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Décisions

ADLC, 16 avril 2013, n° 13-DCC-46

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Rossel des sociétés du Pôle « Champagne Ardennes Picardie » du groupe Hersant Média

ADLC n° 13-DCC-46

15 avril 2013

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 5 décembre 2012 et déclaré complet le 18 février 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif des sociétés du Pôle « Champagne Ardennes Picardie » du Groupe Hersant Média par le groupe Rossel, formalisée par deux protocoles de cession de titres en date du 29 novembre 2012 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Vu les engagements présentés le 11 mars 2013 et modifiés en dernier lieu le 12 avril 2013 par la partie notifiante ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Rossel & Cie SA (ci-après « Rossel & Cie ») est la holding du groupe Rossel (ci-après « Rossel »). Elle est contrôlée par la famille Hurbain, directement ou indirectement à travers la société Auxiliaire Rossel (27,33 %), la société Rossel-Hurbain (27,33 %) et la société de Participations Rossel-Urbain (27,67 %). Une partie du capital de Rossel & Cie est aussi détenue en autocontrôle par une filiale à 100 % du groupe Rossel (10 %) et par ING Luxembourg dans le cadre d’un contrat de portage (7 %)1. Le groupe Rossel est un groupe de presse francophone belge qui exerce principalement ses activités en Belgique2 et en France et, de manière plus marginale, au Luxembourg et en Bulgarie3.

2. En France, les activités de Rossel sont essentiellement exercées par le pôle Voix du Nord4. La société La Voix du Nord SA est la société holding du pôle Voix du Nord. Elle est détenue à 96 % par la société Voix du Nord Investissement SA qui est elle-même détenue à 72,36 % par le groupe Rossel, à 25,22 % par Le Crédit Agricole Nord de France Investissement (ci-après « CANDF »)5 et à 2,41 % par le public. Le pôle Voix du Nord intervient en France dans le secteur de la presse, via, principalement, l’exploitation de :

- plusieurs titres de presse quotidienne régionale diffusés dans le Nord Pas-de-Calais et en Picardie (« La Voix du Nord », « Nord Littoral », « Nord Eclair » et « Courrier Picard ») ;

- plusieurs titres de presse hebdomadaire régionale diffusés dans le Nord Pas-de-Calais et dans les départements de Haute Savoie, de Savoie et de l’Ain (« Le Phare Dunkerquois », « Le Journal des Flandres », « L’Indicateur des Flandres/Vallée de la Lys », « La Semaine dans le Boulonnais », « Les Echos Touquet », « Le Journal de Montreuil », « Le Réveil de Berck », « L’Echo de la Lys », « L’Avenir de L’Artois », « La Voix des Sports », « Le Messager », « L’Essor Savoyard 73 », « L’Essor Savoyard 74 », « La Savoie », « Le Pays Gessien » et « La Tribune Républicaine ») ;

- plusieurs titres de presse bimensuelle et mensuelle dans le Nord Pas-de-Calais (« L’Etudiant » et « Nordway magazine ») ;

- un titre de presse gratuite rédactionnelle (« Direct Matin Lille Plus ») ;

- une régie publicitaire de presse pour le « Courrier Picard ».

3. Elle est également active en France, à titre plus accessoire, dans les secteurs suivants :

- édition et exploitation d’une radio régionale (« Contact FM » diffusée en Champagne Ardenne et dans l’Aisne) ;

- exploitation de sites internet pour chacun des titres de presse quotidienne régionale et la radio locale ;

- diffusion de programmes télévisés à vocation locale ;

- production audiovisuelle ;

- organisation de salons et de foires ;

- affichage extérieur ;

- impression de titres de presse pour le compte de tiers ;

- télémarketing et centre d’appels ;

- édition de publication périodiques, le plus souvent gratuites.

4. Le Groupe Hersant Média (ci-après « GHM ») est un groupe français intervenant principalement dans le secteur de la presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne départementale en France métropolitaine et dans les DROM-COM. Préalablement à l’ouverture de la procédure de conciliation, GHM était organisé en trois pôles correspondant à des zones géographiques déterminées : (i) le Pôle Champagne-Ardennes-Picardie (ci-après « Pôle CAP »), (ii) le Pôle Provence Côte d’Azur (ci-après « Pôle PACA) et (iii) le Pôle Outre-Mer.

5. L’opération notifiée porte sur le Pôle Champagne-Ardennes-Picardie. A travers les différentes sociétés qui le compose (L’Ardennais, L’Est Eclair, Journal de l’Union, L’Aisne Nouvelle, CAP Régies, Libération, Newco Pôle CAP et SE CD COM), ce pôle est présent dans le secteur de la presse et de la radio et exploite notamment cinq titres de presse quotidienne régionale en Champagne, Ardenne et Picardie (« Libération Champagne », « L’Ardennais », « L’Est Eclair », « L’Aisne Nouvelle » et « L’Union ») ainsi qu’une radio régionale diffusée en Champagne Ardenne et dans l’Aisne (« Champagne FM »).

6. Le Pôle CAP est également présent marginalement dans les domaines de l’exploitation de sites internet pour chacun de ses titres de presse quotidienne régionale, la régie publicitaire de presse à travers sa société CAP Régies6, l’organisation de salons et de foires et l’impression pour le compte de tiers.

7. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par Rossel des actions détenues directement ou indirectement par GHM dans les sociétés L’Ardennais, L’Est Eclair, Journal de l’Union, L’Aisne Nouvelle, CAP Régies, Libération, Newco Pôle CAP et SE CD COM composant le Pôle CAP de GHM.

8. L’opération s’inscrit dans le cadre de la procédure de conciliation ouverte par le président du tribunal de commerce de Paris au bénéfice de GHM par ordonnance en date du 24 juillet 2012 en vue de trouver un accord avec ses banques créancières, de faire face à ses besoins de trésorerie à court terme et de rechercher toutes solutions permettant d’assurer la pérennité du groupe. Au cours de cette procédure de conciliation, Rossel a fait une offre ferme de reprise du Pôle CAP en date du 17 octobre 2012, formalisée dans deux protocoles de cession de titres conclus avec GHM le 29 novembre 2012. Par jugement en date du 14 janvier 2013, le président du tribunal de commerce de Paris a homologué le protocole de conciliation signé le 19 décembre 2012, portant sur la restructuration globale de la dette de GHM, dans lequel est mentionné l’accord intervenu sur la cession du Pôle CAP à Rossel pendant la période de conciliation. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif par Rossel des sociétés composant le Pôle CAP de GHM, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

9. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Rossel : 497,8 millions d’euros au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2011 ; Pôle CAP : 70,5 millions d’euros au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2011). Chacune réalise en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Rossel : 225,8 millions d’euros au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2011, Pôle CAP : le chiffre d’affaires indiqué ci-dessus est réalisé intégralement en France). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS

10. Rossel et le Pôle CAP sont simultanément actives dans les secteurs de la presse, de la radio et de l’organisation de foires et salons.

 

1. LA PRESSE

11. Dans le secteur de la presse écrite, les autorités de concurrence distinguent traditionnellement la presse nationale, la presse régionale, la presse gratuite, la presse spécialisée, ainsi que des marchés connexes à ceux de la presse, à savoir notamment le marché de l’impression de titres de presse pour compte de tiers ou le marché de l’exploitation de sites internet relatifs aux titres de presse diffusés7.

12. S’agissant de la presse régionale, la pratique décisionnelle distingue, en raison de la périodicité différente des titres, le marché de la presse quotidienne régionale (ci-après « PQR ») de celui de la presse hebdomadaire régionale (ci-après « PHR »).

13. S’agissant de la presse gratuite, les autorités de concurrence ont considéré qu’il était pertinent de distinguer la presse gratuite à contenu rédactionnel ou d’information de la presse gratuite d’annonces (ci-après « PGA »). Concernant plus particulièrement cette presse gratuite d’annonces une segmentation plus fine a été envisagée entre annonces immobilières et offres d’emploi.

14. S’agissant de la presse spécialisée, la presse spécialisée grand public se différencie de la presse spécialisée technique et professionnelle. Concernant la première, elle peut être à vocation nationale ou à vocation locale. De plus, à l’intérieur de ces marchés, différents segments ont été identifiés en fonction du contenu éditorial, de la présentation, de la périodicité, de la politique commerciale et des caractéristiques des lecteurs.

15. Pour chacune de ces catégories de titres de presse, les autorités de concurrence retiennent trois marchés de produits : ceux du lectorat, de la publicité commerciale et des petites annonces.

16. S’agissant de l’impression de titres de presse pour compte de tiers, la pratique décisionnelle a précisé qu’il y avait lieu de distinguer l’impression de titres de presse, d’une part, de l’activité d’impression de documents administratifs et publicitaires et d’impression de livres, d’autre part, en raison de la nature des prestations concernées (quantités à imprimer, fréquence, contraintes horaires, qualité du papier, type d’impression couleur, etc.) et des outils de production utilisés (une simple imprimante suffit à imprimer des prospectus publicitaires, alors que des rotatives très spécifiques sont utilisées pour l’impression de quotidiens).

17. S’agissant de l’exploitation de sites internet, les sites éditoriaux constituant le prolongement de la version papier des titres de presse ont été distingués des sites d’annonces.

18. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente opération

 

2. LA RADIO

19. La pratique décisionnelle européenne et nationale a considéré qu’il existait un marché pertinent de la publicité radiophonique qui devait être distingué de la publicité diffusée par d’autres médias, comme la presse, la télévision, l’affichage, etc8. En effet, selon le type de média choisi, le public cible peut varier significativement, les coûts et les techniques de production et de diffusion des messages diffèrent également fortement. Une segmentation plus fine au sein du marché de la publicité radiophonique n’a en revanche pas été considérée pertinente.

20. La question de l’existence d’un marché de l’audience a également été envisagée. La Commission européenne a laissée la question ouverte considérant, en tout état de cause, que la part d’audience devait être prise en compte dans l’évaluation de la position des diffuseurs sur le marché de la publicité radiophonique9.

 

3. LORGANISATION DE FOIRES ET SALONS

21. L’organisation d’évènements (foires, salons, congrès, expositions, colloques, conventions, etc.) met en relation des sociétés savantes, des entreprises ou des fédérations et syndicats professionnels avec des spécialistes du métier de l’organisation. Il existe trois types d’organisateurs d’événements : les structures ad hoc créées à l’initiative de syndicats ou de fédérations, les sociétés généralistes, professionnelles de l’organisation ou de la communication, souvent issues de groupes de presse ou d’éditeurs, et enfin les sociétés d’organisation spécialisées dans un secteur précis.

22. La pratique décisionnelle a considéré que l’organisation de foires et salons devait être distinguée de celle des autres événements (congrès, expositions, colloques ou conventions, que l’on désignera par le terme « congrès » par commodité), dans la mesure où les acteurs différent tant du côté de la demande (les foires et salons répondant à la demande d’un groupement d’entreprises et les congrès répondant au besoin d’une seule organisation souhaitant voir organisé un événement la concernant spécifiquement) que du côté de l’offre (les entreprises étant spécialisées dans l’une ou l’autre des activités, qui requièrent des savoir-faire différents)10. Au cas d’espèce, les parties sont simultanément présentes sur le marché de l’organisation de foires et salons.

23. D’autres segmentations de ce marché, entre l’organisation des foires et l’organisation des salons, entre l’organisation des foires et salons grand public et l’organisation de salons professionnels ou en fonction de la taille des manifestations, n’ont en revanche pas été jugées pertinentes11.

 

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

1. LA PRESSE

24. Selon la pratique décisionnelle des autorités de la concurrence, la dimension géographique des marchés des médias et de la publicité sur ces médias correspond à leur zone de diffusion. Ainsi, les marchés du secteur de la presse ont une dimension nationale dès lors que les publications concernées sont diffusées de manière homogène sur le territoire national et que les annonceurs réalisent leurs investissements en fonction d’une stratégie nationale. A l’opposé, le marché géographique de la publicité commerciale dans la presse gratuite d’annonces ou à contenu rédactionnel a été appréhendé sur une base locale, en raison du contenu des journaux et de leur zone de diffusion12.

25. S’agissant des marchés de l’exploitation des sites internet, notamment la vente d’espaces publicitaires sur ce support, il convient de retenir une dimension au moins nationale13.

26. Au cas d’espèce, les titres de presse concernés par la présente opération ont une diffusion infra-départementale. Ces zones de diffusion définissent ainsi la dimension géographique des marchés pertinents.

 

2. LA RADIO

27. La pratique décisionnelle européenne a considéré que le marché de la publicité radiophonique était généralement de dimension nationale en raison des barrières linguistiques, des différentes règlementations nationales et des préférences culturelles nationales. Elle a cependant relevé qu’un certain nombre de stations de radio sont diffusés uniquement localement et qu’une délimitation géographique plus étroite de ce marché était également envisageable, sans qu’il soit cependant nécessaire de trancher définitivement la question14.

28. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (ci-après « CSA ») a déterminé cinq catégories de radio, selon leur vocation, locale ou nationale, et leur contenu, thématique ou généraliste. Chaque catégorie est désignée par une lettre (de A à E) : (i) catégorie A : services de radio associatifs accomplissant une mission de communication sociale de proximité et dont les ressources commerciales provenant de la publicité de marque ou du parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total ; (ii) catégorie B : services de radio locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme a vocation nationale identifié ; (iii) catégorie C : services de radio locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale ; (iv) catégorie D : services de radio thématiques à vocation nationale et (v) catégorie E : services radiophoniques généralistes à vocation nationale. S’y ajoutent les radios d’autoroute, qui constituent une catégorie à part. L’ensemble de ces catégories structure le paysage radiophonique sur le territoire national.

29. La pratique décisionnelle nationale a considéré que la publicité radiophonique nationale devait être distinguée de la publicité radiophonique locale. En effet, la publicité locale est réservée aux radios de catégorie A, B et C alors que la publicité nationale est ouverte à tous les types de radio. De plus, la publicité nationale a vocation à être diffusée sur l’ensemble du territoire national, sans limitation géographique, alors que les radios de dimension locale n’offrent d’intérêt pour les annonceurs nationaux que si elles se groupent. Enfin, les conditions d’accès à l’espace publicitaire radiophonique local diffèrent de celles qui concernent l’espace publicitaire national15. La pratique décisionnelle a également précisé qu’il convenait de distinguer autant de marchés locaux qu’il existe d’agglomérations16.

30. Au cas d’espèce, les radios contrôlées par les parties ont une diffusion locale. Contact FM et Champagne FM sont en effet des radios locales de catégorie B et offrent à ce titre des espaces publicitaires radiophoniques à des annonceurs locaux. Les deux radios sont également présentes sur le marché de la publicité nationale à travers le GIE Les Indépendants, qui regroupe 124 radios et propose ainsi aux annonceurs une offre en termes de couverture nationale et de diffusion similaire à celle des grands réseaux nationaux.

 

3. LORGANISATION DE FOIRES ET SALONS

31. La pratique décisionnelle a considéré que le marché de l’organisation de foires et salons revêtait une dimension nationale. Elle a ainsi relevé qu’une implantation nationale était essentielle pour toucher les organisations professionnelles clientes des organisateurs de foires et salons. Elle a cependant constaté que les organisateurs étrangers exerçaient une concurrence potentielle sur les acteurs nationaux devant être prise en considération au stade de l’analyse concurrentielle17.

III. L’analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

1. LA PRESSE

a) La PQR

IMAGE.png

 32. Les activités des parties à l’opération en matière de PQR se chevauchent dans le département de l’Aisne (02).

33. Le Pôle CAP édite « L’Union », qui est diffusé sur l’ensemble du département de l’Aisne, et « L’Aisne Nouvelle », qui est diffusé sur le nord du département de l’Aisne (principalement les arrondissements de Laon et Saint Quentin). Rossel diffuse depuis 2005 une édition du « Courrier Picard » uniquement sur l’arrondissement de Saint Quentin et l’agglomération de Chauny, située dans l’arrondissement de Laon (ci-après « zone de Saint Quentin-Chauny » ou « Saint Quentin-Chauny »)18.

34. Les zones de diffusion des titres du Pôle CAP et de Rossel se chevauchent par conséquent dans la zone de Saint Quentin-Chauny sur laquelle sont diffusées, pour le Pôle CAP, l’édition Laon-Chauny-Thiérache de « L’Union »19, les éditions Saint Quentin-Thiérache et Chauny-Tergnier-Laon de « L’Aisne Nouvelle » et, pour Rossel, l’édition de Saint Quentin du « Courrier Picard ».

35. Les parts de marché respectives des parties à l’opération sur les marchés du lectorat, de la publicité et des petites annonces dans le département de l’Aisne sont les suivantes.

TABLE1.png

36. L’opération se traduit ainsi par la création de monopoles sur les marchés du lectorat, de la publicité et des petites annonces dans le département de l’Aisne, sachant que la zone de chevauchement de la diffusion des titres des parties se limite à Saint Quentin-Chauny. Sur cette seule zone, la diffusion des titres se répartit de la façon suivante :

TABLE2.png

37. En ce qui concerne les marchés du lectorat, le groupe Rossel fait valoir que sa présence sur cette zone est marginale : la diffusion est limitée à 2 442 exemplaires, il ne dispose pas d’agence sur la zone20 et l’édition de Saint Quentin du « Courrier Picard » qui y est diffusée ne comporte que quelques pages dédiées à l’information locale. Il ajoute que le chevauchement est d’autant plus limité que « L’union » est principalement vendu à Chauny (2 700 exemplaires sont vendus en moyenne par semaine dans l’agglomération de Chauny alors que seuls 500 exemplaires sont vendus en moyenne par semaine dans l’arrondissement de Saint Quentin, principalement aux institutions locales), alors que l’édition de Saint Quentin du « Courrier Picard » et « L’Aisne Nouvelle » sont, quant à eux, principalement vendus à Saint Quentin.

38. Néanmoins, comme l’a constaté l’Autorité dans de précédentes décisions21, la constitution par un groupe de presse régional d’un monopole via l’acquisition de titres de presse concurrents emporte pour les lecteurs des zones concernées, quelle que soit l’étendue de ces zones, des risques de perte de qualité et de diversité des titres de presse d’autant plus importants que les marchés de la PQR sont déclinants et caractérisés par d’importantes barrières à l’entrée.

39. En l’espèce, la situation concurrentielle dans la zone de chevauchement concernée se présentait cependant, avant l’opération, de façon particulière dans la mesure où la diffusion sur la zone de Saint Quentin-Chauny d’une édition du « Courrier Picard » n’a été lancée qu’en 2005, date à laquelle il est venu concurrencer les titres historiques du département de l’Aisne que sont « l’Union » et « l’Aisne Nouvelle ». Le fait que la diffusion du titre soit restée à un niveau relativement faible confirme les constats faits précédemment sur l’importance des barrières à l’entrée. Cependant, les lecteurs de la zone de Saint Quentin-Chauny bénéficiaient, avant l’opération, d’une offre différenciée.

40. En effet, le « Courrier Picard » et « L’Union » sont diffusés quotidiennement (7 jours par semaine) alors que « L’Aisne Nouvelle » est diffusé quatre jours par semaine (lundi, mardi, jeudi et samedi). Leur prix est différent : 0,90 euro pour « L’Union », 0,80 euro pour « L’Aisne Nouvelle » et 0,75 euro pour l’édition de Saint Quentin du « Courrier Picard ». De plus, le contenu éditorial et le traitement de l’information régionale, départementale et locale de chacun des trois titres est sensiblement différent. « L’Aisne Nouvelle » a un contenu local très marqué : il consacre 10 à 18 pages aux informations locales lorsque l’édition de Saint Quentin du « Courrier Picard » en consacre 5 à 12 pages et « L’Union » 8 à 12 pages. « L’Aisne Nouvelle » contient en revanche peu d’informations régionales, qui ne font pas l’objet d’une rubrique dédiée, alors que le « Courrier Picard » consacre en moyenne 5 pages aux informations régionales et « L’Union » 2 à 3 pages. En revanche, le traitement de l’information nationale et internationale par ces trois titres n’est pas très différencié : généralement les informations se recoupent même si l’importance qui leur est accordée peut varier d’un journal à l’autre. Ainsi « L’Aisne Nouvelle » consacre 1 à 2 pages aux informations nationales et internationales lorsque le « Courrier Picard » et « L’Union » leur consacrent en moyenne 5 pages. De plus, « L’Aisne Nouvelle » contient de nombreux petits encarts d’information « L’Actu en bref » reproduisant des dépêches AFP.

41. La suppression de la pression concurrentielle exercée sur le « Courrier Picard » par « l’Union » et « l’Aisne Nouvelle » pourrait inciter le groupe Rossel à uniformiser le contenu éditorial des titres, mettant ainsi fin à cette diversité dont bénéficient les lecteurs de la zone Saint Quentin-Chauny. Un nombre plus ou moins important de pages communes à l’ensemble des titres pourraient ainsi être introduites aux dépens de la spécificité de l’approche de l’information de chaque titre. Si une telle harmonisation des contenus peut se concevoir pour des informations par nature indifférenciées, telles que les rubriques météo, des horaires de cinéma, des programmes télévisés, elle serait en revanche plus préjudiciable pour les lecteurs en ce qui concerne les autres informations pour lesquelles la ligne éditoriale de chaque titre est aujourd’hui différenciée.

42. Pour remédier aux atteintes à la concurrence identifiées ci-dessus sur les marchés du lectorat de la PQR dans le département de l’Aisne, la partie notifiante a proposé des engagements qui seront détaillés aux paragraphes 77 et suivants.

43. En revanche, il convient d’observer, à l’instar des précédentes décisions22, que la forte sensibilité des lecteurs au prix réduit fortement les risques de hausse du prix au numéro. Une augmentation significative du prix des titres se traduirait en effet rapidement par une perte proportionnellement plus forte du nombre de lecteurs. De plus, l’attachement des lecteurs à un titre de PQR en particulier en fait un produit fortement différencié et une augmentation des prix d’un titre ne conduirait pas à un report des lecteurs vers un autre titre diffusé dans la même zone de diffusion. Enfin, le caractère biface des marchés de la presse23 rend l’intérêt d’une telle hausse des prix encore plus faible, dans la mesure où une perte de lectorat, due à une augmentation du prix des titres au numéro, risque d’entraîner une perte parallèle d’annonceurs et donc une chute des recettes publicitaires.

44. Sur les marchés de la publicité et des petites annonces, les autorités de concurrence ont relevé, dans de précédentes décisions24, le déclin progressif de la vente d’espaces publicitaires ou de petites annonces en tant que source de revenus pour un titre de PQR résultant de ce que les annonceurs se tournent de plus en plus vers d’autres supports, tels que les sites internet25, la presse gratuite à contenu rédactionnel, la presse gratuite d’information, voire même par la publicité hors média (distribution d’imprimés sans adresse ou affichage)26. Ces marchés apparaissent donc structurellement contraints par d’autres médias même si la substituabilité entre les différents supports publicitaires reste insuffisante pour redéfinir les marchés pertinents. Or, le coût de revient d’un titre de PQR est souvent supérieur à son prix de vente et la vente d’espaces publicitaires ou de petites annonces représente, pour un journal, une source de revenus importante (respectivement environ 25 % et 10 % des recettes globales d’un titre de PQR), les ventes au numéro et des ventes par abonnement représentant environ les deux-tiers du chiffre d’affaires d’un titre de PQR. Les titres de PQR parviennent donc difficilement à établir l’équilibre de leurs comptes. Ainsi, au cas d’espèce, les titres repris diffusés dans le département de l’Aisne connaissent un résultat d’exploitation négatif27. Il apparait dès lors peu vraisemblable que les parties puissent se priver, même provisoirement, des recettes provenant des annonceurs. Cette menace de retrait des annonceurs est ainsi de nature à dissuader la nouvelle entité d’exploiter pleinement une stratégie d’augmentation des prix des petites annonces et des espaces publicitaires.

45. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les risques d’atteinte à la concurrence sur les marchés de la publicité et des petites annonces peuvent être écartés.

 

b) L’exploitation de sites internet

46. Rossel et le Pôle CAP exploitent toutes deux des sites internet qui constituent le prolongement de la version papier des titres de presse et des radios qu’elles diffusent ainsi que des sites d’annonces.

47. Les parties estiment que sur les marchés nationaux de l’exploitation de sites internet éditoriaux et d’annonces, qu’individuellement ou collectivement leurs parts de marché sont inférieures à 5 %.

48. Par ailleurs, il existe de nombreux sites concurrents proposant une information locale ou régionale. S’agissant des sites éditoriaux, les concurrents sont notamment les sites de médias proposant une information locale (télévision locale, radios locales ou nationales, titres de PHR régionaux, sites des gratuits rédactionnels, sites des collectivités locales et des offices du tourisme, sites de la presse magasine locale), les sites internet non liés à un autre média (« Dailynord », « l’éco du Nord », « Reims Champagne Actu », « Chalon Actu », etc.) et la quasi-totalité des grands sites nationaux d’actualité ou d’informations pratiques dans la mesure où ils proposent des outils de recherche permettant d’obtenir une information localisée. S’agissant des sites d’annonces, les concurrents sont notamment des sites régionaux ou nationaux d’annonces immobilières, d’emploi, d’auto ou de petites annonces diverses tels que pour l’immobilier : « visite-immo.com », « Seloger.com », « A vendre à louer », « Explorimmo », les sites des réseaux d’agences immobilières ; pour l’emploi : « cadremploi.fr », « Nodjob.com », « Estjob », « Keljob », les sites des sociétés de recrutement, les sites spécialisés par secteur ; pour l’auto : « autoplus.fr », « caradisiac.com », « largus.fr », « lacentrale.fr », « 321 auto.com ».

49. Il ressort de ces éléments que l’opération notifiée n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l’exploitation de sites internet éditoriaux et d’annonces.

 

c) L’impression des titres de presse pour le compte de tiers

50. Rossel exerce, à travers la société Presse Flamande, une activité d’impression pour le compte de tiers, qui est une activité accessoire lui permettant d’exploiter les capacités disponibles de son outil d’impression. Le Pôle CAP exerce également de manière accessoire, à travers la société du Journal de L’Union, une activité d’impression de titres de presse pour le compte de tiers.

51. Selon les parties, leurs parts de marché sur le marché de l’impression des titres de presse pour le compte de tiers sont marginales et elles font face à la concurrence d’une multitude d’imprimeurs présents dans le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme et des régions avoisinantes ainsi qu’en Belgique francophone tels que notamment : Roularta, Deprez, Roto Aisne, Remy Roto, Decoster, Lenglet, De Jaeger, Corelio, IPSS, Mordacq, Chartrez, La Centrale, SIB, Henry, etc.

52. Compte tenu de ces éléments, l’opération notifiée n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de l’impression des titres de presse pour le compte de tiers.

 

2. LA RADIO

53. Rossel exploite, au travers de la société Contact FM, la radio « Contact FM » diffusée en Champagne-Ardenne et dans l’Aisne et plus précisément dans les agglomérations de Abbeville, Amiens, Arras, Beauvais, Béthune, Boulogne sur Mer, Calais, Charleville-Mézières, Compiègne, Creil, Douai, Hesdin, Le Touquet, Laon, Lille, Maubeuge, Noyon, Péronne, Saint Just en Chaussée, Saint-Omer, Saint-Quentin, Senlis et Valenciennes.

54. Le Pôle CAP exploite, au travers de la société SE CD COM, la radio « Champagne FM » diffusée en Champagne Ardenne et dans l’Aisne et plus précisément dans les agglomérations de Chalons, Charleville-Mézières, Château-Thierry, Epernay, Fismes, Joinville, Reims, Rethel, Romilly, Saint-Dizier, Sainte-Menehould, Sedan, Troyes, Vitry-le-François et Vouziers.

55. Ces deux radios sont des radios régionales de catégorie B selon la nomenclature du CSA.

 

Au niveau local

56. Les radios des parties se chevauchent uniquement sur la zone de diffusion de Charleville-Mézières.

57. En retenant un marché prenant en compte les radios toutes catégories de radios confondues, nationales et locales, les parties estiment leur part de marché cumulée à 4,4 % (« Champagne FM » : 1,3 % ; « Contact FM » : 3,1 %). La part de ses concurrents s’élevant à 13,4 % pour « RVM », 6,7 % pour « Virgin Radio Charleville », 3,3 % pour « Radio 8 », 2,8 % pour « France Bleu » et 1,3 % pour « RCF Reims Ardennes »28.

58. En retenant un marché prenant uniquement en compte les radios locales de catégorie A, B et C, les parties estiment leur part de marché cumulée à 13,9 % (« Champagne FM » : 4,1 % ; « Contact FM » : 9,8 %). La part de ses concurrents s’élevant à 42,4 % pour « RVM », 20,3 % pour « Virgin Radio Charleville », 10,4 % pour « Radio 8 », 8,9 % pour « France Bleu » et 4,1 % pour « RCF Reims Ardennes »29.

59. Il ressort de ces éléments que l’opération notifiée n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la publicité radiophonique dans la zone de Charleville-Mézières.

 

Au niveau extra-local

60. L’espace publicitaire des radios « Contact FM » et « Champagne FM » est géré au niveau national par le GIE les Indépendants qui regroupe 124 radios locales et régionales. Ce GIE commercialise l’espace publicitaire de ses membres à travers la régie TF1 Publicité.

61. La part de marché du GIE les Indépendants est, selon les estimations des parties, de 12,9 % sur la période allant du 2 février 2012 au 30 septembre 2012. Rapportée aux parties, on aboutit à une part de marché cumulée de 0,1 %.

62. Il ressort de ces éléments que l’opération notifiée n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la publicité radiophonique nationale.

 

3. L’ORGANISATION DE FOIRES ET SALONS

63. Rossel, à travers la société La Voix L’Etudiant, qu’elle contrôle conjointement avec le Groupe L’Express Roularta, assure l’organisation du Salon de l’Etudiant à Lille ainsi que d’autres manifestations ponctuelles lancées par le groupe l’Etudiant autour du thème des études, de la formation et des métiers. Le Pôle CAP, à travers les éditeurs L’Union et L’Est Eclair organise également des salons, foires et forums. La commercialisation de cette activité est effectuée par la société CAP Régies.

64. L’organisation de foires et salons est une activité relativement marginale pour chacune des parties. Les parties précisent que leurs parts de marché sont marginales (inférieures à 1 %). De plus, la nouvelle entité demeurera confrontée à la concurrence exercée sur ce marché par d’importants opérateurs de dimension nationale et européenne spécialisés dans l’organisation de tels événements tels que notamment le groupe Reed Expositions, Comexposium, GL Events-Emap Agor ainsi que des collectivités locales.

65. Compte tenu de ces éléments l’opération notifiée n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché de l’organisation de foires et salons.

 

B. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX

66. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d’accroitre son pouvoir de marché. Si les concentrations conglomérales peuvent généralement susciter des synergies pro-concurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu’elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.

67. En l’espèce, le groupe Rossel étend sa présence sur les marchés de la PQR et de la radio à des marchés géographique voisins et sa présence, pour une zone géographique donnée, sur différents marchés de produits différents du secteur des média.

Les effets liés à l’extension de la couverture géographique

68. Rossel, déjà présent en France, sur les marché de la PQR, dans 5 départements différents (Nord (59), Pas-de-Calais (62), Aisne (02), Oise (60) et Somme (80)) situés dans les régions du Nord Pas-de-Calais et de la Picardie, va étendre, grâce à l’opération notifiée, sa présence dans 3 nouveaux départements (Aube (10), Ardennes (08), Marne (51)) situés dans la région Champagne-Ardenne. A l’exception de l’Oise, la nouvelle entité sera en situation de monopole sur les marchés de la PQR sur chacun de ces départements.

69. Sur les marchés de la publicité, une distinction doit être opérée entre publicité nationale et locale. S’agissant de la publicité locale, les annonceurs locaux achètent majoritairement des espaces publicitaires dans les titres de presse dans les départements où ils sont implantés afin que les supports de média choisis englobent leur zone de chalandise, qui sont généralement de faible étendue géographique. L’extension de la couverture géographique de la nouvelle entité ne constituera donc pas un argument de vente déterminant à l’égard des annonceurs locaux. S’agissant de la publicité nationale, les annonceurs n’auront aucun intérêt à procéder à des achats couplés entre les titres du Pôle CAP et ceux de Rossel compte tenu des offres des régies Com Quotidiens et Quotidiens Associés qui proposent chacune une offre plus large et attractives tels que notamment le produit « PQR 66 », qui regroupe l’ensemble des titres de PQR et la vente de formules « titre à titre » permettant une couverture départementale, régionale, voire multi-régionale en fonction de la couverture souhaitée par l’annonceur. En tout état de cause, les annonceurs nationaux, en raison de leur puissance commerciale et financière, disposent d’un pouvoir de négociation suffisant pour empêcher une éventuelle hausse du tarif des encarts publicitaires.

70. Sur les marchés des petites annonces, la demande est composée de particuliers et de professionnels, locaux ou nationaux. A l’instar des marchés de la publicité, les particuliers et les professionnels locaux achètent des encarts pour leurs annonces quasi intégralement dans les titres de presse diffusés dans les départements où ils résident ou sont implantés, dès lors le même raisonnement développé pour la publicité commerciale s’applique. Les professionnels nationaux disposent, pour leur part, d’un pouvoir de négociation suffisant pour empêcher une éventuelle hausse des prix.

71. Il ressort de ces éléments que le renforcement de la position de Rossel sur des marchés géographiques distincts de ceux sur lesquels il est déjà présent n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.

Les effets liés à la présence sur plusieurs marchés des médias

72. Dans le département de l’Aisne (02), la nouvelle entité sera présente à travers deux médias : la PQR et la radio. En effet, Rossel diffuse dans ce département un titre de PQR (le « Courrier Picard ») auxquels s’ajoutent les deux autres titres de PQR du Pôle CAP (« L’Aisne Nouvelle » et « L’Union »), plaçant la nouvelle entité en situation de monopole. De plus, Rossel diffuse une radio (« Contact FM ») à laquelle s’ajoute une autre radio du Pôle CAP (« Champagne FM »). Seule « Contact FM » est diffusée dans la zone de Saint-Quentin-Chauny. Selon la partie notifiante, sa part de marché dans le département de l’Aisne serait de 5,5 % toutes catégories de radios confondues et 17 % en ne prenant en compte que les radios de catégorie A, B et C30. Au niveau de la zone de Saint-Quentin-Chauny, sa part de marché serait inférieure. En outre, elle fait face dans cette zone à la concurrence de plusieurs radios locales telles que « Chérie FM Cambrésis Nord-Picardie », « Radio Metropolys », « RTL 2 Nord », « Virgin Radio Saint-Quentin », « N’Radio », « Echo FM », « Radiopuisaleine ».

73. Dans le département des Ardennes (08), la nouvelle entité sera également présente à travers deux médias : la PQR et la radio. En effet, le pôle CAP est en situation de monopole sur les marchés de la PQR dans ce département avec deux titres (« L’Union » et « L’Ardennais »). De plus, Rossel diffuse une radio (« Contact FM ») à laquelle s’ajoute une autre radio du Pôle CAP (« Champagne FM »). Contact FM est uniquement diffusée dans l’agglomération de Charleville-Mézières, zone sur laquelle la part de marché combinée des parties est de 4,4 % toutes catégories de radios confondues et 14 % en ne prenant en compte que les radios de catégorie A, B et C31. En outre, elle fait face dans cette zone à la concurrence de plusieurs radios locales telles que « RVM », « Virgin Radio Charleville », « Radio 8 », « France Bleu », « RCF Reims Ardennes ».

74. Les parties précisent que les couplages publicitaires entre différents supports ne sont pas offerts par le pôle CAP et ne le sont que très marginalement par Rossel, sur demande ponctuelle de certains annonceurs. Elles considèrent que l’opération n’est pas de nature à entraîner un développement de ce type d’offres.

75. Les chevauchements horizontaux qu’entraîne l’opération sur les marchés de la publicité dans la PQR et de la publicité radiophonique apparaissent en effet trop limités pour modifier les incitations du groupe Rossel en ce qui concerne le développement de couplages publicitaires entre médias.

76. Il ressort de ces éléments que la nouvelle entité n’aura ni la capacité ni l’incitation à verrouiller, à partir des marchés de la PQR, les marchés de la publicité radiophonique.

 

IV. Les engagements proposés par la partie notifiante

77. Afin de remédier aux atteintes à la concurrence que peut engendrer l’opération sur les marchés du lectorat de la PQR dans le département de l’Aisne (et plus précisément dans la zone de Saint-Quentin Chauny), la partie notifiante a déposé le 11 mars 2013 une proposition d’engagements qui a été modifiée en dernier lieu le 12 avril 2013. Le texte intégral de ces engagements, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.

78. L’ensemble des engagements proposés par Rossel ont été pris pour une durée de cinq ans. A l’issue de cette période, le maintien ou la levée totale ou partielle des engagements souscrits fera l’objet d’un examen par l’Autorité de la concurrence, au vu de l’évolution de l’environnement économique et concurrentiel des titres concernés et de la PQR en général.

79. Le suivi des engagements sera assuré par un mandataire indépendant de Rossel dont la mission sera de contrôler la bonne exécution des engagements par Rossel.

80. Pour garantir le maintien de la diversité éditoriale, Rossel s’engage à ne pas procéder à l’harmonisation des contenus locaux entre les éditions du « Courrier Picard », de « l’Aisne Nouvelle » et de « L’Union » diffusées dans la zone de Saint-Quentin-Chauny. De plus, Rossel s’engage à ne pas procéder à l’harmonisation des contenus régionaux et départementaux entre les éditions de « l’Union » et du « Courrier Picard » diffusées dans la zone de Saint Quentin-Chauny. En revanche, dans la mesure où « l’Aisne Nouvelle » ne comporte aucune rubrique dédiée à l’information régionale, le « Courrier Picard » pourra fournir à « l’Aisne Nouvelle » des contenus régionaux. Il ne lui fournira cependant pas de contenus départementaux. Cet engagement ne couvre pas l’information nationales et internationales et les informations par nature indifférenciées (bourse, météo, hippisme, programmes de télévision, horoscopes, jeux, etc.).

81. Cet engagement apparait suffisant et proportionné compte tenu des caractéristiques actuelles des contenus de « l’Aisne Nouvelle », du « Courrier Picard » et de « L’Union ». En effet, les trois titres ont une dimension locale marquée mais qui l’est encore plus pour « L’Aisne Nouvelle » qui consacre très peu de pages aux informations régionales, nationales et internationales (2 à 3 pages sur un journal qui en compte en moyenne 55). Ceci s’explique notamment par le fait que ce titre n’est pas diffusé quotidiennement, mais quatre jours par semaine, et qu’il ne fait l’objet que de deux éditions qui sont diffusées localement dans une partie seulement du département de l’Aisne alors que les titres « Courrier Picard » et « L’Union » font l’objet de plusieurs éditions et sont diffusés sur une échelle géographique plus large (départementale, voire régionale puisqu’ils sont diffusés dans plusieurs départements). Par ailleurs, au niveau régional, les sujets abordés apparaissent assez différents pour « L’Union » et « Courrier Picard ». En revanche, « L’Aisne Nouvelle » se distingue assez fortement des deux autres titres par le peu d’informations régionales qu’il contient et par le fait qu’il ne comporte aucune rubrique dédiée : ces informations, s’il y en a, apparaissent de façon très ponctuelle au fil des autres rubriques du titre. Le traitement de l’information nationale et internationale par ces trois titres n’est pas très différencié : généralement les informations se recoupent même si l’importance qui leur est accordée peut varier d’un journal à l’autre. Ainsi « L’Aisne Nouvelle » consacre une à deux pages aux informations nationales et internationales lorsque le « Courrier Picard » et « L’Union » leur consacrent en moyenne cinq pages. De plus, « L’Aisne Nouvelle » contient de nombreux petits encarts d’information « L’Actu en bref » reproduisant des dépêches AFP.

82. La partie notifiante garde la possibilité de dépêcher des journalistes communs, pour assurer la couverture factuelle d'un événement, mais sans que cela conduise à une harmonisation de fait des titres précités. Les engagements prévoient en conséquence que chaque titre gardera la liberté d’enrichir les dépêches d’information reçues, de ne pas les utiliser et de dépêcher leurs propres journalistes pour couvrir l'événement. Rossel s’est engagé à cet effet à maintenir une rédaction en chef indépendante pour chacun des titres « Courrier Picard », « L’Union » et « L’Aisne Nouvelle ». Ces titres continueront à disposer d'une rédaction en chef dédiée, comprenant au moins un rédacteur en chef et une équipe de journalistes en mesure de traiter l'information régionale, départementale et locale.

83. Pour maintenir l’actuelle diversité des titres de PQR dans la zone concernée, Rossel s’est également engagé à maintenir la diffusion des éditions du « Courrier Picard », de « L’Union » et de « L’Aisne Nouvelle » dans la zone de Saint Quentin-Chauny (pour autant que la diffusion payée de l’édition Saint Quentin du « Courrier Picard » dépasse une moyenne annuelle de 1 500 exemplaires pour 7 jours de diffusion hebdomadaire). Pour remplir ses obligations, Rossel aura la possibilité de répartir comme il l’entend ses agences et de procéder au découpage géographique des éditions locales des titres concernés, sous réserve de maintenir au moins une édition de chacun des titres concernés dans la zone de Saint-Quentin-Chauny.

84. L’ensemble de ces engagements permettront donc de maintenir les titres existant dans la zone géographique où la concentration a un impact concurrentiel tout en garantissant l’autonomie et la diversité de contenu des titres ainsi diffusés.

85. En conséquence, l’Autorité considère que les engagements proposés par la partie notifiante sont suffisants pour remédier aux effets anticoncurrentiels de l’opération.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 12-203 est autorisée sous réserve des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.

 

NOTES :

1 Les membres de la famille Hurbain détiennent également une participation dans la société immobilière belge Pacrina, dont l’activité consiste en la détention d’immeubles en Belgique, et dans la société de services informatiques Audaxis Belgique.

2 Les activités du groupe Rossel en Belgique sont organisées au sein de cinq pôles : (i) le pôle Rossel (dans le domaine de la presse francophone nationale belge avec les titres « Le Soir », « Grenz-Echo », « Victoire », « Références », « Soir Magazine » et « Metro ») ; (ii) le pôle Sud Presse (dans le domaine de la presse quotidienne régionale francophone en Belgique avec les titres « La Meuse », « La Nouvelle Gazette », « La Province », « La Capital » et « Nord Eclair ») ; (iii) le pôle Médiafin (dans le domaine de la presse quotidienne spécialisée en Belgique avec les titres « L’Echo » et « De Tijd » (financiers et économiques) ; (iv) le pôle Vlan (dans le domaine de la presse hebdomadaire régionale gratuite en Belgique avec les titres « Sillon Belge », « 7Dimanche », « Vlan Bruxelles », « Vlan Brabant Vallon », « Edition Locale », « L’Aclot », « Echo Haute Senne », « Vlan Liège », « La Quinzaine », « Spectacle », « Les Annonces », « Publi Tout », « Les Echos », « L’Annonceur », « Kurier Journal », « Der Wochenspiegel », « Journal 3 Frontières », « Ardenne Hebdo », « Info 2000 », « Hebdo 2000 », « La Lorgnette », « Vlan Ciney », « Publi Namur », « Publi Gembloux », « Andenne Potins », « Le Cayoteu », « Jeudi Soir », « Vlan Ouf », « Belgique Numéro 1 », « L’Echo Numéro », « Flash-Info » et « Lux-Post ») ; et (v) le pôle Audiovisuel (dans le domaine de la télévision francophone belge avec les chaînes « RTL TVI », « Club RTL » et « Plug TV » ainsi que dans le domaine des radios locales diffusées en Belgique avec les radios « Bel-RTL » et « Radio Contact »).

3 L’activité du groupe Rossel au Luxembourg et en Bulgarie est limitée à l’édition d’hebdomadaires régionaux gratuits.

4 Le groupe Rossel détient, hors du pôle Voix du Nord, quatre sociétés actives en France : (i) la filiale française d’Ebos qui a une activité de télémarketing et de centre d’appels ; (ii) la société Space qui développe et édite des publications périodiques, le plus souvent gratuites, dans le nord-est de la France (Thionville) ; (iii) la société Camnord Investissement, filiale de Rossel France, société holding intermédiaire; et (iv) la société Press-Frères, filiale de Rossel & Cie, société holding intermédiaire.

5 Il ressort des dispositions du pacte d’actionnaires conclu entre La Voix du Nord Investissement SA et le CANDF que le CANDF n’exerce pas de contrôle sur la Voix du Nord Investissement SA.

6 Le Pôle CAP exerce, à travers la société CAP Régies, une activité de régie publicitaire pour les sociétés éditrices des différents titres de presse. Il exerce également de manière marginale une activité de sous-régie pour la société 118-218, laquelle faisait l’objet d’un contrat avec la société 118-218 qui a été dénoncé avec effet au 31 décembre 2012.

7 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.3420, GIMD/Socpresse, 16 juin 2004, l’avis du Conseil de la concurrence n°05-A-18 du 11 octobre 2005 relatif à l’acquisition du Pôle Ouest de la société Socpresse et de fonds de commerce de la SEMIF par la société SIPA, la lettre n°C2005-18 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 28 octobre 2005 aux conseils de la société SIPA relative à une concentration dans le secteur de l'édition, l’avis du Conseil de la concurrence n°07-A-09 du 2 août 2007 relatif à la prise de contrôle conjoint de la société Delaroche par la société L’Est Républicain et la Banque Fédérative, la lettre n°C2007-27 du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 28 août 2007, au conseil de la BFCM et de L’Est Républicain, relative à une concentration dans le secteur de l’édition, la décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-72 du 14 décembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société EBRA par la Banque Fédérative du Crédit Mutuel et la décision de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-114 du 12 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe l’Est Républicain par la Banque Fédérative du Crédit Mutuel.

8 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n°IV/M.779, Bertelsmann/CLT, 7 octobre 1996 et n°COMP/M.5533, Bertelsmann/KKR/ JV, 8 septembre 2009, la décision du Conseil de la concurrence n° 93-D-59 du 15 décembre 1993 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la publicité, l’avis du Conseil de la concurrence n° 94-A-26 du 15 novembre 1994 relatif à la prise de contrôle par la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion des stations Fun Radio et M 40, la décision n° 96-D-44 du Conseil de la concurrence du 18 juin 1996 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la publicité, la lettre du 29 mai 1998 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie au directeur général de NRJ, relative à une concentration sur le marché de l’espace publicitaire radiophonique, la décision n°2000-D-45 du Conseil de la concurrence en date du 18 janvier 2001 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la radiodiffusion et à une demande de mesures conservatoires présentée par les sociétés Sud Bretagne Diffusion et Parf’un ; la décision du Conseil de la concurrence n°06-D-29 du 6 octobre 2006 relative à des pratiques mises en oeuvre par le GIE Les Indépendants dans le secteur de la publicité radiophonique et la lettre n°C2007-27 du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 28 août 2007 précitée.

9 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n°IV/M.779, Bertelsmann/CLT, et n°COMP/M.5533, Bertelsmann/KKR/ JV, précitées.

10 Voir notamment la lettre du ministre, de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 14 mars 2005, aux conseils de la société Unibail Holding SA, relative à une concentration dans le secteur de l’organisation de salons ; l’avis n° 07-A-10 du 26 septembre 2007 relatif au rapprochement des activités de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris et de la société Unibail Holding SA dans le secteur de la gestion de sites de congrès-expositions et de l’organisation de foires et salons ; la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 13 novembre 2007, aux conseils de la société CCIP, relative à une concentration dans le secteur de l’organisation de foires et salons.

11 Id.

12 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.3420, GIMD/Socpresse, l’avis du Conseil de la concurrence n°05-A-18 du 11 octobre 2005, la lettre n°C2005-18 du ministre en date du 28 octobre 2005, l’avis du Conseil de la concurrence n°07-A-09 du 2 août 2007, la lettre n°C2007-27 du ministre du 28 août 2007, la décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-72 du 14 décembre 2009 et la décision de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-114 du 12 juillet 2011 précités.

13 Id.

14 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n°IV/M.779, Bertelsmann/CLT, et n°COMP/M.5533, Bertelsmann/KKR/ JV, précitées.

15 Voir notamment la lettre du 29 mai 1998 du ministre et la décision du Conseil de la concurrence n°06-D-29 du 6 octobre 2006 précitées.

16 Voir notamment la lettre du 29 mai 1998 du ministre précitée.

17 Voir notamment la lettre du ministre du 13 novembre 2007 précitée.

18 En dehors de cette zone le « Courrier Picard » réalise quelques ventes marginales dans le reste du département de l’Aisne à des lecteurs ayant conservé une forte attache avec la zone de Saint Quentin.

19 Les éditions Aisne Nord et Laon de L’Union ont été regroupées au sein de l’édition Laon-Chauny-Thiérache en septembre 2012.

20 En avril 2012, Rossel a fermé l’unique agence qu’il détenait dans le département de l’Aisne, à Saint Quentin. L’agence est fermée au public depuis le mois de septembre 2012 et les démarches administratives de fermeture ont été achevées le 31 décembre 2012.

21 Voir notamment l’avis du Conseil de la concurrence n°05-A-18 précité et la décision de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-114 du 12 juillet 2011 précités.

22 Id.

23 La presse compte deux clientèles différentes mais interdépendantes l’une de l’autre pour les produits qui y sont échangés. Un titre de PQR s’adresse ainsi à un public de lecteurs mais aussi à un public d’annonceurs. Ces deux publics ont des attentes différentes mais l’intérêt du titre pour les annonceurs dépend évidemment de la quantité et de la qualité de son lectorat, tandis que l’intérêt du journal pour les lecteurs dépend, à son tour, outre le contenu éditorial, de la quantité et de la nature des petites annonces, telles que des annonces d’emploi ou des annonces immobilières.

24 Id.

25 A titre d’exemple, s’agissant de la vente d’espaces de petites d’annonces, le succès de sites internet comme « Le bon coin », « Se loger » ou « La Centrale » se fait au détriment de la PQR.

26 La grande distribution utilise ainsi massivement les prospectus pour assurer la publicité de ses points de vente sur leur zone de chalandise.

27 Les sociétés détenant les titres de PQR « L’Aisne Nouvelle » et « L’Union » connaissent un résultat d’exploitation négatif depuis 4 ans : -941 000 euros en 2011, -749 000 euros en 2010, -687 000 en 2009 et -728 000 en 2008 pour le premier ; -2,9 millions d’euros en 2011, -2,5 millions d’euros en 2010, -3,2 millions d’euros en 2009, -217 000 euros en 2008 pour le second.

28 Les estimations de parts de marché ont été établies par les parties sur la base des données d’audience cumulées, dans la mesure où des données constituent le paramètre essentiel pris en compte par les annonceurs pour déterminer leur choix et reflètent généralement les rapports de force en matière de publicité radiophonique locale.

29 Id.

30 Les estimations de parts de marché ont été établies par les parties sur la base des données d’audience cumulées, dans la mesure où des données constituent le paramètre essentiel pris en compte par les annonceurs pour déterminer leur choix et reflètent généralement les rapports de force en matière de publicité radiophonique locale.

31 Les estimations de parts de marché ont été établies par les parties sur la base des données d’audience cumulées, dans la mesure où des données constituent le paramètre essentiel pris en compte par les annonceurs pour déterminer leur choix et reflètent généralement les rapports de force en matière de publicité radiophonique locale.