Livv
Décisions

ADLC, 10 juillet 2013, n° 13-DCC-75

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle de la société Réservoir Team SAS par la société Towerbrook Capital Partners LP

ADLC n° 13-DCC-75

9 juillet 2013

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 7 juin 2013, relatif à la prise de contrôle de la société Réservoir Team SAS par la société Towerbrook Capital Partners LP, formalisé par un protocole d’achat d’actions et par un pacte d’actionnaires signés le 20 mai 2013 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Towerbrook Capital Partners LP (ci-après « TCP »), société de droit américain, est la société de gestion des trois fonds d’investissement du groupe Towerbrook, Towerbrook Investors LP, Towerbrook Investors II LP et Towerbrook Fund III. TCP est contrôlée conjointement par MM. [X] et [Y] qui détiennent chacun […] % du capital et […] % des droits de vote de TCP, ainsi [confidentiel]. Towerbrook contrôle des sociétés présentes dans différents secteurs d’activité, tels que la distribution de vêtements et de chaussures (par le biais des groupes Phase Eight et True Religion1), la vente de boissons, de matériaux de construction, le crédit, les assurances, les services financiers, les télécommunications et l’ingénierie.

2. Réservoir Team SAS est la société de tête du groupe Kaporal, qui est actif dans le secteur de la vente au détail de vêtements et de chaussures en France, en Belgique et au Luxembourg. Réservoir Team SAS est contrôlée par M. [Z].

3. Selon les termes du protocole d’achat d’actions et du pacte d’actionnaires du 20 mai 2013 l’opération consiste en l’acquisition de 100 % du capital et des droits de vote de Réservoir Team SAS par la société Kaporal 5 SARL, véhicule d’investissement dont le groupe Towerbrook détiendra 73 % du capital et des droits de vote à l’issue de l’opération. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif du groupe Kaporal par le groupe Towerbrook, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Towerbrook : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2011 ; groupe Kaporal : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012). Deux au moins de ces entreprises réalise en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Towerbrook : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2011 ; groupe Kaporal : […] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2012). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur de la vente de vêtements et de chaussures.

 

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES

6. Dans le secteur de la vente de vêtements et de chaussures, la pratique décisionnelle2 distingue les marchés amont de l’approvisionnement et les marchés aval de la vente au détail. En l’espèce, les parties à l’opération sont simultanément présentes sur les marchés amont de l’approvisionnement en vêtements et en chaussures en tant qu’acheteuses, et sur les marchés aval de la vente au détail de vêtements et de chaussures en tant que vendeuses.

7. En ce qui concerne la vente au détail de vêtements et de chaussures, la pratique décisionnelle3 a retenu des segmentations de marchés en fonction (i) du genre4 (homme, femme, enfant), (ii) du niveau de gamme des produits5 (bas, moyen, haut de gamme) et (iii) du canal de distribution6 (boutique spécialisée, GSS, GSA).

8. Par ailleurs, la pratique décisionnelle7 a envisagé une distinction entre les ventes en magasin et les ventes à distance, tous canaux de vente à distance confondus, de vêtements et de chaussures. S’agissant des ventes à distance de chaussures, la pratique décisionnelle8 a envisagé des segmentations entre chaussures d’intérieur et chaussures d’extérieur, et à l’intérieur de la catégorie des chaussures d’extérieur, a envisagé de définir un marché des chaussures de sport et un marché des chaussures spécialisées.

9. Au cas d’espèce, la question de la définition exacte des marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.

 

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

10. Selon la pratique décisionnelle9, les marchés de l’approvisionnement en vêtements et de l’approvisionnement en chaussures sont de taille mondiale.

11. S’agissant de la distribution au détail de vêtements et de chaussures, la concurrence s’exerce entre les points de vente situés sur des zones de chalandise. Deux critères ont été utilisés10 pour délimiter ces zones :

- d’une part, du point de vue des consommateurs, il existe autant de marchés que de villes où sont situés les détaillants susceptibles de vendre ces articles, chacun de ces marchés correspondant à la zone d’attraction commerciale où peuvent, très généralement, être acquis des vêtements ou des chaussures ; et

- d’autre part, le marché géographique pertinent correspondrait, pour les GSA et les GSS à un rayon d’attractivité de 20 minutes de trajet en voiture. Cette zone de chalandise est également retenue en ce qui concerne les magasins implantés dans des centres commerciaux adossés à des GSS ou des GSA.

12. Par ailleurs, la pratique décisionnelle nationale11 a évoqué le poids croissant de chaînes de distribution spécialisées, constituées de réseaux de points de vente sous une enseigne commune, exploités en propre, en franchise ou en groupement d’achats et présentes sur l’ensemble du territoire national, voire dans de nombreux pays. Elle a ainsi soulevé la question de l’intérêt d’une analyse sur des marchés au moins nationaux.

13. En l’espèce, cette question peut cependant être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la délimitation retenue.

III. Analyse concurrentielle

14. Les activités des parties se chevauchent sur les marchés de l’approvisionnement en vêtements et chaussures, à l’amont, et sur les marchés de distribution au détail de vêtements, sur lesquels il convient de mener une analyse des effets horizontaux de l’opération. En revanche, ni Phase Eight, contrôlée par Towerbrook, ni True Religion, en cours d’acquisition par Towerbrook, ne commercialisent de chaussures en France. Les marchés avals de la vente de chaussures ne sont donc pas concernés par l’opération notifiée.

 

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT EN VÊTEMENTS ET CHAUSSURES

15. Les parties sont simultanément présentes sur le marché de l’approvisionnement en vêtements et sur le marché de l’approvisionnement en chaussures, qui sont de dimension mondiale. Sur ces marchés, la part de marché cumulée des parties est inférieure à [0-5] %.

16. L’opération n’est donc pas susceptible de soulever des problèmes de concurrence sur les marchés amont de l’approvisionnement en vêtements et chaussures.

 

B. SUR LES MARCHÉS AVAL DE LA VENTE AU DÉTAIL DE VÊTEMENTS

17. Au niveau national, True Religion, Phase Eight et Kaporal représentent moins de [0-5] % du marché global de la vente au détail de vêtements en France. Si l’on tient compte de segmentations de ce marché en fonction (i) du type de clientèle, (ii) du niveau de gamme des produits et (iii) des canaux de distribution, la part de marché cumulée des parties est inférieure à [5-10] % et l’incrément induit par l’opération est inférieur à [0-5] %, quelle que soit la segmentation retenue.

18. Au niveau local, True Religion et Kaporal ne sont simultanément présents qu’à Paris, les produits True Religion n’étant distribués que par le magasin Le Printemps, à Paris. La part de marché cumulée des parties n’excède pas [0-5] % sur les marchés de la vente au détail de vêtement à Paris, quelle que soit la segmentation retenue (par genre, niveau de gamme de produits, canaux de distribution).

19. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la vente au détail de vêtements.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 13-075 est autorisée.  

 

NOTES :

1 Le groupe Towerbrook est engagé dans le processus d’acquisition du contrôle de la société True Religion au moment de la notification de la présente opération.

2 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2007-28 du 30 avril 2007, aux conseils de la société Vivarte, relative à une concentration dans le secteur de l’habillement et la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-179 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Maus Frères des sociétés Lacoste SA et Patentex..

3 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-86 du 4 août 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Aster-Mod par la société Verywear, et la décision de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-139 du 27 octobre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint de Maje, Sandro, Claudie Pierlot et HF Biousse par L Capital et Floracn.

4 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-129 du 31 janvier 2006 aux conseils de la société Glam relative à une concentration dans le secteur du prêt-à-porter.

5 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 24 juillet 2003 aux conseils de la société Vetir SA relative à une concentration dans le secteur de la distribution de vêtements.

6 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 24 juillet 2003 précitée, la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-159 du 12 novembre 2010 relative à la prise de contrôle de la société Comptoir Français de la Mode par la société Du Pareil au Même, et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-86 et, n° 10-DCC-139 précitées.

7 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-77 du 9 juillet 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Afibel SAS par la société Damartex SA.

8 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-77 précitée.

9Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC-49 du 24 mars 2011 relative à l’acquisition des actifs du groupe La City par le groupe Beaumanoir.

10 Voir Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2007-28 précitée et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-139 et n° 10-DCC-159 précitée.

11 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-139 et n°10-DCC-159 précitées.