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Décisions

ADLC, 24 septembre 2013, n° 13-DCC-135

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Johnson Controls Service et Solutions France par la société Monet Acquisition Company Limited

ADLC n° 13-DCC-135

23 septembre 2013

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 20 août 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Johnson Controls Service et Solutions France par la société Monet Acquisition Company Limited, formalisée par une promesse unilatérale d’achat en date du 30 juillet 2013 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L.430-1 à L.430-7 ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Monet Acquisition Company Limited (ci-après « Monet ») est une société par actions de droit anglais dont le capital social est détenu à 100 % par la société American Industrial Acquisition Corporation (ci-après « AIAC ») dont M. Léonard Levie, actionnaire à 99 %, est président et unique administrateur. AIAC détient et gère un portefeuille de participations dans des sociétés réparties sur 48 sites industriels dans 16 pays et opérant dans les secteurs de la pétrochimie, des mines, de la métallurgie, de l’aérospatial, du matériel médical, de la construction, de l’automobile, de la conservation et de la cuisson d’aliments, de la production d’énergie et de la défense. M. Léonard Levie contrôle également la société Koxka Technologies SL (ci-après, « Koxka »), qui produit une gamme complète d’armoires réfrigérantes et congelantes ainsi que des pièces détachées à destination du commerce.

2. Johnson Controls Service et Solutions France (ci-après « JCSS ») est détenue à 100 % par JC Neige SA, elle-même détenue indirectement contrôlée par Johnson Controls, Inc., société à la tête du groupe Johnson Controls Inc. (ci-après « JCI »). JCI est principalement actif dans les secteurs du bâtiment et de l’automobile. Ses activités en France, regroupées au sein de JCSS, consistent à installer et assurer la maintenance des systèmes de chauffage, de ventilation, de climatisation et de réfrigération, généralement désignés sous l’acronyme anglophone « HVAC/R »1.

3. L’opération, formalisée par une promesse unilatérale d’achat en date du 30 juillet 2013, consiste en l’acquisition par la société Monet de la totalité du capital et des droits de vote de la société JCSS. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de JCSS par Monet, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L.430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros au dernier exercice clos (AIAC : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012 ; JCSS : […] d’euros pour l’exercice clos le 30 septembre 2012). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (AIAC : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012 ; JCSS : […] d’euros pour l’exercice clos le 30 septembre 2012). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L.430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L.430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties sont toutes deux actives dans le secteur de la HVAC/R. Ces produits servent à fournir de l’air d’une certaine qualité et température. Dans ce secteur, les autorités de concurrence distinguent les marchés amont de l’approvisionnement des distributeurs auprès des fabricants et les marchés aval de la distribution par les distributeurs aux installateurs.

6. En l’espèce, Monet fabrique et commercialise notamment en France, par le biais de la société Koxka, une gamme complète d’armoires réfrigérantes et congelantes et des pièces détachées à destination du commerce (supermarchés, épiceries, boucheries, etc.). Koxka fabrique et commercialise également en France des équipements à destination de systèmes de HVAC/R tels que des compresseurs, des bobines, des évaporateurs, des condensateurs, des monoblocs et des aéroréfrigérants. Au titre de cette activité, Koxka intervient en amont, en tant qu’offreur sur le marché de l’approvisionnement où elle commercialise ses produits auprès de distributeurs ([…] % de ses ventes), mais également en aval, où elle effectue la grande majorité de ses ventes directement auprès d’installateurs ([…] %) et de clients finaux, actifs dans le secteur du commerce de détail ([…] %) et de l’industrie agroalimentaire ([…] %).

7. JCSS est active sur le marché aval de la fourniture de services d’installation et de maintenance de systèmes de réfrigération commerciale et de HVAC/R dans les commerces, certaines installations industrielles, les bureaux et d’autres bâtiments non-commerciaux tels que les hôtels, les laboratoires, les écoles, etc. JCSS se fournit majoritairement auprès de fabricants, tant pour ses activités d’installations ([…] % de fournitures directes auprès de fabricants) que ses activités de maintenance ([…] % de fournitures directes).

8. L’opération n’entraîne donc pas de chevauchement horizontal d’activité. Elle entraîne en revanche l’intégration d’activités verticalement liées. Il convient donc d’examiner les effets de l’opération relevant de la relation verticale entre le marché de la fabrication et la vente de produits de réfrigération et de HVAC/R et les marchés de l’installation et de la maintenance de ces produits.

 

A. LE MARCHÉ DE LA FABRICATION ET DE LA VENTE D’ÉQUIPEMENTS DE RÉFRIGÉRATION ET DE HVAC/R

1. MARCHE DE PRODUITS

9. Dans le secteur des équipements de réfrigération, la pratique décisionnelle a envisagé, sans trancher définitivement la question, d’inclure dans le marché aval de la distribution les ventes directes faites par les fabricants aux installateurs. Les parties soutiennent toutefois que, compte tenu de l’importance des ventes directes des fabricants aux installateurs et aux clients finaux au cas d’espèce, il ne serait pas pertinent de distinguer le marché de l’approvisionnement de celui de la distribution, les activités concernées relevant plutôt de la fabrication et la vente directe de systèmes de réfrigération. Cette question peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où, quelles que soient les définitions du marché retenues, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

10. La pratique décisionnelle a par ailleurs envisagé une segmentation entre la réfrigération commerciale, la réfrigération industrielle et la réfrigération de transport2. Dans le secteur3, une segmentation a également été envisagée selon la clientèle entre d’une part le secteur résidentiel et les petits commerces et d’autre part, les clients industriels et commerciaux : les premiers nécessitent peu ou pas de maintenance alors que les seconds requièrent un équipement beaucoup plus sophistiqué à des prix plus élevés.

11. En l’espèce, la partie notifiante commercialise des équipements de réfrigération industrielle, de réfrigération commerciale et des équipements de chauffage, de ventilation et de climatisation à destination des clients industriels et commerciaux. La question de la délimitation exacte des marchés d’équipements de HVAC/R peut néanmoins être laissée ouverte dans la mesure où, quelles que soient les définitions du marché retenues, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

 

2. MARCHE GÉOGRAPHIQUE

12. La partie notifiante soutient, à l’instar de la pratique décisionnelle européenne4, que le marché de la vente directe d’équipements de HVAC/R commerciale est de dimension européenne dans la mesure où les clients se fournissent auprès d’opérateurs au niveau européen. L’Autorité de la concurrence a toutefois également considéré que le marché de la distribution de produits de réfrigération et de climatisation était de dimension nationale5.

13. En l’espèce, la question de la délimitation géographique exacte des marchés des équipements de HVAC/R peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle n’étant pas affectées par les délimitations retenues. Les effets de l’opération seront donc examinés au niveau européen et national.

 

B. LE SECTEUR DES TRAVAUX D’INSTALLATION ET DE MAINTENANCE DE GÉNIE CLIMATIQUE

1. MARCHES DE PRODUITS

14. La pratique décisionnelle retient une segmentation entre les travaux de génie climatique, électrique et mécanique6. Au sein des travaux de génie climatique, une distinction a été envisagée en fonction du type de travaux et du type de clientèle. Les travaux d’installation sont alors distingués des travaux de gestion et de maintenance. En ce qui concerne le type de clientèle, la pratique retient une éventuelle segmentation entre la clientèle résidentielle et la clientèle non-résidentielle, au sein de laquelle une distinction entre les secteurs de l’industrie, du tertiaire et des infrastructures a été envisagée.

15. En l’espèce, seule JCSS est active dans le domaine de l’installation et de la maintenance d’équipements de HVAC/R, essentiellement à destination d’une clientèle non résidentielle composée de commerces et d’industriels. La question de la délimitation exacte du marché peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelles que soient les définitions de marché retenues, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

2. MARCHE GÉOGRAPHIQUE

16. La pratique décisionnelle n’a pas tranché la délimitation géographique exacte des marchés de travaux d’installation et de maintenance de génie climatique mais a examiné les effets des opérations contrôlées au niveau national ou régional. Elle a en effet relevé que les principaux acteurs sur ces marchés étaient implantés au niveau national, mais qu’un nombre significatif d’acteurs étaient de taille régionale7.

17. S’agissant des travaux d’installation et de maintenance d’équipements de réfrigération commerciale et industrielle, la partie notifiante a indiqué que JCSS est un opérateur d’envergure nationale et a donné une estimation de ses parts de marché au niveau national.

18. Au cas d’espèce, la délimitation précise des marchés de travaux d’installation et de maintenance d’équipements de HVAC/R peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

 

III. Analyse concurrentielle

19. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %8.

20. La partie notifiante estime qu’elle représente [10-20] % du marché européen de la vente directe d’équipements de réfrigération commerciale auprès de clients finaux. Sa part de marché au niveau national est très inférieure, la partie notifiante représentant [0-5] % du marché français. Elle dispose en outre de part de marché plus modeste sur les segments des équipements de réfrigération industrielle et de chauffage, ventilation et climatisation, avec respectivement [0-5] % et [0-5] % de part de marché au niveau européen. En outre, la partie notifiante indique que les principaux fournisseurs de JCSS sont des sociétés de dimension européenne voire mondiale.

21. Par ailleurs, JCSS se fournissait avant l’opération en pièces de rechange auprès de Koxka pour une portion négligeable de ses besoins ([0-5] %). JCSS représente en tout état de cause une part modeste des achats du secteur, quelles que soient les segmentations envisagées. Les parties estiment ainsi que JCSS représente [5-10] % du segment de l’installation d’équipements de réfrigération commerciale et [10-20] % de celui de la maintenance au niveau national. De même, sur le segment des équipements de réfrigération industrielle, la partie notifiante estime la part de marché de JCSS à [5-10] % sur le segment de l’installation et à [5-10] % sur celui de la maintenance au niveau national.

22. Enfin, sur le segment des équipements de HVAC/R à destination d’une clientèle non résidentielle, la partie notifiante estime la part de marché de JCSS à [0-5] % sur le segment de l’installation et à [0-5] % sur celui de la maintenance au niveau national. Elle fait face à plusieurs concurrents dans ces différents segments, tels les groupes Axima, Cesbron, Vinci, Gea, Clauger, Hervé Thermique et Missenard. La partie notifiante a indiqué que JCSS exerce ces activités au niveau national et estime que ses parts de marché sont inférieures à [0-5] % dans toutes les régions de France.

23. Il résulte de ce qui précède que les parties n’auront ni la capacité, ni les incitations à mettre en oeuvre une stratégie de verrouillage sur les marchés concernés.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 13-128 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir la décision de la Commission européenne n°COMP/M.3380 UTC / Linde Kältetechnik du 12 juillet 2004 ainsi que la décision de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-147 du 5 octobre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société United Refrigeration France SAS par la société G&L Beijer Ref AB.

2 Voir les décisions n° 11-DCC-147 et COMP/M.3380 précitées.

3 Voir la décision de la Commission européenne IV/M.1433 – Carrier Corporation / Toshiba du 25 mars 1999.

4 Voir la décision de la Commission européenne n° COMP/M.3380 précitée.

5 Voir la décision n° 11-DCC-147, précitée.

6 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.5701 – Vinci / Cegelec du 26 mars 2010 et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 09-DCC-30 du 29 juillet 2009 relative à l’acquisition des sociétés E.T.C.M. et GER2I ensemblier par la société Eiffel Participations (groupe Eiffage), n° 10-DCC-82 du 28 juillet 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Faceo par Vinci Energies, n° 116-DCC-34 du 25 février 2011 relative à l’acquisition du contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez, n° 11-DCC-145 du 3 octobre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Climater par la société Weinberg Capital Partners et n° 13-DCC-105 du 6 août 2013 relative à la prise de contrôle de la société Billon SA par la société Hervé Thermique SA.

7 Voir les décisions précitées ainsi que la décision du ministre C2008-03 / Lettre du ministre de l’économie, des finance et de l’emploi du 20 février 2008, aux conseils de la société IDEX Energies, relative à une concentration dans le secteur de la gestion et de l’exploitation d’installations techniques des bâtiments et du génie climatique et la décision de la Commission européenne COMP/M.5701 – Vinci / Cegelec du 26 mars 2010.

8 La partie notifiante n’a pas été en mesure de donner une estimation de ses parts de marché sur l’ensemble des segments envisagés par la pratique décisionnelle s’agissant des marchés concernés mais elle a indiqué qu’elles étaient en tout état de cause inférieures à ce seuil de 30 % quelles que soient les segmentations et les délimitations retenues.