Cass. 3e civ., 29 juin 2011, n° 10-19.975
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
M. Fournier
Avocat général :
M. Cuinat
Avocats :
SCP Bénabent, SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 2 mars 2010), que la commune de Thonon-les-Bains, propriétaire d'une parcelle de terrain donnée à bail commercial à la société Discothèque Le Malibu, a, par acte du 26 août 2004, délivré un congé à celle-ci pour le 30 avril 2005 avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction ; qu'une expertise, ordonnée en vue de déterminer le montant de celle-ci, était en cours lorsqu'un incendie, survenu dans la nuit du 1er au 2 juin 2005, a totalement détruit l'immeuble loué ; que, par acte du 5 octobre 2005, la commune de Thonon-les-Bains a assigné la société Discothèque Le Malibu en constatation de la résiliation du bail sur le fondement des dispositions de l'article 1722 du code civil ; que M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Discothèque Le Malibu, a sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de la commune à lui verser une certaine somme à titre d'indemnité d'éviction ; qu'en cours d'instance le département de la Haute-Savoie, cessionnaire du bien en cause, aux termes d'un contrat de vente passé le 18 septembre 2006, est intervenu volontairement à l'instance et a repris à son compte l'action de la commune en dénégation du droit à indemnité d'éviction ;
Sur les premier et deuxième moyens, réunis, ci-après annexés :
Attendu que M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Discothèque Le Malibu, a demandé à la Cour de cassation le renvoi au Conseil constitutionnel de la question de la constitutionnalité des dispositions de l'article 1722 du code civil au regard du principe constitutionnel du respect de la propriété privée garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que l'arrêt du 4 janvier 2011 de cette chambre a dit n'y avoir lieu à ce renvoi ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Discothèque Le Malibu, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction, alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que ce principe interdit notamment qu'une personne soit privée d'une espérance légitime de créance ; qu'un preneur à bail commercial auquel un congé a été délivré sans offre de renouvellement est titulaire d'une créance d'indemnité d'éviction dont il ne saurait être privé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel en décidant qu'en vertu de l'article 1722 du code civil la société Discothèque Le Malibu devait perdre le bénéfice de l'indemnité d'éviction qui lui était acquise, après qu'elle ait reçu un congé sans offre de renouvellement, du seul fait que les locaux commerciaux qu'elle exploitait avaient été totalement détruits par incendie, a violé l'article1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer ; que ce principe interdit notamment qu'une personne soit privée d'une espérance légitime de créance ; qu'un preneur à bail commercial auquel un congé a été délivré sans offre de renouvellement est titulaire d'une créance d'indemnité d'éviction dont il ne saurait être privé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel en décidant qu'en vertu de l'article 1722 du code civil la société Discothèque Le Malibu devait perdre le bénéfice de l'indemnité d'éviction qui lui était acquise, après qu'elle ait reçu un congé sans offre de renouvellement, du seul fait que les locaux commerciaux qu'elle exploitait avaient été totalement détruits par incendie, a violé l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, qu' en application de l'article 1722 du code civil, la destruction totale du bien loué avait entraîné la résiliation de plein droit du bail et la perte de ses droits contractuels et statutaires par la société Discothèque Le Malibu, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que cette société ne pouvait plus prétendre au versement d'une indemnité d'éviction qui ne lui était pas définitivement acquise au jour du sinistre et n'était pas entrée dans son patrimoine ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Discothèque Le Malibu aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Discothèque Le Malibu à payer au département de la Haute-Savoie la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.