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Décisions

ADLC, 12 octobre 2016, n° 16-DCC-202

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Intelcia Group par la société Altice International

ADLC n° 16-DCC-202

11 octobre 2016

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 4 novembre 2016, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Intelcia Group par la société Altice International, formalisée par un protocole d’accord en date du 20 octobre 2016 et plusieurs contrats de cession d’actions en date du 20 et 21 octobre 2016 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Altice International SARL est une société détenue à 100 % par Altice Luxembourg SA, elle-même détenue par la société Altice Group Lux. Altice NV, société de tête de groupe qui détient l’ensemble des actions d’Altice Group Lux, à l’exception d’une action détenue par la société Altice France Bis, indirectement contrôlée par Altice Luxembourg SA, l’ensemble de ces sociétés constituant le groupe Altice ultimement et exclusivement contrôlé par M. Patrick Drahi. En France, le groupe Altice est actif dans les secteurs des télécommunications et des médias. Dans le secteur des télécommunications, le groupe Altice contrôle SFR Group qui est essentiellement actif sur les marchés français de gros et de détail des communications électroniques à destination des particuliers et des entreprises à travers ses filiales SFR, SRR, NC Numericable et Completel.

2. Intelcia Group SA (ci-après, « Intelcia ») est une société anonyme de droit marocain actuellement détenue à […] % par des membres de sa direction, à […] % par la société Fonds Capmezzanine Capital, et à […] % par d’autres actionnaires historiques. Intelcia est active dans le secteur des centres d’appels externalisés. Elle offre des solutions d’externalisation de services de relation client et propose également des prestations de support technique et de service client téléphonique, des réalisations d’enquêtes et de sondages téléphoniques ainsi que des prestations de commercialisation d’offres spécifiques à destination des entreprises.

3. L’opération envisagée consiste en l’acquisition de la totalité du capital et des droits de vote d’Intelcia par la société Altice International, par l’intermédiaire d’une société créée pour les besoins de l’opération.

4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif d’Intelcia par le groupe Altice, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Altice : 14,55 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ; Intelcia : […] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Altice : 11,01 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2015 ; Intelcia : […] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. L'opération envisagée concerne le secteur des centres d’appels externalisés où seule Intelcia est active.

A. LES MARCHES DE SERVICES

7. Le secteur des centres d’appels comprend des activités internalisées et externalisées. Les premières sont gérées en interne par les entreprises et les secondes sont gérées par des sous-traitants. L’externalisation peut permettre à l’entreprise cliente d’éviter des investissements lourds en matériels, locaux et technologie nécessaires, ou de gérer un débordement durant une période de pointe, ou de répondre à un besoin complexe.

8. La pratique décisionnelle nationale et européenne a envisagé l’existence d’un marché des centres d’appels externalisés, couvrant une variété de services s’étendant des services de relation client tels que les services de standard ou de facturation aux services de support technique tels que les lignes d’assistance, tout en laissant ouverte la question d’une éventuelle sous-segmentation de ce marché1.

9. Il a également été envisagé une segmentation en fonction de la valeur des contrats entre grands contrats supérieurs à un million d’euros et contrats inférieurs à un million d’euros2.

10. Au cas d’espèce, la question de la délimitation précise du marché des centres d’appels externalisés peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelles que soient les segmentations retenues.

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

11. La pratique décisionnelle considère que le marché des centres d’appels externalisés est de dimension nationale ou supranationale3.

12. Il n’est cependant pas nécessaire au cas d’espèce de se prononcer sur la délimitation géographique exacte de ce marché, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit la délimitation retenue.

III. Analyse concurrentielle

13. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.

14. L’Autorité considère néanmoins qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci4.

15. En l’espèce, le groupe Altice, présent dans le secteur des télécommunications et des médias, a recours à des sous-traitants qui lui fournissent un ensemble de services de centres d’appels, tels que des services de relation client ou de télévente. Actuellement, Intelcia réalise […] % de son chiffre d’affaires avec le groupe Altice.

16. Sur le marché national des centres d’appels externalisés, la part de marché d’Intelcia est estimée à [0-5] %. Elle est inférieure à [5-10] %, quelles que soient les segmentations envisagées. Par ailleurs, Intelcia fait face à de nombreux acteurs, tels que les sociétés Arvato Bertelsmann, Webhelp, ou Acticall Sitel. Dès lors, les concurrents du groupe Altice continueront à avoir accès à un large choix de sous-traitants à l’issue de l’opération.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 16-211 est autorisée.

NOTES

1 Voir notamment décision de la Commission européenne COMP/M.4721, AIG Capital Partners / Bulgarian Telecommunications Company du 27 juillet 2007, décision de la Commission européenne COMP/M.2598, TDC/CMG/MIGWAY JV du 4 octobre 2001, décision n° 10-DCC-67 du 25 juin 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Aurénis par la société La Financière Patrimoniale d’Investissement, C2007-120 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 23 août 2007, au conseil du FCPR CIC LBO Fund, relative à une concentration dans le secteur des centres d’appels téléphoniques, C2007-137 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 17 octobre 2007, au conseil de la société Finapertel, relative à une concentration dans le secteur de la fourniture à distance de services de relation client, Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 18 juillet 2002 au conseil de la société Armatis relative à une concentration dans le secteur des services de réseaux spécialisés.

2 Cette segmentation a été envisagée dans la Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 18 juillet 2002 au conseil de la société Armatis relative à une concentration dans le secteur des services de réseaux spécialisés, précitée.

3 Voir notamment la décision COMP/M.2598 précitée et la décision n° 10-DCC-67 précitée.

4 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 453.