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Décisions

ADLC, 8 août 2013, n° 13-DCC-111

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la fusion par absorption de Mutuelle Nationale MCD par Eovi Mutuelle

ADLC n° 13-DCC-111

7 août 2013

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 10 juillet 2013, relatif à une opération de fusion par absorption de Mutuelle Nationale MCD par Eovi Mutuelle, formalisée par une convention de fusion en date du 16 mai 2013 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées

1. Eovi Mutuelle (ci-après « Eovi ») est une mutuelle régie par les dispositions du code de la mutualité et notamment son livre II. Elle est principalement active dans le domaine de la couverture de risques liés à l’accident (branche 1), à la maladie (branche 2), au décès (branche 20) et à la nuptialité-natalité (branche 21). Eovi est également active dans le secteur de la distribution de produits d’assurance pour compte de tiers. De plus, Eovi contrôle1 trois unions de mutuelles relevant du Livre III du code de la mutualité : Eovi Services et Soins, Eovi Services et Soins – UGEF et Eovi Réalisations Mutualistes. Ces unions de mutuelles gèrent des réseaux de services et de soins comprenant notamment des cabinets dentaires, des centres optiques, des centres d’audition, ainsi que des établissements d’hébergement de personnes handicapées et de personnes âgées (EHPAD).

2. Mutuelle Nationale MCD (ci-après « MCD ») est une mutuelle régie par les dispositions du livre II du code de la mutualité, active dans le domaine de la couverture de risques liés à l’accident (branche 1), à la maladie (branche 2), au décès (branche 20) et à la nuptialité-natalité (branche 21). MCD est également active dans le secteur de la distribution de produits d’assurance pour compte de tiers. De plus, MCD contrôle2 Adret, une mutuelle* relevant du livre III du code de la mutualité, qui a pour activité l’exploitation d’un EHPAD situé à Bellegarde-en-Forez (42).

3. Aux termes du traité de fusion signé le 16 mai 2013 par Eovi et MCD, approuvé par l’Assemblée générale d’Eovi du 15 juin 2013 et par l’Assemblée générale de MCD du 13 juin 2013, l’opération consiste en la transmission par MCD de l’ensemble des éléments de son patrimoine à Eovi, suivie de la dissolution de MCD.

4. En ce qu’elle se traduit par la fusion-absorption de MCD par Eovi, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total hors taxes sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Eovi3 : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012 et MCD : […] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Eovi4 : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012 et MCD : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans les secteurs de l’assurance et de l’hébergement de personnes âgées dépendantes.

7. S’agissant de cette dernière activité, la pratique décisionnelle5 a considéré que les marchés de l’hébergement de personnes âgées dépendantes avaient pour l’ensemble du territoire hors région parisienne une dimension locale, en l’occurrence départementale. Les parties exerçant leurs activités dans des départements différents, ces marchés ne feront pas l’objet d’un développement spécifique.

8. S’agissant du secteur de l’assurance, les autorités nationales et européenne de concurrence6 distinguent les marchés de l’assurance de personnes, de l’assurance dommages et de la réassurance. En ce qui concerne les deux premières catégories de produits, les autorités de concurrence ont estimé qu’elles peuvent être segmentées en autant de marchés qu’il existe d’assurances couvrant les différents types de risques, dans la mesure où, du point de vue de la demande, les assurances couvrant ces risques différents ne sont pas substituables7.

9. Au cas d’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur de l’assurance de personnes sur les marchés de l’assurance complémentaire santé, sur les marchés de la prévoyance et sur le marché de la distribution d’assurance pour compte de tiers.

 

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS D’ASSURANCE DE PERSONNES

10. Concernant le marché des assurances de personnes, la pratique décisionnelle8 a considéré qu’une segmentation supplémentaire peut être opérée entre les contrats d’assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d’assurance individuelle où le souscripteur est également le bénéficiaire.

11. Au cas d’espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de l’assurance santé complémentaire individuelle et collective et sur les marchés de la prévoyance individuelle et collective.

12. La définition exacte de chacun des marchés examinés dans la présente décision peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées quelles que soient les segmentations retenues.

13. S’agissant de la délimitation géographique des marchés, à l’exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, la pratique décisionnelle9 a considéré que les marchés de produits d’assurance sont de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de la structure actuelle de ces marchés, de l’existence de législations, de systèmes de régulation sectorielle et de contraintes fiscales nationales.

14. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente opération.

 

B. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D’ASSURANCE POUR COMPTE DE TIERS

15. La distribution de produits d’assurance consiste à commercialiser et assurer la gestion administrative des garanties ou contrats d’assurance dont le risque est porté par des assureurs tiers10. Les autorités de concurrence, tant européenne que nationales, ont laissé ouverte la question de la délimitation précise des marchés dans ce secteur, plusieurs segmentations étant envisagées11.

16. Un marché large de la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires indépendants, comprenant tous les canaux de distribution (agents, courtiers, et autres intermédiaires dont les banques), à l'exception toutefois de la distribution directe par les compagnies d'assurance, a ainsi été identifié par la pratique décisionnelle12. Un marché limité au courtage d’assurance et comprenant ce seul canal de distribution a été également envisagé.

17. Les marchés de la distribution de produits d’assurance peuvent également être segmentés en fonction de la catégorie de risques assurés (assurance de dommages et assurance de personnes) et selon la clientèle (entreprises ou particuliers).

18. Au cas d’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives sur les marchés de la distribution pour le compte de tiers de garanties de prévoyance et d’assurance dépendance :

- le marché de la prévoyance regroupe les produits d’assurance destinés à couvrir les bénéficiaires contre une perte de revenu en cas d’accident, de décès, de longue maladie, d’invalidité, d’incapacité ou de perte d’emploi au moyen du versement d’une indemnité sous la forme d’un capital ou d’une rente. Le risque couvert est celui d’une perte de revenu imprévisible subie par le bénéficiaire ou ses ayants droit. Il peut s’agir soit de contrats d’assurance collective soit de contrats d’assurance individuelle ;

- le marché de l’assurance dépendance regroupe les garanties visant à verser une prestation, sous forme de capital ou de rente, au bénéficiaire en cas de perte d’autonomie totale ou partielle, permanente ou temporaire. Il peut s’agir soit de contrats d’assurance collective, soit de contrats d’assurance individuelle.

19. S’agissant de leurs délimitations géographiques, les marchés de la distribution de produits d’assurance ont été considérés pour l’essentiel comme étant de dimension nationale.

20. La question de la délimitation exacte des marchés de la distribution de produits d’assurance peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle restent inchangées.

 

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS D’ASSURANCE DE PERSONNES

21. Les parts de marché des parties sur les marchés où leurs activités se chevauchent sont reproduites dans le tableau ci-dessous :

TABLEAU.png

22. Sur les deux marchés de l’assurance complémentaire santé, à l’issue de l’opération, Eovi restera confrontée à la concurrence d’opérateurs puissants tels que Malakoff-Médéric, Axa, Harmonie Mutuelles, Humanis ou AG2R pour les contrats collectifs, et tels que MGEN, Groupama, Harmonies Mutuelles, Covéa et Swiss Life pour les contrats individuels.

23. Sur les marchés de la prévoyance, les parties sont également confrontées à la concurrence d’importants concurrents tels qu’Axa, Malakoff-Médéric, Groupama, Allianz ou AG2R.

24. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés d’assurances de personnes.

B. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D’ASSURANCE POUR COMPTE DE TIERS

25. La distribution de produits d’assurance pour compte de tiers représente une part marginale de l’activité des mutuelles concernées par l’opération.

26. Leur part de marché cumulée sur le marché de la distribution pour compte de tiers de produits de prévoyance comme sur le marché de la distribution pour compte de tiers de produits d’assurance dépendance est inférieure à [0-5] %.

27. En conséquence, l’opération ne portera pas atteinte à la concurrence sur les marchés de la distribution de produits d’assurance pour compte de tiers.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 13-087 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-117 du 26 juillet 2011 relative à la fusion par absorption d’Eovi Mutuelle creusoise, Eovi Mutuelle du Limousin, Eovi la Mif, Eovi Roanne Mutuelle, Eovi Mutuelles Présence, Eovi Mutuelle Drôme Arpica par Eovi Novalia Mutuelle et à l’apport de portefeuille d’Eovi Languedoc Mutualité, union de mutuelles, à Eovi Novalia Mutuelle. Eovi détient en effet la capacité de nommer plus de la moitié des membres de l’assemblée générale et de leur conseil d’administration de ces unions de mutuelles et donc d’exercer une influence déterminante sur leurs décisions stratégiques au vu des conditions de majorité requises.

2Adret est financée par MCD, conformément aux dispositions de l’article 65 des statuts de cette dernière. De plus, l’article 1 des statuts d’Adret prévoit que la gestion d’Adret est confiée à MCD en vertu d’une convention conclue entre les deux organismes.

3 Eovi et les trois unions de mutuelle qu’elle contrôle (Eovi Services et Soins, Eovi Services et Soins – UGEF, et Eovi Réalisations Mutualistes).

4 Eovi et les trois unions de mutuelle qu’elle contrôle.

5 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-179 du 13 décembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Mediter et Mieux-Vivre par la société Orpéa, et n°10-DCC-132 du 11 octobre 2010 relative à la création de deux entreprises communes par DomusVi et GDP Vendôme.

* Rectification d’erreur matérielle.

6 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.4284 Axa/Winterthur du 28 août 2006 ; et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-52 du 2 juin 2010 et n° 13-DCC-73 du 26 juin 2013 relative à la constitution par les mutuelles Harmonie Mutuelle, Mutuelle Nationale de l'Aviation Marine, Mutuelle SMAR, Mutuelle de Mare Gaillard et La France Mutualiste d'une Union Mutualiste de Groupe « Groupe Harmonie » contrôlée exclusivement par Harmonie Mutuelle.

7 Voir la décision de la Commission européenne n°COMP/M.4284 et la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-73 du 26 juin 2013 précitées.

8 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 7 avril 2003 au président-directeur général de la société d’assurance La Mondiale et au délégué général de l’institution de prévoyance AG2R Prévoyance et la décision n°12-DCC-181 du 27 décembre 2012 relative à l’affiliation de la Mutuelle Générale de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (MGEFI) à l’union mutualiste de groupe Istya.

9 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-52 précitée.

10 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie C2008-77 du 28 octobre 2008 aux conseils de la société Mutuelle Harmonie Mutualité et la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-138 du 19 octobre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de MFPrévoyance par CNP assurances.

11 Voir notamment la lettre du ministre C2008-77 précitée et la décision de l’Autorité n°10-DCC-138 précitée.

12 Voir notamment la décision n° 11-DCC-117 précitée.