ADLC, 6 décembre 2016, n° 16-DCC-200
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de France Cars par Avis Budget Group
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 3 novembre 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif de France Cars par Avis Budget Group, formalisée par un projet de protocole de cession d’actions du 13 septembre 2016 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Avis Budget Group (ci-après : « ABG ») est un groupe mondial actif dans le secteur de la location de véhicules. Il anime en France des réseaux de location de courte durée de véhicules de tourisme et de véhicules utilitaires aux enseignes Avis et Budget* à travers des succursales détenues en propre ([…]), des agences exploitées par des mandataires ([…]) et des agences exploitées par des franchisés ([…]). Le groupe exploite en outre une société de partage de véhicules dans une quinzaine d’agglomérations françaises, sous l’enseigne ZipCar. ABG est une société cotée à la bourse de New-York. Son capital est détenu par plusieurs fonds d’investissement et plusieurs personnes physiques sans qu’aucun actionnaire ne soit susceptible d’exercer à lui seul une influence déterminante.
2. France Cars est une société active dans le secteur de la location de courte durée de véhicules, principalement des véhicules utilitaires, au moyen d’un réseau de soixante-neuf agences détenues en propres. Son capital est détenu [confidentiel].
3. L’opération, formalisée par un projet de contrat de cession d’actions du 13 septembre 2016, a pour objet l’acquisition par ABG, via sa filiale Avis Europe Holding Limited, de l’intégralité du capital de France Cars. En ce qu’elle entraine la prise de contrôle exclusif de France Cars par ABG, elle s’analyse comme une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxe total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (ABG : 7,7 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; France Cars : 69,6 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (ABG : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; France Cars : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. MARCHES DE LA LOCATION DE VÉHICULES AUTOMOBILES
1. MARCHÉS DE SERVICE
5. La pratique décisionnelle définit les services de location de véhicules automobiles comme la mise à disposition, par le loueur à l’utilisateur, de véhicules pour une utilisation pendant une durée contractuellement déterminée1. Ce marché est segmenté en fonction de la catégorie de véhicule (véhicules industriels et véhicules de tourisme2). La pratique décisionnelle a en outre conduit des analyses sur un marché de la location de véhicules utilitaires. Elle a toutefois laissé ouverte la question de savoir si elle correspond à la catégorie des véhicules industriels d’un poids inférieur ou égal à 3,5 tonnes lequel constitue l’un des segments envisagés du marché de la location de véhicules industriels3. Une segmentation entre la location de véhicules de courte durée (inférieure à un an) et la location de longue durée (supérieure à un an) est également envisagée4.
6. En ce qui concerne la location de courte durée de véhicules de tourisme et de véhicules utilitaires, une segmentation plus fine a été envisagée en fonction du type de clientèle (particuliers, entreprises)5. La pratique décisionnelle a en outre identifié un marché de la fourniture aux sociétés d’assurance de services de mise à disposition d’un véhicule de remplacement pour leurs assurés en cas d’accident6, en amont de celui des services d’assistance automobile7.
7. L’Autorité de la concurrence, tout en laissant la question ouverte, a envisagé de retenir un marché de la fourniture de services de partage de véhicules automobile « à la carte » (ci-après : « auto-partage ») à destination des clients finals8. La Commission européenne quant à elle a laissé ouverte la question de l’appartenance ou non du marché de l’autopartage9 au marché de la location de courte durée de véhicule automobiles10. La question de la délimitation exacte de ces marchés peut toutefois être laissée ouverte, dès lors qu’elle est sans incidence sur les conclusions de l’analyse concurrentielle.
8. Au cas d’espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la location de courte durée des véhicules automobiles de tourisme et de véhicules utilitaires11 ainsi que sur celui de la fourniture aux sociétés d’assurance de services de mise à disposition de véhicules de remplacement.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
9. Les marchés de la location de véhicules automobiles peuvent revêtir une dimension nationale ou locale selon la nature des services rendus.
10. En ce qui concerne la location de courte durée de véhicules de tourismes et de véhicules utilitaires12, la pratique décisionnelle a laissé ouverte la question du caractère national ou local du marché.
11. La question de la délimitation exacte de ces marchés géographique peut également être laissée ouverte au cas d’espèce dès lors qu’elle est sans incidence sur les conclusions de l’analyse concurrentielle.
12. Au cas d’espèce, l’analyse concurrentielle est effectuée aux niveaux national et local pour les différents segments du marché de la location de courte durée à l’exception du segment des services de mise à disposition de véhicules de remplacement analysé au niveau national.
B. LA VENTE DE VÉHICULES D’OCCASION
13. La pratique décisionnelle13 a identifié un marché de la vente de véhicules d’occasion et retient une définition locale, généralement au niveau départemental14.
14. Au cas d’espèce, les parties sont simultanément présentes dans le département du Rhône (69). L’analyse concurrentielle est menée dans ce département.
III. Analyse concurrentielle
15. La présente opération est susceptible d’entraîner des effets horizontaux sur les marchés de la location de courte durée de véhicules automobiles de tourisme et utilitaires ainsi que sur le marché de la vente de véhicules d’occasion.
A. MARCHÉS DE LA LOCATION DE COURTE DURÉE DE VÉHICULES AUTOMOBILES
16. Le réseau de l’acquéreur s’appuyant en partie sur des franchisés, la part de marché de ces derniers ne devrait être intégrée à celle d’ABG que s’ils ne disposent pas d’une autonomie commerciale suffisante par rapport à la tête de réseau pour exercer une pression concurrentielle sur les agences intégrées. Cette question peut toutefois être laissée ouverte au cas d’espèce, dès lors que les résultats de l’analyse concurrentielle demeurent inchangés que l’on intègre ou non l’activité des franchisés dans la part de marché de la nouvelle entité. Les parts de marché suivantes tiennent compte de l’ensemble du réseau ABG, hypothèse la plus conservatrice.
17. Au niveau national, la nouvelle entité détiendra une part de marché inférieure à 20 %15, quel que soit le segment envisagé. L’analyse concurrentielle demeure inchangée si l’on inclut les services professionnels d’autopartage. La nouvelle entité fera face à de nombreux groupes concurrents, notamment Hertz, Europcar, Enterprise, Sixt, Rent-A-Car, Fraikin, Ada, Ucar, Renault Rent, VULog, Système U, Carrefour location, Intermarché location ou Bolloré. Sur un éventuel segment de la fourniture aux sociétés d’assurance de services de mise à disposition d’un véhicule de remplacement pour leurs assurés en cas d’accident, la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 20 %, avec un incrément inférieur à [0-5] points.
18. Au niveau local, l’opération entraine un chevauchement d’activités dans 41 agglomérations et 43 départements selon la délimitation géographique considérée. Dans l’ensemble de ces zones, la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 25 % quelle que soit la segmentation retenue, à l’exception des agglomérations de Narbonne (11) et de Lens (62) et des départements du Pas-de-Calais (62) et de la Somme (80). Dans ces quatre zones la position de la nouvelle entité sera comprise entre [20-30] % et [30-40] % selon le segment de marché considéré. Elle n’exploitera toutefois que [20-30] % des agences de la zone et fera face à la concurrence notamment d’Europcar, Hertz, Sixt, Ada, Enterprise, Ucar, Rent-A-Car, Système U, Carrefour location ou encore Intermarché location.
19. L’analyse concurrentielle locale demeure inchangée si l’on inclut les services professionnels d’autopartage dans les zones dans lesquels Zipcars est active.
20. Compte tenu de ce qui précède l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la location de courte durée de véhicules automobiles de tourisme et utilitaires.
B. VENTE DE VÉHICULES D’OCCASION
21. Dans le département du Rhône (69), la part de marché de la nouvelle entité demeure inférieure à [0-5] %.
22. L’opération n’est dès lors pas susceptible d’entrainer des effets anticoncurrentiels sur les marchés de la vente de véhicules d’occasion.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-201 est autorisée.
NOTES
* Rectification d’erreur matérielle.
1 Décision de la Commission européenne N° M.1810 VW/Europcar du 18 février 2000 ; lettre du ministre de l’économie SA Gueudet Frères relative à une concentration dans le secteur de l’exploitation de concessions automobiles du 17 octobre 2002.
2 Décision de la Commission européenne n°M.1739 Iveco/Fraikin du 3 décembre 1999 ; lettre du ministre de l’économie Eurazeo/ Fraikin SA relative à une concentration dans le secteur de la location de véhicules industriels du 17 février 2003 ; décisions de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-74 du 14 décembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société lovefrance SAS par la société Groupe Berto et n° 10-DCC-151 du 29 octobre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Austrasie par le groupe Lenormant.
3 Lettre C2006-43 du ministre de l’économie Eurazeo relative à une concentration dans le secteur de la location de véhicules automobiles du 3 mai 2006.
4 Décision de la Commission européenne M.1810 VW/Europcar du 18 février 2000 et la lettre du ministre de l’économie du 17 octobre 2002 précitées ; lettre du ministre de l’économie TEMsys relative à une concentration dans le secteur de la location longue durée de véhicules du 2 mars 2006 ; décision de la Commission européenne n°M.4199 De Lage Landen / Athlon du 12 juin 2006lettre C2008-18 du ministre de l’économie Leaseplan Corporation NV relative à une concentration dans le secteur de la location et de la gestion de flotte de véhicules automobiles du 19 juin 2008 ; décision de l’Autorité de la concurrence n°16-DCC-57 du 22 avril 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société financière Parcours par la société Temsys.
5 Décision de la Commission européenne n°M.2510 Cendant/Galileo du 24 septembre 2001 ; lettre C2006-43 du ministre du 3mai 2006 précitée.
6 Décision de la Commission européenne M.1810 VW/Europcar du 18 février 2000 et la lettre du ministre de l’économie du 17 octobre 2002 précitées.
7 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence° 14-DCC-143 du 29 septembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par la société BNP Paribas Cardif de la société Icare et n° 15-DCC-95 du 15 juillet 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la Société Financière JPC par la Société Financière CLC.
8 Décision de l’Autorité n° 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d’une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations.
9 Ce marché inclus les services d’autopartage offerts par des professionnels à des particuliers ou des entreprises mais non le partage de véhicule entre particuliers qui, selon une étude Xerfi de 2016 ne concernait en 2015 que 3 % de la location de véhicule.
10 Décision de la Commission européenne n°M.6333 BMW/Ing Carlease du 23 septembre 2011.
11 Les parties sont simultanément actives, à titre marginal, sur le marché de la location de véhicules industriels dont le poids est compris entre 3,5 et 15 tonnes, avec une part de marché cumulée inférieure à [0-5] % au niveau national.
12 Voir notamment la lettre C2006-43 du ministre de l’économie du 3mai 2006 et la décision de l’Autorité de la concurrence n°16-DCC-57 du 22 avril 2016 précitées.
13 Voir notamment la lettre C2005-79 du Ministre de l’économie, la décision de la Commission européenne n°M.5347 Mapfre/Salvador Caetano/JVs du 20 avril 2009 ; les décisions de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-01 du 8 avril 2009 ; n° 10-DCC-23 du 1er mars 2010 et n° 16-DCC-99 du 6 juillet 2016 relative à la prise de contrôle exclusif par By My Car Group de l’activité de distribution automobile du groupe Delorme.
14 Id.
15 Les parties ont fourni des parts de marché exprimées en flotte de véhicules. L’analyse concurrentielle est complétée au besoin par des données en nombre d’agences.