ADLC, 29 août 2013, n° 13-DCC-117
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle conjoint de la société Montebourg Distribution par les consorts [X] et ITM Entreprises
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 1er août 2013, relatif à la prise de contrôle conjoint de la société Montebourg Distribution par les consorts [X] et la société ITM Entreprise, formalisée par une promesse synallagmatique de cession signée le 30 juillet 2013 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La société ITM Entreprises (ci-après « ITM »), contrôlée à 100 % par la société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 403 personnes physiques dits « adhérents associés », conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de « Groupement des Mousquetaires ». En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l’animation d’un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Poivre Rouge, Bricomarché, et Roady. Cette gestion s’effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d’enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, elle offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d’approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales, mais également des fournisseurs référencés extérieurs au « Groupement des Mousquetaires ».
2. Les consorts [X] contrôlent plusieurs sociétés qui exploitent de point de vente à dominante alimentaire : la société Cafico qui exploite un point de vente sous enseigne Intermarché situé à Quettehou (50), la société Kettou qui exploite un point de vente sous enseigne Netto situé à Quettehou (50), la société Cobeval qui exploite un point de vente sous enseigne Intermarché situé à Valognes (50), la société Davial qui exploite un point de vente sous enseigne Intermarché situé à Carentan (50) et la société Somatur qui exploite un point de vente sous enseigne Intermarché situé à Montebourg (50).
3. La société Montebourg Distribution SAS est une société anonyme française qui exploite un commerce de distribution à dominante alimentaire d’une superficie de 1 000 m² sous l’enseigne System U situé à Montebourg (50). Elle est actuellement contrôlée par la société Le Marché, elle-même détenue par les consorts [Y].
4. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par ITM Entreprises et les consorts [X] du contrôle conjoint de la société Montebourg Distribution. Par une promesse synallagmatique de cession signée le 30 juillet 2013, les consorts [Y] se sont engagés à céder leurs parts à la société L’Immobilière européenne des mousquetaires. Un projet de pacte d’actionnaire, attesté par acte d’avocat en date du 31 juillet 2013, prévoit par ailleurs que la société ITM Alimentaire Ouest se substituera à la société L’Immobilière européenne des mousquetaires puis revendra concomitamment […] % du capital social aux consorts [X]. A l'issue de l'opération, la société Montebourg Distribution sera détenue à […] % par les consorts [X], ITM Alimentaire Ouest conservant […] % du capital et ITM Entreprises détenant une action de préférence lui conférant un contrôle conjoint. En effet, les statuts de la société Montebourg Distribution confèreront à ITM Entreprises, pendant une durée de 15 ans à compter de l’acquisition des actions par l’associé majoritaire, le droit de s’opposer à tout changement d’enseigne (articles 19.1.1 et 18.1.2 des statuts). ITM Entreprises sera également en mesure de bloquer toute mutation d’actions et d’obliger les associés propriétaires d’actions ordinaires à céder leurs actions en cas de modification de leur contrôle ou dès l’instant où ils exploiteraient un fonds de commerce similaire sous une enseigne concurrente (article 11.1 des statuts). Après 15 ans, si ITM Entreprises n’a plus la possibilité de bloquer tout changement d’enseigne ou de s’opposer à toute mutation d’actions, elle conserve un droit de préférence sur toute vente de titres pendant 5 années supplémentaires (article 11.2 des statuts). En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de la société Montebourg Distribution par ITM Entreprise et les consorts [X], l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées exploitent plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (ITM : […] d’euros de chiffre d’affaires mondial pour l’exercice 2011 ; Consorts [X] : […] d’euros de chiffre d’affaires cumulé pour l’exercice 2012 ; Montebourg Distribution : […] euros de chiffre d’affaires pour le même exercice). Les entreprises concernées réalisent en France dans le secteur du commerce de détail un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (ITM : […] d’euros en France pour l’exercice 2011 ; les consorts [X] et l’entreprise cible réalisant l’intégralité de leur chiffres d’affaires en France). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s’agit, d’une part, des marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
7. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
8. Les supermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m².
9. En l’espèce, la société Montebourg Distribution exploite un point de commerce de distribution à dominante alimentaire d’une superficie de 1 000 m². Il entre donc dans la catégorie des supermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
10. Dans ses décisions récentes relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l’Autorité de la concurrence a rappelé qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s’apprécier sur deux zones différentes :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.
11. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
12. En l’espèce, le magasin concerné entrant dans la catégorie des supermarchés, l’analyse concurrentielle sera menée sur le seul marché incluant les supermarchés, hypermarchés et commerces de proximité et discompteurs situés dans un rayon de 15 minutes autour de Montebourg (50).
B. MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
13. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales.
14. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION A DOMINATION ALIMENTAIRE
15. Sur le marché comprenant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour de Montebourg, le magasin sous l’enseigne Intermarché représentera [5-10] % des surfaces de vente. Les consorts [X] exploitent dans cette zone un autre supermarché, exploité sous l’enseigne Intermarché, qui représente [20-30] % des surfaces de vente. La part de marché d’ITM à l’issue de l’opération s’élèvera donc à [30-40] %. Les concurrents d’ITM sur cette zone sont System U qui détiendra une part de marché de [20-30] %, le Groupe Carrefour ([10-20] %) et Lidl ([5-10] %).
16. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché en cause.
B. MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
17. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement il convient d’indiquer que l’opération est limitée à un magasin qui ne représentera qu’une partie marginale du chiffre d’affaires réalisé par le groupe ITM en France. L’acquisition n’est donc pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat du groupe ITM, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.
18. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché amont de la distribution.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 13-130 est autorisée.