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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 28 octobre 2010, n° 10/00212

NANCY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Toiture Service (SARL)

Défendeur :

Pacifica (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Claude-Mizrahi

Conseillers :

M. Magnin, M. Martin

Avoués :

SCP Barbara Vasseur, SCP Leinster, Wisniewski & Mouton

Avocats :

Me Petit, Me Laffon

TI Longwy, du 1er avr. 2009, n° 11-08-00…

1 avril 2009

EXPOSE DU LITIGE

Le 30 novembre 2006, Mademoiselle Christelle CONSOLI a passé son véhicule sur l'aire de lavage située à [...].

Elle s'est plainte, à la suite de cette opération, de ce que l'arrière de son véhicule avait été endommagé.

Par acte d'huissier du 17 novembre 2008, Mademoiselle Christelle CONSOLI et son assureur, la SA PACIFICA, ont fait assigner devant le Tribunal d'instance de LONGWY la SARL BASTIAN et GEORGES, supposée être l'exploitante de cette aire de lavage, afin de la voir condamner à payer la somme de 300 euros à l'assurée et celle de 6.310,51 euros à la compagnie d'assurances, en réparation des dommages causés au véhicule, outre 400 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SARL TOITURE SERVICE est intervenue à l'instance en exposant être la propriétaire et la seule responsable du portique de lavage qui avait causé les dégâts.

Par jugement rendu le 1er avril 2009, le Tribunal d'instance de LONGWY a déclaré recevable l'intervention volontaire de la SARL TOITURE SERVICE ; il a débouté Mademoiselle Christelle CONSOLI et la SA PACIFICA de leurs demandes et les a condamnées in solidum aux dépens de l'instance.

La SA PACIFICA a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 28 mai 2009, en dirigeant expressément son appel contre la seule la SARL TOITURE SERVICE. Elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la SARL TOITURE SERVICE à lui payer les sommes de 6.310,51 euros à titre principal, de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SARL TOITURE SERVICE n'a pas constitué avoué.

Par arrêt rendu par défaut le 7 décembre 2009, la Cour a déclaré l'appel recevable, a infirmé le jugement, a déclaré la SARL TOITURE SERVICE responsable du dommage causé le 30 novembre 2006 au véhicule automobile de Mademoiselle Christelle CONSOLI, a condamné la SARL TOITURE SERVICE à payer à la SA PACIFICA la somme de 6.310,51 euros, a débouté la SA PACIFICA de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et a condamné la SARL TOITURE SERVICE à payer à la SA PACIFICA les dépens et la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le 22 janvier 2010, la SARL TOITURE SERVICE a formé opposition à cet arrêt. Elle demande à la Cour de rétracter ledit arrêt, de confirmer le jugement du tribunal d'instance de LONGWY et de condamner la SA PACIFICA à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SARL TOITURE SERVICE conteste que les dommages affectant le véhicule de Mademoiselle Christelle CONSOLI aient été causés lors de son passage dans le portique de lavage et relève que, d'ailleurs, ce lien de causalité n'est nullement prouvé par la SA PACIFICA.

La SA PACIFICA demande à la Cour de débouter la SARL TOITURE SERVICE de son opposition et de la condamner à lui payer une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir que la SARL TOITURE SERVICE ne conteste pas la réalité de l'incident dont a été victime Mademoiselle Christelle CONSOLI, qu'il n'est pas démontré que la victime ait commis une faute qui soit à l'origine de son propre dommage, de sorte que c'est bien l'exploitant du portique qui doit être tenu de réparer le préjudice subi, qu'en outre l'expert automobile qui a examiné le véhicule a conclu au rôle exclusif de la soufflerie du lavomatique utilisé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les conclusions d'opposition déposées par la SARL TOITURE SERVICE le 22 janvier 2010,

Vu les dernières écritures déposées le 7 juin 2010 par la SA PACIFICA,

Vu l'ordonnance de clôture du 7 septembre 2010.

Sur la responsabilité encourue

Le contrat de lavage automatique des véhicules s'analyse en un contrat d'entreprise. L'entrepreneur ne fournissant pas la matière, sa responsabilité est déterminée par l'article 1789 du code civil. Il en résulte que le locateur d'ouvrage, débiteur des objets qui lui ont été confiés, n'est libéré qu'en établissant que ceux-ci ont péri ou ont été endommagés sans sa faute.

En l'espèce, le véhicule de Mademoiselle Christelle CONSOLI a été endommagé lors de son passage dans le portique de lavage de la SARL TOITURE SERVICE.

Ce fait ne peut plus être sérieusement contesté puisqu'il a été expressément reconnu par le gérant de cette société qui, dans un courrier du 18 janvier 2007, écrivait à Mademoiselle Christelle CONSOLI :

'Suite à nos divers entretiens concernant l'incident du 30.11.2006, nous attestons que les faits se sont effectivement produits dans notre centre de lavage. Néanmoins, au vu du contrat de maintenance maximal nous liant à la société KARCHER, un état du fonctionnement expertisé sur place quelques jours après l'incident infirme la thèse d'une quelconque anomalie...'

La SARL TOITURE SERVICE, tout en reconnaissant ainsi la réalité des dommages subis par le véhicule de Mademoiselle Christelle CONSOLI à la sortie du portique de lavage, se borne à affirmer que la soufflerie automatique ne peut avoir touché le véhicule, sauf à ce que le coffre ait été mal fermé ou se soit ouvert en cours de lavage.

Toutefois, aucun document technique ne vient établir l'impossibilité absolue d'un choc entre la soufflerie du portique et le véhicule du client. La SARL TOITURE SERVICE s'abstient, notamment, de produire aux débats l'expertise que la société KARCHER aurait réalisé quelques jours après l'incident du 30 novembre 2006.

De même, aucun élément du dossier ne permet d'imputer ce dommage à une faute de Mademoiselle Christelle CONSOLI : aucun témoin ne vient attester de la mauvaise fermeture du coffre lorsque le véhicule a été engagé sous le portique de lavage, ni que ce coffre se serait ouvert pendant les opérations de lavage.

La SARL TOITURE SERVICE ne rapporte donc pas la preuve d'une cause étrangère dans la production du dommage.

Par ailleurs, la SARL TOITURE SERVICE s'est prévalue de ce que deux panneaux indiquaient aux clients du portique de lavage que sa responsabilité ne pouvait être engagée.

Mais la preuve de l'existence de ces panneaux n'est pas rapportée non plus.

Par conséquent, la SARL TOITURE SERVICE, ne rapportant ni la preuve de son absence de faute, ni la preuve de ce qu'elle avait stipulé son exonération de responsabilité par voie d'affichage, sera déclarée responsable du préjudice subi par Mademoiselle Christelle CONSOLI.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur le préjudice subi

Par lettre adressée le 21 janvier 2009 au Tribunal d'instance de LONGWY, la SARL TOITURE SERVICE indiquait : 'Le rapport de l'expert n'est pas contestable au vu des dégâts matériels.'

Le rapport dont il s'agit est celui que Mademoiselle Christelle CONSOLI a fait établir par le cabinet d'expertise automobile BCA NANCY. Selon ce rapport, le montant des réparations à effectuer sur son véhicule s'élève à 6.610,51 euros TTC.

L'évaluation des dommages faite par ce cabinet d'expertise étant jugée incontestable par la SARL TOITURE SERVICE elle-même, il y a lieu de la prendre en compte.

Le gérant de la SARL TOITURE SERVICE ayant d'ores et déjà indemnisé Mademoiselle Christelle CONSOLI de la somme de 300 euros, correspondant à la franchise d'assurance restée à sa charge, cette société n'est plus tenue qu'au paiement du solde de la réparation dû à l'assureur.

Par conséquent, il convient de condamner la SARL TOITURE SERVICE à payer à la SA PACIFICA la somme de 6.310,51 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2008, date de l'audience à laquelle elle est intervenue volontairement à l'instance.

La décision du premier juge sera infirmée à cet égard.

Sur la résistance abusive

Si la SARL TOITURE SERVICE échoue en ses moyens de défense, il n'est nullement établi que son déni de responsabilité fût inspiré par la seule mauvaise foi.

La demande en dommages et intérêts pour résistance abusive, formée en cause d'appel par la SA PACIFICA, sera donc rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SARL TOITURE SERVICE, qui est la partie perdante, sera déboutée de ses demandes en remboursement de ses frais de procédure répétibles et irrépétibles et il est équitable qu'elle soit condamnée à payer la somme de 800 euros à la SA PACIFICA sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle sera également condamnée à payer les dépens de première instance, d'appel et d'opposition à la SA PACIFICA, dont l'Avoué sera autorisé à faire application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE l'opposition recevable et rétracte l'arrêt du 7 décembre 2009 ;

INFIRME le jugement déféré, et statuant à nouveau :

DECLARE la SARL TOITURE SERVICE responsable du dommage causé le 30 novembre 2006 au véhicule automobile de Mademoiselle Christelle CONSOLI ;

CONDAMNE la SARL TOITURE SERVICE à payer à la SA PACIFICA la somme de SIX MILLE TROIS CENT DIX EUROS ET CINQUANTE ET UN CENTIMES (6.310,51 €), avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2008 ;

DEBOUTE la SA PACIFICA de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

DEBOUTE la SARL TOITURE SERVICE de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la SARL TOITURE SERVICE à payer à la SA PACIFICA la somme de HUIT CENTS EUROS (800 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la SARL TOITURE SERVICE aux dépens et autorise la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE LEINSTER, WISNIEWSKI et MOUTON, Avoués, à faire application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.