ADLC, 28 novembre 2016, n° 16-DCC-184
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif par la société Caravelle de la société SAS Santoline
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 21 octobre 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société Caravelle de la société SAS Santoline, formalisée par un contrat de cession d’actions en date du 18 novembre 2016 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Caravelle est une société holding contrôlée par Mme Hélène Martel-Massignac et les membres de sa famille, via la société PH Finances*. Caravelle est active dans les secteurs de l’hôtellerie et de la carrosserie industrielle. En matière d’hôtellerie, Caravelle détient le contrôle conjoint de Belambra, cible de la présente opération, aux côtés de la Caisse des Dépôts et Consignations (ci-après, « CDC »)1. Elle détient également le contrôle exclusif de Cimes Exploitation, qui détient six hôtels clubs dans les Alpes, dont quatre sont exploités par Belambra.
2. Le groupe Belambra (ci-après, « Belambra ») est actif dans le secteur du tourisme de loisirs et exploite des résidences de tourisme, des villages club ainsi que des hôtels de manière plus marginale. Belambra commercialise ainsi 42 villages club, cinq résidences et sept hôtels.Préalablement à la présente opération, Belambra est contrôlée conjointement par Caravelle et la CDC.
3. Aux termes d’un contrat de cession d’actions, Caravelle acquerra 33,87 % du capital et des droits de vote de la société SAS Santoline qui sont actuellement détenus par la CDC. À l’issue de l’opération, Caravelle ainsi que ses dirigeants et salariés détiendront, directement et indirectement, 100 % du capital et des droits de vote de Belambra.
4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif par Caravelle de Santoline et, par conséquent, du groupe Belambra, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros lors du dernier exercice clos (Caravelle : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Belambra : […] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 50 millions d’euros (Caravelle : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Belambra : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de l’hôtellerie2.
A. LES MARCHÉS DE SERVICE
7. La pratique décisionnelle3 a envisagé plusieurs segmentations en fonction du prix et du degré de confort, sur la base du classement ou du niveau de confort des établissements ainsi que du mode d’exploitation4. A cet égard, la pratique décisionnelle distingue les chaînes hôtelières intégrées, les chaînes volontaires et les hôtels indépendants.
8. S’agissant de la distinction des établissements hôteliers en fonction du niveau de confort, la pratique décisionnelle5 a envisagé plusieurs méthodes de segmentation, tout en laissant la question ouverte : regroupement par paires d’étoiles (1-2 étoiles ; 2-3 étoiles ; 3-4 étoiles) ou en tenant compte de la catégorie immédiatement inférieure et de la catégorie immédiate supérieure (1-3 étoiles, 2-4 étoiles). La pratique décisionnelle a également envisagé de distinguer une catégorie économique (1-3 étoiles) et une catégorie d’hôtellerie de luxe (4 étoiles et plus).
9. Au cas d’espèce, les sept hôtels détenus par Belambra appartiennent aux catégories suivantes : - deux hôtels entrent dans la catégorie des hôtels deux étoiles : « Le Magendie » à Paris (75013) et « L’Orée des Pistes » aux Deux-Alpes (38) ; - quatre hôtels appartiennent à la catégorie des hôtels trois étoiles : « Le Villemanzy » à Lyon (69), « Le Normont » à Dourdan (91), « Le Grand Hôtel de la Mer » à Morgat (29) et « L’Arena Bianca » à Propriano (2A) ; - enfin, un hôtel non classé, « Le Vendôme », à Menton dans les Alpes-Maritimes (06).
10. Caravelle exploite pour sa part trois hôtels : deux appartenant à la catégorie des hôtels quatre étoiles, le château « Audrieu » à Audrieu dans le Calvados (14) et « L’Atmosphères » à Paris (75005), et un hôtel appartenant à la catégorie des hôtels cinq étoiles, « Le Cinq Codet » à Paris (75007).
11. La question de la délimitation exacte du secteur de l’hôtellerie peut toutefois être laissée ouverte car les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelles que soient les segmentations retenues.
B. LES MARCHÉS GEOGRAPHIQUES
12. Les autorités de concurrence considèrent que le marché de l’hôtellerie peut être analysé à la fois au niveau national, en particulier pour les chaînes d’hôtels, les conditions de concurrence étant homogènes sur l’ensemble du territoire métropolitain, et au niveau local, notamment parce que le critère de choix principal pour le client est la localisation de l’établissement6.
13. Au cas d’espèce, l’opération présente des chevauchements d’activité entre les parties, au niveau local, uniquement à Paris.
14. La question de la délimitation exacte des marchés géographiques peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit la délimitation retenue.
III. Analyse concurrentielle
15. Au niveau national, la nouvelle entité exploitera dix hôtels, soit une part de marché globale négligeable, très inférieure à 1 %. Sur le segment des hôtels de catégories 3 et 4 étoiles, la nouvelle entité exploitera cinq hôtels, soit une part de marché également négligeable (de l’ordre de [0-5] %).
16. Au niveau local à Paris, la nouvelle entité exploitera trois hôtels, soit une part de marché estimée à [0-5] %. L’opération n’engendrera par ailleurs aucun chevauchement d’activité entre les parties à Paris si l’on envisage les segmentations retenues par la pratique décisionnelle en fonction de la catégorie des hôtels concernés.
17. Par ailleurs, quelles que soient les segments de marché étudiés, la nouvelle entité restera confrontée à de nombreux hôtels, appartenant notamment à des chaînes importantes telles qu’Accor, Louvre Hôtels, Best Western et B&B Hôtels, ou à des indépendants.
18. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés du secteur de l’hôtellerie.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-206 est autorisée.
NOTES
1 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-06 du 15 janvier 2014 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe Belambra par la société Caravelle aux côtés de la Caisse des dépôts et des consignations.
* Rectification d’erreur matérielle.
2 Dans sa pratique décisionnelle, l’Autorité a considéré que les résidences de tourisme et les hôtels doivent être distingués dans la mesure où la concurrence entre ces deux modes d’hébergement s’exerce principalement sur les courts séjours. Voir, par exemple, la décision de l’Autorité n° 14-DCC-82 du 12 juin 2014 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe Park&Suites et du groupe GMI par le groupe M Finance et le fonds d’investissement Equistone. L’analyse menée est transposable aux villages club qui offrent soit une offre assimilable à celle des résidences de tourisme, soit à des clubs de vacances qui se distinguent principalement par l’existence de services de restauration collective, la mise à disposition d’une gamme très large de services et par un mode de tarification non pas par logement mais par personne (forfait « tout compris »).
3 Voir les décisions C2007-90/Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 27 août 2007, au conseil de la société Blackstone, relative à une concentration dans le secteur de l’hôtellerie, publiée au BOCCRF n° 8 bis du 26 octobre 2007, C2007-63/Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 29 mai 2007, aux conseils du fonds d’investissement Withehall 2005 relative à une concentration dans le secteur de l’hôtellerie, publiée au BOCCRF n° 6 bis du 28 juin 2007,
4 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne COMP/M.6058 – Bank of Scotland / Barclays Bank / Kew Green Hotels du 2 février 2011, COMP/M.3858 – Lehman Brothers / SCG / Starwood / Le Meridien du 20 juillet 2005 ainsi que COMP/M.1596 –Accor / Blackstone / Colony / Vivendi du 8 septembre 1999.
5 Décisions de la Commission M.2197 Hilton/Accor/Forte/Travel Service JV du 16 février 2001 ; M. 2997 Accor/Erbetz/Dirint du 23 décembre 2002 ; lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi n° C2007-90 / du 27 août 2007 au conseil de la société Blackstone, relative à une concentration dans le secteur de l’hôtellerie ainsi que les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 15-DCC-77 du 23 juin 2015 relative à la prise de contrôle exclusif par la société LFPI de la société LSF6/Alliance Holding SAS et n° 14-DCC-82 du 12 juin 2014 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe Park&Suites et du groupe GMI par le groupe M Finance et le fonds d’investissement Equistone.
6 Voir les décisions précitées.