CA Paris, 4e ch. A, 18 octobre 2006, n° 00000000
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
NEW G COMPANY SARL
Défendeur :
STOCK J B JENNYFER
Vu l'appel interjeté par la société NEW G COMPANY du jugement rendu le 24 juin 2005 par le tribunal de commerce de Bobigny qui a :
- dit que le modèle de tee-shirt " TEAM 55 " est un modèle original protégé par le Code de la propriété intellectuelle,
- dit que la société NEW G COMPANY s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon,
- dit que la société NEW G COMPANY s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale,
- débouté la société BOUTIQUE JENNYFER de ses demandes à l'encontre de la société CRITERE DERRICK,
- fait interdiction à la société NEW G COMPANY de poursuivre la fabrication et la commercialisation directe des articles contrefaisants sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée et par article,
- dit que la société NEW G COMPANY ne pourra fournir à la société CRITERE DERRICK le produit contrefaisant,
- condamné la société NEW G COMPANY à payer à la société BOUTIQUE JENNYFER la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon et celle de 30.000 euros pour concurrence déloyale,
- condamné la société BOUTIQUE JENNYFER à payer à la société CRITERE DERRICK la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société NEW G COMPANY à payer à la société BOUTIQUE JENNYFER la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la société BOUTIQUE JENNYFER à verser à la société CRITERE DERRICK la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la société NEW G COMPANY aux dépens ;
Vu les dernières écritures signifiées le 18 septembre 2006 par lesquelles la société NEW G COMPANY, poursuivant la réformation du jugement entrepris, demande à la Cour de :
- à titre principal
- dire qu'elle ne s'est pas rendue coupable de contrefaçon et de concurrence déloyale,
- débouter la société STOCK J.BOUTIQUE JENNYFER de l'ensemble de ses prétentions,
- à titre subsidiaire
- dire que la société STOCK J.BOUTIQUE JENNYFER ne rapporte nullement la preuve de l'exploitation du modèle prétendument contrefait et des préjudices allégués,
- dire qu'elle ne rapporte la preuve ni de la notoriété du modèle " TEAM 55 ", ni d'une atteinte à sa réputation ainsi qu'à celle du modèle,
- la débouter de l'ensemble de ses prétentions,
- condamner la société STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER à lui verser la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures signifiées le 27 juillet 2006 aux termes desquelles la société STOCK J.BOUTIQUE, exerçant sous l'enseigne JENNYFER, prie la Cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées à l'encontre de la société CRITERE DERRICK et sur le montant des dommages-intérêts et, le réformant sur ces points, de :
- dire que la société CRITERE DERRICK a commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale à son encontre,
- condamner la société CRITERE DERRICK à lui verser la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon et celle de 40.000 euros en réparation du préjudice né de la concurrence déloyale,
- condamner la société NEW G COMPANY à lui verser la somme de 80.000 euros au titre de la contrefaçon et celle de 80.000 euros au titre de la concurrence déloyale,
- ordonner l'insertion de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux de son choix, aux frais avancés solidairement par les sociétés CRITERE DERRICK et NEW G COMPANY, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 3.500 euros,
- condamner in solidum les sociétés CRITERE DERRICK et NEW G COMPANY à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les uniques conclusions signifiées le 11 septembre 2006 par lesquelles la société CRITERE DERRICK demande à la Cour de confirmer le jugement déféré et y ajoutant, de condamner la société STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER à lui verser la somme supplémentaire de 10.000 euros pour procédure abusive, celle de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et d'ordonner la publication du présent jugement dans trois journaux de son choix, aux frais avancés de la société STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER, sans que le coût de chacune des insertions ne puisse excéder la somme de 3.500 euros ;
Vu l'ordonnance de clôture du 18 septembre 2006 ;
Vu les conclusions de procédure signifiées le 20 septembre 2006 par lesquelles la société CRITERE DERRICK sollicite de la Cour la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi de la date des plaidoiries prévues le 20 septembre 2006 ;
Vu les écritures en réplique signifiées le 20 septembre 2006 aux termes desquelles la société STOCK J. BOUTIQUE s'oppose aux demandes de révocation de clôture et de renvoi des plaidoiries formées par la société CRITERE DERRICK ;
I - Sur la procédure
Considérant que la société CRITERE DERRICK communique, à l'appui de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, une plainte avec constitution de partie civile datée du 18 septembre 2006 ;
Mais considérant que la société CRITERE DERRICK ne justifie pas du dépôt de cette plainte entre les mains du doyen des juges d'instruction et, a fortiori, du versement de la consignation prévue par l'article 88 du Code de procédure pénale, qui seul emporte mise en oeuvre de l'action publique ;
Qu'en outre, elle ne démontre pas que les faits, objet de cette plainte, se sont révélés postérieurement au prononcé de la clôture de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'une cause grave au sens de l'article 784 du nouveau Code de procédure civile de nature à entraîner la révocation de l'ordonnance ;
Que sa demande sera donc rejetée ;
II - Sur la contrefaçon de modèle
Considérant que se prévalant de la titularité des droits d'auteur sur un modèle de tee-shirt qu'elle a déposé à l'INPI, sous enveloppe SOLEAU, le 23 avril 2002, enregistré sous le N° 131349, la société STOCK J. a fait dresser un procès-verbal de constat d'achat, le 18 avril 2003, dans les locaux d'un magasin à l'enseigne " DERRICK " situé dans la galerie commerciale du Grand Littoral à Marseille et, autorisée par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Bobigny, a fait pratiquer une saisie- contrefaçon, le 19 mai 2003, dans les locaux de la société NEW G COMPANY à Aubervilliers ; qu'au vu des renseignements ainsi recueillis, elle a assigné la société NEW G COMPANY et la société CRITERE DERRICK en contrefaçon de ce modèle et concurrence déloyale ;
Considérant que la société STOCK J. caractérise le modèle de tee-shirt dénommé " TEAM 55 " par la combinaison de :
- une encolure déforme rond, ornée d'un renfort surpiqué d'une largeur d'environ un centimètre,
- des manches raglan,
- un fond uni,
- deux bandes de couleur contrastant avec le fond, d'une largeur respective d'un centimètre environ, apposées sur chacune des épaules, partant de l'encolure jusqu'à l'extrémité de chaque manche et de façon à ce que l'une des bandes apparaisse sur la face avant du modèle et l'autre sur la face arrière,
- l'inscription des termes " TEAM 55 " dans le même coloris que les bandes, en lettres majuscules d'imprimerie. Le terme " TEAM " est placé au dessus du nombre " 55 ". Le terme " TEAM " est inscrit en police de hauteur d'environ 5,5 centimètres et le nombre " 55 " en police de hauteur d'environ 18 centimètres ;
Considérant que, contestant les faits de contrefaçon, les sociétés NEW G COMPANY et CRITERE DERRICK dénient, en premier lieu, toute originalité et nouveauté à ce modèle, relevant que le terme " TEAM " accolé à un nombre est banal dans l'univers de la mode " sportswear " ;
Mais considérant qu'elles ne produisent, à l'appui de leur affirmation, aucune antériorité de nature à détruire la nouveauté de ce modèle ;
Considérant que la société STOCK J. ne revendique pas la protection d'un modèle de tee- shirt reproduisant les inscriptions " TEAM 55 " mais d'une combinaison composée de la forme de l'encolure et des manches, de l'emplacement déterminé des bandes de couleur sur les épaules de manière à les faire apparaître sur les faces avant et arrière, du positionnement et de la taille de ces inscriptions ;
Que par la combinaison caractéristique de sa ligne et son graphisme, ce modèle est nouveau et revêt un caractère propre ; qu'il est donc protégeable au titre du livre V du Code de la propriété intellectuelle ;
Que si, comme le relèvent à juste titre les sociétés NEW G COMPANY et CRITERE DERRICK, la signification du terme " TEAM " est comprise, par le consommateur possédant des rudiments de la langue anglaise, la forme du tee-shirt, le positionnement des bandes et de la sérigraphie traduisent un effort créatif qui révèle l'empreinte de la personnalité de l'auteur de sorte que ce modèle est éligible à la protection instaurée par le livre I du Code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que la société NEW G COMPANY fait valoir, en deuxième lieu, qu'elle a fabriqué le modèle de tee-shirt incriminé, sous sa propre marque " MISS G ", à la demande de la société STOCK J. aux fins de les vendre sous cette marque dans les boutiques à l'enseigne " JENNYFER " ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que les sociétés NEW G COMPANY et STOCK J. entretenaient des relations commerciales, ainsi qu'en attestent les factures produites aux débats ;
Mais considérant qu'il ne ressort pas de l'examen de ces factures qui portent la seule mention " Maillot bicolore ", que la société NEW G COMPANY a fabriqué le modèle " TEAM 55 " pour le compte de la société STOCK J. ; que l'attestation établie par le commissaire aux comptes de la société STOCK J. à partir de la consultation du logiciel de commande de la société mentionne des commandes de tee-shirts revêtus de diverses sérigraphies, sans qu'apparaisse la dénomination " TEAM 55 " ;
Qu'en outre, la société NEW G COMPANY ne justifie pas avoir été autorisée par la société STOCK J. à apposer sa propre marque " MISS G " sur ce modèle de tee-shirt ;
Considérant que la société CRITERE DERRICK invoque sa bonne foi relevant que les modèles litigieux ont été achetés dans le cadre de relations commerciales normales et qu'elle n'a procédé à aucun changement sur cette marchandise ;
Mais considérant que la bonne foi est inopérante devant les juridictions civiles statuant en matière de contrefaçon ; qu'en tout état de cause, professionnel dans le domaine de la mode, la société CRITERE DERRICK qui distribue des vêtements " sportswear " et se prévaut d'une renommée nationale, avait l'obligation de s'assurer auprès de son fournisseur que les produits qui lui étaient proposés à la vente étaient libres de droits de propriété intellectuelle ; que ce moyen sera donc rejeté ;
Considérant que le constat d'achat dressé le 18 avril 2003 dans le magasin à l'enseigne " DERRICK " à Marseille et le procès-verbal de saisie-contrefaçon établi le 19 mai 2003 dans les locaux de la société NEW G COMPANY ont révélé que le tee-shirt fabriqué par la seconde et commercialisé par les deux sociétés sous la marque " MISS G " reproduit servilement les caractéristiques du modèle N° 131 349 sur lequel la société STOCK J. est investie des droits d'auteur ;
Que les faits de contrefaçon sont donc caractérisés ;
III - Sur la concurrence déloyale
Considérant que la société STOCK J. soutient qu'en s'accaparant le motif " TEAM 55 ", dont elle a fait un signe d'identification de ses produits et de ralliement de sa clientèle, les sociétés NEW G COMPANY et CRITERE DERRICK ont manqué à l'obligation de loyauté qui pèse sur elles en tant que commerçantes et se sont placées dans son sillage ;
Mais considérant que si les extraits de presse produits aux débats établissent que l'enseigne " JENNYFER " bénéficie d'une large connaissance chez les consommateurs adolescents, la société STOCK J. ne rapporte pas la preuve que le motif " TEAM 55 " identifie à lui seul ses produits aux yeux de cette clientèle, l'affichage de ce modèle sur le pignon d'un immeuble de la région parisienne entre le 1(er) octobre et le 31 décembre 2004, soit postérieurement aux actes de contrefaçon, étant insuffisant pour l'établir ;
Que le grief de concurrence déloyale doit donc être rejeté ;
IV - Sur les mesures réparatrices
Considérant que les premiers juges ont exactement apprécié l'atteinte portée à la valeur patrimoniale du modèle de tee-shirt dénommé " TEAM 55 " ensuite des actes de contrefaçon en allouant à la société STOCK J. une indemnité de 30.000 euros ; que les sociétés NEW G COMPANY et CRITERE DERRICK qui ont concouru à la réalisation du préjudice seront condamnées in solidum au paiement de cette somme ;
Considérant que la mesure d'interdiction prononcée par les premiers juges, nécessaire pour mettre un terme aux agissements illicites, doit être confirmée ;
Qu'il sera fait droit à la demande de publication selon les modalités précisées au dispositif ;
Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société STOCK J., la somme complémentaire de 10.000 euros devant lui être allouée à ce titre ;
Que la solution du litige commande de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société CRITERE DERRICK ainsi que celles fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile formée tant par cette dernière que par la société NEW G COMPANY ;
PAR CES MOTIFS
Déboute la société CRITERE DERRICK de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi des plaidoiries,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit original et nouveau le modèle de tee-shirt " TEAM 55 ", déclaré la société NEW G COMPANY coupable de contrefaçon de ce modèle, prononcé une mesure d'interdiction, fixé à la somme de 30.000 euros le montant des dommages-intérêts dus à la société STOCK J. en réparation des actes de contrefaçon, alloué à la société STOCK J. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que la société CRITERE DERRICK a commis des actes de contrefaçon du modèle de tee-shirt dénommé " TEAM 55 ",
Condamne la société CRITERE DERRICK in solidum avec la société NEW G COMPANY à verser à la société STOCK J. la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon,
Déboute la société STOCK J. de ses demandes au titre de la concurrence déloyale, Autorise la société STOCK J. à faire publier le dispositif du présent arrêt, en entier ou par extraits, dans 3 journaux ou revues de son choix, aux frais avancés in solidum par les sociétés NEW G COMPANY et CRITERE DERRICK, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 3.500 euros HT,
Déboute la société CRITERE DERRICK de sa demande de dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Déboute la société NEW G COMPANY de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne in solidum la société NEW G COMPANY et la société CRITERE DERRICK à verser à la société STOCK J. la somme complémentaire de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne in solidum la société NEW G COMPANY et la société CRITERE DERRICK aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.