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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 21 mars 2022, n° 20/02830

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupama Grand Est (Sté.)

Défendeur :

Mma Iard (SA), Diot (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, Mme Dayre

Jur. prox. Illkirch, du 21 aout 2020

21 août 2020

Monsieur Erdogan K., assuré auprès de Groupama Grand Est, a conduit le 27 janvier 2018 son véhicule de type Mercedes immatriculé CX-067-CL dans la station de lavage de la

Sarl Si M., exerçant sous l'enseigne Total Access, sise à Huttenheim.

Monsieur K. se plaignant de dommages causés par un rouleau du tunnel de lavage automatique sur le véhicule, selon courrier du 27 février 2018, son assureur Groupama Grand Est a réclamé à la Sa Diot, assureur de la société Si M., la prise en charge du préjudice.

Selon courrier du 6 mars 2018, |la Sa Diot a signifié à Groupama Grand Est son refus de prise en charge, expliquant que le véhicule était endommagé avant le passage du portique.

Après l'échange de plusieurs courriers entre les parties, Groupama Grand Est a adressé à la Sa Diot une mise en demeure de payer la somme de 3.511,29 €.

Selon acte d'huissier du 7 juin 2019, Groupama Grand Est et Monsieur Erdogan K. ont fait donner assignation à la Sarl Si M. et la Sa Diot devant le tribunal de proximité d'Illkirch Graffenstaden aux fins de les voir condamner à la prise en charge des dommages.

Selon conclusions du 19 mars 2020, la société Mma Iard est intervenue volontairement à la procédure, en défense.

A l'audience du 24 juin 2020 les parties demanderesses, représentées par leur conseil s'en référant à leurs conclusions et à l'assignation demandent au Tribunal, sous le bénéfice de I ‘exécution provisoire, de :

-déclarer la demande de Groupama Grand Est recevable et bien fondée,

-condamner solidairement les trois défenderesses à payer à Groupama Grand Est la somme de 3.097,51 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 décembre 2018,

-condamner solidairement les trois défenderesses à payer à Monsieur Erdogan K. la somme de 286 €, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 décembre 2018,

-condamner solidairement la Sarl Si M. et la Sa Diot à payer à Groupama Grand Est et Monsieur Erdogan K. la somme de 1.500 € au titre de leur résistance abusive,

-condamner solidairement les trois défenderesses à payer à Monsieur Erdogan K. et Groupama Grand Est la somme de 1.500 € par application de I'article 700 du code de procédure civile,

-les condamner solidairement aux entiers dépens de la procédure,

les débouter de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir au visa des articles 1710 et 1231-1 du Code civil que la voiture a été endommagée dans le tunnel de nettoyage automatique ; que Monsieur K. et la Sarl Si M. étaient liés par un contrat d'entreprise, en vertu duquel l'exploitant devait restituer la chose, confiée par son client, en bon état sous peine d'engager sa responsabilité civile contractuelle. Selon les demandeurs, l'exploitant était tenu d'une obligation de moyen renforcée, qui occasionne une présomption de faute de la part du débiteur et une présomption de causalité. Or à ce titre, ils considèrent que l'exploitant n'a pas apporté la preuve que le dommage provient d'une cause étrangère, et est en conséquence tenu des dommages.

En défense, la Sarl Si M., la Sa Diot et la société Mma Iard demandent au Tribunal de :

-mettre hors de cause la Sa Diot en sa qualité de courtier en assurance,

- prendre acte de l'intervention volontaire de la société Mma Iard en sa qualité d'assureur,

-débouter Groupama Grand Est et Monsieur K. de leurs demandes dirigées à l'encontre de la Mma Iard et de la Sarl Si M.,

-condamner solidairement Groupama Grand Est et Monsieur K. à payer à la Sarl Si M. et à la société Mma Iard la somme de 1.500 € au titre de I'article 700 du Code de procédure civile, outre les frais et dépens de I'instance.

Elles exposent au visa de I'article 1231-1 du code civil que les demanderesses n'apportent aucune preuve de la survenance d'un dommage dans le tunnel de nettoyage. En outre, aucune anomalie de la machine n'a été révélée le jour de la survenance du dommage, et les défenderesses en concluent que dès lors, la machine ne saurait être à l'origine du dommage. Monsieur K. ne démontrant pas que le dommage est survenu dans le tunnel, il est défaillant dans l'administration de la preuve et les défenderesses sollicitent son débouté.

Enfin, elles font valoir que l'expertise produite par les demanderesses n'est pas contradictoire. En outre, celle-ci mentionne un choc latéral gauche inclus dans le calcul des indemnités demandées, et dont les défenderesses considèrent qu'il n'est pas en lien avec le litige.

Par jugement en date du 21 août 2020 le tribunal de proximité d'Illkirch Graffenstaden a :

•             rejeté l'intervention volontaire de la société Mma Iard,

•             dit en conséquence n'y avoir lieu à mettre hors de cause la Sa Diot,

•             débouté Monsieur K. de sa demande en paiement,

•             débouté Groupama Grand Est de sa demande en paiement,

•             débouté Monsieur K. et Groupama Grand Est de leur demande fondée sur la résistance abusive,

•             débouté Monsieur K. et Groupama Grand Est de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

•             condamné in solidum Monsieur K. et Groupama Grand Est à payer la somme de 500 € à la Sarl Si M. et la Sa Diot sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

•             condamné in solidum Monsieur K. et Groupama Grand Est aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que même en matière de contrat de louage d'ouvrage la charge de la preuve était celle de l'article 1353 du code civil ; qu'il revenait au demandeur d'établir l'existence d'une faute à l'origine du dommage et qu'en l'espèce aucun élément produit au dossier ne laissait apparaître qu'une faute avait été commise par la Sarl Si M..

Par déclaration en date du 1er octobre 2020 Monsieur K. et Groupama Grand Est ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées le 16 juin 2021 Monsieur K. et Groupama Grand Est demandent à la cour de :

-recevoir leur appel et le dire bien fondé,

-rejeter l'appel incident et le dire infondé,

-rejeter l'intégralité des demandes de la Sarl Si M. et la Sa Diot,

-infirmer l'entier jugement sauf en ce qu'il a rejeté l'intervention volontaire de la société Mma Iard,

Y faisant droit,

-déclarer la Sarl Si M. responsable de plein droit du dommage causé au véhicule de Monsieur K.,

-condamner solidairement la Sarl Si M. et la Sa Diot à payer à Monsieur K. la somme de 286 € avec intérêts à compter de la mise en demeure du 11 décembre 2018, au titre de la responsabilité contractuelle,

-condamner solidairement la Sarl Si M. et la Sa Diot à payer à Groupama Grand Est la somme de 3.097,51 € avec intérêts à compter de la mise en demeure du 11 décembre 2018, au titre de la responsabilité contractuelle,

-condamner solidairement la Sarl Si M. et la Sa Diot à payer à Groupama Grand Est et à Monsieur K. la somme de 1 500 € au motif de la résistance abusive, sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

-condamner solidairement la Sarl Si M. et la Sa Diot aux entiers dépens de la procédure de première instance et de celle d'appel,

-condamner solidairement la Sarl Si M. et la Sa Diot et la compagnie Mma Iard à payer la somme de 500 € au titre de la procédure de première instance et la somme de 1.500 €, au titre de celle d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de leur appel, Monsieur K. et Groupama Grand Est expliquent que lors de l'opération de nettoyage qui s'est effectuée dans le tunnel de nettoyage automatique, le rouleau a arraché une baguette de toit du véhicule, s'étendant du capot au coffre, qu'un constat amiable a été régularisé le jour de l'incident, démontrant la reconnaissance du dommage par la Sarl Si M. et qu'une expertise a fixé le montant des réparations à la somme de 3.211,79 €.

Les appelants rappellent que la relation contractuelle s'analyse en un louage d'ouvrage et que l'exploitant est tenu de restituer la chose confiée par son client en bon état.

Ils soutiennent que l'article 1784 du code civil relatif aux voituriers par terre est applicable en l'espèce et que par conséquent c'est à la Sarl Si M. d'apporter la preuve de son absence de faute et que c'est à tort que le premier juge a renversé la charge de la preuve.

Ils observent que le professionnel est tenu d'une obligation de résultat ce qui emporte présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué par le client et présomption de faute ; que cette présomption s'applique à l'exploitant d'une station de lavage (CA Reims 26 juillet 2005).

Concernant le caractère non contradictoire de l'expertise, les appelants soulignent qu'en application de l'article 6 de la convention concernant l'Expertise amiable contradictoire, l'expertise n'a pas à être contradictoire lorsque le seuil de contestation est inférieur à 6.500 € HT.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 18 mars 2021, la Sarl Si M., la Sa Diot et la Mma Iard, intervenante volontaire et intimée, demandent à la cour de :

-déclarer l'appel mal fondé,

-dire et juger que la Sarl Si M. n'a commis aucune faute,

-confirmer le jugement,

-déclarer les intimées bien fondées en leur appel incident,

-infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'intervention volontaire de la société Mma Iard,

Statuant à nouveau

-mettre hors de cause la Sa Diot,

-prendre acte de l'intervention volontaire de la société Mma Iard en sa qualité d'assureur responsabilité civile de la Sarl Si M.,

-condamner solidairement Monsieur K. et Groupama Grand Est à payer à la Sarl Si M. et à la société Mma Iard la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner solidairement Monsieur K. et Groupama Grand Est aux dépens de première instance et d'appel.

Les intimés font valoir que les appelants sont défaillants dans l'administration de la preuve de ce que le passage du véhicule de Monsieur K. dans la station de lavage, serait à l'origine des dégâts que ce dernier prétend avoir subis ; qu'en effet il produit un constat amiable, dont il est l'unique rédacteur et signataire, et qu'aucune autre preuve ou indice, tel un témoignage, ne vient corroborer ses affirmations.

Ils ajoutent que la machine n'a pas dysfonctionné ce jour-là et qu'aucun arrachage de baguette de toit n'a jamais eu lieu suite au passage d'un véhicule dans cette station de lavage .

Ils observent qu'aucune description de la scène, du prétendu dysfonctionnement n'est fournie par l'appelant qui était censé se trouver à proximité de son véhicule.

Les appelants se réfèrent aux dires du cabinet Diot, selon lesquels un portique de lavage n'est pas en mesure d'arracher une baguette de toit, correctement fixée, et qu'à la vue des photographies la baguette de toit du véhicule de Monsieur K. n'apparaissait pas comme correctement fixée.

A titre superfétatoire les appelants relèvent le caractère non contradictoire de l'expertise, qui prend en charge un choc avant/latéral gauche, a priori sans rapport avec le sinistre invoqué.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les dispositions du jugement déféré ayant écarté l'intervention volontaire de la société Mma Iard et refusé de mettre hors de cause la Sa Diot

Dès lors que la compagnie d'assurance Mma Mutuelle du Mans, intervenant à la cause en se déclarant assureur de la Sarl Si M. alors que la Sa Diot n'est pas connue pour exercer une activité d'assureur, il convient de recevoir l'intervention volontaire et de mettre hors de cause la Sa Diot qui n'intervient qu'en qualité d'intermédiaire.

Le jugement déféré sera infirmé de ces chefs.

Sur le fond

Aux termes de l'article 1353 du code civil celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En matière contractuelle l'article 1231-1 du code civil prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Contrairement à ce que soutient la partie appelante, qui se prévaut à tort des dispositions de l'article 1784 du code civil, applicables aux seuls voituriers par terre et par eau, catégorie dans laquelle ne rentre pas une station de lavage, le contrat de lavage automatique de véhicules s'analyse en un contrat d'entreprise au sens de l'article 1789 du code civil.

La responsabilité de la société de lavage par rapport au client qui a utilisé le portique de lavage est de nature contractuelle. La responsabilité de plein droit qui pèse sur la société de lavage ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat et il incombe au client de démontrer que le dommage subi par son véhicule trouve son origine dans la prestation fournie.

Or pour apporter la preuve de l'imputabilité des désordres qu'il impute à la société Sarl Si M., Monsieur K. se contente de verser aux débats des photographies peu exploitables ainsi qu'un constat amiable d'accident dont il est le seul rédacteur et signataire ainsi qu'un rapport d'expertise non effectué de manière contradictoire à la diligence de son assureur.

Outre qu'il sera relevé que ce rapport fait mention de dommages sur le côté gauche, dont il n'est nullement fait mention par Monsieur K. dans le constat ni dans ses écritures, il sera retenu que l'addition de ces éléments non probants ne peut faire preuve de l'imputabilité du désordre allégué à la Sarl Si M..

En conséquence, Monsieur K. ne rapportant pas la preuve que les dommages subis sur son véhicule trouvent leur origine dans la prestation de lavage fournie par la Sarl Si M., il doit être débouté de ses demandes d'indemnisation.

Le jugement déféré, dont les motifs sont adoptés en raison de leur pertinence, sera ainsi confirmé.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Partie perdante à hauteur d'appel, Monsieur K. et la compagnie d'assurance Groupama Grand Est seront condamnés aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du même code.

En revanche, il sera fait droit à la demande de la Sarl Si M., la Sa Diot et la Mma Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1.000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté l'intervention volontaire de la société Mma Iard et a dit qu'il n'y avait pas lieu de mettre hors de cause la Sa Diot,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés

REÇOIT la société Mma Iard en son intervention volontaire,

MET hors de cause la Sa Diot,

Y ajoutant

CONDAMNE in solidum Monsieur K. et la compagnie d'assurance Groupama Grand Est à payer à la Sarl Si M., la Sa Diot et la Mma Iard la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE in solidum Monsieur K. et la compagnie d'assurance Groupama Grand Est aux dépens.