ADLC, 14 août 2013, n° 13-DCC-110
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif par la société Tamweelview European Holdings d’actifs immobiliers détenus par la société Les Docks Lyonnais
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 23 juillet 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société Tamweelview European Holdings d’actifs immobiliers détenus par la société Les Docks Lyonnais SA, [confidentiel] ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Tamweelview European Holdings est une filiale à 100 % de l’Abu Dhabi Investment Authority (« ADIA »), elle-même détenue à 100 % par le gouvernement d’Abu Dhabi. ADIA possède un portefeuille d’investissement diversifié, notamment dans le secteur immobilier par l’intermédiaire de Tamweelview et d’une autre de ses filiales à 100 %, la société Imfra Immobilière France SASU. Cette dernière détient en France des actifs immobiliers à usage commercial et résidentiel situés [confidentiel] en Île-de-France. ADIA investit également dans le secteur immobilier français par l’intermédiaire de fonds d’investissement au sein desquels elle détient des participations minoritaires.
2. Les cibles sont constituées de […] actifs immobiliers à usage commercial et résidentiels1 situés [confidentiel]. Ces actifs, détenus directement et indirectement par la société Les Docks Lyonnais SA (« LDL »), sont loués à des entreprises commerciales ou des particuliers et génèrent des loyers à la date de l’opération.
3. L’opération notifiée, [confidentiel], consiste en l’acquisition directe de […] des actifs concernés et en l’acquisition de […] sociétés, filiales de LDL avant l’opération, qui détiennent certains des actifs cibles ([confidentiel]). A l’issue de l’opération Tamweelview détiendra le contrôle exclusif des actifs immobiliers cibles.
4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des actifs immobiliers et des sociétés cibles par ADIA, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (ADIA : plus de […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012 ; actifs cible : […] d’euros pour le même exercice). En France, ces deux entités ont réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (ADIA : plus de […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012 ; actifs cible : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES
6. L’opération entraîne un chevauchement d’activités sur certains marchés du secteur de l’immobilier.
7. Les autorités de concurrence nationales et européenne ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers2 selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés3), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activités4), et (iv) la nature des services ou biens offerts5.
8. Concernant la segmentation selon la nature des services ou des biens offerts, la pratique décisionnelle a envisagé une distinction entre :
(i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;
(ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;
(iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers ;
(iv) l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;
(v) l’expertise immobilière ;
(vi) le conseil immobilier ;
(vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières, activité au sein de laquelle il peut être distingué entre la vente et la location d’immeubles6.
9. En l’espèce, les parties sont simultanément présentes sur le marché de la détention et de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux à usage résidentiel.
10. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces segmentations à l’occasion de la présente opération.
B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS
11. La pratique décisionnelle7 considère que les marchés de services immobiliers à destination des particuliers sont généralement de dimension locale, sans que cette question ait été réellement tranchée. Elle a également envisagé une délimitation au niveau national pour les marchés des services immobiliers destinés aux entreprises lorsque les opérations d’investissement sont réalisées par de gros investisseurs8.
12. Les parties sont simultanément actives dans la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage professionnel en Île-de-France et dans la région Rhône-Alpes.
13. Pour la région Île-de-France, le ministre de l’économie a relevé que « la région parisienne possède des propriétés particulières de continuité des zones urbaines. En effet, il existe une vaste zone très urbanisée et homogène recouvrant la majeure partie de l’Île-de-France, desservie par un réseau global de transport ; les habitants sont toujours en mesure d’arbitrer entre différentes parties de la région. Cette substituabilité entraîne une convergence au niveau des prix. Dès lors le niveau régional est le plus approprié pour l’analyse concurrentielle »9. Par conséquent, au cas d’espèce, l’analyse sera conduite à l’échelle de la région Île-de-France.
14. L’opération entraîne également des chevauchements dans la région Rhône-Alpes, [confidentiel]. S’agissant de ces marchés, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional10. Au cas d’espèce, l’analyse sera donc conduite à l’échelle de la région Rhône-Alpes et à l’échelle du département du Rhône.
15. La question de la délimitation exacte des marchés pertinents peut toutefois être laissée ouverte à l’occasion de la présente décision, car les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelles que soient les délimitations retenues.
III. Analyse concurrentielle
16. L’opération entraîne des chevauchements d’activité sur le marché de la détention et de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre à usage de bureaux en Île-de-France et Rhône-Alpes, ainsi que sur le marché de la détention et de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre de locaux commerciaux et de locaux à usage résidentiel en Rhône-Alpes.
17. En région Île-de-France, la partie notifiante a estimé la taille du marché à environ 55,2 millions de m². ADIA gère […] m² de locaux à usage de bureaux dans cette région soit environ [0-5] % des surfaces. Avec […] m², la cible représente moins de [0-5] % des surfaces. La part de marché cumulée des parties restera donc très faible à l’issue de l’opération. En outre, la partie notifiante fera face, en Île-de-France, à la concurrence de nombreux opérateurs, et notamment les sociétés d’investissement immobilier comme Gecina, Silic, ou Klepierre.
18. En région Rhône-Alpes, s’agissant du marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux, la partie notifiante a estimé la taille du marché à 17,8 millions de m². La part de marché de l’entité issue de l’opération serait donc de l’ordre de [0-5] %.
19. En l’absence de données au niveau départemental, la partie notifiante a évalué sa part de marché sur la zone plus restreinte de Lyon et ses environs (zone dite du « Grand Lyon »). Elle estime la taille du marché de la gestion pour compte d’actif immobiliers à usage de bureaux sur cette zone à environ 5,47 millions de m². ADIA y gère […] m² de locaux à usage de bureaux, soit moins de [0-5] % des surfaces. Avec une surface de […] m². a part de marché de la cible s’élève à [0-5] %, soit environ [0-5] % de parts de marché cumulée pour les parties.
20. En ce qui concerne le marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage commerciaux, la partie notifiante a estimé la taille du marché dans le Grand Lyon à environ 1,6 million m². ADIA et la cible y gèrent respectivement une surface équivalente (d’environ […] m²) représentant une part de marché cumulée d’un peu plus de [0-5] %.
21. Enfin, en ce qui concerne le marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage résidentiel, la cible ne gère que […] m² de surface dans cette région, contre […] m² pour ADIA.
22. Par conséquent, la présente opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés concernés de la détention et de la gestion pour compte propre à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux à usage résidentiel.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 13-113 est autorisée.
NOTES :
1 Les actifs cible sont des bureaux, des commerces en pieds d’immeubles, des locaux industriels et des immeubles résidentiels.
2 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-178 du 13 décembre 2011 relative à la prise de contrôle de la conjoint par la Caisse des Dépôts et Consignations et CNP Assurances de la société Malthazar SA ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-112 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint par Prédica et Altaréa de la société Alta Marigny Carré de Soi ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 du 29 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Icade S.A. de la Compagnie la Lucette S.A ; la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-79 du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier BOCCRF N° 8 bis du 23 octobre 2008 ; la décision de la Commission européenne du 9 mars 2004, n° COMP/M.3370, BNP Paribas / ARI.
3 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2002-112 du 8 novembre 2002 aux conseils de la société Gecina relative à une concentration dans le secteur des actifs immobiliers, BOCCRF n° 2003-11.
4 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2003-66 du 17 avril 2003 aux conseils de la société CBRE Holding Inc. relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers, BOCCRF n° 2003-11.
5 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-126 du 25 janvier 2006 aux conseils de la société Perexia relative à une concentration dans le secteur des services immobilier, BOCCRF n° 2006-06 ; décision de la Commission européenne COMP/M.3370 précitée.
6 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-126 précitée.
7 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°12-DCC-18 du 13 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société immobilière de location pour l’industrie et le commerce par la société Icade ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 du 29 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Icade S.A. de la Compagnie la Lucette S.A.
8 Voir notamment la décision 09-DCC-16 du 22 juin 2009 de l’Autorité de la concurrence relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Epargne et Banque Populaire.
9 Décision C2006-151du ministre de l’économie SNI / EFIDIS du 10 janvier 2007.
10 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-157 du 15 novembre 2012 relative à la prise de contrôle conjoint d’une société civile immobilière pour la détention d‘un immeuble de bureaux situé à Lyon par les sociétés Prédica et la Caisse des Dépôts et Consignations.