Qu'il en déduit que les opérations ainsi effectuées, " même si elles ont été parachevées sur une place étrangère, ont fait l'objet d'une mise en oeuvre initiale à partir du territoire national, ce qui détermine la compétence de la juridiction française " ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié, sans encourir les griefs allégués, l'application aux faits poursuivis de la loi pénale française et la compétence des juridictions françaises pour en connaître ;

Qu'en effet, dans leur rédaction applicable aux faits de la cause, les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 modifiée, non contraires à la directive 89 / 592 / CEE du 13 novembre 1989 qui se borne à prescrire, dans tous les États membres de l'Union Européenne, un degré minimal d'incrimination du délit d'initié, n'exigent pas que l'opération réalisée grâce aux informations privilégiées l'ait été sur le marché boursier français, ni qu'elle porte sur des titres cotés en France, le terme de " marché " s'appliquant à tout lieu où s'effectue le rapprochement d'une offre et d'une demande portant sur des valeurs mobilières ;

Que, selon l'article 693 du Code de procédure pénale, dont les dispositions, reprises dans l'article 113-2, alinéa 2, du Code pénal, ne font aucune référence à la loi étrangère, il suffit, pour que l'infraction soit réputée commise sur le territoire de la République et soit punissable en vertu de la loi française, qu'un de ses faits constitutifs ait eu lieu sur ce territoire ;

Que, dès lors, les moyens, qui, pour le surplus, reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine des faits par les juges du fond, ne peuvent être admis ;

V. Sur le sixième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Samir T... coupable d'avoir transmis sciemment des informations privilégiées sur le titre Triangle à un tiers qui a réalisé des opérations sur le titre et l'a condamné de ce chef ;

" aux motifs que l'argumentation à décharge développée par le prévenu, selon laquelle la société Socofinance connaissait de longue date ce titre Triangle, dont elle se serait rendue acquéreur en 1987, ne saurait être retenue, dès lors que la réalité des achats n'a pas été confirmée par l'information ;

" alors que, d'une part, la cour d'appel, pour écarter l'analyse selon laquelle Samir T... n'était pas le maillon indispensable entre la société IDB et la société Triangle, étant donné que la société IDB détenait environ 63 000 titres Triangle en janvier 1988, ne pouvait, sans se contredire, énoncer que la réalité de ces achats n'avait pas été confirmée par l'information, sachant qu'au contraire il résultait tant du procès-verbal dressé par l'inspecteur M. O... dans le cadre de la commission rogatoire américaine (cote D 1864) que du rapport du commissaire divisionnaire M. I..., chef de la brigade financière (cote D 1833), et de la commission rogatoire helvétique du 29 juin 1990 (sous-chapitre 7), que de la lettre adressée par le magistrat instructeur le 22 novembre 1989 (cote D 273) à M. H... appartenant à la SEC, que la société IDB, chiffres à l'appui, possédait bien 63 000 titres Triangle au début du mois de janvier 1988, de sorte que sa décision n'est pas légalement justifiée ;

" alors que, d'autre part, dans un mémoire régulièrement déposé le 18 mai 1994, le prévenu dénonçait l'absence de corrélation entre les dates d'achat et de vente des titres Triangle et l'évolution des négociations auxquelles participait Samir T..., d'une part, et l'absence de corrélation entre les achats et les contacts avec Charbel F..., d'autre part, en se référant aux dates des 18 août, 8 et 27 septembre et 8 et 11 octobre 1988, ce qui mettait à néant la thèse de l'accusation ; qu'aucune réponse n'a été donnée à ce chef péremptoire des conclusions, de sorte que la décision attaquée est privée de motifs " ;

Sur le septième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 prise en sa rédaction issue de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, 111-3 et 111-4 du nouveau Code pénal, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des principes de la légalité des délits et des peines et de l'interprétation stricte de la loi pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir, tandis qu'il disposait d'informations privilégiées sur le titre Triangle, sciemment permis à Charbel F... de réaliser des opérations sur le marché avant que le public ait eu connaissance de celles-ci ;

" aux motifs que le prévenu, homme d'affaires confirmé, en sa qualité de conseil du dirigeant de la société Triangle, a eu dès l'origine connaissance de la mise en chantier des négociations relatives à cette société et de leurs différentes phases, de sorte qu'il a eu en sa possession des informations particulières et précises au sens de la loi ; qu'il les a sciemment transmises à Charbel F... afin de lui permettre de réaliser des opérations sur le titre Triangle ; que le délit d'initié reproché à Samir T... était parfaitement constitué en ses éléments tant matériels qu'intentionnels ;

" 1o) alors que, d'une part, le délit d'initié, pris en sa seconde modalité issue de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, est une infraction matérielle pour laquelle le résultat est un élément constitutif, de sorte qu'elle n'est caractérisée que si le tiers, dans son propre intérêt, a réalisé une opération sur le fondement de l'information qui lui a été transmise par l'initié ; qu'en conséquence, cette qualification ne peut être retenue si le tiers possède la qualité d'initié, puisque l'opération qu'il réalise est alors directement incriminée par l'article 10-1 précité pris en sa première modalité, qui sanctionne le fait pour un initié d'avoir réalisé une ou plusieurs opérations sur le marché ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Charbel F..., en relations d'affaires avec le prévenu, aurait eu connaissance des négociations concernant la société Triangle dans le cadre de ses fonctions, ce qui lui aurait, ainsi, conféré la qualité d'initié ; que, dès lors, en déclarant Samir T... coupable d'avoir sciemment permis à une personne, qui aurait la qualité d'initié, de réaliser, sur le marché, des opérations en lui communiquant préalablement des informations sur l'évolution des négociations sur le titre Triangle, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé et porté atteinte au principe de l'interprétation stricte de la loi pénale ;

" 2o) alors que, d'autre part, à l'époque des faits, soumis à la loi n. 88-70 du 22 janvier 1988 modifiant l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, la seule transmission de l'information privilégiée faite par l'initié à un tiers n'est pas pénalement répréhensible ; que la loi n° 89-531 du 2 août 1989, qui incrimine la divulgation de l'information faite par l'initié même si aucune opération n'a eu lieu sur le marché, est postérieure aux faits et donc non applicable ; que, dès lors qu'en l'espèce aucune opération n'a été réalisée sur le fondement des informations prétendument communiquées par le prévenu, la seule transmission desdites informations par Samir T... échappe à la loi pénale, de sorte qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a prononcé une déclaration de culpabilité illégale ;

" 3o) alors que, de surcroît, nul ne peut être à la fois déclaré coupable d'une infraction principale et receleur de fruits de cette infraction principale ; que la cour d'appel considère Samir T... comme auteur principal de délit d'initié parce que des opérations ont été réalisées et Charbel F... comme receleur pour avoir réalisé lesdites opérations ;

" qu'en déclarant Samir T... coupable d'avoir sciemment permis la réalisation de ces opérations et Charbel F... receleur à raison des mêmes opérations, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;

" 4o) alors qu'enfin la seule transmission d'une information privilégiée par un initié n'était pas, selon l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 modifiée par la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 applicable à la date des faits, pénalement répréhensible ; que dès lors, en condamnant Samir T... du chef de l'opération réalisée par Charbel F..., qualifié de receleur, tandis que l'utilisation de cette information ne peut constituer un recel faute d'infraction principale punissable, la cour d'appel, qui a nécessairement déduit l'existence de l'infraction principale de celle du recel, a violé les textes susvisés " ;

Sur le huitième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 prise en sa rédaction issue de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, 121-3 du nouveau Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir sciemment permis à un tiers de réaliser des opérations privilégiées à partir d'informations préalablement transmises et l'a condamné de ce chef ;

" aux motifs qu'il a sciemment transmis l'information concernant l'évolution des titres Triangle à Charbel F... afin de lui permettre de réaliser des opérations sur le marché ;

" alors que le délit d'initié, pris en sa seconde modalité issue de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, est une infraction intentionnelle qui exige, lorsque le tiers n'a pas directement réalisé l'opération sur le marché, mais l'a fait réaliser par l'intermédiaire d'une personne morale étrangère à l'initié, que celui-ci ait eu connaissance, au moment où il transmettait l'information à la personne physique, que celle-ci utiliserait une personne morale pour réaliser, sur le fondement des informations transmises, l'opération prohibée au bénéfice du patrimoine du tiers ; qu'en se bornant à affirmer que le prévenu avait sciemment transmis les informations relatives à la société Triangle à Charbel F..., sans constater que Samir T... savait, au moment précis de la communication à la supposer réalisée, que ce serait la société IDB dans laquelle il n'a aucun intérêt qui ferait réaliser les achats et les ventes des titres et serait le donneur d'ordre réel sur le marché, l'arrêt attaqué n'a pas caractérisé de manière concrète et précise l'intention requise pour l'application de l'article susvisé et n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Me Choucroy en faveur de Charbel F... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 août 1989, 460 de l'ancien Code pénal et 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Charbel F... coupable de recel de délit d'initié ;

" aux motifs adoptés des premiers juges que la jurisprudence a de longue date estimé que l'article 460 du Code pénal, rédigé en termes généraux et absolus, ne comporte pas de distinction entre les divers crimes et délits à l'aide desquels la chose recélée a été enlevée, détournée ou obtenue ; qu'elle en a déduit que le recel était caractérisé à l'égard de celui qui accueillait et utilisait des renseignements obtenus grâce à la communication frauduleuse d'un secret de fabrique ; que, sans cette dématérialisation du recel, la protection que le législateur a entendu assurer au fil de l'évolution des techniques contre l'appropriation frauduleuse des produits de l'esprit dépourvus de support matériel aurait été partiellement réduite à néant ;

" que, dès lors, le fait, par Charbel F..., d'avoir sciemment recueilli des informations privilégiées détournées par un initié qui connaissait l'usage qui en serait fait sur le marché, constitue le recel qui lui est reproché ; qu'il est indifférent que le prévenu n'ait pas appréhendé, directement ou indirectement, les produits de son recel ;

" alors que, d'une part, si le délit de recel peut, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, s'appliquer à une information qui a fait l'objet d'une appropriation indue, encore faut-il que cette information soit matérialisée et ait un titulaire légitime, que tel ne peut être le cas d'une information boursière privilégiée qui n'appartient à personne et qui ne peut pas faire l'objet d'une appréhension par le receleur lorsque le destinataire d'une telle information se borne à la recueillir par la voie de son informateur ; que dès lors, l'infraction de recel d'information privilégiée étant inconnue du droit français, elle ne pouvait pas être retenue à l'encontre du prévenu ;

" alors que, d'autre part, pour que le délit de recel soit constitué, il faut que l'auteur de cette infraction ait connu l'origine délictueuse du bien au moment où il en a acquis la détention ; qu'en l'espèce où les juges du fond n'ont aucunement constaté que Charbel F... ait pu savoir, au moment où Samir T... lui aurait transmis des informations sur les négociations en cours au sujet du rachat du groupe Triangle par le groupe N..., que lesdites informations avaient une origine frauduleuse parce que ce coprévenu en disposait à l'occasion de l'exercice de sa profession ou de ses fonctions, l'élément intentionnel du délit de recel n'a pas été caractérisé à la charge du demandeur " ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Me Choucroy en faveur d'Alain X... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, 459 et 593 du Code de procédure pénale, 6, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Alain X... coupable de délit d'initié ;

" aux motifs qu'il convient de relever l'existence de relations étroites d'amitié entre Samir T... et Alain X... depuis 1980 ;

" que, par ailleurs, de l'aveu même de Samir T..., il apparaît que le rapprochement de la société Triangle, qu'il représentait en France, et de N..., ainsi que la concrétisation d'un accord éventuel entre ces deux groupes, lui tenait particulièrement à coeur ;

" que les relations nouées entre Samir T... et Alain X... sont devenues familières pour se traduire ultérieurement par une croisière en Méditerranée du 11 au 15 août 1988, où, en dépit de ses fonctions officielles de directeur de cabinet du ministre des Finances et nonobstant la retenue qu'elles commandaient, Alain X... a cru devoir rester à bord lorsque furent menées des négociations entre Nelson M... et deux représentants du groupe N... ;

" qu'Alain X..., qui a, sur ce point, concédé avoir manqué de prudence, sinon de délicatesse, a toutefois affirmé qu'à l'époque des faits, il se devait, de par ses fonctions, d'être particulièrement bien informé de la situation et des perspectives du groupe N..., ressortissant du secteur public ;

" que Jean-Louis U... a indiqué que, le 25 juin 1988, Alain X... passait outre au rejet de son intervention auprès du représentant de M. M... en France par la direction générale de N..., qui n'avait pas encore pris de décision sur une éventuelle acquisition d'American National Can ; qu'il s'empressait au contraire de prendre immédiatement contact avec Samir T... ;

" qu'il est, par ailleurs, établi qu'alors qu'aucune négociation entre les groupes Triangle et N... n'avait officiellement été entreprise le 18 juillet 1988, Alain X..., usant de son autorité, a cru devoir faire mentionner faussement par Pierre B..., dans une note destinée au ministère des Finances, l'existence de pourparlers déjà en cours, alors que ceux-ci n'étaient pas commencés ; qu'il n'a, en définitive, admis sa responsabilité qu'après plusieurs auditions et confrontations ;

" que, pour ce qui est des faits survenus postérieurement, la Cour relève que Samir T... et Alain X... sont restés, au-delà d'appels téléphoniques que pouvait expliquer la remise officielle de la Légion d'honneur audit T... par le ministre de l'Economie, en contact étroit, notamment pour ce qui est du déroulement des négociations, ce qui lui a permis d'obtenir régulièrement des renseignements ;

" que ces divers éléments démontrent qu'Alain X..., nonobstant ses dénégations, a outrepassé ses fonctions de directeur de cabinet, faisant ainsi montre de complaisance coupable envers Samir T... ;

" que, pour ce qui a trait à la divulgation de l'information privilégiée que Max S... a, en cause d'appel, reconnu lui avoir été donnée par Roger-Patrice L..., décédé, il est à cet égard observé que la communication en était déjà faite par Roger-Patrice L... à Max S... le 14 novembre à 15 heures au plus tard ;

" qu'il convient donc de rechercher qui, alors en possession du renseignement privilégié, l'a communiqué à Roger-Patrice L... ;

" qu'il est établi qu'aucun des négociateurs ne connaissait ce dernier, à l'exception de Samir T... qui ne faisait pas partie de ses relations habituelles, et de Jean E... qui ne l'avait rencontré qu'une fois, lors du cocktail donné à l'occasion de sa remise de la Légion d'honneur ;

" qu'Antoine Q..., administrateur de N..., a été mis au courant par Jean E..., le 14 novembre vers midi, des derniers développements des négociations afin qu'il en informe le Premier ministre, avec qui il devait déjeuner le même jour ; que ce dernier et Antoine Q... sont restés ensemble jusqu'à 15 heures, heure à laquelle ils ont prévenu de l'existence des négociations en cours Jean-François V..., conseiller technique à Matignon, qui n'a été informé du détail de l'opération qu'au cours d'un rendez-vous avec M. E..., qui s'est déroulé ce même 14 novembre de 16 heures à 17 heures 30 environ ;

" que, le 14 novembre à 10 heures, Jean E... a, semble-t-il, fait, au cours d'une réunion de responsables des " clubs pays ", un très bref exposé au ministre de l'Industrie, sans toutefois lui remettre de documents écrits, les collaborateurs de celui-ci étant unanimes à déclarer n'avoir été informés que le 15 novembre vers 17 heures ;

" que c'est le mercredi 15 novembre seulement, entre 19 et 20 heures, que Didier K..., chargé des affaires industrielles au secrétariat général de la Présidence de la République, a reçu de Jean Martin C..., directeur général de N..., une note codée sur l'opération en cours ;

" que Jean E... n'a que le 16 novembre, à partir de 12 heures 30, entretenu de la question du financement du projet René R..., président-directeur général de la BNP, qui a indiqué avoir eu conscience du caractère secret de l'entrevue ;

" qu'il est établi que ces personnes n'entretenaient pas de rapport avec Roger-Patrice L... ; que Samir T... connaissait, il est vrai, l'intéressé, mais sans avoir avec lui de relations suivies ;

" qu'il est en revanche non dénié par Alain X... que celui-ci cultivait avec Roger-Patrice L... et sa famille des liens d'étroite amitié ;

" que, dans ces conditions, c'est à juste titre que l'enquête s'est orientée, pour ce qui est de la divulgation de l'information, sur Alain X... ;

" que, d'autre part, les circonstances dans lesquelles elle a été divulguée font ressortir qu'à la date où celle-ci a été transmise à Roger-Patrice L..., seul Alain X..., prévenu de l'accord en vue entre le 9 novembre et le 14 novembre à 8 heures 30 au plus tard dans les circonstances décrites par le tribunal, était en mesure de connaître, en substance et d'une façon suffisamment précise, les renseignements dont s'agit pour qu'ils puissent être, comme cela a été le cas, immédiatement exploités sur le marché ; qu'il est dès lors acquis qu'Alain X... a été ainsi, et nonobstant ses dénégations, l'informateur de Roger-Patrice L..., et ce dans le seul but de lui permettre de réaliser des opérations ayant consisté à acheter successivement le 16 novembre 10 000, puis 20 000 actions Triangle Industries ;

" alors que, d'une part, s'agissant d'un prévenu qui, au moment où le groupe N..., appartenant au secteur public, cherchait à étendre son activité dans le secteur de l'emballage, exerçait les fonctions de directeur de cabinet du ministre de l'Economie et des Finances et avait mis à profit ses relations amicales avec l'un des responsables de ce groupe comme avec le représentant en France d'un groupe américain propriétaire du leader mondial de l'emballage, pour se tenir informé des pourparlers en cours entre ces deux entités économiques, puis qui, par la suite, s'était tenu au courant du déroulement des négociations qui devaient finalement aboutir, avec l'accord de son ministre comme avec celui du ministre de l'Industrie, du Premier ministre et de la Présidence de la République, à l'achat du groupe américain par le groupe N..., la Cour n'a aucunement caractérisé ni l'abus de fonctions dont elle a accusé ce prévenu, ni l'existence de complaisances envers Samir T... dont elle l'a également déclaré coupable, dès lors que les juges du fond n'ont pas relevé que le demandeur ait communiqué des informations à cet intermédiaire, mais qu'au contraire il résulte de leurs constatations que c'était ce dernier qui avait tenu le demandeur au courant de l'évolution des négociations afin qu'il puisse suivre le dossier relatif à cette opération auquel il est personnellement intéressé pour le soumettre à son ministre ;

" alors que, d'autre part, et en supposant que Roger-Patrice L... ait bénéficié d'une information privilégiée qui lui aurait été communiquée au plus tard le 14 novembre 1988 à 15 heures, les constatations des juges du fond relatives aux personnes qui ont eu connaissance de l'opération litigieuse postérieurement à ce moment ne pouvaient, à l'évidence, permettre d'identifier l'informateur de Roger-Patrice L..., en sorte que c'est au prix d'une contradiction flagrante que la Cour a cru pouvoir faire état de l'absence de toute relation entre ces personnes et Roger-Patrice L... pour retenir, par élimination, la culpabilité du demandeur ;

" qu'en outre, s'il est incontestable qu'Alain X... a été effectivement l'ami de Roger-Patrice L..., et s'il est vrai qu'il pouvait être l'auteur des informations privilégiées exploitées par ce dernier, il n'en reste pas moins que, comme les premiers juges l'avaient souligné pour prononcer la relaxe du demandeur, celui-ci était loin d'être la seule personne au courant du préaccord du 11 novembre à connaître Roger-Patrice L... ; que dès lors, en déduisant la culpabilité du demandeur du fait que ses liens d'amitié avec Roger-Patrice L... étaient plus suivis que ceux noués par ce dernier avec les autres initiés, les juges d'appel se sont fondés sur un motif totalement inopérant, la communication d'une information privilégiée pouvant être totalement indépendante de relations d'amitié entre l'initié et le bénéficiaire de l'information dès lors qu'elle peut à l'évidence être motivée par des raisons d'intérêt autant que par des raisons affectives ou même s'expliquer par une indiscrétion involontaire ;

" qu'au surplus, en faisant totalement abstraction des relations amicales ayant lié Pierre Y..., alors ministre de l'Economie et des Finances à Roger-Patrice L... et Max S..., tous deux bénéficiaires du délit d'initié, alors que ces relations amicales avaient été mises en évidence par les premiers juges, les juges d'appel, qui n'ont pas cru devoir faire la moindre allusion au rôle de Pierre Y... afin de mieux pouvoir déduire la culpabilité de son ancien directeur de cabinet, par élimination des autres initiés, moins proches que lui de Roger-Patrice L..., ont entaché leur décision d'un défaut de motifs flagrant ;

" et qu'enfin, les juges du fond n'ont pas caractérisé l'intention coupable de l'exposant en affirmant, sans même chercher à le justifier, qu'il avait communiqué l'information privilégiée à Roger-Patrice L... dans le but de lui permettre de réaliser des opérations particulièrement profitables sur le marché des actions, rien dans la personnalité d'Alain X..., ni dans la nature de ses relations avec Roger-Patrice L..., telles qu'elles résultent du dossier, ne permettant de soupçonner un tel dessein, et rien a priori ne pouvant permettre au demandeur de suspecter l'honnêteté de Roger-Patrice L..., dont les relations amicales avec le Président de la République étaient au contraire de nature à lui apparaître comme constituant un gage de civisme et d'honnêteté, comme la position qu'il occupait dans de nombreux et prestigieux conseils d'administration comme celui d'Air France " ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par Me Choucroy en faveur d'Alain X... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, 459 et 593 du Code de procédure pénale, 6, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Alain X... coupable de délit d'initié ;

" aux motifs qu'il convient de relever l'existence de relations étroites d'amitié entre Samir T... et Alain X... depuis 1980 ;

" que, par ailleurs, de l'aveu même de Samir T..., il apparaît que le rapprochement de la société Triangle, qu'il représentait en France, et de N..., ainsi que la concrétisation d'un accord éventuel entre ces deux groupes, lui tenait particulièrement à coeur ;

" que les relations nouées entre Samir T... et Alain X... sont devenues familières pour se traduire ultérieurement par une croisière en Méditerranée du 11 au 15 août 1988, où, en dépit de ses fonctions officielles de directeur de cabinet du ministre des Finances et nonobstant la retenue qu'elles commandaient, Alain X... a cru devoir rester à bord lorsque furent menées des négociations entre Nelson M... et deux représentants du groupe N... ;

" qu'Alain X..., qui a, sur ce point, concédé avoir manqué de prudence, sinon de délicatesse, a toutefois affirmé qu'à l'époque des faits, il se devait, de par ses fonctions, d'être particulièrement bien informé de la situation et des perspectives du groupe N..., ressortissant du secteur public ;

" que Jean-Louis U... a indiqué que, le 25 juin 1988, Alain X... passait outre au rejet de son intervention auprès du représentant de M. M... en France par la direction générale de N..., qui n'avait pas encore pris de décision sur une éventuelle acquisition d'American National Can ; qu'il s'empressait au contraire de prendre immédiatement contact avec Samir T... ;

" qu'il est, par ailleurs, établi qu'alors qu'aucune négociation entre les groupes Triangle et N... n'avait officiellement été entreprise le 18 juillet 1988, Alain X..., usant de son autorité, a cru devoir faire mentionner faussement par Pierre B..., dans une note destinée au ministère des Finances, l'existence de pourparlers déjà en cours, alors que ceux-ci n'étaient pas commencés ; qu'il n'a, en définitive, admis sa responsabilité qu'après plusieurs auditions et confrontations ;

" que, pour ce qui est des faits survenus postérieurement, la Cour relève que Samir T... et Alain X... sont restés, au-delà d'appels téléphoniques que pouvait expliquer la remise officielle de la Légion d'honneur audit T... par le ministre de l'Economie, en contact étroit, notamment pour ce qui est du déroulement des négociations, ce qui lui a permis d'obtenir régulièrement des renseignements ;

" que ces divers éléments démontrent qu'Alain X..., nonobstant ses dénégations, a outrepassé ses fonctions de directeur de cabinet, faisant ainsi montre de complaisance coupable envers Samir T... ;

" que, pour ce qui a trait à la divulgation de l'information privilégiée que Max S... a, en cause d'appel, reconnu lui avoir été donnée par Roger-Patrice L..., décédé, il est à cet égard observé que la communication en était déjà faite par Roger-Patrice L... à Max S... le 14 novembre à 15 heures au plus tard ;

" qu'il convient donc de rechercher qui, alors en possession du renseignement privilégié, l'a communiqué à Roger-Patrice L... ;

" qu'il est établi qu'aucun des négociateurs ne connaissait ce dernier, à l'exception de Samir T... qui ne faisait pas partie de ses relations habituelles, et de Jean E... qui ne l'avait rencontré qu'une fois, lors du cocktail donné à l'occasion de sa remise de la Légion d'honneur ;

" qu'Antoine Q..., administrateur de N..., a été mis au courant par Jean E..., le 14 novembre vers midi, des derniers développements des négociations afin qu'il en informe le Premier ministre, avec qui il devait déjeuner le même jour ; que ce dernier et Antoine Q... sont restés ensemble jusqu'à 15 heures, heure à laquelle ils ont prévenu de l'existence des négociations en cours Jean-François V..., conseiller technique à Matignon, qui n'a été informé du détail de l'opération qu'au cours d'un rendez-vous avec M. E..., qui s'est déroulé ce même 14 novembre de 16 heures à 17 heures 30 environ ;

" que le 14 novembre à 10 heures, Jean E... a, semble-t-il, fait, au cours d'une réunion de responsables des " clubs pays ", un très bref exposé au ministre de l'Industrie, sans toutefois lui remettre de documents écrits, les collaborateurs de celui-ci étant unanimes à déclarer n'avoir été informés que le 15 novembre vers 17 heures ;

" que c'est le mercredi 15 novembre seulement, entre 19 et 20 heures, que Didier K..., chargé des affaires industrielles au secrétariat général de la Présidence de la République, a reçu de Jean Martin C..., directeur général de N..., une note codée sur l'opération en cours ;

" que Jean E... n'a que le 16 novembre, à partir de 12 heures 30, entretenu de la question du financement du projet René R..., président-directeur général de la BNP, qui a indiqué avoir eu conscience du caractère secret de l'entrevue ;

" qu'il est établi que ces personnes n'entretenaient pas de rapport avec Roger-Patrice L... ; que Samir T... connaissait, il est vrai, l'intéressé, mais sans avoir avec lui de relations suivies ;

" qu'il est en revanche non dénié par Alain X... que celui-ci cultivait avec Roger-Patrice L... et sa famille des liens d'étroite amitié ;

" que, dans ces conditions, c'est à juste titre que l'enquête s'est orientée, pour ce qui est de la divulgation de l'information, sur Alain X... ;

" que, d'autre part, les circonstances dans lesquelles elle a été divulguée font ressortir qu'à la date où celle-ci a été transmise à Roger-Patrice L..., seul Alain X..., prévenu de l'accord en vue entre le 9 novembre et le 14 novembre à 8 heures 30 au plus tard dans les circonstances décrites par le tribunal, était en mesure de connaître, en substance et d'une façon suffisamment précise, les renseignements dont s'agit pour qu'ils puissent être, comme cela a été le cas, immédiatement exploités sur le marché ; qu'il est dès lors acquis qu'Alain X... a été ainsi, et nonobstant ses dénégations, l'informateur de Roger-Patrice L..., et ce dans le seul but de lui permettre de réaliser des opérations ayant consisté à acheter successivement le 16 novembre 10 000, puis 20 000 actions Triangle Industries ;

" alors que la cour d'appel, qui sans préciser les circonstances dans lesquelles, selon elle, le directeur du cabinet du ministre d'État aurait pris connaissance des informations privilégiées dans le cadre de ses fonctions a, au contraire, constaté à plusieurs reprises l'existence de relations amicales entre Alain X... et Samir T..., et relevé qu'Alain X... avait " régulièrement obtenu des renseignements " non de Jean-Louis U..., qui s'était borné, " à de rares occasions, à répondre à ses investigations ", mais de Samir T..., n'a pas ainsi justifié en quoi Alain X... aurait disposé des informations privilégiées " à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ", privant sa décision de tout fondement légal au regard des textes susvisés " ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Ryziger et Bouzidi en faveur de Robert P... et pris de la violation de l'article 460 de l'ancien Code pénal, de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que la décision attaquée a déclaré l'exposant coupable de recel de délit d'initié ;

" aux motifs que c'est en vain qu'il fait soutenir qu'il manquerait un des éléments légaux du délit de recel, dès lors que l'information privilégiée résultant du délit d'initié servant d'infraction originaire au recel reproché porterait sur un bien immatériel insusceptible en l'occurrence d'appropriation ; que les premiers juges, par des motifs pertinents que la Cour adopte, ont rejeté un tel moyen de droit, dès lors qu'en vertu des termes généraux d'incrimination du recel n'est exclu aucun crime ni délit pour ce qui est de la provenance de l'objet recelé, de telle sorte que celui-ci peut se trouver comme en l'occurrence, et contrairement à ce qui est soutenu, dématérialisé ;

" et aux motifs adoptés des premiers juges que la jurisprudence a de longue date estimé que l'article 460 du Code pénal, rédigé en termes généraux et absolus, ne comporte pas de distinction entre les divers crimes et délits à l'égard desquels la chose recelée a été enlevée, détournée ou obtenue (Cass. Crim. 4 décembre 1875 ; 3 décembre 1892 ; 11 janvier 1945 ; 10 juillet 1969) ; qu'elle a ainsi déduit de la généralité des prévisions de la loi que le recel était caractérisé à l'égard de celui qui accueillait et utilisait des renseignements obtenus grâce à la communication frauduleuse d'un secret de fabrique (Cass. Crim. 7 novembre 1974) ; que cette décision procède non pas d'un raisonnement analogique, mais de la mission naturelle du juge, auquel il appartient, comme l'a rappelé la Cour de Cassation (Cass. Crim. 21 janvier 1969), " de rechercher l'objet de la loi et son domaine d'application " pour mieux interpréter les termes employés par celle-ci ; qu'en effet, sans cette dématérialisation du recel procédant d'une détention seulement intellectuelle, la protection pénale que le législateur a entendu assurer, au fil de l'évolution des techniques, contre la violation du secret professionnel, (loi du 21 février 1944), le détournement d'informations nominatives, (loi du 6 janvier 1978), la captation d'un système d'automatisation des données, (loi du 5 janvier 1988), et plus généralement contre l'appropriation frauduleuse des produits de l'esprit dépourvus de support matériel, aurait été partiellement réduite à néant (cf p. 44) ;

" alors que seul un bien corporel ou incorporel, ou au moins un droit susceptible d'appropriation privative ou qui peut faire l'objet de convention, est susceptible de faire l'objet d'un recel ; que tel n'est pas le cas d'une information privilégiée détenue par un initié et que celui-ci aurait divulguée en violation des dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, une telle information, par définition même n'étant pas dans le commerce, n'était pas susceptible d'une appropriation au sens du droit privé (et ne constitue pas, contrairement à ce qu'ont admis les juges du fond, un bien dématérialisé) " ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Ryziger et Bouzidi pour Robert P... pris de la violation de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 modifiée, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que la décision attaquée a déclaré Alain X... coupable du délit de divulgation de secret d'initié (dont le demandeur a été déclaré receleur) ;

" aux motifs que, s'il a soutenu s'être cantonné dans ses attributions de directeur de cabinet du ministre des Finances et avoir été victime d'une machination quant aux accusations portées à son endroit, il convient de relever, ce qui au demeurant n'est pas dénié, l'existence de relations étroites d'amitié entre Samir T... et Alain X... depuis 1980 ; que, par ailleurs, de l'aveu même de Samir T..., il apparaît que le rapprochement de la société Triangle qu'il représentait en France et de N... qui s'insérait, aux dires d'Alain X..., dans la perspective d'une nouvelle politique industrielle, ainsi que la concrétisation d'un accord éventuel entre ces deux groupes, lui tenait particulièrement à coeur ; que les relations nouées entre Samir T... et Alain X... sont devenues familières pour se traduire ultérieurement, et pour ce qui concerne plus directement les faits de la cause, par une croisière en Méditerrannée du 11 au 15 août 1988 où, en dépit de ses fonctions officielles de directeur de cabinet du ministre des Finances et nonobstant la retenue qu'elle commandait, dans sa vie privée, Alain X... a cru devoir rester à bord lorsque furent menées, dans des conditions décrites par le tribunal, des négociations entre Nelson M... et deux représentants du groupe N... ; que cependant, Alain X..., qui a, sur ce point, concédé avoir en l'occurrence manqué de prudence sinon de délicatesse, a affirmé, comme il a déjà été mentionné, qu'à l'époque des faits il se devait cependant, de par ses fonctions, d'être particulièrement bien informé sur la situation et les perspectives financières et industrielles du groupe N... appartenant au secteur public ; que Jean-Louis U..., à cet égard, tout en convenant qu'il était du rôle du prévenu de se renseigner sur ces questions, a indiqué néanmoins que le 25 juin 1988 X... passait outre au rejet de son offre d'intervention auprès du représentant de Nelson M... en France par la direction générale de N..., qui n'avait pas encore pris de décision sur une éventuelle acquisition, entre autres projets, d'Américan National Can, et s'empressait au contraire de prendre immédiatement contact avec T... ; que c'est donc dans ces conditions qu'a été fixé, à l'initiative de Samir T..., le rendez-vous du 12 juillet 1988 au ministère des Finances entre Nelson M..., Samir T... et Alain X... qui en a informé Jean-Louis U... seulement le 11 juillet dans l'après-midi alors que ce dernier se trouvait au ministère des Finances pour une tout autre raison ; qu'il est ailleurs établi par les éléments du dossier qu'alors qu'aucune négociation entre les groupes Triangle et N... n'avait officiellement été entreprise le 18 juillet 1988, Alain X..., usant de son autorité, a cru devoir faire mentionner faussement par Pierre B..., personnellement chargé de suivre les opérations N... au ministère des Finances, dans une note destinée au ministre, l'existence de pourparlers déjà en cours, alors que ceux-ci n'étaient pas commencés ; que, pour ce qui est des faits survenus postérieurement, la Cour relève que Samir T... et Alain X... sont restés au-delà d'appels téléphoniques que pouvait expliquer la remise officielle de la Légion d'honneur audit T... par le ministre de l'Economie en contact étroit, notamment pour ce qui est du déroulement des négociations ; qu'après avoir, en effet, soutenu que les renseignements qu'il avait pu obtenir émanent de Jean-Louis U..., il a dû admettre, au fur et à mesure de l'information et des débats, et à la suite des investigations du magistrat instructeur, qu'il avait régulièrement obtenu des renseignements non de ce dernier, qui s'est borné à de rares occasions à répondre à ses interrogations, mais de Samir T... ; que ces divers éléments démontrent qu'Alain X..., nonobstant ses dénégations, a outrepassé ses fonctions de directeur de cabinet, faisant ainsi montre de complaisance coupable envers Samir T... ; que l'arrêt s'efforce ensuite d'établir que c'est T... qui aurait communiqué l'information à L..., ce qui serait constitutif du délit d'initié ;

" alors que les délits prévus et réprimés par l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 supposent que la personne qui a utilisé ou divulgué l'information ait disposé de celle-ci à l'occasion de sa profession ou de ses fonctions ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'Alain X..., s'il a voulu, en raison de ses fonctions, tenter de s'informer et s'il a tenté de jouer un rôle d'intermédiaire dans les négociations entre MM. M... et N..., n'a été informé du déroulement des négociations qu'en raison de ses relations personnelles avec Samir T... ; qu'il ne détenait donc pas une information privilégiée de par ses fonctions ou sa profession, mais exclusivement en raison des relations personnelles qu'il entretenait avec T... ; que la cour d'appel n'a pu, sans omettre de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, considérer que X... s'était rendu coupable d'une divulgation d'informations privilégiées obtenues en raison de sa profession ou de ses fonctions ; que le demandeur n'a donc pu être receleur de semblables informations " ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Ryziger et Bouzidi en faveur de Robert P... et pris de la violation de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, de l'article 460 du Code pénal, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de recel de délit d'initié ;

" aux motifs qu'il y a lieu de relever, en ce qui concerne l'infraction de recel de délit d'initié reprochée notamment à Robert P... et à Max S..., que, contrairement à ce qu'ont fait soutenir ces derniers, il n'est nullement exigé par le législateur que soit démontré, au niveau de l'infraction d'origine, que l'initié soit, au cas d'espèce et selon la poursuite, Alain X... ait connu l'identité des tiers susceptibles de réaliser indirectement des opérations à l'aide de renseignements qu'il donnait ; qu'il suffit, en effet, que l'initié ait eu conscience, au préalable, de ce que les informations qu'il livrait étaient destinées à être utilisées par des opérateurs sur le marché ; qu'il convient en conséquence de tenir comme sans incidence toute l'argumentation contraire développée relativement à ce point et selon laquelle il y aurait lieu de démontrer un dol spécial pour les recels dits du deuxième degré, tels que reprochés au prévenu ; qu'il suffit, en effet, au vu du texte légal ci-dessus rappelé servant de fondement à la poursuite, que soit rapportée la preuve, dès lors que serait établi le délit d'initié, que les receleurs attraits en la cause, et qui tous sont intervenus sur le marché munis de ces renseignements, aient su, quant à eux, l'origine frauduleuse des informations qu'ils ont ainsi utilisées ;

" et aux motifs qu'Alain X... aurait transmis l'information à Roger-Patrice L... ; que Max S... a reçu de Roger-Patrice L... les informations relatives aux titres Triangle ; qu'abstraction faite de l'argumentation concernant la nécessité de prouver un dol spécial vis-à-vis du recel reproché au prévenu et que la Cour a écartée, Max S... serait mal venu à soutenir que l'information reçue de Roger-Patrice L... n'aurait pas été précise, significative et qu'elle aurait été publique ; que le caractère massif de l'ordre d'achat donné par le prévenu, dont la passation démontre qu'au départ le titre Triangle était inconnu de lui, infirme à l'évidence la thèse de l'intéressé selon laquelle il n'aurait bénéficié que d'un " tuyau ", étant de surcroît observé que Max S... n'a eu pour seule tâche, avant de mettre à exécution son ordre d'achat, que de s'assurer de l'identification du titre par recherche du code de cotation ; qu'apparaît controuvée l'argumentation de Robert P... selon laquelle l'achat personnel de 2 000 actions effectué pour son compte aurait obéi à la seule observation du cours du titre, dès lors qu'il est constant que le prévenu était, antérieurement à cette opération à lui reprochée, intervenu dans celles passées par son intermédiaire à partir du 15 novembre dans l'après-midi dans le cadre de la Compagnie parisienne de placements dont il animait la codirection avec S... ; que c'est ainsi à juste titre que le prévenu a, en toute connaissance, utilisé, tant à son profit personnel qu'à celui de la CPP, des informations qu'il savait privilégiées et ayant été frauduleusement exploitées sur le marché ;

" alors, d'une part, que le délit de divulgation d'informations privilégiées, tel que défini par l'article 10-1 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, dans la rédaction qui résultait de la loi du 3 janvier 1983 modifiée par la loi n° 88-70 du 23 janvier 1988, impliquait que le détenteur d'une action privilégiée ne se rendait coupable du délit de divulgation de cette information qu'à condition qu'il ait sciemment permis de réaliser sur le marché, soit directement, soit par personnes interposées, une ou plusieurs opérations avant que le public n'en ait connaissance ; que l'intention coupable exigée par ce texte suppose nécessairement que l'auteur de la divulgation ait connu le bénéficiaire de la divulgation, faute de quoi il n'aurait pu être assuré de lui permettre de réaliser, soit directement, soit par personnes interposées, une ou plusieurs opérations ; qu'en effet, seule la connaissance du bénéficiaire de la divulgation est susceptible de permettre à son auteur de s'assurer que le bénéficiaire est en mesure d'opérer avant que le public n'ait eu connaissance de l'information ; que le délit de divulgation d'informations privilégiées impliquait donc bien un dol spécial, contrairement à ce qu'a décidé la Cour ;

" alors, d'autre part, que le recel est un délit intentionnel ; que l'intention coupable réside dans la connaissance de l'origine frauduleuse de la chose recelée, en l'espèce actuelle, une information privilégiée ; que le demandeur avait fait valoir dans ses conclusions devant la cour d'appel, et que la Cour a admis, que c'est S... qui avait reçu de L... un conseil boursier ; qu'ayant appris seulement le 15 novembre 1988 dans l'après-midi, à l'occasion d'un entretien téléphonique, que S... avait passé un ordre pour 6 millions de francs sur le titre Triangle, il avait, ignorant tout de ce titre, tenté d'avoir eu des informations, et qu'il s'était efforcé pendant toute la période de limiter le cours auquel les titres Triangle devaient être achetés par la Compagnie parisienne de placements ; que rien dans son attitude ne révélait la connaissance par lui d'une quelconque information privilégiée ; que, si Robert P... avait disposé à l'époque d'une telle information, il est évident que, loin de limiter la quantité des titres à acheter et le cours limite auquel les titres pouvaient être achetés, il aurait donné des instructions en vue d'acheter un maximum de titres, et n'aurait pas imposé des limites de cours aussi strictes que celles imposées, en accord du reste avec S..., l'accord de ce dernier pour limiter tant la quantité des achats que le cours auquel les titres devaient être achetés ne pouvant que le conforter dans l'idée de la régularité de l'opération ; qu'en se contentant d'affirmer que Max S... avait eu des informations privilégiées et que ne pouvait être retenue sa thèse selon laquelle il n'aurait bénéficié que d'un tuyau et qu'il est constant que le prévenu P... était, antérieurement à l'opération qu'il avait réalisée pour son compte portant sur 2 000 actions en Suisse, intervenu en toute connaissance de cause en utilisant, tant à son profit personnel qu'à celui de la CPP, des informations qu'il savait privilégiées, sans énoncer aucun fait précis d'où résulterait la connaissance que le demandeur aurait eue du caractère privilégié de l'information, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Samir T... coupable de délit d'initié et Charbel F... coupable de recel de ce même délit, les juges retiennent que les achats et ventes de titres de la société Triangle, effectués par la société Socofinance dirigée par Charbel F..., ont coïncidé avec les phases successives de développement, puis de rupture, de reprise et enfin de conclusion des négociations auxquelles participait Samir T..., qui a sciemment transmis à Charbel F... les informations dont il disposait, " afin de lui permettre de réaliser des opérations sur le titre Triangle " ;

Que, pour déclarer Alain X... coupable de délit d'initié, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés des premiers juges, relève qu'en sa qualité de directeur de cabinet du ministre de l'Économie et des Finances, ce prévenu, après avoir lui-même organisé l'une des premières réunions entre les dirigeants des 2 sociétés, " a été informé très régulièrement des pourparlers entre Triangle et N... ", qu'il a eu, le 9 novembre 1988, son attention appelée sur leur issue imminente par un des proches collaborateurs du président du conseil d'administration de N..., et que ce dernier, le 14 novembre vers 8 h 30, lui a personnellement demandé un rendez-vous avec le ministre ;

Que la cour d'appel ajoute qu'Alain X..., qui " cultivait avec Roger-Patrice L... des liens d'étroite amitié ", alors que Samir T... ne faisait pas partie des relations habituelles de celui-ci, est la seule personne qui ait pu lui transmettre le 14 novembre 1988 avant 15 h moment où Roger-Patrice L... a communiqué l'information privilégiée à Max S... des renseignements suffisamment précis pour pouvoir être immédiatement exploités sur le marché ; qu'elle en déduit qu'il a été " l'informateur de Roger-Patrice L..., et ce, dans le seul but de lui permettre de réaliser des opérations sur le marché " ;

Que, si elle relève qu'il a obtenu des renseignements plus facilement de Samir T..., à la faveur des relations amicales existant entre eux, que des dirigeants de N..., elle souligne néanmoins qu'à ses propres dires, il " se devait, de par ses fonctions, d'être particulièrement bien informé sur la situation et les perspectives financières et industrielles du groupe N..., ressortissant au secteur public " ;

Que, pour déclarer Robert P... coupable de recel du délit d'initié commis par Alain X..., la juridiction du second degré énonce, par motifs adoptés, que " la précipitation avec laquelle Max S... et Robert P... ont lancé, pour un montant de 6 millions de francs, des ordres d'achat " sur un titre qu'ils ne connaissaient pas auparavant " ne peut s'expliquer que par leur connaissance de l'origine frauduleuse des informations détenues et transmises par Roger-Patrice L... " ; qu'elle écarte, dès lors, son argumentation selon laquelle son achat personnel de 2 000 actions obéissait à la seule observation du cours du titre, et retient " que le prévenu a, en toute connaissance de cause, utilisé, tant à son profit personnel qu'à celui de la CPP, des informations qu'il savait privilégiées " ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, déduites de son appréciation souveraine des faits de la cause et échappant au contrôle de la Cour de Cassation, la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir la censure ;

Qu'en effet, d'une part, le délit d'initié est caractérisé, à l'égard de toute personne qui, disposant, à l'occasion de l'exercice de sa profession ou de ses fonctions, d'informations privilégiées sur les perspectives d'évolution d'une valeur mobilière, permet sciemment à des tiers de réaliser des opérations sur le marché avant que le public ait connaissance de ces informations, sans qu'il soit nécessaire qu'elle connaisse l'identité des opérateurs, ni les modalités des opérations réalisées ;

Que, d'autre part, si le recel ne peut résulter de la simple détention d'informations privilégiées, il est caractérisé à l'égard de celui qui, réalisant, en connaissance de cause, des opérations sur le marché avant que ces informations soient connues du public, bénéficie du produit du délit d'initié ainsi consommé ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

VI. Sur le neuvième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 prise en sa rédaction issue de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, 132-19 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit d'initié et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de 2 ans dont 1 avec sursis ainsi qu'à une amende de 20 000 francs ;

" aux motifs que Samir T... et Alain X... doivent être regardés comme ayant permis l'ensemble des opérations frauduleuses en tant qu'initiés ; que compte tenu de l'ampleur des opérations illicitement réalisées à partir des renseignements privilégiés communiqués, la Cour estime devoir les sanctionner tous 2, en raison de la gravité des faits retenus à leur charge et nonobstant leur absence d'antécédents judiciaires, d'une même peine d'emprisonnement assortie seulement pour partie d'un sursis ;

" alors qu'aux termes des dispositions de l'article 132-19 du nouveau Code pénal, constitutives d'une loi de procédure immédiatement applicable selon l'article 112-2- 2o du même Code, toute peine d'emprisonnement prononcée sans sursis par une juridiction correctionnelle doit être spécialement motivée ; que ne répond pas à cette exigence l'arrêt qui se borne à relever la gravité des faits retenus à la charge du prévenu, cette énonciation ne précisant ni les éléments de la personnalité du prévenu, ni les circonstances de l'infraction explicitant le choix d'une peine d'emprisonnement ferme, de sorte que la décision n'est pas légalement justifiée " ;

Sur le dixième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 prise en sa rédaction issue de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988, 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 121-1 du nouveau Code pénal, du principe de la personnalité des peines, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué après avoir déclaré le prévenu coupable du délit d'initié, l'a condamné à la peine d'amende de 20 000 000 de francs ;

" aux motifs qu'il doit être condamné à une peine d'amende proportionnée au profit réalisé résultant des opérations qu'il a permises par la divulgation des informations privilégiées qu'il détenait ;

" alors que, d'une part, seul un profit personnellement réalisé par l'initié peut autoriser le tribunal à prononcer une peine d'amende supérieure au maximum de 5 000 000 francs dans la limite du quadruple du montant du profit éventuellement réalisé ; que tel n'est pas le cas lorsque l'initié est déclaré coupable pour avoir permis à un tiers de réaliser sur le marché des opérations qui ne bénéficient qu'au patrimoine du donneur d'ordre ; qu'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué ne constate que Samir T... a tiré profit des opérations réalisées sur le titre Triangle, de sorte qu'en le condamnant à une peine d'amende proportionnée à un profit qui lui demeure étranger, l'arrêt attaqué a faussement appliqué l'article susvisé et porté atteinte au principe de la personnalité des peines ;

" alors que, d'autre part et en tout état de cause, la peine d'amende proportionnelle au profit est arbitraire si les opérations réalisées sur le titre sont évaluées de manière globale sans élément concret et précis ; qu'en s'abstenant de chiffrer le nombre d'opérations réalisées aux différentes dates comprises entre le 18 août 1988 et le 11 novembre 1988 et de préciser le bénéfice exact procuré par chaque opération en relation directe avec une information privilégiée qui aurait été communiquée par le prévenu, l'arrêt attaqué a prononcé une peine d'amende dépourvue de base légale " ;

Sur le onzième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan et par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié en faveur de Samir T... et pris de la violation des articles 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, 460 du Code pénal, 132-19 et 612-1 (nouveaux) du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que la nullité de l'arrêt en ce qui concerne la déclaration de culpabilité de Charbel F... devra entraîner la cassation au profit de Samir T... ;

" alors que seule la réalisation d'une opération sur le marché par Charbel F... est de nature à rendre punissable, à la supposer établie, la prétendue communication d'informations privilégiées par Samir T... ; que par suite la cassation à intervenir sur le pourvoi de Charbel F... :

" à l'encontre duquel aucun délit de recel ne peut être légalement caractérisé ;

" qui a été condamné à une peine d'amende supérieure au maximum légal ;

" pour lequel une peine de prison ferme est prononcée dans le dispositif en complète contradiction avec les motifs de l'arrêt qui excluent toute peine de prison ferme et sans la motivation spéciale exigée par l'article 132-19 (nouveau) du Code pénal ;

" entraînera l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt attaqué à l'égard de Samir T... " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu, d'une part, que, pour condamner Samir T... à la peine de 2 ans d'emprisonnement, dont 1 an avec sursis, la cour d'appel se réfère à " l'ampleur des opérations illicitement réalisées à partir des renseignements privilégiés communiqués " par lui, et à " la gravité des faits retenus à sa charge " ;

Qu'en l'état de ces énonciations, qui répondent aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal, les juges du second degré ont justifié le prononcé d'une peine d'emprisonnement assortie seulement pour partie du sursis ;

Attendu, d'autre part, que, les juges ayant constaté que les opérations réalisées par Charbel F... grâce aux informations privilégiées que lui a communiquées Samir T... ont entraîné un profit de 21 millions de francs, et dès lors que, selon l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, l'auteur d'un délit d'initié peut être puni d'une amende proportionnelle au profit obtenu, même s'il n'a pas réalisé lui-même les opérations sur le marché, la peine de 20 millions de francs d'amende qu'ils ont prononcée contre le demandeur est justifiée ;

Attendu, enfin, que Samir T... est sans qualité pour se prévaloir de causes de nullité de l'arrêt concernant uniquement un autre prévenu ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

VII. Mais sur le cinquième moyen de cassation proposé par Me Choucroy en faveur de Charbel F... et pris de la violation des articles 460 de l'ancien Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Charbel F..., déclaré coupable de recel de délit d'initié, à la peine de 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis et à une amende de 5 000 000 francs ;

" aux motifs que la Cour estime devoir sanctionner par une peine d'emprisonnement assortie du sursis ainsi que d'une peine d'amende chacun des prévenus autres que Samir T... et Alain X... condamnés à une peine d'emprisonnement assortie seulement pour partie du sursis, à l'exception de Jean-Pierre A... qui ne sera condamné qu'à une peine d'amende ; qu'en ce qui concerne Charbel F..., la Cour dépassera dans la mesure spécifiée au dispositif de l'arrêt, en raison du montant du profit réalisé, le taux de l'amende fixé par l'article 460 de l'ancien Code pénal ;

" alors que, d'une part, après avoir déclaré dans les motifs de sa décision que, contrairement à Samir T... et Alain X..., condamnés à des peines d'emprisonnement assorties seulement pour partie du sursis, les autres prévenus, à l'exception de Jean-Pierre A..., seraient condamnés à des peines d'emprisonnement assorties du sursis, la Cour s'est mise en contradiction avec elle-même en prononçant, dans le dispositif de son arrêt, une peine d'emprisonnement partiellement ferme à l'encontre de Charbel F... ;

" alors que, d'autre part, si l'article 460 de l'ancien Code pénal applicable aux faits de la cause, qui sanctionnait le recel par une peine d'emprisonnement et une amende de 10 000 à 2 500 000 francs, prévoyait que le maximum de cette amende pouvait être élevée jusqu'à la moitié de la valeur des objets recélés, la Cour, qui n'a pas précisé la valeur du délit d'initié qui aurait été recelé par Charbel F..., mais a seulement invoqué le montant du profit réalisé pour infliger à ce prévenu une amende égale au double du maximum prévu par cet article, sans même avoir évalué le montant de ce profit ni précisé qu'il avait été réalisé par Charbel F... ou par l'ensemble des prévenus, a privé de toute base légale le chef de son arrêt condamnant le demandeur au paiement d'une amende de 5 000 000 francs " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, selon l'article 132-19 du Code pénal, en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ;

Attendu que le dispositif de l'arrêt attaqué porte notamment condamnation de Charbel F... à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi une peine d'emprisonnement pour partie sans sursis, sans s'expliquer sur le choix de celle-ci, les juges ont méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

Et attendu qu'en imposant une motivation spéciale relative à l'emprisonnement, l'article 132-19 conduit à écarter l'indivisibilité entre la peine irrégulièrement prononcée et la déclaration de culpabilité, lorsque cette dernière n'encourt pas elle-même la censure ;

D'où il suit que la cassation est encourue, et qu'elle sera limitée aux peines prononcées contre ce demandeur ;

Par ces motifs :

Sur les pourvois d'Alain X..., de Samir T... et de Robert P... :

Les REJETTE ;

Sur le pourvoi de Charbel F... :

CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 6 juillet 1994, en ses seules dispositions concernant les peines d'emprisonnement et d'amende prononcées contre ce prévenu, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.