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Décisions

Cass. com., 29 juin 2022, n° 21-10.981

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. RÉMERY

Bordeaux, du 02 nov. 2020

2 novembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt aaqué (Bordeaux, 2 novembre 2020) et les producons, le 22 décembre 2006, la société AJS a consen à la société Les Sereniales un bail commercial et un prêt à usage d'une durée de onze années et neuf mois, moyennant le versement d'un loyer annuel de 168 000 euros.

2. Le 27 janvier 2015, la société Les Sereniales a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, M. [I] étant désigné administrateur judiciaire et M. [P], remplacé ensuite par M. [U], mandataire judiciaire.

3. Le 24 mars 2015, la société AJS a déclaré une créance, à tre privilégié, au tre de loyers et d'une indemnité convenonnelle de frais conteneux de 10 %, recfiée le 27 mars 2015.

4. Le 31 juillet 2015, l'administrateur judiciaire a informé la société AJS de ce qu'il résiliait le bail, avec effet au 31 août 2015.

5. Le 11 septembre 2015, la société AJS a déclaré des créances complémentaires résultant de cee résiliaon, dont une créance de 589 102,99 euros au tre de la perte des loyers jusqu'à la fin du bail et du remboursement de l'impôt foncier.

6. Le mandataire judiciaire a contesté ces créances déclarées à tre complémentaire.

7. Par un acte du 15 janvier 2016, la société AJS a assigné la société Les Sereniales et les organes de sa procédure collecve devant un tribunal de grande instance, afin de voir juger que la résiliaon ancipée du bail lui avait causé un préjudice et d'obtenir en conséquence, notamment, la 

fixaon de sa créance à la somme de 589 102,99 euros, déclarée au passif, et équivalant au montant des loyers et de l'impôt foncier dus jusqu'au terme du bail.

8. Par une ordonnance du 7 mars 2016, le juge-commissaire a constaté l'existence d'une instance en cours relavement à cee créance.

9. Un jugement du 9 novembre 2016 a arrêté le plan de sauvegarde de la société Les Sereniales pour une durée de dix ans.

Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen

10. La société AJS fait grief à l'arrêt, par une même décision, de révoquer l'ordonnance de clôture, de fixer la clôture au jour des plaidoiries et de déclarer irrecevable l'acon de la société AJS, alors « que lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cee décision qui doit être movée par une cause grave doit intervenir avant la clôture des débats ou sinon s'accompagner d'une réouverture de ceux-ci, de sorte qu'une même décision ne peut simultanément révoquer l'ordonnance de clôture et statuer sur le fond du lige ; qu'en révoquant l'ordonnance de clôture du 14 septembre 2020 pour fixer celle-ci au jour des plaidoiries le 5 octobre 2020 par une décision postérieure du 2 novembre 2020 statuant simultanément sur le fond du lige, sans ordonner la réouverture des débats, la cour d'appel a violé les arcles 16, 803 et 907 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les arcles 16 et 784, devenu 803, du code de procédure civile :

11. Selon ces textes, lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cee décision, qui doit être movée par une cause grave, doit intervenir avant la clôture des débats ou, sinon, s'accompagner d'une réouverture de ceux-ci, de sorte qu'une même décision ne peut simultanément révoquer l'ordonnance de clôture et statuer sur le fond du lige.

12. Pour révoquer l'ordonnance de clôture du 14 septembre 2020, fixer la nouvelle clôture au 5 octobre 2020, jour de plaidoiries, et ainsi admere les conclusions communiquées le 1er octobre par la société Les Sereniales et le commissaire à l'exécuon de son plan, l'arrêt reent que, postérieurement à l'ordonnance de clôture, il a été proposé aux pares de produire des observaons et que cee demande constue la cause grave prévue par l'arcle 803 du code de procédure civile, rendu applicable à la procédure d'appel par renvoi de l'arcle 907 du même code.

13. En procédant ainsi, sans ordonner la réouverture des débats, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen

14. La société AJS fait grief à l'arrêt de déclarer son acon irrecevable, alors « que par une ordonnance définive du 7 mars 2016, le juge commissaire a renoncé à fixer le montant de la créance déclarée au tre de la résiliaon du bail en constatant l'existence d'une instance en cours devant le tribunal de grande instance de Périgueux tendant à la fixaon de la créance de la société AJS pour la somme de 589.102,99 euros ; qu'en décidant néanmoins qu'il appartenait à la société AJS de poursuivre la procédure de fixaon de sa créance devant le juge commissaire, quand celui-ci avait renoncé à trancher cee contestaon, la cour d'appel qui a méconnu l'autorité de la chose jugée aachée à cee ordonnance, a violé l'arcle 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour
Vu l'arcle 1351, devenu 1355, du code civil, et les arcles L. 622-22 et L. 622-24 du code de

commerce :

15. L'ordonnance par laquelle le juge-commissaire constate, fût-ce à tort, qu'une instance est en cours, le dessaisit et rend irrecevable toute nouvelle demande formée devant lui pour la même créance.

16. Pour déclarer irrecevable l'acon de la société AJS, tendant à voir fixer sa créance indemnitaire consécuve à la résiliaon du bail en cours, l'arrêt énonce que la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, édictée par l'arcle L. 622-21 du code de commerce, constue une fin de non-

recevoir d ordre public qui impose au juge de la relever d office et qu elle s applique en parculier

aux indemnités résultant de la décision de l'administrateur judiciaire de mere fin au bail en cours, qui sont exclues de la priorité de paiement de l'arcle L. 622-17 du même code et soumises à déclaraon. L'arrêt en déduit qu'il appartenait à la société AJS, qui avait déjà déclaré sa créance au passif, de poursuivre la procédure de fixaon de sa créance devant le juge-commissaire, dès lors que seule une instance en cours devant un juge du fond au jour du jugement d'ouverture enlève au juge-commissaire le pouvoir de décider de l'admission ou du rejet de la créance déclarée.

17. En statuant ainsi, alors que, par une ordonnance du 7 mars 2016, invoquée dans les conclusions d'appel de la société AJS et régulièrement communiquée par celle-ci, le juge- commissaire avait constaté, fût-ce à tort, que la créance déclarée par cee société pour la somme de 589 102,99 euros, au tre de la perte des loyers jusqu'à la fin du bail et du remboursement de l'impôt foncier, était l'objet d'une instance en cours, de sorte que le juge-commissaire était dépourvu de tout pouvoir pour se prononcer sur la fixaon de cee créance au passif de la société débitrice, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses disposions, l'arrêt rendu le 2 novembre 2020, entre les pares, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les pares dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne la société Les Sereniales aux dépens ;
En applicaon de l'arcle 700 du code de procédure civile, rejee les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassaon, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassaon, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société AJS. PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société AJS fait grief à l'arrêt INFIRMATIF aaqué d'avoir, par une même décision, révoqué l'ordonnance de clôture du 14 septembre 2020, fixé la clôture au jour des plaidoiries, infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Périgueux le 6 février 2018 et déclaré irrecevable l'acon de la société AJS ;

ALORS QUE lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cee décision qui doit être movée par une cause grave doit intervenir avant la clôture des débats ou sinon s'accompagner d'une réouverture de ceux-ci, de sorte qu'une même décision ne peut simultanément révoquer l'ordonnance de clôture et statuer sur le fond du lige ; qu'en révoquant l'ordonnance de clôture du 14 septembre 2020 pour fixer celle-ci au jour plaidoiries le 5 octobre 2020 par une décision postérieure du 2 novembre 2020 statuant simultanément sur le fond du lige, sans ordonner la réouverture des débats, la cour d'appel a violé les arcles 16, 803 et 907 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

La société AJS fait grief à l'arrêt infirmaf aaqué d'avoir, déclaré irrecevable l'acon de la société AJS après avoir révoqué l'ordonnance de clôture du 14 septembre 2020 et fixé la clôture au jour des plaidoiries, infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Périgueux le 6 février 2018 et déclaré irrecevable l'acon de la société AJS ;

1°) ALORS QUE le juge doit viser et statuer sur les dernières conclusions régulièrement déposées par les pares ; que la fixaon d'une nouvelle date de clôture rend recevables les conclusions déposées après la date de clôture inialement fixée ; qu'en statuant au vu des conclusions prétendument déposées en dernier lieu le 11 septembre 2020 par la société AJS, quand celle-ci avait déposées des conclusions le 5 octobre 2020, réfutant le moyen nouveau développé pour la première fois par la pare adverse dans ses conclusions du 1er octobre 2020, ré de l'irrecevabilité de l'acon introduite devant le tribunal de grande instance de Périgueux, que la révocaon de l'ordonnance de clôture du 14 septembre 2020 rendaient recevables, la cour d'appel a violé les arcles 455, 803, 907 et 954 du code de procédure civile :

2°) ALORS QU'en prétendant relever d'office un moyen ré de la méconnaissance de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, tout en fondant en réalité sa décision d'irrecevabilité sur une incompétence du tribunal de grande instance à fixer le montant de la créance déjà déclarée devant le juge commissaire, la cour d'appel qui n'a pas ré les conséquences légales de ses propres constataons a violé les arcles L 622-17 et L 622-21 et L 624-2 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE le juge doit en toute circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradicon ; qu'il ne peut relever d'office un moyen retenir le moyen ré de son défaut de pouvoir juridiconnel sans avoir au préalable invité les pares à présenter leurs observaons ; qu'en relevant d'office le moyen ré de l'arrêt des poursuites individuelles ou en réalité celui ré du défaut de pouvoir juridiconnel du tribunal de grande instance pour statuer sur la créance déclarée au profit du juge commissaire sans avoir préalablement invité les pares à présenter leurs observaons, a violé l'arcle 16 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE lorsque le juge commissaire constate que la contestaon présente un caractère sérieux et se trouve suscepble d'avoir une influence sur l'existence ou le montant de la créance déclarée, la contestaon ne relève pas de son pouvoir juridiconnel ; que le juge commissaire sursoit à statuer en invitant les pares à saisir le juge comptent ; qu'en affirmant, pour dire l'acon engagée devant le tribunal de grande instance irrecevable qu'il appartenait à la société AJS de poursuivre la procédure de fixaon de sa créance devant le juge commissaire dans la mesure où seule une instance en cours devant le juge du fond au jour du jugement d'ouverture enlève au juge commissaire le pouvoir de décider de l'admission ou du rejet de la créance déclarée quand le juge commissaire avait renoncé par une ordonnance du 7 mars 2016 à fixer la créance après avoir constaté l'accord des pares sur la saisine du tribunal de grande instance de Périgueux, la cour d'appel a violé l'arcle L 624-2 du code de commerce ;

5°) ALORS QUE par une ordonnance définive du 7 mars 2016, le juge commissaire a renoncé à fixer le montant de la créance déclarée au tre de la résiliaon du bail en constatant l'existence d'une instance en cours devant le tribunal de grande instance de Périgueux tendant à la fixaon de la créance de la société AJS pour la somme de 589.102,99 euros ; qu'en décidant néanmoins qu'il appartenait à la société AJS de poursuivre la procédure de fixaon de sa créance devant le juge commissaire, quand celui-ci avait renoncé à trancher cee contestaon, la cour d'appel qui a méconnu l'autorité de la chose jugée aachée à cee ordonnance, a violé l'arcle 1355 du code civil.