ADLC, 14 novembre 2016, n° 16-DCC-176
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de la société Parilis par la société Altice International
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 11 octobre 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Parilis par la société Altice International, formalisée par un accord de cession en date du 10 octobre 2016 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 et R. 461-1 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Altice International S.a.r.l. est une société détenue à 100 % par Altice Luxembourg S.A., elle-même détenue par la société Altice Group Lux. Altice N.V., société de tête de groupe, détient l’ensemble des actions d’Altice Group Lux, à l’exception d’une action détenue par la société Altice France Bis, indirectement contrôlée par Altice Luxembourg S.A, l’ensemble de ces sociétés constituant le groupe Altice ultimement et exclusivement contrôlé par M. Patrick Drahi. En France, le groupe Altice est actif dans les secteurs des télécommunications et des médias. Dans le secteur des télécommunications, le groupe Altice contrôle SFR Group qui est essentiellement actif sur les marchés français de gros et de détail des communications électroniques à destination des particuliers et des entreprises à travers ses filiales SFR, SRR, NC Numericable et Completel.
2. Parilis, détenue à 100 % par la société PV International Partners S.a.r.l., SPF, est la holding d’un groupe actif dans le secteur de l’installation et de la maintenance de réseaux de télécommunications en France ainsi qu’au Portugal, en Israël, en République Dominicaine, en Belgique et au Luxembourg. En France, Parilis contrôle les sociétés ERT Technologies SAS et sa filiale Icart SAS, ainsi que la société Rhon’Telecom. Aux termes d’un accord de cession d’actions en date du 10 octobre 2016, l'opération consiste en l'acquisition de 51 % du capital et des droits de vote de la société Parilis et d’une option irrévocable d’achat sur les 49 % restants par le groupe Altice, via sa filiale Altice International S.à.r.l., auprès de PV International Partners S.a.r.l., SPF.
3. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société Parilis par la société Altice International, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Altice : 14,5 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Parilis : […] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Altice : 11 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Parilis : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. L'opération envisagée concerne principalement le secteur du génie électrique, mécanique et climatique1.
1. MARCHÉS DE PRODUITS
6. S’agissant des prestations de génie, la pratique décisionnelle2 a retenu une segmentation entre le marché des prestations de génie électrique, dont font partie les prestations de services d’installation et de maintenance de réseaux de télécommunications, et les marchés des prestations de génie mécanique et de génie climatique.
7. Le génie électrique regroupe les prestations de services d’installation et de maintenance de réseaux de télécommunications. Au sein du génie électrique, la pratique décisionnelle3 a envisagé l’existence de trois segments distincts relatifs (i) aux télécommunications, (ii) aux sous-stations électriques et (iii) aux lignes haute tension. En tout état de cause, la question de la pertinence d’une segmentation entre les différents types de travaux de génie électrique peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle restent inchangées.
8. Les autorités de concurrence4 ont par ailleurs considéré que le marché du génie électrique pouvait faire l’objet d’une segmentation en fonction du type de travaux, en distinguant les travaux de maintenance et les travaux d’installation. Conformément à la pratique décisionnelle5, les parties considèrent que les travaux d’installation incluent les prestations de services suivantes : conception, première installation de l’équipement, entretien, réparation et modernisation de l’infrastructure. La maintenance correspond à l’organisation de visites de contrôle périodiques.
9. De plus, la pratique décisionnelle6 a retenu l’existence d’une segmentation en fonction du type de clientèle, distinguant la clientèle résidentielle et non-résidentielle. Au sein du segment du génie électrique auprès d’une clientèle non-résidentielle, elle a envisagé une sous-segmentation entre (i) les infrastructures, (ii) l’industrie et (iii) le tertiaire.
10. Enfin, les autorités de concurrence7 ont envisagé une segmentation des marchés de l’installation et de la maintenance de réseaux de télécommunications en distinguant les travaux qui concernent l’installation et la maintenance d’équipements de communications électroniques radio, d’une part, et les travaux d’installation et de maintenance d’équipements de communication électroniques, d’autre part. 11. En tout état de cause, la question de l’existence de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
12. En l’espèce, Parilis est active sur le marché du génie électrique relatif aux télécommunications auprès de la clientèle des opérateurs.
2. MARCHE GÉOGRAPHIQUE
13. La pratique décisionnelle européenne8 considère que les marchés de génie électrique sont probablement de dimension nationale, du fait de conditions d’exercice de la concurrence sur ces marchés similaires sur l’ensemble du territoire français. Elle a néanmoins également mené une analyse concurrentielle de ces marchés au niveau régional et a laissé ouverte la question de leur délimitation géographique exacte. De la même manière, la pratique décisionnelle nationale9 a considéré que ces marchés pouvaient avoir une dimension nationale ou régionale.
14. En tout état de cause, la question de la délimitation géographique exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
III. Analyse concurrentielle
15. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval. La stratégie de verrouillage peut également concerner les marchés amont lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. L’Autorité considère néanmoins qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci10.
16. Le groupe Altice, présent dans le secteur des télécommunications, a recours à des sous-traitants qui fournissent notamment des prestations d’installation et de maintenance pour les différents réseaux de télécommunications opérés par le groupe. L’essentiel des besoins du groupe en matière d’installation et de maintenance est fourni par des tiers.
17. Or les deux filiales de Parilis actives dans ce secteur réalisent actuellement la quasi-totalité de leur chiffre d’affaires avec le groupe Altice ([…] % pour ERT Technologies et […] % pour ICART).
18. Dès lors, la présente opération, qui renforce une intégration verticale préexistante, n’est susceptible de produire que des effets très limités sur les marchés concernés.
19. En l’espèce, ni le groupe Altice, ni Parilis, ne détiennent de parts de marché supérieures à 5 % sur le marché amont de l’installation et de la maintenance des réseaux de télécommunications, quelles que soient les délimitations retenues. Au niveau national, la concurrence s’exerce entre de nombreux acteurs, tels que Vinci, Spie, Eiffage et Bouygues Energie. Dès lors, les concurrents du groupe Altice continueront à avoir accès à un large choix de sous-traitants à l’issue de l’opération.
20. À l’aval, le groupe Altice représente en France moins de 20 % des achats en réseaux de télécommunication quelle que soit la segmentation du marché retenue. Le groupe Altice est en concurrence avec les principaux opérateurs de téléphonie en France : Orange, Free et Bouygues Telecom, qui ont également recours aux mêmes prestations d’installation et de maintenance de réseaux de télécommunications. Par ailleurs, d’autres opérateurs plus modestes, ont également une activité en France et sont acheteurs de ces prestations, par exemple les opérateurs impliqués dans les réseaux de collectivités territoriales menant des projets au titre de la montée en débit ou du très haut débit.
21. Compte tenu de ces éléments, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux sur les marchés du génie électrique, de l’installation et de la maintenance des réseaux de télécommunications en France.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-170 est autorisée.
NOTES
1 La cible possède par ailleurs une filiale (Rhôn’Telecom) active également dans le secteur des services en ingénierie et études techniques en France. Compte tenu de la faiblesse du chiffre d’affaires réalisé par cette entreprise ([…] d’euros en 2015, pour un marché estimé à 44 milliards en 2012), seul le secteur du génie électrique, mécanique et climatique est examiné.
2 Voir les décisions de la Commission européenne du 31 août 2012, Vinci / EVT Business, COMP / M.6623 et du 26 mars 2010, Vinci / Cegelec, n° COMP / M.5701 ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 15-DCC-72 du 18 juin 2015 relative à la prise de contrôle exclusif d’Altergis SAS par Veolia Environnement SA, la décision n° 09-DCC-30 du 29 juillet 2009 relative à l’acquisition des sociétés ETCM et GER2I. Ensemblier par la société Eiffel Partici, ainsi que la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 4 décembre 2008, aux conseils de la société Eiffage, relative à une concentration dans les secteurs de l’installation et de la maintenance multi-technique et des travaux de génie climatique (C2008-117), et la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 5 octobre 2007, au conseil de la société Forclom, relative à une concentration dans le secteur de la maintenance d’installations industrielles.
3 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.5701 du 26 mars 2010, précitée, la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-29 du 5 mars 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Gobé SAS par la société Scopelec et la décision n° 15-DCC-72 précitée.
4 Id.
5 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP / M. 5701 précitée.
6 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie C2008-117 du 4 décembre 2008 aux conseils de la société Eiffage, relative à une concentration dans les secteurs de l’installation et de la maintenance multi-technique et des travaux de génie climatique et les décisions de la Commission européenne n° COMP/M.5701 du 26 mars 2010, précitée, et n° COMP/M.6623 du 31 août 2012 – Vinci/EVT Business.
7 Décisions de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-29 et n° 15-DCC-72 précitées.
8 Décisions de la Commission européenne COMP/M.5701 du 26 mars 2010 et COMP/M.6623 du 31 août 2012, précitées.
9 Lettre du ministre de l’économie C2008-17 du 4 décembre 2008 et décisions de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-29 et n° 15-DCC-72, précitées.
10 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 453.