CA Angers, 1re ch. A, 11 février 2010, n° 08/01369
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ollier
Défendeur :
Axa France Iard (SA), Rapido (SAS), Comelec-Anjou (SARL), Serma Maine Anjou (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Verdun
Conseillers :
Mme Rauline, Mme Lecaplain-Morel
Avoués :
SCP Chatteleyn et George, SCP Gontier-Langlois, SCP Dufourgburg-Guillot, SCP Deltombe et Notte
Avocats :
Me Beucher, Me Delafond, Me Delalande, Me Mouliere
FAITS ET PROCEDURE
La SAS RAPIDO, spécialisée dans la fabrication de camping-cars, a souhaité optimiser ses lignes de montage en se dotant, notamment, de postes fixes de pose de toiture, réglables en hauteur pour permettre l'engagement puis le dégagement des véhicules. Le développement du projet a été confié à Robert Ollier, qui exerçait une activité d'organisation et d'ingénierie de production, sous l'enseigne cabinet Orga Techni Ouest.
Le 2 mai 2003, ce dernier a établi un cahier des charges prévoyant la création d'une plate-forme de montage mécano-soudée, réglable semi- automatiquement en hauteur, et comportant outre une structure mobile composée de deux passerelles fixées longitudinales et de deux passerelles mobiles transversales, 4 mâts de levage et 4 moto-réducteurs destinés à assurer le réglage en hauteur de la plate-forme. Le coût de fabrication et d'installation de ces équipements industriels était arrêté, après négociation, à la somme de 75 000 € HT, pour deux postes de montage.
La SAS RAPIDO ayant accepté ce cahier des charges le 22 mai, les postes étaient mis en fabrication entre mai et août 2003, Robert Ollier confiant la fabrication des structures à la SARL SERMA Maine Anjou et la mise en oeuvre de la partie électrique à la SA COMELEC-Anjou.
Les plateformes ont été installées sur le site de production et réglées par le cabinet Orga Techni Ouest, qui les a soumises au contrôle de conformité aux règles CE touchant à la sécurité des travailleurs. La SOCOTEC, chargée de ce contrôle, relevait plusieurs défauts de conformité en termes de manoeuvre de la machine, d'accessibilité et de risque de chute. Il était remédié à ces non-conformités, mais il s'avérait que les postes de montage livrés ne répondaient pas aux prescriptions du cahier des charges, la largeur de passage ne permettant pas le dégagement des véhicules une fois le montage du toit réalisé.
Les équipements livrés faisaient encore l'objet de modifications :
- structurelles, afin de remédier à un sous-dimensionnement de la largeur de passage des véhicules ; ces travaux étaient confiés à la SARL SERMA Maine Anjou, qui les sous-traitait aux établissements PERCHAPPE,
- fonctionnelles, afin de remédier à une différence de rythme d'élévation des passerelles mobiles ; les travaux préconisés par le cabinet Orga Techni Ouest était réalisés par la SA COMELEC-Anjou le 6 février 2004.
Lors des essais consécutifs à cette dernière intervention, l'une des passerelles mobiles a chuté sur le camping-car en place sur le poste de travail.
Les interventions du cabinet Orga Techni Ouest et de l'organisme de contrôle technique APAVE n'ayant pas permis de remédier aux dysfonctionnements du système d'élévation des passerelles, la SAS RAPIDO a fait assigner le concepteur des équipements en référé-expertise. Au cours des opérations d'expertise, étendues aux fabricants et sous-traitants, un autre incident s'est produit sur la seconde plate-forme, le 14 mai 2005, la passerelle mobile s'étant décrochée brutalement en cours d'élévation, pour s'immobiliser de travers entre les 4 colonnes sous l'effet du frein de secours. L'expert a poursuivi sa mission et déposé son rapport le 29 juillet 2005.
Par acte d'huissier de justice en date du 26 janvier 2006, la SAS RAPIDO a fait assigner Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest, en résolution de la vente des équipements, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, sollicitant en outre l'octroi de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices économiques et financiers nés de la désorganisation de sa production.
Par un jugement en date du 28 avril 2008, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance de LAVAL a, après jonction de cette procédure aux appels en garantie diligentés à l'encontre de la SA COMELEC-Anjou, de la SARL SERMA Maine Anjou, de Philippe PERCHAPPE et de l'assureur de ce dernier, la MAAF :
• prononcé la résolution pour vice caché de la vente conclue le 22 mai 2003 entre Robert Ollier et la SAS RAPIDO,
• condamné Robert Ollier à restituer à la SAS RAPIDO la somme de 71 250 € et celle-ci à restituer à Robert Ollier les deux passerelles,
• condamné Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest à payer :
1 - à la SAS RAPIDO la somme de 15 375,90 € à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de procédure de 2000 €,
2 - à la SA AXA France IARD, intervenant volontaire en sa qualité d'assureur de dommages de la SAS RAPIDO, la somme de 12 828,10 €, correspondant à l'indemnité d'assurance versée à son assurée, ainsi qu'une indemnité de procédure de 500 €,
' débouté la SAS RAPIDO du surplus de ses demandes,
' débouté Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest de ses demandes reconventionnelles en paiement du solde de ses factures,
• débouté Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest de ses appels en garantie dirigés contre la SA COMELEC-Anjou et la SARL SERMA Maine Anjou,
' déclaré sans objet l'appel en garantie formé par la SARL SERMA Maine Anjou contre son sous-traitant, Philippe PERCHAPPE, la condamnant à lui verser une indemnité de procédure de 900 €,
' condamné Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest à payer à la SARL SERMA Maine Anjou une indemnité de procédure de 750 €,
• condamné Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest aux entiers dépens, hormis ceux afférents à la mise en cause de Philippe PERCHAPPE, laissés à la charge de la SARL SERMA Maine Anjou.
Robert Ollier a relevé appel de cette décision, par déclaration du 11 juin 2008, en intimant outre la SAS RAPIDO et son assureur, la SA COMELEC-Anjou et la SARL SERMA Maine Anjou.
Les parties ont constitué avoué et conclu, la SAS RAPIDO formant un appel incident sur le montant des dommages et intérêts et la SARL SERMA Maine Anjou sur la charge des dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 septembre 2009.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions déposées par Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest, le 7 septembre 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles il demande à la cour :
• d'infirmer le jugement déféré, en ce qu'il a qualifié le contrat conclu entre lui et la SAS RAPIDO de contrat de vente, alors qu'il s'agissait d'un contrat d'entreprise, étranger à la garantie des vices cachés,
• de débouter la SAS RAPIDO de son action en résolution du contrat, quel qu'en soit le fondement, et de l'ensemble de ses demandes, y compris en restitution du prix dont le corrélat, la restitution des passerelles, est inexécutable puisqu'il n'a fourni que la conception de l'équipement et du process et non ses éléments structurels,
• subsidiairement, de ne le condamner qu'à indemniser son contractant de l'inexécution fautif du contrat, et de condamner la SAS RAPIDO à lui régler le solde de ses prestations, soit la somme de 4 485 € TTC,
• de condamner la SA COMELEC-Anjou et la SARL SERMA Maine Anjou à le garantir in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, de l'intégralité ou de la plus grande part des condamnations prononcées contre lui à raison de leurs fautes d'exécution,
• dans l'hypothèse d'une confirmation sur les restitutions, de dire que celle du prix ne peut avoir lieu qu'en contrepartie de la restitution corrélative du matériel en l'état où il était lors de sa livraison,
• de condamner in solidum, ou les unes à défaut des autres, la SAS RAPIDO, la SA AXA France IARD, la SARL SERMA Maine Anjou et la SA COMELEC-Anjou à lui payer une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
• de les condamner aux entiers dépens de première instance, en ce compris tous frais de référé et d'expertise, ainsi qu'à ceux d'appel.
* * *
Vu les dernières conclusions déposées par la SAS RAPIDO, le 12 juin 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles elle sollicite :
• le rejet de l'appel principal et la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat portant sur la fourniture des deux passerelles, fut-ce par substitution de motifs, sur le fondement de l'article 1184 du Code civil,
• l'infirmation du jugement, sur son appel incident, et l'octroi d'une somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires, en réparation des troubles apportés à l'exercice de son activité par les deux passerelles inaptes à l'usage auquel elles étaient destinées,
• l'allocation d'une indemnité de procédure de 3 000 € en cause d'appel,
• la condamnation de Robert Ollier aux entiers dépens d'appel.
* * *
Vu les dernières conclusions déposées par la SA AXA France IARD, le 3 mars 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles elle demande, après avoir donné adjonction pleine et entière aux conclusions de son assurée :
• la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Robert Ollier à lui rembourser l'indemnité d'assurance qu'elle a réglé à son assurée, la SAS RAPIDO,
• la condamnation de Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest à lui verser une indemnité de 2 000 €, par application de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel,
• sa condamnation aux entiers dépens d'appel.
* * *
Vu les dernières conclusions déposées par la SA COMELEC-Anjou, le 11 juin 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles elle sollicite :
• la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest de son appel en garantie,
• la condamnation de l'appelant principal à lui verser une indemnité de 3 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
• sa condamnation aux entiers dépens d'appel.
* * *
Vu les dernières conclusions déposées par la SARL SERMA Maine Anjou, le 10 juillet 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles elle demande :
• la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest de son appel en garantie, au constat que l'ensemble des dysfonctionnements rédhibitoires relevés par l'expert résultent exclusivement de la conception des équipements et non de la structure mécano-soudée dont elle a assuré l'exécution,
• l'infirmation du jugement en ce qu'il a laissé à sa charge les frais inhérents à la mise en cause de son sous-traitant, Philippe PERCHAPPE et de son assureur, la MAAF,
• la condamnation de l'appelant principal à assumer la charge des dépens inhérents aux appels en garantie tant primaires que consécutifs, et à la relever indemne des frais irrépétibles de première instance accordées à ses appelés en garantie,
• la condamnation de Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest, à lui verser une indemnité de 3 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel,
• sa condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel.
* * *
MOTIFS DE LA DECISION
I) Sur l'action principale de la SAS RAPIDO
Attendu que, dans les rapports entre la SAS RAPIDO et le cabinet d'ingénierie, le tribunal a fait application des actions rédhibitoire et indemnitaire prévues aux articles 1644 et 1645 du Code civil , admettant ainsi, implicitement mais nécessairement, que le contrat passé entre eux revêtait les caractères d'une vente, et les erreurs de conception affectant les plates-formes livrées ceux d'un vice caché ; que Robert Ollier conteste ces qualifications, estimant que la convention litigieuse était un contrat de louage d'ouvrage, exclu du régime de la garantie des vices cachés tandis que la SAS RAPIDO soutient qu'il s'agirait bien d'une vente, et en toute hypothèse, d'un contrat synallagmatique qui peut être résolu en application de l'article 1184 du Code civil ce qui rendrait le moyen inopérant ;
Mais attendu que la cour ne peut s'abstenir de donner son exacte qualification au contrat dont l'inexécution est invoquée, puisqu'elle détermine les conditions de sa résiliation et le régime de la responsabilité civile de Robert Ollier ; que, de même, le tribunal ne pouvait s'abstenir de vérifier, fut-ce d'office, la pertinence de la qualification des faits et des actes que les parties lui proposaient, l'article 12, alinéa 2, du Code de procédure civile lui en faisant l'obligation ;
Attendu qu'il apparaît à la lecture des pièces contractuelles produites aux débats que la commande portait sur des postes fixes de pose de toiture de camping-car, destinés à s'intégrer dans la chaîne de montage des sites de production de la SAS RAPIDO et à répondre à des exigences techniques et logistiques spécifiques, exprimés par la cliente dans un cahier des charges précis ; que la prestation de Robert Ollier, spécialisé en ingénierie de production, ne se limitait pas à la livraison d'une chose déterminée à l'avance, susceptible d'être fournie à la SAS RAPIDO comme à d'autres, mais s'étendait à la conception, la fabrication, l'installation et les réglages des équipements industriels livrés en contrepartie du prix ;
Qu'or, il est acquis qu'un tel contrat, portant sur un travail spécifique de conception et de fabrication d'un équipement industriel destiné à répondre aux besoins particuliers du client, est un contrat d'entreprise et non une vente (Civ. 1ère, 14 décembre 1999, B. 340 ; 7 novembre 2006, B. 215) ; que c'est donc à tort que le tribunal a fait application de la garantie des vices cachés, régime de responsabilité inapplicable au locateur d'ouvrage, et que l'appelant est fondé à demander la requalification de l'action diligentée par la SAS RAPIDO, laquelle ne peut s'appuyer que sur les articles 1787 et suivants du Code civil ;
Attendu que les entreprises qui ont été chargées de fabriquer les structures et équipements électriques des plateformes de montage ont facturé leurs prestations au cabinet Orga Techni Ouest ; qu'il s'en déduit que, dans ses rapports avec le donneur d'ordre, le cabinet d'ingénierie fournissait non seulement les prestations de conception et de maîtrise d'oeuvre des postes de montage prototypes, mais encore la matière nécessaire à leur réalisation, c'est-à-dire l'ensemble des structures mécano-soudées, en leurs parties fixes et mobiles, avec leurs organes de mobilité ;
Que cette hypothèse relève du champ d'application de l'article 1788 du Code civil, de sorte que si l'ouvrage vient à périr avant sa réception par le client, la perte est supportée par le locateur d'ouvrage qui a conservé la charge des risques de la chose ;
Attendu qu'il ressort clairement du rapport d'expertise que les deux plateformes se sont effondrées :
- pour l'une pendant la période d'essai consécutive aux travaux de restructuration nécessaires pour remédier au sous-dimensionnement de l'espace nécessaire à la sortie des camping-cars une fois le toit posé,
- pour l'autre, pendant la période de réglage des dysfonctionnements du système d'élévation des passerelles mobiles lesquelles, du fait de l'absence de synchronisation mécanique des moto-réducteurs, s'élevaient et d'abaissaient de manière anarchique et dissociée, entraînant des contraintes au niveau de colonnes fixes et une usure prématurée des dents des crémaillères ;
Que les sinistres se sont donc produits sans que les ouvrages aient jamais été réceptionnés par la SAS RAPIDO, en raison des malfaçons ou dysfonctionnements graves dont ils étaient affectés ;
Que l'expert a également indiqué que les équipements litigieux étaient économiquement irréparables, ce qui permet de les considérer comme perdus, au sens de l'article 1788 du Code civil ; que cette perte étant intervenue avant réception, reste à la charge de Robert Ollier, par application de ce texte ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a résilié le contrat aux torts de ce dernier, et l'a condamné à reprendre les équipements démontés, et à indemniser son client de l'ensemble des manques à gagner induit par la livraison d'équipements non conformes aux prescriptions du cahier des charges et inadaptés à l'usage auquel ils étaient destinés ;
Que, pour ces mêmes motifs, et sur le fondement du même texte, Robert Ollier ne peut prétendre au paiement des travaux qu'il a effectué ; que c'est donc à bon droit que le tribunal l'a condamné à restituer les sommes qu’il avait perçues, et rejeté sa demande reconventionnelle en paiement du solde de ses factures ;
* * *
Attendu que la SAS RAPIDO est appelante incidente du chef des dommages et intérêts et sollicite l'octroi d'une somme complémentaire de 6 000 € en réparation de la désorganisation de sa production qu'aurait généré ce sinistre industriel ;
Mais attendu que l'expert a clairement exclu toute désorganisation durable dans le processus de production de la chaîne de montage des campings car, ne chiffrant que les pertes économiques engendrées par le temps de démontage et d'évacuation des passerelles, la location d'échafaudage de remplacement, puis la fabrication de nouveaux échafaudages, et divers préjudices consécutifs sur lesquels il s'est expliqué ; que le tribunal, qui a suivi l'avis de l'expert, a fait une juste appréciation du préjudice indemnisable ; qu'il n'y a donc pas lieu d'accueillir la demande présentée au titre d'un trouble apportée à l'exploitation de l'entreprise, laquelle ne produit aucun document comptable démontrant l'existence d'une perte de production significative ;
Attendu que le jugement sera donc confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a statué sur l'action principale de la SAS RAPIDO ;
II) Sur les appels en garantie formés par le cabinet d'ingénierie
Attendu que Robert Ollier conteste également le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses appels en garantie contre les entreprises qu'il avait chargées de fabriquer les plates-formes ;
qu'il soutient, à cette fin, que :
- la SARL SERMA Maine Anjou verrait sa responsabilité engagée à raison :
1 - des défauts rédhibitoires des soudures de liaison réalisées sur les longerons de la structure, défauts signalés par le rapport de contrôle de l'APAVE,
2 - d'un défaut d'alignement constructif de la structure mobile par rapport aux colonnes fixes, défaut qui, selon l'expert, serait à l'origine des deux sinistres provoqués par la sortie des pignons des dents des crémaillères du fait de ce désalignement ;
- la SA COMELEC-Anjou serait, pour sa part, responsable au moins partiellement des sinistres en raison des défaillances des systèmes électriques et électromécaniques listées par L'APAVE dans un rapport du 8 mars 2004 (page 11) ainsi que par l'expert judiciaire qui imputerait les dysfonctionnements du système d'élévation des passerelles mobiles à l'absence de synchronisation mécanique des 4 moto-réducteurs, question qui relevait exclusivement de la sphère de compétence de l'électromécanicien ;
Mais attendu que l'argumentation développée à l'encontre de ce dernier procède d'une extrapolation des conclusions du rapport d'assistance technique de l'APAVE, et d'une dénaturation des conclusions de l'expert judiciaire ;
Qu'en effet, de première part, le rapport APAVE auquel se réfère Robert Ollier est un rapport d'assistance technique qu'il a commandé afin de rechercher les causes possibles de la chute de la première plate-forme, survenue le 6 février 2004 ; qu'or, cette mission était expressément limitée à l'examen de la réalisation des câblages électriques par rapport aux schémas conçus par Orga Techni Ouest, envisagée comme cause possible de l'effondrement de la première plate-forme ; que, dans l'épure de cette mission extrêmement réduite, l'APAVE n'a envisagé que les causes de chute en rapport avec le câblage électrique, évoquant tour à tour une disjonction du disjoncteur de protection du variateur (QF 1), une défaillance des contacteurs KM1 ou KM4, pour ne retenir que cette dernière hypothèse confortée par l'absence de signal sur la borne E2 du variateur rapportée par le personnel de la SAS RAPIDO et par le mauvais embrochage de ce relais lors de ses constatations ;
Qu'il apparaît clairement à la lecture de ce rapport que l'APAVE a, dans la limite de sa mission, indiqué l'hypothèse qui lui semblait la plus plausible de défaillance électrique pouvant expliquer la chute complète de la passerelle ; qu'elle ne fait pas la démonstration d'une défaillance électrique effective, la circonstance que le contacteur électrique qu'elle soupçonne d'être à l'origine du sinistre ait été mal fixé lors d'un contrôle réalisé le 1er mars 2004, ne suffisant pas à démontrer qu'il l'ait été lorsque l'accident s'est produit trois semaines plus tôt ;
Que, de deuxième part, l'expert s'est prononcé sur cette hypothèse émise par l'APAVE en signalant que les défaillances électriques, toujours possibles, étaient rares, mais qu'à la tenir pour établie, elle révélait l'absence de système anti-descente, de type mécaniques à cliquets ou verrouillage, ou autre, qui eût évité que la passerelle tombe en chute libre, jusqu'au sol ; qu'or, l'absence de ce dispositif de sécurité constitue une erreur de conception, engageant la responsabilité du cabinet d'ingénierie auquel il appartenait de parer aux risques toujours possible d'une rupture d'alimentation électrique pendant une manoeuvre de descente de la plate-forme ; que ce moyen, s'il n'avait manqué en fait, aurait été inopérant ;
Qu'il en est de même de celui pris de ce que l'imputabilité de l'absence de synchronisation des moto-réducteurs, non-façon que l'expert a clairement qualifiée d'erreur de conception, en rappelant que ces équipements fonctionnaient normalement mais de manière différenciée en raison des contraintes inévitables que subit une telle structure, conduisant à des écarts de hauteur important entre les différents coins de la passerelle ; que l'expert, s'est en outre, prononcé sur les raisons de ces contraintes, qu'il a imputé à un défaut de stabilité structurelle de l'équipement, le désalignement constaté entre les parties fixe et mobile de la passerelle résultant lui-même de ces contraintes structurelles, et non d'un défaut de montage reprochable à la SARL SERMA Maine Anjou ;
Quant à l'exécution effectivement calamiteuse des soudures de liaison réalisées par le sous-traitant de cette entreprise pour remédier au sous-dimensionnement de la partie devant assurer le dégagement des véhicules, l'expert l'exclut clairement des causes génératrices des dommages, en rappelant que les dysfonctionnements du système d'élévation sont apparus, avec la même ampleur, dès la mise en service des plateformes ;
Qu'il s'ensuit que les dommages résultant exclusivement d'une accumulation d'erreurs de conception, imputables au cabinet d'ingénierie, ce dernier n'est pas fondé à rechercher la responsabilité des entreprises chargé d'exécuter ses plans, et qui n'avaient ni les compétences ni les moyens techniques d'en percevoir les défaillances ;
Que pour ces motifs, et ceux non contraires du tribunal, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté Robert Ollier de ses appels en garantie ;
Attendu qu'en définitive, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles afférentes aux dépens et frais irrépétibles inhérents à l'appel en garantie subséquent dirigé contre le sous-traitant, et dont la SARL SERMA Maine Anjou, qui en est l'auteur, doit conserver la charge ;
Attendu que l'erreur de fondement juridique de l'action principale, relayée par le tribunal, nonobstant les conclusions de l'expert qui avait exclu la qualification de vices cachés, justifie qu'en équité, Robert Ollier ne supporte pas les frais irrépétibles d'appel exposés par ses adversaires ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat passé entre Robert Ollier et la SAS RAPIDO sur le fondement des articles 1641 et 1643 du Code civil ;
REQUALIFIE l'action principale de la SAS RAPIDO en action en résolution du contrat d'entreprise conclu le 22 mai 2003 ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions, par application de l'article 1788 du Code civil pour l'action principale ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel ;
CONDAMNE Robert Ollier, ayant exercé sous l'enseigne Orga Techni Ouest, aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.